Recension des expressions équestres et équines

Bonjour tout le monde,

ça fait un moment que je n'ai pas posté quelque chose ici! Ailleurs non plus, en fait. Mais bon, faut bien bosser. Hors là, je viens de finir de me cogner ce qu'on appelle une recension.
Une recension des expressions françaises qui portent un peu sur le cheval, son attirail, son environnement ou son cavalier.

Alors évidemment, je n'ai sans aucun doute pas fini de faire le tour. Cela sera donc à suivre.

Les expressions qui suivent et leur définition sont issues du site, très bien fait et très intéressant, expressio.fr. Il est bien évident que mon travail n'est ici qu'un recensement. C'est à l'auteur du site qu'il incombe de recevoir les félicitations du travail accompli.



« Sonner l'hallali  »


Signification:
Annoncer la défaite, la ruine, la déchéance (de quelqu'un, de quelque chose).
Proclamer sa victoire.


 
Origine: Non, l'hallali n'est pas ce dépôt qu'on trouve au fond de certaines bouteilles de vin ! Et, par conséquent, on ne boit pas avec Alice jusqu'à l'hallali.

L'hallali est le dernier temps de la chasse à courre, celui où la bête pourchassée est mise à mort.
À la fin du XVIIe siècle, le mot existe sous la forme "ha la ly". Il est composé du verbe 'haler' ("exciter les chiens") et d'une contraction de "à lui" au sens de "après lui" ('lui' étant l'animal pourchassé).
L'hallali était d'abord le cri qui annonçait que la bête poursuivie est aux abois. C'est ensuite devenu le son du cor qui signale la même chose (on disait donc déjà "sonner l'hallali", mais au sens propre). Ce n'est qu'au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle qu'il a servi à désigner le moment de la mise à mort.

Au figuré, sonner l'hallali s'est ensuite appliqué à toute annonce de destruction de / de victoire sur quelqu'un ou quelque chose.



 
« Mettre à pied  »


Signification: Renvoyer, congédier (un employé).


 
Origine: A partir du XVe siècle, cette expression signifiait "priver de son cheval" ou de ses chevaux.
Ainsi, le cavalier ou grenadier qui avait commis une faute et qu'on privait momentanément de son cheval, lui faisant subir une double humiliation puisqu'il revenait au niveau de la "piétaille" et qu'on lui affectait des tâches ingrates.

La signification actuelle apparaît au XIXe siècle.



 
« Ne pas se trouver sous le pas (sabot, pied) d'un cheval (d'une mule)  »

 
Signification: Être rare, très difficile à trouver (principalement pour des choses de valeur).

 
Origine: A l'origine, au XVIIe siècle, l'expression contenait 'dans le pas d'un cheval', le pas voulant dire 'trace'.

Si cette expression est une négation, c'est parce que chacun sait que ce qu'on trouve habituellement dans la trace d'un cheval, ce n'est pas rare du tout et ça n'a pas une grande valeur, sauf peut-être comme engrais ou pour un piaf frigorifié, pour lui permettre de se réchauffer (à condition que la motte soit 'fraîche').

Le sens de pas pour 'trace' n'étant plus compris, 'dans' a fini par être remplacé par sous et le pas souvent remplacé par 'sabot', ce qui est compréhensible, d'autres fois par 'pied', car le cheval fait partie de ces rares animaux qui, comme l'homme, ont des 'pieds'.
Le cheval, lui, est des fois remplacé par un autre équidé, tout autant producteur de 'traces'.



 
« Tirer à hue et à dia  »


Signification: Aller dans des directions opposées.
Agir de manière contradictoire, de façon désordonnée.


 
Origine: 'hue' ('hurhaut', autrefois) et 'dia' ont été des cris de charretiers pour exciter un cheval et le faire avancer, ou des cris de laboureur pour faire aller le cheval de trait à droite ou à gauche, respectivement.

Par extension, celui qui tire à hue et à dia (sous-entendu : simultanément) fait preuve d'un manque d'organisation certain ou est condamné à être écartelé.

Au XVIIe siècle, on utilisait l'expression "il n'entend ni à hue, ni à dia" pour dire de quelqu'un que "on ne saurait lui faire entendre raison".

En clair, si votre chef vous donne un ordre et, quelques minutes plus tard, l'ordre inverse, vous pouvez lui dire qu'il tire à hue et à dia. Et s'il s'énerve et refuse de comprendre pourquoi vous lui avez dit ça, alors "il n'entend ni à hue ni à dia".
Mais ce genre de situation ne se produit jamais, bien sûr : si les chefs sont devenus chefs, c'est toujours parce qu'ils sont compétents, savent parfaitement ce qu'ils font et ne commettent jamais d'erreur... [1]

[1] Je le sais : j'ai été chef !



 
« Être à cheval sur...  »

 
Signification: Être très exigeant, très strict sur...
Attacher une grande importance, tenir rigoureusement à...


 
Origine: Il est certain qu'un cavalier est à cheval sur... son cheval. Et on peut, sans crainte de se tromper, affirmer qu'il attache une grande importance à sa monture.
Mais est-ce que cela suffit à expliquer notre expression ?

Eh bien nous n'en sommes pas loin !
Ceux qui sont si exigeants sur diverses choses que sont les principes, les règles ou l'orthographe, par exemple, sont des gens qui sont supposés bien les connaître et qui n'admettent pas qu'on s'en écarte ou les maltraite.
Ne peut-on en dire autant du cavalier vis-à-vis de sa monture[1] ?
Et quand on voit des écoles comme le Cadre Noir de Saumur ( ) où les chevaux montés doivent apprendre à faire différents sauts, l'écuyer n'utilisant pas d'étriers, celui-ci ne doit-il pas être aussi fermement 'attaché' à son cheval que d'autres le sont à la qualité de l'orthographe ou au respect des principes ?

Voilà autant d'images venues du monde équestre qui se sont répandues dans la vie de tous les jours pour donner naissance à notre expression dont la date d'apparition ne semble pas être exactement connue mais qui est citée par la version de 1832 du Dictionnaire de l'Académie Française.

[1] Surtout que si le cavalier s'écarte un peu trop de sa monture, c'est probablement que son avenir très proche va être un tantinet désagréable, après un atterrissage brutal sur le plancher des vaches.



 
« Se tenir (être) droit dans ses bottes  »


Signification: Garder une attitude ferme et déterminée, sans plier.
Avoir la conscience tranquille (même à tort).


 
Origine: L'origine de cette expression n'est pas certaine.
Elle pourrait venir du milieu militaire où les cavaliers devaient se tenir bien droit sur leur selle et dans leurs bottes.

Elle pourrait aussi être apparue en opposition à une expression d'origine flamande "avoir une petite pièce dans ses bottes" qui voulait dire "être ivre" (la 'petite pièce' rendant la marche difficile), donc tout le contraire de se tenir bien droit.

Elle est remise au goût du jour par Alain Juppé ( ) le 6 juillet 1995 lorsqu'il déclare "Je suis droit dans mes bottes et je crois en la France" alors qu'il est interrogé sur TF1 à propos de son appartement parisien au loyer défiant toute concurrence et de la baisse de loyer qu'il avait demandée pour l'appartement de son fils.
Ce jour-là, lui croyait en la France, mais la France n'a pas vraiment cru en lui.




« La mouche du coche »


Signification: Désigne quelqu'un qui s'agite beaucoup sans rendre de réels services ou qui est empressé inutilement.


 
Origine: Cette expression est en général précédée du verbe 'faire' ou 'jouer'.

Un coche était autrefois un véhicule de transport public tiré par les cheveux des chevaux. Il transportait surtout les gens pauvres, les riches ayant leur carrosse personnel[1].

Notre expression vient d'une fable de Jean de la Fontaine "le coche et la mouche" ( ) dans laquelle la morale est claire :

« Ainsi certaines gens, faisant les empressés,
S'introduisent dans les affaires :
Ils font partout les nécessaires,
Et, partout importuns, devraient être chassés. »

Dans cette fable, donc, le fabuliste raconte l'histoire d'un coche dont les six chevaux qui le tirent n'arrivent pas à le sortir d'une situation difficile.
C'est alors qu'intervient une mouche qui s'affaire de façon très désordonnée et qui, une fois que le véhicule est sorti de son mauvais pas, s'en attribue tout le mérite.

On peut noter que l'anglais coach vient du français coche. De là à imaginer que nos coaches modernes, avec le sens d'entraîneur ou d'accompagnateur personnel et dont on nous rebat les oreilles actuellement, sont des gens « qui s'affairent de façon très désordonnée et qui, une fois la tâche terminée, s'en attribuent tout le mérite », il n'y qu'un pas que je m'abstiendrais de franchir, mais uniquement parce qu'on me retient.




« Ronger son frein  »

 
Signification: Contenir avec peine son impatience, son dépit, sa colère (faute de pouvoir l'exprimer).

 
Origine: Voilà une expression qui peut sembler très étrange si on oublie qu'elle a plusieurs siècles et si on ne connait pas grand-chose aux chevaux.
En effet, imaginez que vous ne puissiez exprimer votre colère. Alors quoi de mieux que de descendre de votre voiture, installer le cric, démonter une roue et vous mettre à ronger, au choix, un disque, une plaquette ou un tambour (avec une pointe de ketchup) ? Une chose est sûre, en vous occupant ainsi, vous devez certainement vous calmer. Et faire plaisir à votre dentiste...

Mais cette expression datant de la fin du XIVe siècle, ce n'est pas aux véhicules motorisés qu'il faut penser, mais à la plus belle conquête de l'homme : la femme le cheval.
En effet, le 'frein' n'est ici rien d'autre que le mors ( ), cette pièce généralement métallique placée dans la bouche de l'animal et qui, reliée aux rênes, sert à le diriger.
Or, que fait un cheval qui s'impatiente en attendant le retour de son maître : il ronge son frein, faute de choses plus intéressantes à faire.

Dans cette métaphore, le 'frein' c'est ce qui bloque l'élan de celui qui aimerait bien exprimer ses sentiments. Et 'ronger' est associé à cette énergie contenue qui devient corrosive et mine l'intérieur.



 
« Monter sur ses grands chevaux  »

 
Signification: S'emporter, se mettre en colère.
Prendre de haut.


 
Origine: Ceux qui n'auraient à proximité que des chevaux de Przewalski ( ) auraient beaucoup de mal à monter sur leurs grands chevaux, vu la taille de l'animal et son indomptabilité.

Autrefois, alors que le cheval était le moyen de locomotion principal, on en utilisait plusieurs sortes et, parmi celles-ci :
le palefroi servait pour les parades, pour les voyages et comme monture pour les dames ;
le sommier (la bête de somme) portait les armes et les bagages ;
le destrier était le cheval de combat, animal de race et de grande taille (il était ainsi nommé parce l'écuyer l'amenait de la main droite au chevalier).
Lorsque les chevaliers combattaient, ils montaient sur des destriers et plus le "cheval de bataille" était grand, plus ils pouvaient observer et dominer l'adversaire.
Ainsi, à l'origine, monter sur ses grands chevaux, c'était, pour une troupe de chevaliers, partir à la bataille en chevauchant de grandes montures.

De la fougue et l'ardeur nécessaires pour partir ainsi en guerre, il nous est resté, au figuré et depuis la fin du XVIe siècle, cette expression où la fougue est devenue celle de celui qui s'emporte.



 
« Etre coiffé au / sur le poteau  »

 
Signification: Être battu de justesse

 
Origine: Normalement, c'est aux ciseaux et au peigne qu'on coiffe quelqu'un, pas au poteau, très peu maniable et assez mal aiguisé.
Quant à être coiffé sur un poteau, je vous laisse en deviner la diffi-cul-té et l'inconfort.

Qui n'est pas habitué aux courses hippiques ou n'a pas été un admirateur inconditionnel de Léon Zitrone peut avoir du mal à imaginer l'origine de cette expression.
Mais pour les autres, elle est très claire.

C'est en 1906 qu'est apparu le verbe 'coiffer' avec le sens de "dépasser d'une tête à l'arrivée d'une course". Cela s'explique aisément, car on peut facilement faire l'amalgame entre la tête et la coiffe.
En 1939, "coiffer un concurrent", c'était le dépasser.

C'est à la même époque, dans le monde des courses de chevaux, que l'expression est d'abord apparue. En effet, la désignation du gagnant se fait au passage d'une ligne matérialisée par un poteau placé sur le côté intérieur de la piste.
C'est lorsqu'un cheval gagnait d'une courte tête qu'on disait qu'il avait 'coiffé' son adversaire sur le poteau.

Par extension, l'expression s'emploie dans n'importe quelle compétition, pas obligatoirement sportive, lorsque quelqu'un l'emporte de justesse, au dernier moment, sur quelqu'un d'autre.



 
« Tailler des croupières  »


Signification: Occasionner des difficultés, des embarras.
Faire obstacles à des projets.



 
Origine: Non, je ne vais pas vous emmener aujourd'hui aux tables de jeu d'un casino : une croupière n'est pas une femme croupier[1].

Ceux qui aiment les régimes sans selle ne savent pas de quoi il s'agit, mais les autres n'ignorent pas que la croupière est une longe qui est reliée à la selle d'un cheval, qui passe sur sa croupe (d'où le nom), puis sous sa queue et qui est destinée à empêcher la selle de remonter vers le garrot.

Au XVIIe siècle, à une époque où les blindés n'existaient pas encore et où le cheval était le seul 'véhicule' de combat, tailler des croupières, c'était "combattre rudement" et "mettre en fuite", par allusion aux cavaliers qui galopaient à la suite et suffisamment près des ennemis en fuite pour, de coups d'épée ou de lance, couper leurs croupières et, ainsi, les déstabiliser et provoquer leur chute.

C'est des difficultés ainsi occasionnées à l'ennemi que, par extension, l'expression a pris son sens actuel.

[1] Même s'il est parfois utilisé dans certains magazines, le mot 'croupière' avec ce sens ne semble pas, pour l'instant, être accepté par l'Académie.




« A cheval donné on ne regarde pas la bride / la bouche / les dents  »

 
Signification: Il faut toujours être content d'un cadeau reçu.
On ne doit pas critiquer un cadeau, quand bien même aurait-il un défaut


 
Origine: Si la date d'apparition de cette locution proverbiale n'est pas connue avec précision, elle remonte à loin, puisqu'en latin médiéval, on disait déjà la même chose sous la forme "non oportet equi dentes inspicere donati".

À cette époque, le cheval, principal moyen de locomotion, avait une importance autrement plus grande qu'aujourd'hui où il a été remplacé par le cheval-vapeur et le cheval fiscal.
Celui qui se faisait offrir un cheval et qui avait du savoir-vivre devait en remercier chaleureusement le donateur, sans se préoccuper de savoir si la bride de l'animal était en mauvais état ou sa dentition laissait à désirer.

Aujourd'hui encore, il n'est pas vraiment sympathique, vis-à-vis de celui qui vous offre un cadeau, d'en regarder les détails, d'en critiquer les éventuels défauts ou de dire qu'il ne vous plaît pas ; même si c'est hypocrite et même si l'hypocrisie est un vilain défaut.

De nos jours on pourrait remplacer cette locution par "à lapin rose donné on ne regarde pas les piles" ou bien "à console de jeu donnée on ne regarde pas les manettes", par exemple.



 
« Avoir la bride sur le cou / Lâcher la bride à quelqu'un  »

 
Signification: Être libre de faire ce qu'on veut / Laisser quelqu'un libre d'agir ou de s'exprimer

 
Origine: Celui qui supposerait que nos expressions sont en lien avec Brides-les-Bains ( ) aurait une imagination débridée, car ce n'est pas vers le thermalisme qu'il faut se tourner si on veut en comprendre l'origine, mais vers le monde équestre.

En effet, la bride est un ensemble d'éléments du harnais d'un cheval, destiné à le diriger, cet ensemble, placé autour de la tête, étant souvent assimilé aux seules rênes.
Et si on ne tient plus les rênes, si on les laisse sur le cou de l'animal, celui-ci devient libre d'aller où bon lui semble.

C'est de cette image simple que sont nées nos expressions dont le sens figuré date du milieu du XVIe siècle.



 
« Etre / mettre sur les dents  »

 
Signification: Être surmené, épuisé ou excédé / Exténuer, harasser

 
Origine: Cette expression est attestée dès 1611.

Selon Littré, l'image viendrait du monde hippique, où un cheval exténué appuie ses dents sur le mors.

Mais Rey et Chantreau réfutent cette version et supposent qu'elle reprend l'image de celui qui "mord la poussière" (qui est jeté à terre, mais probablement parce qu'il est épuisé), en se basant sur les mots 'adent' et 'adens' qui en ancien français et en provençal signifiaient "être face contre terre (donc les dents plantées dans la terre)".



 
« Prendre le mors aux dents  »

 
Signification: Se laisser aller à la colère.
Se mettre soudainement et avec énergie à un travail, à une entreprise…

 
Origine: Le sens initial de cette expression qui date du milieu du XVIe siècle vient du monde équestre.
Le mors est en effet un élément du harnais, une pièce qui traverse la bouche du cheval, qui repose sur une zone édentée à l'arrière de la machoire, et qui sert à le diriger ( ).

Si jamais le cheval prend le mors aux dents, c'est-à-dire que cette pièce s'avance au-dessus des dents, il devient impossible de le diriger. Et si jamais l'animal s'emballe, le cavalier a alors de fortes chances d'avoir un peu plus tard à numéroter ses abattis[1].

Autrement dit, la prise du "mors aux dents" a d'abord été le symbole de l'emballement, signification qu'on retrouve au figuré dans le premier sens cité de l'expression.

Le deuxième sens vient d'une autre manière de voir la chose : si l'animal prend le mors aux dents, il peut alors en faire complètement à sa tête, il décide de son sort.
Cette liberté d'action du cheval est ainsi traduite chez l'homme par Furetière : "on dit figurément, prendre le mors aux dents, pour dire prendre une bonne résolution et l'exécuter".
C'est l'ardeur mise dans l'exécution de cette bonne résolution qu'on retrouve aujourd'hui dans le second sens de l'expression.

[1] Et si jamais il se tire sans dommages de sa mésaventure, il pourra toujours fêter ça en chantant "allons enfants de l'abattis, le jour de boire est arrivé".




« Rater / louper / manquer le coche  »

 
Signification: Laisser passer une occasion (généralement de faire une chose utile ou avantageuse)

 
Origine: Vous savez certainement ce qu'on appelle un 'cocher'.
Mais vous savez peut-être moins que le cocher était autrefois le conducteur d'un 'coche' (mot qui date du milieu du XVIe siècle) désignant une grande voiture de transport de voyageurs tirée par des chevaux (voir la mouche du coche).

Le coche désignait également un grand bateau de rivière, halé par des chevaux, et qui servait aussi à transporter des individus.

Qui dit transport de voyageurs, dit horaires de passage (plus ou moins précis à l'époque des coches) aux différents arrêts.
Qui dit horaires, dit risque de manquer le passage du coche.
Manquer le coche c'était donc autrefois rater son moyen de transport et la possibilité de se déplacer loin en temps voulu, comme certains aujourd'hui loupent leur train ou manquent leur avion.

Lorsque les coches terrestres ont été remplacés par les diligences et que ceux d'eau ont cessé leur activité, le mot a disparu de la langue courante mais l'expression est restée, généralisée à toute bonne occasion manquée.




« Un (vieux) cheval de retour  »


Signification: Un récidiviste (de retour au bagne ou à la prison)


 
Origine: Cette expression argotique, issue du monde des prisonniers, aurait d'abord été popularisée dans ses mémoires par Vidocq, au XIXe siècle.

Il n'y a pas d'explication certaine sur son origine.

Selon le Dictionnaire Quillet de la Langue Française, au sens propre, un "cheval de retour" est un équidé qu'on ramène au lieu où il a été loué.

On peut aussi se baser sur le fait qu'un cheval abandonné par son maître (pour quelque raison que ce soit) a tendance à savoir revenir seul à l'écurie, s'il n'en est pas trop éloigné. De là on peut le comparer au truand invétéré qui, une fois libéré, sait parfaitement, en commettant un nouveau crime, retrouver tout seul le chemin de la prison.

Mais Gaston Esnault y voit plutôt une allusion au retour fréquent du truand récidiviste au tribunal (avant de repasser par la case prison sans toucher ses 20 000 francs). Il écrit "À vrai dire, c'est au tribunal que le récidiviste, tel le cheval postier, est de retour. C'est sa poste de départ".




« Ne pas être dans son assiette  »

 
Signification: Ne pas être dans son état normal, physiquement et/ou moralement

 
Origine: De nos jours, à moins de faire du cheval ou de l'aviation, par exemple, quand on pense 'assiette', on pense généralement au plat individuel dans lequel on mange. Alors il semble assez normal de ne pas être dans son assiette car qui aurait l'idée saugrenue de s'y vautrer ?

Mais c'est oublier que l'assiette individuelle n'est entrée dans les moeurs qu'après le XVIe siècle, l'habitude étant auparavant de manger avec les doigts (ou avec la fourchette chez les riches, à partir de Louis XIII) dans le plat commun placé au centre de la table.

En effet, le mot 'assiette' a son origine liée au verbe 'asseoir'. De ce fait, un des sens du mot est, depuis 1580 chez Montaigne, la "manière d'être assis" et, pour les amoureux des équidés, la "position du cavalier sur sa monture".
Cette association du mot à une position a donné, au figuré et chez le même auteur, le sens de "état de l'esprit" ou "façon d'être".
C'est cette dernière signification qu'on retrouve dans notre expression.

Certains esprits curieux se demanderont pourquoi le mot assiette a ensuite désigné ce plat individuel. À ceux-là (les autres, arrêtez-vous de lire), je répondrai que c'est parce que, toujours en restant avec le sens de 'position' et dès la fin du XIVe siècle, le mot a désigné la situation d'un convive à une table. Par extension, le service posé à chaque place a également été appelé 'assiette' avant que le mot ne désigne finalement plus que le petit plat individuel.

En tout cas, ce qu'on peut constater, c'est que lorsqu'on n'est pas dans son assiette on s'intéresse généralement peu à ce qu'il y a dedans.




« Donner le coup de collier / (re)prendre le collier  »

 
Signification: Produire un effort intense et momentané / se (re)mettre au travail, s'engager dans une nouvelle entreprise


 
Origine: Au vu du sens de nos deux expressions, il paraît évident que le 'collier' est assimilé à l'effort et au travail, et non pas à la rivière de diamants que madame porte lors des petites sauteries dans le grand monde.

Nous avons en effet ici affaire à une métaphore chevaline venue de quelques siècles en arrière, à une époque où les chevaux de trait se rencontraient beaucoup plus fréquemment qu'aujourd'hui, ceux-ci étant munis d'un harnais duquel partent les éléments rattachés à la charge à tirer ; et ce harnais comporte un 'collier' (ainsi nommé dès le XIIIe siècle), pièce passée autour du cou de l'animal.

C'est au XVIIIe siècle que ce collier-là, en raison des efforts du cheval pour tirer sa charge, est devenu le symbole d'un travail généralement pénible, le "coup de collier" étant associé à l'image de l'équidé qui s'arc-boute pour vaincre une résistance à son avancement.

On peut noter que si la première version de la première expression avait un article indéfini assez logique ("donner un coup de collier"), celui-ci a été remplacé un peu plus tard par un 'le' pour donner plus d'insistance et mieux marquer l'effort produit.



 
« Aller à la selle »

 
Signification: Déféquer

 
Origine: Si l'expression en elle-même n'est plus trop utilisée à notre époque (on en trouve plein d'autres variantes plus ou moins poétiques[1]), la désignation de ce qu'on y a abandonné, une fois qu'on est sorti du petit coin, est toujours vivante, puisqu'on parle, par exemple, d'analyses de selles.
Mais qu'en pensent le cavalier ou le coureur cycliste qui posent leurs augustes fesses sur une selle ? Eh bien aussi étrange que cela puisse paraître, le lien entre ces deux 'selles' est très fort.

Si l'expression date du XVe siècle, le mot 'selle' nous vient du XIIIe, issu du latin 'sella' qui désignait un siège, plus précisément le "siège des artisans qui travaillent assis" ou le "siège des professeurs", mais aussi, le siège du cavalier ou, autrement dit, la selle de cheval (à une époque où la bicyclette n'existait pas encore, sans quoi, peut-être...).

Lorsque le mot apparaît en français, il sert aussi à nommer une chaise percée, une de celles sur lesquelles certaines personnes aisées s'asseyaient pour y faire leur grosse commission, éventuellement recueillie dans un pot placé dessous, chaise qu'on appellera successivement "selle aisée", "selle nécessaire" puis "selle percée".
C'est de cette chaise, l'ancêtre de notre cuvette de W.C., qu'à la fin du XIVe, "la selle" (au singulier) désigne les excréments. Et c'est de là, qu'un peu plus tard, naît notre expression.

[1] Comme "balancer son rondin", "couler un bronze", "poser une pêche", "démouler un cake", "parachuter un sénégalais" ou bien "poster une sentinelle", par exemple (et la liste est très loin d'être complète).




« Avoir / mettre le pied à l'étrier »


Signification: Être / mettre quelqu'un dans une situation favorable à la réussite de quelque chose


 
Origine: Dès le XIe siècle, étrier désigne un anneau métallique qui soutient le pied du cavalier qui ne suit pas un régime sans selle.
Et même si on ne pratique pas l'équitation, on a tous vu cette image du cavalier qui, seul ou aidé par quelqu'un s'il est novice, place un de ses pieds dans l'étrier sur le côté de sa monture et, en prenant appui dessus, s'en aide pour se hisser en selle.
Dans cet usage, l'étrier est assimilé à un marchepied ou à une courte échelle, autant de moyens qui permettent à quelqu'un d'atteindre son but.

Nous avons donc affaire ici à une métaphore venue du monde équestre et née au début de la seconde moitié du XVIIIe siècle.

Dans la version avec avoir, la personne se débrouille par ses propres moyens, alors que dans celle avec mettre est elle aidée par quelqu'un d'autre.
Mais dans les deux cas, tout comme l'étrier est le moyen qui aide le cavalier à réussir sa montée en selle, il est ici une représentation du moyen ou de l'aide qui va guider la personne vers la réussite de ce qu'elle a entrepris.



 
« A bride abattue »

 
Signification: Sans aucune retenue
Très rapidement, à toute vitesse


 
Origine: La bride, c'est cette partie d'un harnais qui est fixée à la tête du cheval et à laquelle sont reliées les rênes qui permettent au cavalier de guider sa monture. Par extension, le mot désigne aussi simplement les rênes elles-mêmes.
Mais l'ensemble ne permet pas que de diriger l'animal, si on tire sur les deux rênes, on le fait s'arrêter ; et si on les relâche (elles sont alors abattues), il est libre d'avancer.

Au XVIe siècle, on a d'abord dit à bride avallée, ce qui ne veut pas dire que le morfal cheval aurait avalé sa bride (d'autant plus que dans ce cas, il n'y a qu'un seul l, alors que Pégase en a deux), mais simplement que la bride est laissée en position aval, vers le bas, donc relâchée, descendue.
C'est à l'époque de cette forme, qu'au figuré, est venue la première signification, par comparaison avec l'animal qui n'est plus retenu lorsque sa bride est relâchée.

Il faudra attendre le XVIIe siècle, chez Madame de Sévigné, parmi d'autres, pour trouver la forme actuelle et, petit à petit, pour ne plus retenir que la deuxième signification, en imaginant cette fois que, la bride étant relâchée, l'animal n'est plus du tout retenu, et il peut aller librement au galop, à toute vitesse.

On trouve aussi, avec le même sens, l'expression à toute bride. Et cette bride, on peut aussi la lâcher lorsqu'on laisse à quelqu'un la liberté d'agir ou de s'exprimer.



 
« Jeter sa gourme »

 
Signification: Faire ses premières frasques (pour un jeune)

 
Origine: Gourme, voilà un mot peu courant de nos jours. Certains l'ont peut-être entendu chez le pédiatre à propos de leur bambin faisant ce qu'on appelle souvent des croûtes de lait sur le cuir chevelu et le visage, mais pour ce genre de manifestations, la plupart du temps, le praticien leur aura plutôt parlé d'impétigo.

Et, quand on ne sait pas ce qu'est la gourme, on ne peut s'empêcher de faire le rapprochement avec gourmette qui, s'il y a bien un lien, n'est pas le petit de la gourme, tout comme la belette n'est pas le petit du castor.
En effet, la gourmette, d'abord appelée gourme au début du XVe siècle, était autrefois une chaînette qui servait à maintenir le mors du cheval ; le nom de cette chaînette s'est ensuite déplacé à la fin du XIXe siècle vers celle qu'on reliait à une montre de gousset ou celle qu'on portait au poignet.

Mais revenons à la gourme qui nous concerne.
C'est à partir du milieu du XIVe siècle que le mot désigne une maladie de la bouche ou de la gorge du cheval, affection provoquant, entre autres, la sécrétion d'une morve particulière ayant le même nom (gourme pourrait venir du francique worm qui signifiait « pus »). Il semble que pratiquement tous les poulains soient victimes de cette maladie bénigne, point de passage quasiment obligé. Au XVIe siècle, on disait alors de l'animal qu'il jetait sa gourme, le verbe jeter ayant ici le sens d' « émettre des sécrétions ».

Parallèlement, mais au figuré, cette fois, jeter sa gourme a pris le sens qu'il a toujours aujourd'hui.
La raison de la naissance de cette métaphore est assez simple : si le poulain passera obligatoirement par la maladie, le jeune humain passera tout aussi inévitablement par un moment où il commettra ses premières frasques, passage considéré ici, comme pour le poulain avec sa morve, comme une maladie de jeunesse incontournable (puisqu'il faut que jeunesse se passe).



 
« Gagner ses éperons »

 
Signification: Accéder à un statut social supérieur
Obtenir une situation plus élevée


 
Origine: Les cavaliers connaissent bien les éperons, accessoires équestres qui ont aussi beaucoup été évoqués dans les aventures du Far West.
Ces choses sont des petites branches de fer terminées d'un côté par une roue à pointes et pourvues de l'autre d'un système permettant de les faire tenir sur les talons du cavalier. Elles lui servent, lorsqu'il en pique les flancs de sa monture, à la faire accélérer. Au point, d'ailleurs, que le mot éperon a, jusqu'au XVIIIe siècle, symbolisé une allure rapide.

Si notre expression n'apparaît qu'au XIXe siècle, elle fait pourtant référence au Moyen Âge, lorsqu'un homme devenait chevalier.
En effet, généralement après une action d'éclat qui le rendait digne de son nouveau statut, on lui remettait, outre ses armes, une paire d'éperons, symboles de sa montée en grade, élévation à un plus haut niveau qu'on retrouve dans notre métaphore.
L'expression est généralement employée lorsque la promotion suit une action (ou un ensemble d'actions) brillamment réussie justifiant la récompense.

Ces accessoires ont, en liaison avec la même époque, également donné l'expression couper les éperons lorsqu'on excluait ou bannissait un chevalier félon.
Modifié: à 12h23 par Ryō

Auteur Sujet: Recension des expressions équestres et équines  (Lu 87337 fois)

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Merci pour ce sympathique instant de culture Ryo. J'aime bien  ^_^

Ça m'a l'air bien sympathique, je lirai ça au boulot la semaine prochaine.

Adrien

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Jolie travail, je ne pensais pas qu'il pouvait il y avoir autant d'expression appartenant à cette thématique. Thanks.

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