Chapitre 84

Chapitre 84

Dans une des ailes réservées aux familles bourgeoises du Walhalla, à l’intérieur de ses appartements, Bedra de Edel, émerge doucement de cette nuit agréable, qu’elle a passé emmitouflée dans ses draps.
Malgré le réveil, elle paraît toujours aussi séduisante. Ses longs cheveux blonds soyeux et à peine dépeignés, ne gâchent en rien cette beauté que chaque homme rêve d’avoir à ses côtés au matin.

Ses yeux améthyste se tournent instinctivement de l’autre côté du lit, celui-ci est hélas déjà vide en ce matin du 23 mars 1987.
Très vite, son futur époux la rassure. Couvert de sa God Rob, casque sous le bras, Syd de Mizar admire le paysage depuis la grande fenêtre où il s’est posté : « Bientôt tu continueras à passer d’aussi agréables nuits que celle qui vient de s’écouler. »
Sa promise se penche légèrement et admire un temps moins capricieux que d’ordinaire. Hormis quelques flocons qui voltigent dans un vent relativement calme, le ciel paraît clément en ce jour à Asgard.
_ « Odin bénit déjà sa Majesté Hilda d’entreprendre notre conquête du Sanctuaire.
_ Alors c’est toi que la Princesse de Polaris a choisi ?
_ Oui. Je dois me rendre au Sanctuaire jauger la puissance des Saints qui protègent Athéna et, accessoirement, ramener sa tête si la tâche n’est pas trop ardue. »
L’engouement du Guerrier Divin n’est pas partagé par la belle des neiges : « Je suis surprise que tu prennes plaisir à ôter la vie d’une déesse qui nous a toujours été présentée comme alliée à Odin. »
Bien plus impulsif avec elle depuis qu’il a découvert sa liaison avec Bud, le God Warrior de Zeta s’emporte : « Parce qu’une divinité qui nous condamne à vivre ici dans ces conditions, est une alliée pour toi ?! Bien sûr, en restant au chaud à profiter des trophées de chasse de nos serviteurs, tu ne dois pas te rendre compte de la rudesse d’une vie ordinaire dans ces contrées ! Demande à Thor ce qu’il en pense. Interroge-le sur le nombre d’enfants morts le mois dernier à cause des conditions de vie déplorables ici ! »
Discrète, effrayée, Bedra se contente de murmurer : « Je suis simplement surprise qu’Hilda accepte soudainement de faire appel à la violence. Elle et sa s½ur abhorrent toute forme de haine. D’ailleurs, en parlant d’elle, où est Freya ? Que pense-t-elle de tout ceci ? Et le Seigneur Sigmund ? On dit que son frère fut nommé à sa place God Warrior ! »
Préférant s’épargner de longues explications, le second de Siegfried choisit de taire la mise au cachot de la cadette de Polaris. Il fixe son casque sur son crâne et déclare : « Qu’importe les moyens. Les Asgardiens souffrent depuis trop longtemps. Hilda me fait l’honneur d’être son messager. Il est convenu que je parte dès le lever du soleil. Je reviendrai victorieux au nom de notre futur mariage. Sous peu, tu épouseras un prestigieux Guerrier Divin sous le soleil grec. »
Il emprunte la sortie sans plus poser un regard sur la jeune femme qui cajole son corps nu dans ses draps.

C’est lorsque son regard désespéré fuit vers l’horizon, qu’elle distingue au coin de la fenêtre une apparence similaire à celle de son fiancé.
Toutefois, sa God Rob est d’une couleur plus laiteuse que celle de Syd.
Un mélange de nostalgie, de gratitude et de soulagement se bouscule dans son c½ur quand elle réalise qu’il s’agit de Bud, son amant interdit, ombre éternelle de son premier amour.
D’un léger hochement de la tête, son premier geste à son égard depuis des mois qu’ils ne se sont plus vus, Bud d’Alcor fait comprendre depuis l’extérieur qu’il veillera sur son jumeau…


Au même moment, à Blue Graad, à l’intérieur du palais, le nouveau roi traverse les couloirs en prenant le soin de renvoyer à chaque homme le salut qui lui est adressé.
En tenue officielle, une longue cape blanche maintenue par des épaulettes d’acier bleues couvrant sa soutane immaculée, Alexer inspecte son palais.
Sa promenade le conduit dans une chambre magnifiquement décorée. De longs morceaux de tulle rose sont accrochés par chaque extrémité au plafond, tandis qu’une dizaine de tableaux habillent les murs.
_ « Cette touche féminine fait de cette pièce un lieu de dépaysement, déclare-t-il à l’occupante. »
Assise devant son bureau, maniant la plume, sa s½ur recoiffe ses cheveux couleur de blé, afin d’être plus présentable devant son frère.
_ « Il est vrai que ces pierres blanchies par le froid nous rappellent chaque jour la rudesse de notre contrée. Lorsque je m’enferme ici, je voyage quelque peu, lui répond-elle. »
Le Blue Warrior surplombe sa s½ur pour chercher à lire ce qu’elle rédige.
_ « Ecris-tu à l’Asgardien dont tu t’es énamourée ?
_ En effet. Comme Utgarda, le messager, n’a pu partir hier en raison de la tempête, j’en profite pour écrire à Surt un courrier plus long que d’ordinaire.
_ Il est vrai que le froid s’est levé beaucoup plus vite qu’à l’accoutumée. Peut-être devrais-je profiter de la présence d’Utgarda pour proposer une rencontre entre Hilda de Polaris et notre royaume ? Peut-être serait-ce l’occasion d’aborder d’éventuelles fiançailles entre Surt et toi ? »
Aussitôt, sa s½ur lui bondit dans les bras.
_ « Est-ce vrai ?! Tu accepterais ?!
_ Comment pourrais-je refuser quelque chose à ma s½ur bien-aimée ? Et puis, je n’ai actuellement aucune épouse, aucune descendance. S’il m’arrive quelque chose, ce sera à toi de prendre le trône. »
Alors qu’il prend congé, Natassia le serre chaleureusement dans ses bras : « Ne parle pas de malheurs voyons. »

En sortant de la pièce, Alexer retrouve son escorte personnelle, composée de Rung et Ullr.
Sentant la fatigue le gagner, Alexer demeure songeur après son échange avec sa s½ur : « J’ai bien peur hélas que le malheur ne se soit déjà produit. Jamais dans toute l’histoire de Blue Graad une nouvelle vague de froid n’était tombée si vite. Ce signe n’est pas anodin. Le messager d’Asgard ne peut repartir dans de telles conditions et je ne peux me rendre à Asgard chercher des réponses. Je ne peux pas abandonner une nouvelle fois mon peuple. Cette situation m’inquiète quand même. Qu’est-ce qui se passe sur Terre ? Je sens les cosmos des Asgardiens s’accroîtrent jusqu’ici. »
Il progresse finalement jusqu’aux portes du palais que deux gardes lui ouvrent à peine, la morsure du froid venant immédiatement souffler les torches du couloir.

Habitué à ce froid ravageur, lui qui a vécu dans les ruines positionnées plus loin durant ses années d’exil, Alexer entame une approche vers son ancien quartier général aujourd’hui abandonné.
D’un signe de la tête, il laisse Rung et Ullr aux remparts du palais.
Seul, à bonne distance, dissimulé par les épaisses bourrasques neigeuses, Utgarda, l’hôte d’Asgard, garde un ½il sur le Roi de Blue Graad.
Bien qu’alliés désormais, l’Asgardien demeure attentif aux agissements des Blue Warriors.

Avec dépit, Alexer part faire le tour de ce camp de fortune où sont encore restés quelques fourrures et amphores vides, vestiges de la présence passée des renégats qu’il avait réunis.
_ « Maintenant, mes hommes qui ont survécu ne font plus qu’un avec l’armée de Blue Graad. Pfft… L’armée… Une simple cohorte de vingt hommes. Heureusement que la paix est revenue. Mais pour combien de temps. »
Il s’arrête devant ce qui était sa couche et se remémore quelques instants passés avec Ksénia : « Je t’ai toujours cru de bon conseil. N’ayant que toi auprès de moi, j’ai suivi tes recommandations. A quel prix ?! Mon père est mort et j’ai failli détruire ma nation. J’ai affaibli l’armée des Blue Warriors en perdant Midgard. Et pourquoi ? Quels intérêts pouvais-tu bien servir ? Je t’aimais et ton image reste gravée dans ma mémoire. Seulement, Ksénia, te reverrai-je un jour ? »
Comme pour lui répondre, un tourbillon de flocons se forme sur le sol de la demeure où la neige réussit à tomber par les brèches dans le toit.
De façon similaire aux différentes apparitions de Ksénia par le passé, le phénomène libère une pression cosmique intense.
Penaud, ne sachant que faire, hésitant entre sentiment de colère et soulagement à l’idée de revoir enfin celle qui a occupé ses pensées ces dernières années, Alexer sert les poings, bras tendus le long de son corps.
Peu à peu, la neige fond le long de cette silhouette qui se forme.
Puis, tout autour, le parterre de glace devient une véritable marre qui inonde Alexer jusqu’aux chevilles.
Très vite, Alexer comprend que ce n’est pas son ange, qu’il soit gardien ou démoniaque, qui vient à lui.
Lorsque le blizzard passe à travers lui, il se change en un courant d’air chaud qui vient fouetter le visage du Sibérien et l’empêcher de parfaitement distinguer cet homme aux cheveux mi-longs, à la couleur du soleil couchant.
Coiffé d’un diadème aux mêmes couleurs sombres et célestes que celles du reste de sa protection, l’inconnu présente des liens évidents avec la Grèce tant l’étole qui passe par-dessus son épaule gauche et dessous la ceinture de son armure pour former une jupette donne un style antique.
Déçu, Alexer grommelle : « Je croyais qu’il s’agissait de mon ange. »
D’une voix calme et posée, l’inconnu qui porte un cristal à chaque oreille confirme : « Mais je suis un Ange. Idaios, l’Ange qui vient de l’Olympe pour te donner la mort. »
Face à l’annonce du rang de l’intrus, Alexer recule d’un pas, devinant le niveau de l’Olympien : « L’Olympe ?! Je ne comprends pas ? Quel sacrilège ai-je commis ? »
Idaios ferme les yeux et s’avance avec suffisance : « Celui de fouler cette Terre. »
Sans crier garde, l’ennemi balance un coup de pied, dont le talon fend par surprise la pommette droite du souverain. N’ayant pas le choix, ce dernier se ressaisit et balance une droite face à laquelle se baisse Idaios.
Alexer espère le coincer contre le sol, alors il tente une gauche mais, cette fois-ci, très vite et très simplement, l’Ange saute au dessus de lui et à même le temps de le frapper avec son pied derrière la nuque en retombant derrière son dos.
Quand Alexer se retourne pour tenter de l’attraper et l’étreindre, l’Ange effectue un salto dans les airs pour retomber le genou en premier sur le sommet du crâne d’Alexer et le faire tomber dans les flaques de neiges fondues…


Concomitamment, en Grèce, le soleil printanier passe aux travers les diverses brèches faîtes par le temps sur les pierres de la demeure du Bélier.
Il se reflète sur les armures d’or des cinq Saints réunis chez Mû.
Chaque Saint, Aiolia pour Pégase, Mû pour le Dragon, Milo pour le Cygne, Aldebaran pour Andromède et Shaka pour le Phénix, a à ses pieds les morceaux des armures des chevaliers de bronze qui ont risqués leurs vies pour Athéna.
Brisant le silence qu’ils se sont imposés en se figeant devant le résultat de leurs affrontements contre les protecteurs de la Déesse de la Sagesse, Mû demande : « Vous êtes prêts ? Allons-y ! »
Sans hésiter, Aiolia et Milo s’ouvrent les veines pour baigner de leur sang les Cloths meurtries.

Se soutenant les uns, les autres, conformément à l’invitation de Shaka la veille, Seiya, Shiryu, Hyoga, Shun et Ikki les rejoignent.
_ « Aiolia ! Que faîtes-vous, demande Seiya ? »
Impassible, Mû s’adresse au Saint du Dragon.
_ « Shiryu, tu dois te souvenir du moment où j’ai régénéré l’armure de Seiya.
_ Comme l’armure de Seiya d’alors, nos armures seraient-elles mortes ?
_ Oui, les armures ne sont pas de simples protections. Elles sont vivantes. Pour les ressusciter, il faut leur sacrifier une vie.
_ Je me souviens qu’il faut la moitié du sang d’un corps humain pour ça, réagit Hyoga.
_ Mais l’être humain meurt s’il perd plus d’un tiers de son sang, complète Ikki.
_ Vous allez donc ressusciter nos armures au péril de vos vies, s’inquiète Shun ?
_ C’est naturel, déclare fermement Aiolia. Vous avez surmonté des épreuves inimaginables pour sauver Athéna. Vous avez accompli notre devoir de Saint d’or. Si nous pouvons nous acquitter ainsi de notre dette, notre honneur sera sauf. »
Convaincu et reconnaissant, Seiya admire son aîné : « Aiolia ! »
Milo développe : « Nous vous reconnaissons comme les vrais chevaliers protecteurs d’Athéna. »
Suivi par Shaka et Mû, Aldebaran offre son sang en approuvant les propos du Scorpion : « Tout à fait ! »
En quelques secondes, l’aura dorée des Saints d’or inonde les morceaux de bronze grâce au sang dans lequel ils baignent…


Pendant ce temps, à Blue Graad, dans les ruines à la frontière de la cité, Alexer balance tous les enchaînements possibles sans parvenir à ne serait-ce que frôler l’envoyé d’Héphaïstos.
Lassé d’esquiver avec facilité, l’Ange le cogne à sa pommette fendue avec plus de puissance dans sa jambe que tout à l’heure.
Alexer passe à travers un mur et choit dans la poudreuse.
Défiguré, l’os sous son ½il droit probablement fracturé, il interroge son adversaire.
_ « Cette façon d’apparaître tout à l’heure… Elle ne m’est pas inconnue. Ksénia… Tu la connais n’est-ce pas ? Il s’agit d’un Ange de l’Olympe c’est ça ?
_ Tu veux sans doute parler d’Helénê ? Oui, il s’agit d’un Ange. L’Ange le plus puissant d’entre nous d’ailleurs.
_ J’ai donc été un pion de l’Olympe, grimace le Sibérien.
_ Bien évidemment. Comment pourrait-il en être autrement ? Vous vivez sous l’égide des dieux.
_ Ils se sont servis de moi pour organiser je ne sais quelle manigance ?!
_ N’est-ce pas un honneur d’avoir été choisi par les dieux pour mener leurs desseins, demande sincèrement Idaios ? »
En guise de réponse, le Blue Warrior écarte les bras et fait venir à lui son armure.
_ « Certainement pas quand il ne s’agit pas de ma déesse ! D’Athéna !
_ Vous êtes si particuliers les humains. Nous parlons des dieux de l’Olympe, pas d’une vulgaire réincarnation qui a choisi de mener une existence faite de souffrance. »
Galvanisé par le revêtement de son armure au bleu métallisé, le chevalier de glace accroît son cosmos afin de lancer une bille de cosmo énergie bleutée : « Voilà ce que j’en fais de ta vulgaire réincarnation ! Blue Impulse ! »
La bille devient un réel orbe autour duquel gravite des anneaux de glace. La déferlante polaire fonce sur l’Ange qui n’esquisse même pas la moindre réaction.
Au moment d’être heurté, il ralentit le mouvement glacial et le laisse danser devant lui : « Je suis stupéfait. Pas par ta technique mais par ta réaction bien sûr. Tu oses lever ta main sur le messager des dieux que je suis. Mais l’affront le plus grave, c’est cette offense même que tu fais aux dieux en refusant de mourir. Comment peut-on ignorer les règles de ces entités supérieures ? »
Alexer continue d’injecter son cosmos dans son arcane immobilisé, afin de faire pencher la balance.
_ « Et le libre arbitre ?
_ Le libre arbitre, demande Idaios ?
_ Que fais-tu du libre arbitre ? L’homme a toujours su s’émanciper, afin d’avoir droit à sa liberté. Tout ce qu’il a crée, il l’a bâti à la force de ses convictions, de son c½ur et de ses mains.
_ Et que fais-tu de tous les cadeaux des dieux ? Le feu de Prométhée, les…
_ Mensonges ! Mensonges de tes dieux qui ne supportent pas l’autonomie des hommes ! Pires, qui jalousent leurs vies faites de passions ! »
Toujours aussi inexpressif, l’Ange déploie autour de lui sa cosmo énergie : « Je vois qu’il est inutile de chercher à convaincre un fou. Voilà donc ce qu’a engendré la faiblesse d’Athéna. Je refusais de croire à cela jusqu’ici. Il aura fallu que j’accepte cette mission sur Terre pour réaliser à quel point ce monde que nos maîtres vous ont offerts est corrompu. Vois donc ce que je fais de ton libre arbitre. »
Tout à coup, comme s’il suffit pour lui de claquer des doigts, l’Ange change les anneaux de glace en anneaux de lave. Le c½ur de froid devient semblable à du magma en fusion.
Le parterre givré devient une immense terre volcanique. La neige s’est changée en braises sur des kilomètres à la ronde, menaçant presque le palais et les habitants qui l’entourent. Des éruptions transpercent le sol et dévorent la neige pour laisser paraître un sol rocailleux qui n’avait pas été déshabillé depuis des millénaires.
Au milieu de l’enfer de feu, Alexer tombe à genoux, déstabilisé par le choc des températures.
La sueur lui coule dans les yeux et il manque de justesse d’être emporté par son orbe désormais enflammé, lorsque celui-ci lui est retourné.
En roulant sur le sol, il est ébouillanté par la vapeur d’un jaillissement de lave.
Et lorsqu’il réussit tant bien que mal à se relever, il encaisse une droite en plein visage. Reculant de quelques pas, il pare un enchaînement de droites et de gauches puis saute dans les airs pour s’extirper de ce corps à corps et de l’atmosphère suffocante.
Malheureusement, à peine la distance prise, il remarque son adversaire dans son dos.
Avec lui, par le biais de son cosmos, il semble avoir attiré une immense vague de lave : « Vulcanus Gash. »
L’onde frappe Alexer sur toute la largeur de l’abdomen en lui fendant son armure.
Le magma s’infiltre par la brèche, comme pour ronger le Blue Warrior dont le corps se tortille dans tous les sens avant de convulser et d’imploser.
Les épaulettes, la ceinture et tous les ornements de sa Cloth volent en morceaux, tandis que son corps s’échoue sur le parterre boueux…


A cet instant, au Walhalla, strictement bardé de sa God Rob, Siegfried arpente les allées du temple sur la demande d’Héraclès que Hilda a fait mandater.
Pas à pas, il progresse dans les appartements de l’impériale splendeur où le quitte le soldat qu’elle congédie une fois qu’il a accompli son devoir.
Droit, tenant son casque sous le bras, le Guerrier Divin d’Alpha s’agenouille, en attendant que sa souveraine se présente depuis la pièce d’à-côté pour lui rendre les hommages qu’il lui doit.
Durant la longue attente, il détaille les éléments qui composent le logis privé de la représentante d’Odin.
Contre un mur, un tableau d’elle et de ses défunts parents tenant le nourrisson que Freya était.
Sur celui d’en face, une immense glace renvoie l’image idyllique d’une famille heureuse.
Les tapisseries sont propres, claires, illuminées par quelques bougies posées sur les commodes où trônent quelques corbeilles de fruits.

C’est alors que le timbre noble de l’aînée des de Polaris assure : « Ces fruits viennent de la dernière cargaison du Port du Destin en Crète… »
Toujours à l’affût, Siegfried est pris pour la première fois au dépourvu en n’ayant pas senti venir celle qu’il aime.
Sa surprise n’en est que plus grande lorsqu’il découvre ses longues jambes nues dépasser d’un peignoir noir en satin, les cheveux encore humides, un verre de vin à la main. Sa stupéfaction ne permet à aucun son sortant de la bouche d’Hilda d’atteindre son cerveau : « … et nous boirons de ce délicieux vin français sur les côtes où il a été réalisé lorsque Syd reviendra. »
L’évocation de son ami ramène l’Asgardien à lui, après que l’aristocrate lui tend une coupe de ce fameux vin.
En se relevant, convaincu que la tâche ne sera pas aussi aisée que l’entend son interlocutrice, Siegfried grimace en trempant ses lèvres, se gâchant le plaisir de goûter à l’arome onctueux.
Surpris d’être reçu dans de telles conditions et, surtout, de découvrir pour la première fois la régente d’Asgard dans cette tenue, il emprunte un ton assez sec : « Ensuite ? Que ferons-nous une fois le Sanctuaire vaincu ? Ne faudra-t-il plus prier Odin sur ses terres ? J’imagine que c’est pour évoquer ce sujet que vous m’avez fait appeler ? »
Venant tapoter de ses doigts fins contre le métal froid de la God Rob de Siegfried, Hilda toise avec un intérêt suspect les yeux gênés de l’athlétique Guerrier Divin : « Nous érigerons à Odin une statue sur les ruines du Sanctuaire. Sa reconnaissance n’en sera que plus grande… »
A mesure que sa bouche s’ouvre, elle ne parle plus, mais susurre en approchant son visage de celui de Siegfried : « … et mon envie de plaisirs n’en sera encore que plus insatiable. »
Sans se soucier des sentiments qu’il lui porte, sans même exprimer la moindre allusion à leur nuit respectivement passée avec Thétis, alors que cette incartade a tant nui à leur relation, elle l’embrasse à pleine bouche. Glissant ardemment sa langue contre la sienne, elle laisse le léger tissu qui la couvre s’ouvrir, pour lui offrir les prémices du plaisir dès lors que sa peau se colle contre l’armature solide et ferme qui couvre Siegfried.
Désarmé, le Guerrier Divin laisse son verre lui échapper et se briser sur un tapis blanc immédiatement imprégné de l’élixir écarlate.

Confus, l’homme de bonne famille commence à se défaire de l’emprise passionnée de l’instigatrice de la nouvelle Guerre Sainte.
Seulement, confirmant le changement brutal de comportement de l’ecclésiaste, celle-ci laisse volontairement son verre choir en rigolant crapuleusement. Elle s’empare des mains de son général et les lui glisse entre ses jambes : « Ne t’en fait pas. Lyfia s’occupera de ça. »
Cette indifférence oblige l’intéressé à fuir l’étreinte.
Il recule jusqu’à la porte le visage médusé.
Perdu, ne trouvant plus en celle qui a bercé ses plus tendres rêves le charme et l’élégance qui faisait d’elle son unique projet, Siegfried a les mains ouvertes vers le ciel, comme démuni : « Je suis désolé Majesté mais je ne peux pas. Tellement de choses se sont produites entre nous et… Autour de nous, que je ne sais pas comment je dois réagir. »
Coi, Hilda regagne vite de sa suffisance. Dissimulant ses attributs les plus charmants, elle plisse les yeux en pointant la sortie du doigt : « Tu apprendras que je n’autorise aucune traîtrise. Je n’accorde aucune seconde chance. Désormais, nos relations seront donc celle d’un fidèle général obéissant aux instructions militaires de son royaume. Sur ce terrain, tâche de te distinguer, car je n’attendrai plus rien de toi en cas d’échec là aussi. »
Davantage meurtri que depuis le moment où Thétis est rentrée dans leurs vies, le Guerrier Divin garde pour lui ses états d’âme. Il se courbe devant l’autorité incarnée par sa bien-aimée et prend congé…


A Blue Graad, étendu inconscient sur le sol, Alexer est menacé par la progression du magma.
L’avancée de la lave commence à avaler ses pieds, heureusement protégés par son armure.
La chaleur insoutenable le ramène à lui.
Immédiatement, le Sibérien roule sur le sol pour fuir la coulée ardente.

La tête lui tourne encore après le choc reçu.
Ses sens s’amenuisent, diminués par son adversaire et troublés par le piège de lave qui l’entoure.
C’est lorsqu’il comprend à peine les mots de l’ennemi et qu’il ne parvient plus à localiser leur provenance qu’il réalise à quel point l’Entaille de Vulcain lui a été fatale.
_ « Tu es toujours vivant. »
Alors qu’il manque de chuter en se retournant trop vite dans la direction de l’Ange, Alexer assure malgré tout : « Il en faudra plus pour me tuer. »
D’un simple revers de bras, Idaios dirige un souffle rutilant qui oblige Alexer à prendre de nouveau les airs pour s’en extirper et mieux respirer.

Aussitôt, Idaios déploie grâce à son cosmos des ailes blanches dans son dos et le rejoint, comptant le prendre à revers comme auparavant : « Vulcanus Gash. »
Cette fois-ci, alors qu’il prenait de la hauteur, Idaios ne parvient pas à surplomber Alexer.
En effet, le Blue Warrior a cette fois sauté bien plus haut. Il cherche dans l’altitude le froid dominant de la contrée en sortant du brasier de l’Olympien.
Alexer déploie ses pleins pouvoirs et réussit à l’oppresser avec son cosmos de glace.
Les plumes épaisses et soyeuses gèlent d’abord puis se brisent en milliers de morceaux cristallins.
Déséquilibré, Idaios libère son arcane à quelques centimètres à côté de sa cible qui a tout le loisir de contre-attaquer : « Blue Impulse ! »
L’Orbe Bleue englobe Idaios avant une puissante implosion qui renvoie Alexer à l’intérieur de l’enfer volcanique.

Essoufflé, de nouveau affaibli par la température ambiante, il s’étonne de voir le sol continuer à s’ouvrir et à libérer son plasma.
Très vite, les yeux presque clos, il fixe les airs, là où s’est produit l’onde de choc.
Un épais brouillard humide voile sa vision.
Toutefois, le ton suffisant de l’Ange lui permet de comprendre : « Comment peux-tu espérer avec un tel cosmos geler la lave de mon maître ? Même un Saint d’or, la caste la plus puissante parmi les hommes, n’y parviendrait pas. »
Alors qu’il est parvenu à contrer Idaios, Alexer n’a pas libéré suffisamment de force pour l’abattre.
Déterminé, il reprend malgré tout sa garde : « Dans ce cas, je surpasserai le niveau d’un chevalier d’or. Je créerai un froid suffisamment puissant pour geler ton volcan. »
Sincère et stupéfait par l’abnégation de cet adversaire qu’il ne comprend pas, l’Ange lui propose une fois de plus de renoncer tandis qu’il regagne le sol : « Ne préfères-tu pas arrêter là ? Je ne doute pas de tes capacités qui sont au-delà d’un humain normal. Mais là tu es face à un Olympien. Des descendants d’enfants de dieux. Entend raison et ce soir je prierai nos dieux pour ton pardon. »
En guise de réponse, Alexer arrive pied gauche en avant.
Idaios se baisse pour l’éviter, mais est surpris par l’autre jambe qui le reprend de volée en plein visage.
L’Ange lui rend la pareille. D’un mouvement acrobatique dans les airs, son pied droit le cogne en plein menton.
Dorénavant trop affaibli pour ressentir encore la douleur, Alexer parvient d’un geste désespéré à lui décocher une droite en plein abdomen, suivi d’une gauche en plein nez.
Il retente l’expérience mais cette fois-ci le guerrier d’Héphaïstos est plus prompt. Il lui bloque le bras et le devance coude en avant en plein buste.
En regardant le roi s’écraser dans le sol devenu marécageux, Idaios se tient instinctivement son nez qui saigne : « Alors qu’il est plus mort que vif, il est parvenu à me surprendre. Pas que sa vitesse était illisible pour moi. Simplement qu’elle surpassait celle déployée jusqu’à présent. Et non pas seulement ses mouvements. Leur puissance aussi était différente. Il se relève chaque fois plus fort. »

Comme pour donner raison à son opposant, Alexer bondit par surprise alors qu’il semblait inconscient : « Blue Impulse ! »
Comme s’il s’agissait d’une simple boule de neige, Idaios balaie l’assaut d’un mouvement de bras et riposte avec sa jambe.
Cette fois-ci, le Blue Warrior la bloque avec sa main et balance sa jambe en direction du visage ennemi.
Idaios s’en saisit et le renvoie au loin.
Heureusement, à quelques mètres d’un chemin de lave, Alexer se ressaisit.
Cependant, Idaios apparaît devant lui et lui serre chaque poignet pour l’empêcher de réagir.
Il lui enfonce d’abord son genou dans l’estomac, fissurant un peu plus sa Cloth, puis enchaîne en levant sa jambe en plein visage.
Déterminé à ne pas laisser le fidèle à Athéna cueillir une seconde chance de le surprendre, Idaios annihile toute possibilité pour Alexer de reprendre sa garde.
De nouveau devant lui, il frappe genou contre poitrine suivi d’une droite qui lui explose l’arcade sourcilière gauche.
Envoyé au tapis, Alexer se reprend en pleine chute et finit quand même par toucher la fierté de l’Olympien en lui égratignant la mâchoire d’une faible droite.

Chacun observe un minimum de distance avant de reprendre le combat.
Alexer utilise son cosmos pour répondre à l’aide reçue à distance qui l’a revigoré et qu’il devine provenir de ses hommes.
_ « Rung ?! Ullr ?! Ce soutien que j’ai ressenti, c’étaient vos cosmo énergies n’est-ce pas ?
_ Roi Alexer, répond Ullr, tenez-bon, nous arrivons prestement !
_ Surtout pas, peste Alexer ! La neige fond à vue d’½il. Bientôt les remparts de la cité seront cernés de lave. J’ai besoin que vous utilisiez votre cosmos pour repousser sa progression.
_ Mais, commence Rung…
_ Il n’y a pas de mais Rung, l’interrompt Alexer ! Si j’échoue, vous demeurerez le dernier rempart de Blue Graad ! »
De son côté, toujours aussi inexpressif, le guerrier aux cheveux et à la peau dorée, libère de nouvelles ailes dans son dos, pendant que son cosmos fait accroître les tremblements de terre.
Face à lui, l’aura bleutée d’Alexer peine à se faire respecter.
Pourtant, le Sibérien n’abdique pas : « Il est impressionnant. Après la Guerre Sainte contre Asgard, je n’ai cessé de poursuivre mon entraînement dans le but d’être un allié de poids pour Athéna. Au fur et à mesure du combat, je suis monté en puissance, jusqu’à porter l’ultime cosmos dans chacun de mes mouvements. Hélas cela n’a pas été suffisant. Je dois pousser mon froid à aller au-delà. Créer un froid semblable à celui qui a scellé cette cité sous-marine que j’ai sous ma surveillance. Atlantis a été séparée il y a plus de deux cents ans du reste du royaume de Poséidon, grâce à la libération d’un cosmos de glace porté à son paroxysme. Il faut que je trouve au fond de moi la source du zéro absolu… »

Soudain, une colonne de magma jaillit depuis le sol éventré, juste devant les yeux d’Alexer. Idaios réengage les hostilités.
Ebouillanté, Alexer perd tout réflexe d’autodéfense et Idaios a tout le loisir d’apparaître derrière lui pour le cogner derrière la nuque avec son genou.
Alexer essaie de réagir mais sa gauche est trop molle. Idaios lui frappe le dessus de l’avant bras, brisant sa Cloth et ses os avant de lui fracturer le nez avec sa jambe gauche.
Enfin, Idaios estime pouvoir mettre un terme à cette bataille. L’émanation de lave présente tout autour d’eux se réunit devant l’Ange qui dégage sa cosmo énergie : « Vulcanus Gash. »
Incapable d’effectuer le moindre geste, Alexer se laisse complètement submerger par la déferlante volcanique. Sa Cloth éclate peu à peu, ses orifices crachent du feu tandis que sa peau noircie…


En Grèce, au Sanctuaire, dans la maison du Bélier, au terme de quelques heures, une fois remis du sang qu’il a perdu, Mû achève de faire parler ses outils.
Avec le soutien des siens, le représentant de Jamir donne le dernier coup de forge nécessaire à la finition de la dernière Cloth, celle du Dragon.
Nouvelles, resplendissantes, débordantes de puissance, les armures de bronze sont désormais achevées et d’elles-mêmes viennent trouver leurs propriétaires.
_ « Ce sont nos nouvelles armures, arrive Shiryu ? »
Hyoga n’en revient pas : « C’est… »
_ « Elles regorgent de vitalité, se montre plus loquace Ikki !
_ C’est extraordinaire, s’émerveille Shun !
_ Mû… Les amis ! Ces Cloths dégagent même vos vies. Mon corps… Non, tout mon être, est désormais entièrement rétabli, complète Seiya. »

Discret depuis le début, Shaka réagit alors : « Dans ce cas, vous savez ce qu’il vous reste à faire. Un étrange danger guette Athéna, vous avez pu le découvrir hier soir. »
Seiya dresse son poing : « Oui, nous rentrons de ce pas au Japon. »
Il est suivi de Hyoga : « Maintenant que nous sommes remis, grâce à l’expérience de nos combats, il nous suffit de nous déplacer par nos propres moyens pour arriver en moins de deux. »
Joignant le geste à la parole, les Saints de bronze quitte le Sanctuaire avec facilité à une vitesse à mi-chemin entre celle du son et de la lumière.

Souriants, les Saints d’or se séparent avec amabilité.
_ « Tu quittes ta maison Mû, l’interroge Aldebaran ?
_ Oui. Avant de partir pour le Japon, Kiki m’a parlé de Saül, le forgeron du Sanctuaire. C’est un Saint de bronze talentueux dans la confection d’armes. Et apparemment, il mérite qu’on s’intéresse à lui. »
Déjà au loin, Shaka déclare : « Ce sera donc à toi Aldebaran d’être le premier rempart pendant quelques heures si un intrus venait à passer ici. »
Taquin, Milo balance « Ça risque d’être compliqué ! Ça fait un moment que notre Taureau a la tête dans les nuages depuis qu’il profite de ses permissions pour fréquenter Europe à Rodorio ! »
Très querelleur avec le Scorpion, le Lion le tire par le bras pour l’aider à fuir les éventuels foudres d’Aldebaran : « Je pense qu’il vaut mieux que tu prennes un peu d’avance car si Aldebaran te met la main dessus… »

Depuis tout le domaine, le peuple peut observer cinq étoiles filantes passer au-dessus de leurs têtes en plein jour.
Tirant sur son fouet pendant qu’elle administre quelques ordres à ses troupes, June cache son chagrin : « Alors tu t’éloignes encore de moi. Quand pourrons-nous nous retrouver tous les deux, heureux et en paix, Shun ? »


En même temps, à Blue Graad, un micro climat de cendres et de souffre neutralise puis anéantit les efforts de la nature.
Le cataclysme sibérien est effacé par cette manifestation volcanique inédite.

Inconscient, sur le toit d’une ruine qu’il occupait le temps de son exil, Alexer ne réalise pas que les vestiges de la cité qui lui servait de quartier général fondent dans la lave qui gicle des entrailles de la terre.
Au beau milieu d’une rivière magmatique, comme sur un îlot peu à peu englouti, quelques battements de cils signent le réveil d’Alexer.
Sa première réaction est une grimace.
Elle le poursuit à chaque mouvement.
Sa peau craquelée par le magma éclate dès qu’il contracte un membre.
Sa langue n’est que braise dans sa bouche et ses yeux ne voit plus que l’incandescence des premiers remparts de la cité submergés.
Ses oreilles n’entendent que le crépitement du feu et l’éclat des roches et des briques.
Ses narines n’arrivent plus à aspirer l’air bouillant, elles ne recrachent que des flammes.
Peu à peu dépourvu de ses sens, il ressent le mouvement de la charpente sur laquelle il attend la mort : « J’ai l’impression d’être désormais au milieu d’une mer de lave. »
Le frère de Natassia cherche désespéramment son adversaire.
En faisant plusieurs fois le tour de lui-même, il remarque que la fusion dévastatrice progresse vers le palais.
Impuissant, les bras ballants, les larmes viennent à Alexer : « Le palais ! Les villageois ! »
D’une totale indifférence, la voix de l’Ange lui permet enfin de le localiser : « Ils vont périr eux aussi. Ainsi, la patrie de Blue Graad sera le symbole de la réaction des dieux contre l’insurrection humaine. Soyez fiers de représenter le premier pas vers un nouveau monde décidé par l’Olympe… »
Le soldat d’Héphaïstos lévite grâce à ses ailes d’énergie jusque devant Alexer puis poursuit : « … Je suis surpris de te voir toujours de ce monde cela dit. L’homme est un cloporte qui s’accroche désespérément à la vie. Une vie si éphémère que je ne comprends pas les raisons d’un tel acharnement. Face à tant de soucis, je ne peux donc décemment pas laisser cette base athénienne défier plus longtemps l’Olympe. »
Enfin, ignorant totalement la présence du Sibérien condamné, Idaios poursuit son chemin jusqu’à devancer la progression de la lave.
De son refuge clandestin, il ne reste à Alexer que le toit qui lui sert de barque peu à peu dévorée par la lave.

Idaios, lui, lévite jusqu’aux premiers postes avancés de surveillance où Rung et Ullr observent avec terreur l’étrange phénomène.
_ « Rentrez tous à l’intérieur, s’écrie le second à l’assistance ! Barricadez toutes les portes ! Et veillez sur la Princesse Natassia ! »
Parmi la foule, la bien nommée s½ur d’Alexer distingue à travers l’escorte qui la ramène de force à l’intérieur, son frère qui dérive sur, maintenant, un minuscule morceau de bois.

Avec grâce, l’Ange pose ses pieds sur le pont de pierre qui lie les deux tours où les deux Blue Warriors étaient en observation.
Intéressé et curieux de la réaction qu’il juge en premier lieu stupide de la part de Natassia, il réalise que celle-ci lutte contre son escorte pour se lancer avec insouciance au secours de son frère.
Il pointe alors son bras dans la direction prise par la troupe et les villageois, décidé à mettre un terme à cette civilisation au plus vite : « Comment peut-on attacher autant de passion pour un autre humain, un autre être faible, fragile, insignifiant, et ne pas vouer une adoration à la volonté olympienne ? Je vais faire cesser cette hérésie. Vulcanus Gash. »
La vague de lave qu’il libère emporte le pont et les tourelles sur lesquels il était positionné.
La déferlante de magma et de cosmos s’élargit pour dévorer l’aile où la cité se regroupe.

Quand, inopinément, la bulle incandescente stoppe tout mouvement.
D’abord immobile, elle perd sa teinte rougeoyante.
Bientôt pierreuse, elle finit par blanchir de froid puis elle gèle d’un coup avant de voler en des milliards de particules de cristal.
Cette pluie de givre apporte d’abord surprise puis enthousiasme chez les Sibériens qui découvrent devant eux, dans le dos de l’Ange, Alexer.
L’armure rayée et fissurée sur toute sa surface, mais debout, avec à ses côtés Rung et Ullr encore en position d’attaque pour survivre à la destruction de leurs tours, Alexer se contente de répondre à une des précédentes questions de l’Olympien : « C’est parce que nos vies sont éphémères qu’on s’acharne à les rendre les meilleurs possibles. »

Droit, maintenu dans les airs par ses ailes, l’Ange observe les morceaux de glace qui fondent puis s’évaporent en s’approchant de lui.
Consciente du risque que prend Alexer, Natassia se ravise. Galvanisée par son retour héroïque, elle accepte de rentrer au palais avec les citoyens pour ne pas le déranger.
D’un hochement de tête, Alexer intime à ses deux guerriers de couvrir les arrières du peuple.

Seul à seul, au milieu d’un clash permanent de vent polaire et de souffle volcanique, les deux rivaux restent immobiles.
Alexer accepte enfin de résoudre la seconde question d’Idaios.
_ « Cette folie dont tu parlais, celle de protéger autrui. Ça s’appelle l’amour. Il n’existe aucune croyance, aucune passion plus puissante que l’amour. C’est ce qu’Athéna a compris, c’est cette valeur qu’elle prône. Et c’est pour celle-ci que nous nous battons tous.
_ Il semble que cette croyance t’a revigoré. Pour briser mon Vulcanus Gash il a fallu que tu emploies le zéro absolu. Cela demande une concentration extrême et une cosmo énergie très poussée. Seras-tu capable de reproduire le même exploit ? Seul qui plus est, maintenant que tes sujets sont partis se cacher ? »
En guise de réponse, le Blue Warrior défiguré s’élance jambe en avant.
Contré, il tente une droite à nouveau parée.
Idaios tente à son tour de lever la jambe, mais Alexer réussit un mouvement acrobatique qui lui permet de frapper à nouveau.
Idaios esquive encore et réussit du tranchant de la main à lui donner un coup sec en pleine mâchoire.
Toutefois, l’enchaînement suivant reste inefficace tant Alexer parvient à bloquer chaque coup.
Seulement, l’endurance de l’Ange devient de plus en plus difficile à supporter.
Alexer finit par être déstabilisé en encaissant un coup de coude, suivi d’une reprise du pied en plein visage, ponctué par un renvoi au sol avec une majestueuse retournée.
_ « Tôt ou tard, l’insecte finit toujours par être écrasé. Il a beau se débattre. Il n’y a aucune échappatoire, aucun espoir. »
Bras tendu, à bout portant, Idaios concentre ses forces pour invoquer l’Entaille de Vulcain.
Au devant de son palais, servant de rempart, Alexer refuse de céder et accroît son cosmos pour libérer lui aussi son arcane.
_ « Vulcanus Gash.
_ Blue Impulse ! »
L’effluve de glace d’Alexer s’étend tel un mur contre lequel fonce un tsunami de magma.
Le rideau gelé est cogné de plein fouet mais Alexer parvient ainsi à annihiler chaque flanc de lave et donc à protéger son peuple.
Hélas, le c½ur de glace n’est pas suffisamment résistant pour contrer le noyau brûlant.
Très vite le Sibérien est parasité par la cosmo énergie de l’Ange.
Le mur protège la cité mais fond en son c½ur pour frapper de plein fouet Alexer.
A genoux, Alexer refuse d’abdiquer.
_ « Tu es déjà mort. Tes organes sont rongés de l’intérieur, tes nerfs, tes tendons, tes muscles… Tout en toi est calciné. Ton sang bouillant demande à jaillir de ta peau qui suffoque. Tu n’auras pas eu de seconde chance. Maîtriser le zéro absolu est un niveau que seul des entités d’exception tels que les Olympiens peuvent se vanter d’avoir. Les humains, même les plus puissants, ne peuvent que caresser l’espoir de l’entrapercevoir. »
Les yeux fermés, à l’agonie, Alexer affiche un sourire niais : « Alors l’espoir est de mon côté. »
Instantanément, Idaios se cramponne de douleur tandis que les jambières de sa Glory ainsi que ses épaulettes et les flancs de son buste se craquèlent.
Pire, le givre lui ronge l’épiderme : « Malheur ! Il ne s’est pas contenté de protéger les siens. Il est parvenu à m’atteindre sur les côtés en faisant diversion avec cette attitude protectrice ! »
Se tortillant, touché par la morsure du froid, Idaios perd son calme olympien : « Misérable larve humaine ! Tu m’as souillé ! Je n’oserai pas me présenter devant mon maître dans cet état sans lui ramener ta tête ! Non ! Ta tête ne suffirait pas ! Je lui ramènerai celle de tout ton peuple afin de lui signifier la disparition totale de la moindre lignée de Blue Graad ! »
D’un ton calme, résigné, Alexer balbutie : « Qu’importe. Je peux mourir en paix. J’ai réussi à te prouver que l’homme pouvait s’extraire de sa condition pour frapper même les cieux. En te blessant, je t’ai transmis un sentiment qui plus jamais ne te quittera. La peur. Et cette peur tu la ressentiras désormais aussi bien en voyant tes maîtres qu’en voyant un simple être humain. Je t’ai anéanti psychologiquement. »
Idaios écarquille grand les yeux.
Fou de colère, meurtri par cette révélation, transcendé par la folie, il dégage toute sa cosmo énergie au point que tout autour de la cité, les plaines gelées disparaissent. Les terres chutent dans les abysses enflammés, le magma encercle le palais.
Des colonnes de laves, véritables tornades en fusion, grignotent peu à peu les remparts.

Résigné, des larmes coulent sur les joues d’Alexer.
Alors même qu’Idaios le frappe avec une intense violence en plein visage élargissant encore un peu plus ses plaies, le roi choit dans la neige réchauffée.
Très vite, cette flaque d’eau bouillante, mêlée à son sang, s’évapore sous l’incandescence qui émane de l’Ange.
Les reins, la colonne vertébrales, les côtes… L’ennemi d’Athéna rosse avec acharnement son adversaire en libérant un fou rire psychotique : « Ah, ah, ah ! Tu ne seras déjà plus de ce monde lorsque les femmes et les enfants de cette cité verront leur chair se détacher de leurs os sous l’horreur de feu que je leur réserve ! Ah, ah, ah ! »
Totalement absorbé par cette peur qui le dépasse, Idaios déclenche une violence exacerbée.
Quand tout à coup, une petite lame en croissant de lune vient brusquement dans sa direction depuis la droite.
Il parvient d’un simple regard à la faire fondre et à bloquer le coup d’un intrus surgit de là où est venue l’arme.
L’avant-bras droit de l’étranger est forgé dans le même métal que le bouclier qu’il porte au bras gauche. Des genouillères d’un gris bleuté, semblable à l’acier qui barde ses épaules, son plastron et son casque à cornes, attribut à ce renfort une apparence nordique différente de celle des Sibériens.
Son pantalon et sa tunique sont de la même couleur que la fourrure bordeaux qu’il porte sous sa protection. Fourrure qui ressort de ses bottes.
Cette tenue donne une allure certaine à cet homme aux longs cheveux bruns et aux yeux verts.
_ « Utgarda, s’étonne Alexer ! »
Le poing droit bloqué, le messager d’Asgard sort de derrière son dos avec son bras gauche un glaive. Il n’a pas le temps de le dégainer que d’un crochet du gauche, chargé de cosmos ardent, Idaios lui explose l’arcade et la pommette droite. Le héros éphémère atterrit à côté du Sibérien.
_ « Utgarda ! Mais enfin, pourquoi ? »
Utgarda ôte son casque déformé par le coup reçu.
Malgré son piteux état, il se relève et sort de derrière sa ceinture une autre lame ovale : « Parce que, si je ne suis pas de Blue Graad, je reste un guerrier du Grand Nord. Asgard et Blue Graad sont de nouveau des nations unies. Et même si je ne suis qu’un simple messager d’Asgard, je refuse de laisser ce fléau de l’humanité s’en prendre à cette planète. A commencer par cette patrie qui nous est chère ! »
Face à tant de détermination, Alexer tire sur la tunique d’Utgarda pour s’aider à se relever. Maintenu par l’Asgardien, le roi réussit tant bien que mal à rester sur pieds : « Ce que tu me dis me rend courage, messager d’Asgard. Je ne suis plus seul. Je ne suis pas seul. Je me suis égaré, j’ai été manipulé, mais aujourd’hui j’ai des alliés, une patrie qui m’aime, ma s½ur, l’honneur de mon père. Je ne peux être égoïste et attendre que la mort vienne me prendre, alors que j’ai désormais des gens qui comptent sur moi. »
Côte à côte, les guerriers du froid commencent à intensifier une dernière fois leur cosmo énergie.
_ « Je ne pourrai pas empêcher son cosmos de dévaster Blue Graad si je l’attaque de front. Nous savons tous les deux que tu n’es pas qu’un simple soldat.
_ Disons que j’ai côtoyé certains grands d’Asgard tels que Sigmund et Siegfried de Dubhe ou encore Syd de Mizar. Je ne dirai pas être aussi fort qu’eux, mais je peux peut-être ralentir cet enfer volcanique le temps que vous vous concentrez sur lui, Roi Alexer. »


A Asgard, derrière le temple Walhalla, extrêmement surveillé, les geôles du royaume semblent animées depuis hier, tandis qu’elles sont restées muettes pendant des années.
Les murs teintés de givres, le froid enrouant les voix, la prison d’Asgard se remplie de minute en minute. 
Là encore, deux soldats balancent dans une cellule un villageois qui refusent de s’engager dans l’armée asgardienne en vue de la conquête du Sanctuaire.
Dans celle d’à côté, une femme hurle sous la torture de Fafner persuadé qu’elle cache des déserteurs. Le soldat espère lui délier la langue.

_ « C’en est trop, scande Freya ! »
La prisonnière d’honneur n’a jamais lâché les barreaux de son cachot depuis qu’elle y a été conduite.
Douce, belle et bourgeoisement vêtue, sa présence contraste avec celle du peuple dépassé par les évènements.
Lorsqu’un aristocrate et ses enfants sont conduits, haches sous la gorge, à l’échafaud, elle s’insurge en invectivant le géant gardien qui lui a été affectée : « Il s’agit de la famille de Rik. Avec les de Edel, ils font partis de l’une des lignées les plus nobles du château. »
Thor n’ose pas affronter le regard de la cadette des de Polaris.
_ « Le patriarche de la famille de Rik a déclaré qu’attaquer le Sanctuaire n’était pas respecter la volonté d’Odin et met en danger l’équilibre du monde. Votre s½ur a décrété que comme tout homme défiant sa politique et donc le bien d’Asgard, il ne doit rien rester de lui. Jusqu’à son nom, il doit disparaître de l’histoire d’Asgard.
_ Alors même les opposants de haut rang sont conduits ici, marmonne-t-elle désolée… Thor, se reprend-elle ! Ce que dit cet ami de la famille de Polaris est vrai. Si on ne prie plus Odin, c’est l’équilibre du monde qui est en danger. Les glaces fon… »
Refusant tout dialogue comme il le lui a été ordonné, Thor l’interrompt : « Princesse Freya, comme je vous l’ai déjà dit, votre statut vous épargne un tel traitement. Soyez raisonnable et révisez votre jugement. Je suis sûr que votre s½ur comprendra. En attendant je m’engagerai à vous laisser en vie ici et à vous nourrir comme il se doit… »


A Blue Graad, la fusion brûlante entame les maisons et les appartements du château.
A l’intérieur, la Princesse Natassia est entourée par son peuple.
Peu à peu, ils sentent l’incandescence magmatique faire trembler le sol et rendre l’air irrespirable.
Les yeux fermés, laissant leurs fronts perler de sueur, ils prient tous Athéna tandis que Rung et Ullr déploient leurs cosmos de glace pour ralentir la progression de la chaleur.

Dehors, Alexer et Utgarda accroissent leurs cosmos devant un Idaios frénétiquement hilare.
Les blessures infligées par le Blue Warrior ont décuplé sa folie mais aussi sa puissance.
Avant de tenter le tout pour le tout, Alexer doute quelques instants.
_ « Utgarda, Odin, ton dieu, t’est-il déjà apparu ?
_ Chaque fois que je le prie. Chaque fois que j’ai peur. Comme en cet instant. Je sens un étrange réconfort au fond de moi. Le même que me procure la Princesse Hilda de Polaris lorsque je suis auprès d’elle. J’en suis donc convaincu, il m’apparaît.
_ Quelle bénédiction. Je n’ai jamais ressenti Athéna. En même temps, je ne l’ai jamais prié. Tout petit déjà, je haïssais cette destinée odieuse conférée à cette contrée. Je me suis détourné d’elle et j’ai même comploté contre elle. Natassia, ma s½ur, m’assure qu’en la priant j’obtiendrai son pardon. Mais j’ai trop honte, même si je suis aujourd’hui la voie qu’elle a choisi pour notre peuple, j’ai peur de me présenter à elle après les crimes que j’ai commis.
_ Athéna ne juge pas. Et si tu refuses de l’implorer pour toi, joins-toi aux prières de ton peuple qui en cet instant l’invoque pour toi, ta protection et ta victoire. »
Les yeux injectés d’exécration, Idaios interrompt ce bref échange en écartant grand les bras pour réunir sa cosmo énergie : « Blue Graad est entourée de lave ! Je vais désormais l’en noyer ! Vulcanus… »
Sans se concerter davantage avec Alexer, Utgarda s’élance sur l’Ange pour l’empêcher de libérer son arcane.
Dans sa course, il libère de courtes lames arrondies encore attachés à son ceinturon.
Encore une fois, l’aura olympienne d’Idaios suffit à faire fondre les lames.
Mais cela à l’effet escompté par Utgarda, l’ennemi focalise son attention sur lui.
Arrivé nez à nez avec son adversaire, l’humain balance sa jambe en direction de son visage. Avec animosité, Idaios la bloque d’une main et frappe avec l’autre contre son genou, le lui brisant avec sa genouillère et pliant sa jambe dans le sens inverse permis par l’anatomie.
Le hurlement de douleur de son allié permet à Alexer de se surpasser davantage.
L’essence cosmique qui l’entoure, oscillant entre un blanc immaculé et l’or, commence à geler la lave alentour : « Encore ! Il me faut encore me surpasser ! Je suis loin d’atteindre les limites de l’homme ! Allez ! Encore ! »
Plus loin, ne désespérant pas, Utgarda, sur une jambe, décoche une puissante gauche parée par l’Ange.
Ce dernier réitère le même mouvement en lui brisant le coude et son bouclier.
Bloqué par l’ennemi, tiraillé par la douleur, Utgarda essaie de garder un sourire provocateur : « Tant qu’il me reste un bras, ça sera suffisant. En attendant qu’Alexer soit prêt, je peux toujours sacrifier ma dernière jambe ! »
Sans même craindre un nouvel acte de barbarie, Utgarda se résigne à frapper sur le flanc l’Ange mais cette fois-ci, le poing de l’ennemi lui brise totalement le tibia.
Face à ce spectacle désolant, Alexer n’en peut plus.
Il s’élance de tout son être, libérant non pas un orbe mais une véritable comète de glace : « Blue Impulse ! »
Sentant une brise glaciale approcher en même temps que la boule d’énergie ennemie, Idaios balance comme un vulgaire morceau de viande Utgarda sur le côté et libère à son tour son effroyable puissance : « Vulcanus Gash ! »
Une autre déferlante, mais de magma cette fois, vient rencontrer celle d’Alexer.
Les deux concentrations, continuellement alimentées en cosmos par leurs expéditeurs, s’entremêlent.
Elles se frictionnent.
Elles se déchirent.
Elles luttent pour prendre le dessus sur l’autre.
Pris d’une détermination sans faille, Alexer parvient à maintenir à distance la force d’Idaios. Dans leurs dos, tout autour, au palais comme dans les plaines, la lave devient pierreuse.
Le mouvement de feu est ralenti.
Interdit par cet état de fait, Idaios écarquille grands les yeux et abandonne dans ses bras tout ce qui lui reste : « C’est tout ce que tu peux faire ?! Voilà maintenant le fossé qui sépare la Terre de l’Olympe ! »
Aussitôt, la balance tourne en la faveur d’Idaios.
Alexer est peu à peu repoussé.
L’échange des deux forces s’amenuise pour ne laisser progressivement que l’énergie de l’Ange.
Acculé, n’étant plus qu’à un mètre de la dévastation, Alexer puise dans ses réserves, sacrifiant peu à peu sa vie.
Aux alentours de Blue Graad, la lave ne repart pas, mieux, la pierre blanchit sous l’effort d’Alexer.
_ « Je sacrifierai ma vie sans hésiter mais Blue Graad restera intacte, décrète-t-il ! »
Prêt à se donner lui-même en pâture à la boule de cosmos pour encaisser à lui seul la destruction de l’Entaille de Vulcain, il reconnaît sur le flanc d’Idaios le corps démantibulé d’Utgarda.
Dans une extrême souffrance, le messager d’Hilda tend le seul bras qui lui reste de valide en souriant : « C’est parfait. Exactement ce que je voulais. Je vais maintenant pouvoir libérer le fruit de toutes ces années passées aux côtés de Sigmund et des autres. Ils me disaient toujours que cet arcane était capable de renverser la tendance. C’est l’occasion où jamais de vérifier qu’ils ne me flattaient pas par gentillesse ! Hallucination Loup ! "
De son seul bras tendu, il projette une meute de loups de cosmos sur son adversaire.
L’Ange, focalisé sur la fin imminente d’Alexer, continue de libérer sa cosmo énergie sans remarquer le heurt imminent.
C’est seulement lorsque sa Glory commence à se craqueler à l’approche de la meute illusoire qu’il relâche sa concentration.
Il libère son bras gauche pour tenter de retenir les loups qui foncent sur lui tels des faisceaux de lumière qui s’entrecroisent.
A sa gauche Utgarda, en face Alexer, Idaios est partagé et maintient en suspens les deux arcanes ennemis.
C’est alors que sur sa droite jaillissent les deux Blue Warriors qui ont laissés les Sibériens aux bons soins de la Princesse Natassia.
Idaios ne remarque leur présence qu’après être frappé par surprise par les boomerangs tranchants de Rung sous chacune de ses aisselles.
Par conséquent, les bras engourdis par le coup, l’émanation d’énergie qu’il confronte contre Alexer diminue.
Immédiatement, galvanisé par l’ultime tentative de son camarade, Alexer tend de plus belle les bras en avant : « C’est maintenant ou jamais ! Athéna je vous en prie ! Pour mon peuple ! Pour Blue Graad et pour la Terre, prêtez-moi la force de le vaincre ! »
Contre toute attente, l’image d’une jeune femme aux cheveux mauves et aux yeux resplendissants de bonté traverse son esprit.
A des milliers de kilomètres, depuis le Japon, le cosmos d’Athéna vient réconforter l’homme qui l’appelle.
Dès lors, l’effluve énergétique d’Alexer resplendit autant que l’or.
Ses jambes tiennent fixement dans le sol, tandis que ses bras ne tremblent plus.
Parfaitement tendus en direction d’Idaios, ils rééquilibrent la balance.
Pris entre les trois, Idaios subit le contrecoup de son acharnement.
Trop occupé à essayer de reprendre l’ascendant sur Alexer, il est incapable de se protéger de l’onde cosmique projetée par Ullr dans son épée aux flammes bleutées.
Cogné sur le flanc, il ne maintient plus l’équilibre entre les forces ennemies et la sienne. La balance penche en la faveur des Nordiques.
Ses membres sont pris de spasmes.
Remontant le long de ses bras et de ses jambes, sa Glory commence à se désagréger.
Petit à petit, c’est son corps qui se désintègre.
Les yeux fermés, au bord des larmes, touché par la grâce d’Athéna, Alexer murmure : « Tu auras été l’adversaire le plus coriace que j’ai eu à affronter. J’ose à peine imaginer le nombre de tes semblables en Olympe. Alors, par respect envers Athéna qui a su me laver de mes péchés, je jure de survivre à mes blessures et de renouveler cette victoire contre les tiens aux côtés de ma Déesse de la Sagesse. Adieu. »
Enfin, joignant les actes à la parole, il achève de libérer toute l’énergie conféré par la bénédiction de Saori.
La vague de glace grossit jusqu’à devenir le double de ce qu’elle était, permettant à Utgarda d’achever ses efforts et à Rung et Ullr de ranger leurs armes.
Elle annihile dans une explosion assourdissante la menace céleste.
L’onde de choc provoquée cloue les quatre héros au sol.
Le souffle chasse définitivement les nuages et le vent aux alentours de Blue Graad.

A l’intérieur du palais, le silence est lourd.
La température devient douce.
Ni la chaleur ni le froid ne menacent la cité.
La cinquantaine d’habitant s’échange des regards dubitatifs. Oscillant entre incompréhension et espoir.
La Princesse Natassia est la première à se lever.
Instinctivement, le sourire aux lèvres, les larmes coulant sur ses douces joues, elle affirme : « C’est fini. Nous avons gagné. »


En Grèce, au Sanctuaire, dans la ville d’Honkios, Saül est à l’intérieur de son atelier.
Le quarantenaire au visage buriné est positionné sur son bureau.
Devant lui, un verre vide, sec, et une jarre d’anisette pleine occupent ses pensées.
Sous son nez, les plans d’une armure inconnue, lui rappellent la nuit du triomphe d’Athéna il y a trois mois…

Flashback
Le domaine sacré était en ébullition ce 21 décembre 1986. On fêtait depuis le matin la victoire d’Athéna.
Pleutre, pas concerné par les différentes batailles menées, Saül Saint de bronze de l’Atelier du Sculpteur, se noyait dans son vomi après avoir vidé des litres de son alcool favori toute la journée.
Au milieu de la bile et des morceaux d’aciers usagées qui jonchent son parterre terreux, l’Israélien se sent perdre toute vie : « Je vais partir, misérable comme je l’ai toujours été. C’est mieux ainsi. De toute manière, en quoi serais-je utile à Athéna ? »
Soudain, il sentit de petites mains lui soutenir sa tête aux cheveux mi-longs châtains.
La voix fluette d’un enfant espérait lui venir en aide : « Tenez bon chevalier ! Tenez bon ! »
Derrière Kiki, la voix plus âgée et plus féminine de Filia soufflait d’exaspération : « C’est un lâche. Un bon à rien. Ces dernières années il s’est juste contenté de forger les armes qui ont servies aux hommes de Gigas. On devrait faire la fête au lieu de perdre notre temps avec cet incapable. »
Ce rappel à la réalité fut pour Saül aussi dure que le quotidien qu’il traversait jusqu’alors.

Le lendemain matin, alors que la lueur de l’aube frappait les lucarnes de son grand entrepôt qui lui sert de domicile, ses mains cornues vinrent gratter sa mâchoire couverte d’épaisses pattes drues. Sa bouche pâteuse lui faisait remuer son menton en galoche et seule la vue de cette splendide jeune femme à la poitrine généreuse pressée dans son court maillot l’aida à revenir à lui.
Se relevant difficilement, il identifia celle qui ne fit que le railler durant toute la nuit.
La belle demoiselle était endormie contre un établi pendant que le garnement sautillait plus haut sur l’estrade, où sont entreposées quelques Pandora Box recouvertes par des bâches trouées.
L’enfant, roux et marqué au front par les deux points distinctifs des Muviens, remarqua le réveil pénible du Saint : « Il faut être un rude forgeron pour se voir confier même des armures sacrées. »
La voix enrouée, l’artisan grommela : « Je ne fais rien d’autre que de les garder ici. Je ne les répare pas. Une Cloth se régénère… »
Impoli, Kiki acheva sa phrase : « … toute seule dans sa Pandora Box ! Je sais ! »
Le petit garçon se laissa glisser sur la rambarde de l’escalier par lequel il était monté plus tôt et enjamba les morceaux d’armures de soldats ébréchées, les armes cassés et les boucliers percés ou fendus éparpillés partout au sol.
En trottinant, il alla sur le mur de gauche agrémenté de trois larges fours chacun accompagné à ses côtés de larges bassins montés en pierres et à l’eau usagée : « Ah ! C’est super.

Author Topic: Chapitre 84  (Read 3678 times)

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