Communication proposée aux jorrescam 2010

Voilà, je viens d'envoyer cet article pour les journées de recherche et de réflexion sur les sports de combat et les arts martiaux. Réponse attendue pour le 15 février. On croise les doigts.

Celui-là revêt une dimension particulière puisqu'il contient en soi l'aide de Bunny et omnislash qui ont très gentiment aidé en me traduisant l'article espagnol qu'on retrouve en bibliographie.


Du Bushido au code moral, une historiographie du judo
Régnier P., Calmet, M. & Héas S.
LARES EA 2241



Résumé

Élément formatif et valorisé du judo, le code moral suscite des questionnement, par la fédération elle-même. Quelles sont les interactions qui ont présidé à sa création et comment a-t-il évolué? Une historiographie du judo prend tout son intérêt sur ce sujet. L'étude des textes fondateurs et actuels portant sur ce thème nous pousse à réviser une vision idéalisée du code moral.
Créé par Midan dans les années 1980 sur la base du code d'honneur et de moral du comité national des ceintures noires proposé par Jean-Lucien Jazarin (1974). Ce dernier est créé sur la base des écrits de Nitobe (2000). Ce livre, portant sur les principes du Bushido eut à l'époque, et garde encore aujourd'hui, une grande influence. Donnant un nom à un « code non écrit du samouraï » (Reischauer, 1997), il ne relève en fait d'aucune réalité, mais est l'amalgame d'un certain nombre de concepts ayant eu cours à l'époque féodale japonaise.
Kano a voulu créer une éducation physique nationale en synthétisant ses savoirs d'ancien pratiquant du jiujitsu qu'il nomma judo. Loin de se baser sur la survivance d'un code guerrier, celui-ci proposait néanmoins, par le biais de sa pratique, l'acquisition morale et intellectuelle nécessaire à chacun pour appréhender et agir au mieux dans le nouveau monde qui s'offrait à son pays, l'ouverture occidentale que provoqua la révolution de Meïji (1868), tout en conservant une vision humaniste, proche en cela de de Courbetin.
Le judo, tant au Japon qu'en Europe, se développa sous une forme sportive provoquant, en France notamment, un schisme dans les années 1960 entre les tenants d'un « judo-sport » et ceux d'un « judo-martial », que l'arrivée de l'Aïkido influença grandement. C'est de cette opposition qu'est issu le code moral.
Création française à un problème donné, le code moral est aujourd'hui questionné par Pierre Jazarin qui se débat avec son origine en citant Venner, un auteur douteux. Alors que le judo dans sa substance possède ce que l'éducation physique moderne cherche entre autres à valoriser, il propose de renommer ce code moral, aux accents religieux en « code de conduite », aux consonances plus laïques, qui permettra, peut être, une meilleure utilisation par ses pratiquants.



Introduction

Élément formatif et valorisé de la pratique du judo, le code moral est mis à l'honneur par la fédération française de judo (FFJ). Celui-ci suscite des questionnements quant à la compréhension qui en est faite, la FFJ le questionne récemment dans le bulletin d'information de la Commission nationale des ceintures noires (CNCN, 2008, 2009). Quelles sont les interactions qui ont présidé à la création de ce code moral et comment celui-ci a-t-il évolué? Comment, finalement, l'appréhender? Le judo et son code moral sont aujourd'hui des outils pédagogiques très utilisés, et l'apparence religieuse que ceux-ci peuvent revêtir aux yeux du non pratiquant invite à l'éclaircissement. Une historiographie du Judo, telle que proposée par Brousse (2000) prend au sujet de code moral, tout son intérêt. L'étude de la vie de Kano (l'inventeur du judo en 1882), des écrits de Jean-Lucien Jazarin (l'auteur du code d'honneur et de morale traditionnelle du collège national des ceintures noires en 1974), des textes « fondateurs » du Bushido, ainsi que ceux de la FFJ nous pousse à remettre en cause une vision idéalisée du code moral du judo.

Textes et fondateurs

Le code moral a été mis au point par Midan dans les années 1980 (FFJ, 2008), en s'appuyant sur le code d'honneur et de morale du collège national des ceintures noires proposé en 1974 par Jean-Lucien Jazarin (1974, 209 - 244). Ce code d'honneur et de morale se base pour une grande partie sur le livre de Nitobe, "Bushidô, l'Âme du Japon " publié aux États-Unis en 1905, dont la réédition est récente (Nitobe, 2000).

Né 8 ans avant la Restauration de Meiji, en 1860, Kano vit au premier plan les changements sociaux de son pays qui poussent à une occidentalisation forcenée (Hernandez, 2008; Mazac: 2007). Personnalité importante de l'éducation japonaise, et du comité olympique japonais, il a eu de multiples échanges avec les spécialistes étrangers, notamment lors de ses nombreux voyages (Jules Ferry ou de Coubertin par exemple en France). Pratiquant assidu de jiujitsu, pour lequel il y a autant d'écoles que de maîtres, il rencontre bon nombre d'entre eux, et envisage une refonte de la pratique (Hernandez, 2008) Il invente le judo, dont la traduction d'origine par Kano en anglais est Ju = souplesse ou céder, Do = moyen ou principe, mais certainement pas « voie » (au sens « ésotérique » du terme (Hernandez, 2008). Kano en fait une activité qui a pour but la formation d'un individu citoyen (au sens occidental et capitaliste du terme – accumuler des biens et bien dépenser (Hernandez 2008) - , dont les principes moraux restent limités à ce que la pratique peut fournir pour progresser personnellement face aux réalités du monde social : se décider vite, faire des choix, ne pas s'énerver, se maîtriser. La logique, proche de celle de De Coubertin, est également humaniste (Hernandez, 2008; Casado & Villamon, 2009). Le judo, alors, rentre dans les écoles et devient pratique physique nationale (Mazac, 2007).
Sur le plan international, le judo s'étend rapidement, notamment en Europe, et la rencontre avec Feldenkrais assure l'avenir de la pratique en France. Puis l'activité est modifiée par Kawaishi qui institue les catégories de poids et les grades. Enfin, la compétition se développe dans les années 1960 (Hernandez, 2008). Car c'est bien Kano lui-même introduisit à l'origine la pratique de la compétition en judo, allant jusqu'à supprimer des techniques dangereuses, sa seule volonté étant qu'elle ne soit pas un but en soi (Mazac, 2007).

La création du code moral

La proposition de code d'honneur et de morale de Jean-Lucien Jazarin a lieu lors de l'émergence de la lutte qui oppose les tenants d'un judo sportivisé, compétitif, à ceux d'un « beau » judo, vecteur d'un message. Celui-ci étant finalement celui véhiculé par l'aïkido et Ueshiba (son inventeur), pour lequel le suffixe "do" est à entendre dans un sens de développement personnel (Gaudin, 2009). A cette époque, le livre de Nitobe fait grande impression sur la population, et reste, ne serait-ce que par son titre, encore aujourd'hui une référence fondamentale dans l'esprit de la majeure partie des pratiquants. Basé sur une vision idéalisée des samouraï de la période Edo (1603 – 1868), écrit par un japonais tourné vers la chrétienté, dans le but avoué d'offrir à ses contemporains occidentaux une vision compréhensible par eux de sa culture, ce texte ne recoupe aucune réalité, mais représente un amalgame de pensées, un parfait mythe. Il existait bien un « code non écrit du samouraï », comme l'indique Reischauer (1997: 111) issu du croisement entre la toute récente mode confucéenne introduite par les Tokugawa, et le bouddhisme, alors en perte de vitesse. Mais ce n'est qu'après la publication du livre de Nitobe que le nom de Bushidô lui sera donné. Alors que Jean-Lucien Jazarin présente son code d'honneur et de morale en disant se baser sur les textes authentiques, il se base en réalité sur celui de Nitobe (1974). Ainsi, le code moral serait une création tardive, n'ayant aucun rapport avec la pensée originelle de son créateur. Le code moral du judo est ainsi perceptible comme une invention toute française à un problème posé dans le milieu du XXe siècle par ses acteurs eux-mêmes. Une solution permettant de valider une pratique, de lui donner corps, esprit, afin de lui allouer un espace d'existence. Alors que le judo était une activité certes japonaise, mais avec une connotation plutôt sportive, deux versions de l'activité coexistent. Celle des sportifs, où la victoire en compétition est le but recherché, et celle des tenants d'un "beau judo" et d'une activité martiale, où le combat est un moyen du développement personnel (Gaudin, 2009).

Le judo et le code moral comme outils d'enseignement

Kano montre à l'inverse une vision du judo ancrée dans le monde moderne et sa pensée morale, bien que simple, se veut adaptable à toute situation du quotidien. Vouloir à tout prix ancrer le code moral dans la survivance d'un passé révolu ne pousse-t-il pas à prendre le risque de compromissions pour sa valorisation? Ainsi, dans la revue de la CNCN, Pierre Jazarin (2008-1) s'appuie sur les écrits de Dominique Venner à la réputation sulfureuse (Châton, 2005; Wikipédia, 2009) pour évoquer la « naissance » du Bushidô au XVIIe siècle. Pierre Jazarin cherche en toute bonne foi à redonner une vision et une place adaptée au code moral et pense que "Le judo n'est pas une église et le code moral un dogme" (2008-2: 6). Il semble admis que Kano, alors à la pointe de la réforme de son pays, a souhaité que son judo soit un outil de progression physique et intellectuelle. En cela, la communication qu'il fit à Athènes en 1934 contient en substance ce que l'Education Physique Sportive moderne cherche, entre autres, à réaliser.
Pierre Jazarin (2009), suivi par la FFJ au travers du bulletin d'information de la CNCN, propose de renommer le code moral en « Code de comportement ou de conduite ». Revalorisant et réadaptant un code moral, l'évolution de la conception de ce code permet de mettre en évidence une sorte de glissement du religieux au laïc pour une utilisation « raisonnée » dudit code moral.



Bibliographie

Brousse, M. (2000). L'historiographie des « arts martiaux ». In A. Terrisse (Dir.) Recherches en Sports de Combat et en Arts Martiaux, État des lieux. Paris: Éditions Revue EPS.
Casado, J. & Villamon, M. (2009). La utopia educativa de Jigoro Kano: el Judo Kodokan. In Revista de História do Esporte
 Volume 2, número 1, 1 – 40.
Châton, G. (2005). L'histoire au prisme d'une mémoire des droites extrêmes : Enquête sur l'Histoire et La Nouvelle Revue d'Histoire, deux revues de Dominique Venner. In Michel J. (Dir.), Mémoires et Histoires. Des identités personnelles aux politiques de reconnaissance,. Rennes,: PUR.
FFJDA (2008). Shin, Éthique et traditions dans l'enseignement du Judo. Noisy-sur-École: Budo Éditions.
Gaudin, B. (2009). La codification des pratiques martiales. Actes de la Recherche en Sciences Sociales, 179, 5 – 29.
Hernandez, J-F. (2008). Judo (Jujutsu), Méthode et Pédagogie. Paris: Fabert.
Jazarin, J-L. (1974). Le Judo, École de Vie. Paris: Le Pavillon.
Jazarin, P. (2008). Réflexions, le Code Moral, première partie. In Bulletin d’Information De La Commission Nationale Des Ceintures Noires 1. Paris: www.ffjudo.com
Jazarin, P. (2008). Réflexions, le Code Moral, deuxième partie. In Bulletin d’Information De La Commission Nationale Des Ceintures Noires 2. Paris: www.ffjudo.com
Jazarin, P. (2009). Réflexions, le Code Moral, première partie. In Bulletin d’Information De La Commission Nationale Des Ceintures Noires 3. Paris: www.ffjudo.com
Mazac, M. (2006). Jigoro Kano, Père du Judo. Noisy-sur-École: Budo Éditions.
Nitobe, I. (2000). Bushidô, l'Âme du Japon. Noisy-sur-École: Budo Éditions.
Reischauer, E.O. (1997). Histoire du Japon et des Japonais, 1 et 2. Paris: Seuil.
Wikipédia, (2009). http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Nouvelle_Revue_d%27Histoire

Author Topic: Communication proposée aux jorrescam 2010  (Read 34819 times)

0 Members and 1 Guest are viewing this topic.

Bon, je vais plutôt donner un avis linguistique, ce sont les seules compétences que je peux utiliser pour donner mon avis sur ton article, vu que je ne connais pas du tout le sujet, à part ce que j'ai traduit du texte en espagnol. lol

Au fur et à mesure, il m'a semblé que ça s'améliorait, mais la structure des phrases est parfois lourde ou bizarrement construite, ce qui fait qu'on doit relire plusieurs fois avant d'en comprendre le sens (est-ce dû au fait que j'ai encore la tête dans le pâté ?! :ph34r:). Il manque même un relatif ici : "Car c'est bien Kano lui-même qui introduisit à l'origine la pratique de la compétition en judo, allant jusqu'à supprimer des techniques dangereuses, sa seule volonté étant qu'elle ne soit pas un but en soi (Mazac, 2007)."

Sinon, elles sont rares, mais une petite faute d'orthographe s'est glissée dès le début ("des questionnement"), donc j'ai eu peur pour la suite alors que ça allait, finalement. ^^

Enfin, je ne sais pas comment vos articles doivent être structurés, mais là, je n'ai pas trop compris le pourquoi des différentes parties de ton texte. Pourquoi faire un résumé, puis une intro, un développement et... une conclusion qui n'est pas nommée en tant que telle ? En fait, j'ai l'impression que le "résumé" est déjà une intro" ou que la "création du code moral" revient sur les "textes et fondateurs" (ce qui est logique), donc que les titres ne reflètent pas vraiment la dynamique de l'article.

Ah, et petite note typographique, en français il y a un espace avant et après les doubles ponctuations (: ! ; ?).

Voilààà !

Offline Ryō

  • Modérateur
Quote
Il manque même un relatif ici : "Car c'est bien Kano lui-même qui introduisit à l'origine la pratique de la compétition en judo, allant jusqu'à supprimer des techniques dangereuses, sa seule volonté étant qu'elle ne soit pas un but en soi (Mazac, 2007)."
Quote
Sinon, elles sont rares, mais une petite faute d'orthographe s'est glissée dès le début ("des questionnement"), donc j'ai eu peur pour la suite alors que ça allait, finalement. ^^
Effectivement, il faudra que je modifie ça si le texte est retenu  ^_^

Modifs effectuées!
Quote
Ah, et petite note typographique, en français il y a un espace avant et après les doubles ponctuations (: ! ; ?).
Alors ça, c'est lon open office qui ne le fait pas automatiquement. Quelqu'un sait comment régler ça?
Aussi, quand on fait les modifs dessus, après passage sous word, il me met automatiquement en corrections apparentes (signalées, toussa). J'aimerais bien que ça cesse.
On est trois à passer sur ce texte, les deux directeurs et moi. Et des choses comme ça peuvent effectivement passer, parce que les modifications apparentes rendent le texte difficilement visibles: ça nuit à la relecture.

Pour revenir sur la relative lourdeur des phrases, c'est peut être un de mes défauts d'origine. J'essaye d'y remédier, et je crois que c'est mieux que ça n'a été par le passé  :P

Pendant mes études, j'avais aussi tendance à écrire de looongues phrases (faudrait que je relise des dissert', ce serait marrant :P), mais ce qu'il faut surtout, c'est relire et se demander s'il n'y a pas des incompréhensions possibles.

Par exemple : "Créé par Midan dans les années 1980 sur la base du code d'honneur et de moral du comité national des ceintures noires proposé par Jean-Lucien Jazarin (1974). Ce dernier est créé sur la base des écrits de Nitobe (2000)."

La première phrase n'a pas de verbe conjugué (juste des participes passés) et la deuxième parle de "ce dernier"... => M. Jazarin ? ^^ On ne sait pas toujours de quoi tu parles, vu le nombre de sujets traités dans une même phrase et quand on ne connaît pas trop le sujet, du coup, on a du mal à suivre.

Faudra que je t'envoie un petit scan du Français de la Communication Professionnelle, M. Danilo, J.-L. Penfornis, Clé International, 2002 pour quelques conseils intéressants (p.60).

Offline Ryō

  • Modérateur
Ah oui, oui, je prends tout conseil valable!

Disons que dans cette forme rédactionnelle, tu dois caser tes idées dans un nombre de mots donnés; donc les raccourcis verbaux et intellectuels sont fréquents.

Offline Ryō

  • Modérateur
Texte retenu pour le colloque du mois prochain!
Youhou!

 :cool:

Good for you :cool:.

C'est ce colloque qui est à Dijon, près de Strasbourg ? :p

Offline Ryō

  • Modérateur
 :mdr:
ouais

Et toujours pas motivé pour descendre sur Lyon ?

Offline Ryō

  • Modérateur
Mon cher, mon problème n'est que rarement la motivation, bien plus fréquemment le temps libre, qui n'est qu'un luxe dont seule Kaori a la jouissance.

edit aucun jeu de mot

Dommage.

Offline Ryō

  • Modérateur
Et voilà, Jorrescam accomplies.

J'ai passé deux jours exceptionnels, où je n'ai pas eu le sentiment de cesser d'apprendre de nouvelles choses. Entre des méthodes d'observation novatrices du geste sportif/corporel à la rencontre d'une troupe de médiévistes aussi sympathiques et amusants que sérieux et intéressants.

Ces médiévistes forment l'AMHE (arts martiaux historiques européens) et enquêtent sur les techniques de combat existant durant la période féodale en Europe. Ils cherchent donc les manuels et traités de combat de cette époque, et tentent de reproduire les armes et les techniques d'époque.

Extrêmement intéressants, leur leader était également pince sans rire et ses présentations rendaient hilare tout en nous apprenant beaucoup.

J'espère garder contact avec eux, voire travailler dans leur sens pendant la thèse.

Concernant ma propre communication, elle s'est passée 10exp10 fois mieux que j'aurais pu l'espérer. Alors que je m'attendais à me faire étriller par les judokas pour lesquels je tapais un peu sur leur pratique, ceux-ci semblent avoir adoré le sujet de mon travail et ont apprécié "le sérieux scientifique des recherches des sources".

Bref, que du bon, merci encore à Bunny et omnilash pour leur participation!


PS: vu les projets que je commence à avoir en tête, qui sait parler allemand, italien et portugais là-dedans?

Concernant ma propre communication, elle s'est passée 10exp10 fois mieux que j'aurais pu l'espérer.
pour les non initiés, 10exp10 est environ égal à 220 265, c'est à dire beaucoup, beaucoup.....  :mdr:

Merci pour la traduction du "langage Ryo", katomeria. ^^

De rien, Ryo, sinon, je ne sais pas pourquoi tu demandes ça, mais moi je parle portugais.