Aaaah, les joies du Boxing Day... ce terme n'a rien à voir avec la boxe excepté dans son orthographe et les pratiques plus ou moins usées par les consommateurs durant cette période (disons surtout au cours du premier jour).
Grosso modo, il s'agit d'une vaste opération commerciale visant à liquider les items des anciennes collections pour faire place aux nouvelles. Pendant une semaine, c'est la foire aux rabais dans tout le Commonwealth. Le Québec fait figure à part puisque le 26 décembre n'est pas considéré comme un jour férié.
Au Toronto Eaton center l'an dernier :Ce jour-là, je travaillais et voici comment tout cela s'est préparé entre 8h am et 5h pm :
On démarre, comme tous les matins, par le cérémonial vidage des caisses rouges. Ces grosses boites en plastique contiennent des exemplaires de plusieurs modèles qui se vendent généralement bien. Après cet exercice d'échauffement (pas moins de 15 caisses, un record !) et un sizing pour soulager les muscles, le chef de division, en charge de l'achalandage et la valorisation des produits d'un ou plusieurs rayons, nous fournit des "guns" et des listes où sont mentionnées les items à mettre au rabais. Et c'est plutôt violent. Voici quelques exemples :
- Pull fin en laine d'agneau mérinos, made in Italy. Prix régulier : 80$. Vente au rabais : 20$.
- Pulls en cachemire. Prix régulier : 200$. Vente au rabais : 60$. A noter que ces articles avaient été auparavant placés en "spécial" (une sorte de solde courante) à 120$ durant l'avant-Noël.
- Cardigan gris en laine d'agneau avec capuche et ouverture excentrée, en gros un pull long qui se porte bien avec chemise et cravate. Prix régulier : 130$. Vente au rabais : 20$.
Les guns dont je parlais plus haut sont ni plus ni moins des sorte de pistolets servant à produire des étiquettes avec le prix au rabais que l'ont colle sur les anciennes. Cela nous a pris 3h pour une équipe au grand complet (9). L'ouverture est prévue pour 13h mais ayant bien bossé, le chef nous a laissé quartier libre à partir de 12h30 pour magasiner en priorité avant l'afflux massif de Ladies Gagas.
En effet, la loi stipule que tous les commerçants participant au Boxing Day n'ont pas le droit d'ouvrir leur boutique avant 13h. Et de toute façon, cela serait impossible puisque la veille, tout était ouvert et non étiqueté au rabais.
Même si le 26 n'est pas férié dans la Belle Province, la boutique a offert à son personnel plusieurs éléments de compensations (eh oui, magasiner durant le Boxing Day, c'était dead pour nous !) :
- Un billet de 10$ par personne
- Les distributeurs de bonbons, sodas et cafés étaient gratuits (et le sont restés jusqu'au 3 janvier)
- La pause repas était payée
- Noël et New Eve Day seront payées
Ca n'en a pas l'air, mais c'est tout simplement délirant quand on sait que cela ne se passe pas ainsi dans beaucoup de compagnies ! L'autre grande marque d'habits en prêt-à-porter et situé à 2 min à pied de Simons, La Baie (The Bay dans le reste du Canada), propose les même avantages.
12h50 : comme le veut la tradition, le personnel se poste à des emplacements lui permettant d'éviter d'être dans la ligne de mire de la foule. Ca allait d'un angle mort près de l'entrée principale à la longue rambarde du second étage avec le directeur de la boutique. Il faut savoir qu'ouvrir un Boxing Day peut s'avérer dangereux. L'an passé, un membre du personnel ayant ouvert les portes d'un Wal-Mart s'est fait piétiner pendant de longues minutes. Mort.
13h : des cris de joie retentissent depuis deux accès majeurs : celui sur Sainte-Catherine et celui souterrain donnant accès au métro (Peel ou Mc Gill) et au centre commercial Industrie Alliance. Les portes s'ouvrent par étapes par deux équipes de 5 personnes, afin d'éviter toute tragédie entachant l'orgie mercantile qui se prépare. J'étais dans la plus mauvaise allée à ce moment, celle qui relie les deux entrées. Je monte vite l'escalator et me tourne pour observer durant ma montée les gens courir comme des dératés vers les graals à moins de 30 piasses : quelques restes de tektonikers (ou assimilés), des workin'-girls portant de gros sacs vides modèle Ikéa, des gamins (!) et des tarés en tout genre...
Ca ressemblait, durant la première heure, à ceci :
Au secours. La folie ultra-consumériste à son paroxysme. Les soldes en France ? Bah, une messe de minuit, rien de plus !
De 1h pm à 5h pm, tout le personnel est sur le plancher, zéro pause (seul inconvénient avec toute la sueur que ça nous a coûté). Dans mon département, nous avions un poste à garder pour toute la journée. Ca allait de la caisse à renfort en caisse, surveillance et gestion de la file d'attente ou rester aux abords d'un petit pan de mur avec ses articles. J'étais à l'avant-caisse. Devant l'entrée principale. En première ligne.
Furie, j'écris ton nom : je ne comptais plus les supports arrachés ou détruits pour obtenir au plus vite l'aubaine, les morceaux (habits) tombés à terre et piétinés un bon moment après qu'un consommateur ait cherché et trouvé un TG ou TTG (XL ou XXL). On ne se pognait pas le cul en tout cas ! C'était un combat de tous les instants dans le rangement des items et surtout dans la manière dont on était traités : des poteaux indicateurs no name, that's all. Il a fallu puiser dans la philosophie jedi pour conserver mon calme face aux "hey toi, tu le sais tu où j'peux trouver les sous-vêtements ? Là-bas ? Ok !"... et pas même un petit merci...
4h50 pm : Tiens, il n'y a personne à la caisse du département ! La première fois depuis l'ouverture. Dans les rayons, ça se calme. On compte les blessés : zéro. On compte la caisse : $$$. Puis toute l'équipe arrive auprès de la caisse et l'on se congratule pour avoir bien tenu face à la marée humaine. Bref, tout allait pour le mieux durant cet interlude jusqu'à ce que le téléphone de la caisse sonne.
La DRH.
Mais que voulait-elle un 26 décembre ? La responsable demande Sébastien, un étudiant à temps partiel qui ½uvre à Simons depuis presque deux ans. Elle souhaite le voir dans son bureau immédiatement. En raccrochant, il lâche un fuck rauque avant d'y aller.
5 minutes plus tard, il n'appartenait plus à la Maison Simons. Motifs : du personnel l'a souvent vu en train de rouler des patins à sa copine durant ses heures de service et il arrivait souvent en retard (5 à 10 min).
La magie nord-américaine : être engagé en 5 min, se faire mettre à la porte en un temps égal. Cela peut être aussi bien un 24 décembre qu'à quelques heures du New Eve.
Au final, le Boxing Day est une folie humaine. Un tsunami matérialiste tantôt haineux, tantôt stupide qui fonce sur tout ce qui n'est pas dispendieux. Imaginez deux itinérants (SDF) se battent devant une succursale des Resto du C½ur pour avoir le dernier bol de soupe. Transposez cela dans un magasin lors du Boxing Day entre deux moutons se battant pour la dernière laine. Et voilà !
Ayant vécu le Boxing Day de l'intérieur, il est clair que jamais je ne ferais parti de cette masse prête à poireauter 2h et courir la bave aux lèvres pour obtenir la Sainte-Babiole...
Cette semaine, c'est l'after : tout ce qui n'a pu être vendu lors du Boxing Day sera liquidé à des prix défiant les lois de la gravité. J'irais faire un tour pour me trouver un pantalon de ski et/ou des collants chauds sauf si c'est blindé...
D's©
Grosso modo, il s'agit d'une vaste opération commerciale visant à liquider les items des anciennes collections pour faire place aux nouvelles. Pendant une semaine, c'est la foire aux rabais dans tout le Commonwealth. Le Québec fait figure à part puisque le 26 décembre n'est pas considéré comme un jour férié.
Au Toronto Eaton center l'an dernier :Ce jour-là, je travaillais et voici comment tout cela s'est préparé entre 8h am et 5h pm :
On démarre, comme tous les matins, par le cérémonial vidage des caisses rouges. Ces grosses boites en plastique contiennent des exemplaires de plusieurs modèles qui se vendent généralement bien. Après cet exercice d'échauffement (pas moins de 15 caisses, un record !) et un sizing pour soulager les muscles, le chef de division, en charge de l'achalandage et la valorisation des produits d'un ou plusieurs rayons, nous fournit des "guns" et des listes où sont mentionnées les items à mettre au rabais. Et c'est plutôt violent. Voici quelques exemples :
- Pull fin en laine d'agneau mérinos, made in Italy. Prix régulier : 80$. Vente au rabais : 20$.
- Pulls en cachemire. Prix régulier : 200$. Vente au rabais : 60$. A noter que ces articles avaient été auparavant placés en "spécial" (une sorte de solde courante) à 120$ durant l'avant-Noël.
- Cardigan gris en laine d'agneau avec capuche et ouverture excentrée, en gros un pull long qui se porte bien avec chemise et cravate. Prix régulier : 130$. Vente au rabais : 20$.
Les guns dont je parlais plus haut sont ni plus ni moins des sorte de pistolets servant à produire des étiquettes avec le prix au rabais que l'ont colle sur les anciennes. Cela nous a pris 3h pour une équipe au grand complet (9). L'ouverture est prévue pour 13h mais ayant bien bossé, le chef nous a laissé quartier libre à partir de 12h30 pour magasiner en priorité avant l'afflux massif de Ladies Gagas.
En effet, la loi stipule que tous les commerçants participant au Boxing Day n'ont pas le droit d'ouvrir leur boutique avant 13h. Et de toute façon, cela serait impossible puisque la veille, tout était ouvert et non étiqueté au rabais.
Même si le 26 n'est pas férié dans la Belle Province, la boutique a offert à son personnel plusieurs éléments de compensations (eh oui, magasiner durant le Boxing Day, c'était dead pour nous !) :
- Un billet de 10$ par personne
- Les distributeurs de bonbons, sodas et cafés étaient gratuits (et le sont restés jusqu'au 3 janvier)
- La pause repas était payée
- Noël et New Eve Day seront payées
Ca n'en a pas l'air, mais c'est tout simplement délirant quand on sait que cela ne se passe pas ainsi dans beaucoup de compagnies ! L'autre grande marque d'habits en prêt-à-porter et situé à 2 min à pied de Simons, La Baie (The Bay dans le reste du Canada), propose les même avantages.
12h50 : comme le veut la tradition, le personnel se poste à des emplacements lui permettant d'éviter d'être dans la ligne de mire de la foule. Ca allait d'un angle mort près de l'entrée principale à la longue rambarde du second étage avec le directeur de la boutique. Il faut savoir qu'ouvrir un Boxing Day peut s'avérer dangereux. L'an passé, un membre du personnel ayant ouvert les portes d'un Wal-Mart s'est fait piétiner pendant de longues minutes. Mort.
13h : des cris de joie retentissent depuis deux accès majeurs : celui sur Sainte-Catherine et celui souterrain donnant accès au métro (Peel ou Mc Gill) et au centre commercial Industrie Alliance. Les portes s'ouvrent par étapes par deux équipes de 5 personnes, afin d'éviter toute tragédie entachant l'orgie mercantile qui se prépare. J'étais dans la plus mauvaise allée à ce moment, celle qui relie les deux entrées. Je monte vite l'escalator et me tourne pour observer durant ma montée les gens courir comme des dératés vers les graals à moins de 30 piasses : quelques restes de tektonikers (ou assimilés), des workin'-girls portant de gros sacs vides modèle Ikéa, des gamins (!) et des tarés en tout genre...
Ca ressemblait, durant la première heure, à ceci :
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Au secours. La folie ultra-consumériste à son paroxysme. Les soldes en France ? Bah, une messe de minuit, rien de plus !
De 1h pm à 5h pm, tout le personnel est sur le plancher, zéro pause (seul inconvénient avec toute la sueur que ça nous a coûté). Dans mon département, nous avions un poste à garder pour toute la journée. Ca allait de la caisse à renfort en caisse, surveillance et gestion de la file d'attente ou rester aux abords d'un petit pan de mur avec ses articles. J'étais à l'avant-caisse. Devant l'entrée principale. En première ligne.
Furie, j'écris ton nom : je ne comptais plus les supports arrachés ou détruits pour obtenir au plus vite l'aubaine, les morceaux (habits) tombés à terre et piétinés un bon moment après qu'un consommateur ait cherché et trouvé un TG ou TTG (XL ou XXL). On ne se pognait pas le cul en tout cas ! C'était un combat de tous les instants dans le rangement des items et surtout dans la manière dont on était traités : des poteaux indicateurs no name, that's all. Il a fallu puiser dans la philosophie jedi pour conserver mon calme face aux "hey toi, tu le sais tu où j'peux trouver les sous-vêtements ? Là-bas ? Ok !"... et pas même un petit merci...
4h50 pm : Tiens, il n'y a personne à la caisse du département ! La première fois depuis l'ouverture. Dans les rayons, ça se calme. On compte les blessés : zéro. On compte la caisse : $$$. Puis toute l'équipe arrive auprès de la caisse et l'on se congratule pour avoir bien tenu face à la marée humaine. Bref, tout allait pour le mieux durant cet interlude jusqu'à ce que le téléphone de la caisse sonne.
La DRH.
Mais que voulait-elle un 26 décembre ? La responsable demande Sébastien, un étudiant à temps partiel qui ½uvre à Simons depuis presque deux ans. Elle souhaite le voir dans son bureau immédiatement. En raccrochant, il lâche un fuck rauque avant d'y aller.
5 minutes plus tard, il n'appartenait plus à la Maison Simons. Motifs : du personnel l'a souvent vu en train de rouler des patins à sa copine durant ses heures de service et il arrivait souvent en retard (5 à 10 min).
La magie nord-américaine : être engagé en 5 min, se faire mettre à la porte en un temps égal. Cela peut être aussi bien un 24 décembre qu'à quelques heures du New Eve.
Au final, le Boxing Day est une folie humaine. Un tsunami matérialiste tantôt haineux, tantôt stupide qui fonce sur tout ce qui n'est pas dispendieux. Imaginez deux itinérants (SDF) se battent devant une succursale des Resto du C½ur pour avoir le dernier bol de soupe. Transposez cela dans un magasin lors du Boxing Day entre deux moutons se battant pour la dernière laine. Et voilà !
Ayant vécu le Boxing Day de l'intérieur, il est clair que jamais je ne ferais parti de cette masse prête à poireauter 2h et courir la bave aux lèvres pour obtenir la Sainte-Babiole...
Cette semaine, c'est l'after : tout ce qui n'a pu être vendu lors du Boxing Day sera liquidé à des prix défiant les lois de la gravité. J'irais faire un tour pour me trouver un pantalon de ski et/ou des collants chauds sauf si c'est blindé...
D's©
Last Edit: à 16h34 by Damien