Chapitre 82

Chapitre 82
 
Sur la plus septentrionale des quatre îles principales de l'archipel du Japon, Hokkaido, se matérialise la silhouette de Kyoko.
Légèrement vêtue de sa jupe et de son chemisier, la jeune femme progresse dans le plus haut relief montagneux de l’île.
Alors que quiconque ne tiendrait pas une minute dans ce climat, elle prend le temps de progresser dans la tenue scolaire qu’elle a choisi pour rendre visite à Mars en Grèce.
D’apparence chétive, elle avance sans difficulté, caressée qu’elle est par les bourrasques de vent gelé, sur les sentiers sinueux.
Tout à coup, au-dessus de sa tête, le bruit de raie d’hélices perturbe son allégresse.
Un drone s’infiltre dans cette zone inhabitée et inexplorée depuis trois ans maintenant que le Jardin d’Eden a rejailli des entrailles terrestres.
En débouchant en sortie de forêt sur le flanc de la montagne, elle s’en amuse : « Ils ne comprendront donc jamais. »
A cet instant, morceau par morceau, l’appareil se disloque puis explose pièce après pièce.
Elle observe alors devant elle des vestiges de la Grèce Antique taillés à même la roche.
_ « Ils ne parviennent plus à accéder à ce lieu. Les barrières naturelles sont insurmontables. Alors ils tentent par leur technologie, sans jamais accepter qu’ils ne peuvent pas tout s’approprier sur cette Terre, d’atteindre ce lieu qui les rejette. La limite des hommes est atteinte là où le choisissent les dieux. »

Revenue de son escapade en Grèce avec Arès, Eris profite du soleil levé de ce 22 mars 1987 pour admirer en plein Japon de hautes colonnes de la Grèce antique. Elles érigent divers prieurés avec en sommet de flanc de montagne un temple plus imposant.
Son ascension commence en slalomant les monceaux de roches retournés par la résurgence du Jardin d’Eden où se mêlent piliers effondrés et pierres brisées.
Aussitôt, quelques Dryades aux Leaf noires et amarantes sortent des décombres pour prendre en étau la jeune femme jusqu’à ce que celles-ci reconnaissent leur déesse.
Toutes s’agenouillent instantanément tandis qu’un Ghost Saint apparaît.
D’un claquement de doigt il chasse les Dryades.
_ « Rigel, quel plaisir que tu viennes m’accueillir. »
Le Fantôme pose genou à Terre. Un voile flou couvrant ses yeux, Rigel, imposant dans sa Leaf d’Orion, démontre toute sa dévotion : « Quoi de plus normal Kyoko. »
En passant à côté de lui, elle lui caresse affectueusement le visage en forçant à hauteur du menton pour le forcer à se relever : « Rigel… Je t’ai déjà demandé de ne plus me nommer ainsi en ce lieu… »
Il la laisse passer devant et la fixe reprendre la route.
Son regard s’éclaircit alors, reprenant la vigueur qui était la sienne avant qu’Eris ne lui ôte la vie sur l’Utérus. A cet instant, lui reviennent les souvenir du meurtre de Mayura et du baiser mortel qui le firent rentrer dans le camp de la Déesse de la Discorde…
Il devina aisément l’affliction de ses anciens camarades il y a trois ans après la bataille sur l’Utérus…

Flashback
Au Sanctuaire, les prêtresses, des aspirantes Saintia, allaient et venaient entre leur temple au sommet des douze maisons et le camp des femmes chevalier au Sud Est du domaine.
Seules autorisées à pénétrer le camp, elles apportaient à Shaina, Marin et Geist l’aide nécessaire pour nettoyer les corps et les charrier dans les cimetières des villages alentours à l’aide de quelques b½ufs.

Là-bas, Erda, choquée de sa rencontre avec Deathmask qu’elle gardait pour elle, participait à l’effort malgré ses nombreuses blessures. Elle refusait de se faire soigner malgré les remontrances de ses aînées.
Préoccupée à rendre à ce camp sa pureté d’antan, Erda repoussait chaque prêtresse alors que Shaina en renvoyait chaque fois une nouvelle à son chevet.
Xiao Ling, elle, en retrait, recevait les soins sans perdre des yeux Erda. Traumatisée par cette journée sanglante, elle restait admirative du caractère bien trempé de sa camarade. Si bien qu’elle voyait à travers elle la défunte Saint de Cassiopée, Rebecca.
D’ailleurs, Geist referma dans sa Pandora Box la Cloth de Cassiopée.
_ « J’étais de passage au Sanctuaire pour rendre compte d’une mission au Pope, enfila-t-elle l’urne par-dessus son épaule. Il ne reste plus grand-chose à faire ici. La terre finira par absorber le sang qui jonche le sol. Les nouvelles recrues hisseront de nouveaux abris avec les débris de temple qui se trouvent ici, comme nous autrefois, s’adressa-t-elle à Shaina et Marin. Je m’en retourne accomplir mon devoir auprès du Pope. J’en profiterai pour lui restituer cette Cloth. »
Comme pour refuser de dire adieu à sa maîtresse, Erda préféra ne pas poser ses yeux sur l’armure de Cassiopée et s’attela davantage à la tâche. Tandis qu’au contraire Xiao Ling s’embua les yeux en voyant le souvenir de Rebecca les quitter.
Alors qu’elle claquait le cul d’un b½uf pour faire partir le char de celui-ci avec une prêtresse, Erda resta bloquée un instant sur la pile de cadavre. Le rire sarcastique de Deathmask retentit alors dans son crâne. Depuis sa rencontre avec lui, l’image de l’odieux Saint d’or restait gravée dans son esprit : « Pourquoi… Pourquoi Athéna a-t-elle fait de lui un de ses Saints ?! Je dois savoir pourquoi, ressassait-elle. »
A cet instant, restée accrochée sur la feuille d’un arbre, une Evil Seed de l’Utérus tomba sur elle. Une graine maléfique se planta aussitôt en elle sans qu’elle puisse s’en rendre compte.
Subjuguée par sa camarade, Xiao Ling admirait chacun de ses mouvements.
Si bien qu’il fallut l’insistance d’une prêtresse qui répéta pour la seconde fois sa question pour qu’elle revienne à elle : « Vous allez donc faire partie de la nouvelle génération d’apprentie Saint ? »
La vestale avait de grands yeux verts, de grands cheveux mauves coiffés d’une longue tresse et agrémentés d’une pince en or. Celle qui deviendra plus tard Lilith, la captive de Deathmask, faisait preuve d’intérêt pour son prochain et d’entrain à l’idée de parler à une rescapée qu’elle considérait comme héroïque.
_ « Nous, prêtresses, et aspirantes Saintias, nous devons comme vous faire preuve de maîtrise martiale et de courage pour être dignes d’approcher Athéna. Malheureusement, je suis plus douée en tâches ménagères qu’en manipulation du cosmos, poursuivit-elle en souriant gênée. »
Traumatisée et pleurnicharde, Xiao Ling craqua à l’idée qu’on puisse la voir comme courageuse.
A l’inverse, les mots de la future Lilith parvinrent à Erda comme une évidence. Les Saintias peuvent approcher Athéna. Elle a les connaissances de guerrière. Ne reste que les bonnes grâces d’une gouvernante à savoir dispenser à sa déesse.
Marin vint sortir Erda de ses songes en posant sa main sur son épaule.
_ « Tu étais une des favorites de Rebecca. Tu as fait preuve de beaucoup de force aujourd’hui. Tant durant la bataille, qu’après. Par respect envers Rebecca, je peux achever ton instruction. J’ai ressenti ton cosmos lors des combats. La Cloth de Cassiopée irradiait et veillait sur toi quand nous vous avons rejointes ici. Il s’agit de ta constellation. Si tu le désires, cette Cloth t’es toutes destinée.
_ Je n’ai plus de maître. Je refuse de suivre l’enseignement d’un autre professeur, répondit sèchement Erda. »
Sa réaction ne passa pas inaperçue.
Marin resta droite devant elle. Sans insister.
Xiao Ling était pendue aux lèvres d’Erda qui poursuivit : « Je suivrai ma propre voie. Après aujourd’hui, beaucoup de questions me viennent. Seule la prière m’aidera à trouver les réponses. A compter de maintenant, je consacrerai ma vie aux prières afin qu’Athéna me guide. Je décide de devenir Saintia. »
Après un long temps de pause, Marin comprit que des doutes profonds habitaient la jeune femme. Elle conclut : « Si tel est ton destin… Après tout, si la Cloth de ton maître t’est réellement destinée, alors elle te reviendra lorsque tu seras sacrée Saintia. »
En entendant cela, Xiao Ling tourna la tête en direction de sa soignante : « Puis-je moi aussi devenir Saintia ? »
La future esclave de Deathmask sourit : « Katya, notre Saintia en chef, et Mii, son assistante, sont très exigeantes lors du recrutement d’une aspirante. Il faut être serviable et prédestinée à un fort potentiel martial. Si je crains hélas de devoir un jour être renvoyée puisque je ne progresse pas, je pense que pour ton amie et toi, après vos exploits de ce jour, aurez droit à une dérogation du Grand Pope en personne. »
Choquée par la bataille, la Chinoise voit l’opportunité de profiter de ses prédispositions au combat pour se cacher dans ce Sanctuaire en se rangeant au service de la déesse que chérissait Rébecca. L’occasion aussi pour elle de rester auprès d’Erda.
Cette nouvelle rassura Xiao Ling qui inconsciemment vint toucher du bout des doigts ses lèvres en se souvenant du baiser malencontreux échangé plus tôt avec Erda. Elle comprit enfin que cela a déclenché quelque chose en elle. Que cette attirance soudaine qu’elle éprouve envers Erda est aussi forte que l’amitié qu’elle éprouvait pour Yufa.
C’est alors, qu’une autre Evil Seed restée cachée de l’éradication faite plus tôt par Deathmask vint s’insinuer dans son c½ur.
Ignorant l’affection soudaine de Xiao Ling à son endroit, Erda garda un instant de dignité lorsqu’elle chargea le dernier corps resté dans le camp, celui de Mito.
Elle ferma les paupières solennellement.
Ses adieux à sa camarade signifiaient pour elle ses adieux à ce camp où elle passa tant d’années…

Plus loin, à Honkios, avant la montée des marches des douze maisons, sur le flanc Ouest, Mirai pleurait devant la stèle de Mayura.
Alerte, l’apprenti du Saint d’argent sentit un noble cosmos approcher dans son dos.
Il lui dit sans même se retourner : « Le cimetière est à peine remis de l’éboulement provoqué par l’éruption de l’Utérus qu’il accueille déjà de nouvelles tombes. »
Derrière lui, Shaka, Pandora Box du Paon sur le dos, présenta ses condoléances : « J’ai appris que ta condisciple, Shinato, avait héroïquement donné sa vie elle aussi. Tu peux être fier d’avoir été entouré de deux femmes d’une telle abnégation. »
D’un revers de la main, Mirai essuya ses yeux afin de présenter une mine fière au Saint de la Vierge.
_ « Shinato… Elle était apprentie… Sa place ne sera pas dans ce cimetière aux côtés des Saints et de notre maître… Sa place ne sera d’ailleurs nulle part… Tout au mieux, une pierre à son nom dans un cimetière isolé dans le Sanctuaire… Nous n’avons même pas retrouvé son corps… »
Shaka pouvait deviner le tourment de l’élève à propos de Shinato. Il ressentait le même à l’endroit de Mayura.
Malgré la distinction de celui-ci, impérial dans son armure d’or, Mirai pouvait lire sur le visage de Shaka une profonde affliction à l’endroit de son professeur.
_ « Par respect envers mon amie, j’ai obtenu du Grand Pope le droit de conduire sa Cloth à Jamir afin qu’elle y soit réparée. J’aimerai que tu m’y accompagnes ?
_ Pardon ?!
_ Mayura me parlait souvent de Shinato et toi. Tu concoures à la Cloth de bronze du Petit Chien. Et Mayura ne tarissait pas d’éloges à ton endroit. Pour sa mémoire, le Grand Pope m’a autorisé à achever ton enseignement. A notre retour de Jamir, si tu es parvenu à surmonter les épreuves que je te ferai surmonter, tu seras promu Saint de bronze du Petit Chien. Qu’en penses-tu ? »
Mirai, à la fois peiné de poursuivre sans Mayura et Shinato et conscient de l’opportunité de parfaire son apprentissage auprès d’un des plus réputés Saint d’or, hésita l’espace d’un instant.
Shaka lut en lui comme dans un livre ouvert : « Le chemin pour devenir Saint est semé d’embûches. On supporte toutes sortes d’épreuves physiques et mentales. Les plus émérites les surmontent. Mais c’est seulement la vérité du champ de bataille, la mort, l’adrénaline qui en découle lorsqu’on la donne, mais également le chagrin qu’on éprouve lors de la perte de camarades, qui permet de déterminer vraiment si on est capable de devenir un chevalier. Aujourd’hui tu es face à ce dilemme. Et tu n’auras pas d’autres chances qu’à cet instant. As-tu traversé toutes ces épreuves pour arrêter maintenant ? Te crois-tu capable de surmonter la perte d’êtres aimés ? Sauras-tu supporter de perdre à l’avenir à nouveau des camarades ? Seras-tu prêt à mettre à chaque combat ta vie en péril maintenant que tu connais l’issue d’une Guerre Sainte ? »
Mirai tourna les talons une dernière fois en direction de la tombe de Mayura.
Il prit une profonde aspiration et dressa son poing : « Je souffre. Je souffre terriblement. Les stigmates sur mon corps ne sont rien par rapport à la déchirure de mon âme en cet instant. Durant toute notre formation, on l’entend, et on se croit prêt à vivre de tels désastres. Mais il n’en est rien. Pourtant, Shinato n’a pas tremblé au moment de partir secourir les femmes du camp. Elle n’a jamais baissé les bras même lorsqu’elle a découvert que la Cloth à laquelle elle aspirait, l’Oiseau de Paradis, était déjà portée par un Saint émérite. Elle était prête à tout pour servir le Sanctuaire et s’imaginait mercenaire s’il le fallait. Elle a même été jusqu’à dissimuler sa féminité pour être considéré comme l’égal de n’importe quel autre apprenti, sans traitements de faveur d’un côté ou brimades de l’autre. Et tout ça, c’est à Maître Mayura qu’elle le devait. Moi j’étais là, à les admirer toutes les deux, sans prendre au sérieux l’opportunité qui était mienne. Car c’est bien de ça qu’il en retourne aujourd’hui. Je suis en vie, moi. Et j’ai l’opportunité de pouvoir devenir Saint, moi. Je ne peux plus tricher, me cacher. La vérité m’a sauté aux yeux et le destin me fait face. Devant la tombe de Maître Mayura, en mémoire de Shinato, je ne peux me dérober… »
Il se retourna vers Shaka, déterminé comme jamais et scanda : « Je deviendrai Saint sous votre enseignement ! Partons pour Jamir Seigneur Shaka ! »

Plus haut, sur le flanc droit entre le palais papal et la maison des Poissons, Katya veillait au chevet de Shoko dans le temple des prêtresses.
Alors qu’elle ruminait encore l’accession de Shoko au statut de prêtresse, Mii changeait malgré elle les bandages de la souffrante.
_ « Allons Alicia, l’appela Katya de son vrai nom, ne peux-tu pas ravaler quelques instants ta ranc½ur ? Cela transparaît sur ton visage !
_ Je suis désolée, serra-t-elle fermement les bandelettes de papier, mais profiter des circonstances pour faire de cette apprentie Saint une aspirante Saintia alors qu’elle a jusqu’ici toujours loupé les épreuves d’érudition nécessaires à être acceptée parmi nous ça me… »
Le bond de son lit de la souffrante interrompit la rustre prêtresse : « Aïe, s’exclama Shoko ! »
Katya se mit à rire : « Alicia… J’ai l’impression que tu es si douce que tu en as sorti notre invité de son coma ! »
Mii ronchonna en reculant pour laisser de l’air à une Shoko hagarde.
_ « Où… Où suis-je ?
_ Au temple des prêtresses d’Athéna, vint lui prendre la main Katya. Tu te souviens de ce qui s’est passé ? »
Elle profita de l’échange pour glisser dans la paume de Shoko le collier à l’effigie de Pégase que portait Kyoko. Elle le ramassa lorsque Kyoko le perdit quand Eris prit possession d’elle.
Sentant le bijou froid au contact de sa peau, Shoko se remémora aussitôt.
_ « Kyoko, sanglota-t-elle…
_ Tu es restée inconsciente trois jours depuis. »
Shoko gardait les yeux rivés sur l’objet. Les paroles troublantes de Kyoko sur son acception à être Eris et sur l’absence d’Athéna du Sanctuaire traversèrent son esprit.
_ « Et ma s½ur ? Et le Saint du Scorpion ? Il a sacrifié sa vie pour lutter contre la destruction d’une partie du Sanctuaire.
_ Le Seigneur Milo est en bonne santé. Il a participé à la mission destinée à l’éradication de l’Utérus, des Dryades et…
_ D’Eris ?
_ Oui.
_ Et alors ?
_ La mission est réussie. »
Shoko resserra ses poings et tira ses draps vers elle par le même geste : « Ma s½ur est donc… »
Katya se contenta d’hocher la tête d’un signe affirmatif en faisant la moue.
_ « La mission est donc un succès, tenta de dédramatiser malgré elle Shoko.
_ Si on peut appeler ça ainsi, rétorqua sèchement Mii. Le camp des femmes chevaliers a été dévasté. Seule Erda a survécu parmi les apprenties. Dame Rebecca a également succombé. Les Seigneurs Aeson et Rigel ont trahi le Sanctuaire au profit de ta s½ur ! Et Dame Mayura y a perdu la vie !
_ Dame Rebecca… Toutes les apprenties… Mais… Et… Rumi, mon amie ?! »
D’un air sévère, Mii fit un signe négatif de la tête. 
Shoko sentit son c½ur se fendre à nouveau en apprenant que sa s½ur était responsable d’un nouveau drame. Elle murmura d’une voix triste : « Rumi… »
Pourtant, elle refusa de se laisser abattre.
Elle desserra le poing qui contenait le pégase de sa s½ur et sortit le sien, le même, de sous son maillot.
Elle répondit alors aussi rudement à Mii que celle-ci s’était adressée plus tôt à elle : « Je comprends ce sentiment de trahison qui t’habite. Après tout, ici, Kyoko était ton aînée. Un modèle peut-être même. Toi qui attaches tant d’importance aux protocoles et à la fonction de Saintia, j’imagine à quel point tu dois être dévastée par les conséquences de sa trahison. Mais face à Kyoko… Non, face à Eris, je me suis faite une promesse. Et je vais te l’adresser comme un engagement solennel. Qu’importe que tu m’acceptes comme une semblable ou non. Qu’importe mes maladresses à appréhender mon futur rôle. Mon destin n’était pas d’être Eris. C’est Kyoko qui a choisi cette voie sans lutter. C’est son choix. Le mien est d’être au service d’Athéna. Je veux devenir une Saintia ! Et je deviendrai une Saintia ! Pour laver l’affront que ma s½ur vous a infligé. Pour vous. Pour moi. Pour Athéna ! »
Restée en retrait durant cet échange musclé, Katya en garda un sourire convaincu.
Mii, par un hochement de tête et un regard assuré, accepta de laisser sa chance à Shoko.

A quelques centaines de mètres de là, devant les grandes portes de la salle d’audience du Pope, Aiolia attendait de faire son rapport.
Après Shaka, ce fut à Milo de rendre des comptes sur les évènements de la veille.
Le Saint du Lion n’attendit pas longtemps.
L’entrée fut ouverte en grand depuis l’intérieur de la pièce par les gardes qui s’y étaient enfermés avec le souverain.
Aiolia ôta alors son diadème et attendit que Milo en sorte.
Le Scorpion recoiffa ses longs cheveux du sien une fois dehors.
Les deux Grecs s’échangèrent un rapide signe de tête au moment de se croiser.
_ « Tu repars en mission, questionna le Lion ?
_ Tu es perspicace, chambra le Scorpion.
_ Pas bien compliqué. Tu portes deux Pandora Box qui ne sont pas les tiennes sur le dos. »
En effet, en plus de celle de la Coupe, Milo avait récupéré la Cloth de Rebecca que Geist avait redéposé plus tôt.
_ « J’ai obtenu du Pope le droit de rapporter la Cloth d’Aeson auprès de son élève, Crateris. Cela faisait des années qu’Aeson en trouver digne son disciple. Si bien qu’Aeson la sortait de son urne afin que Crateris entre régulièrement en symbiose avec lors de ses séances de méditation. Une sorte de passage de témoin en quelque sorte.
_ Le Grand Pope a accepté qu’on respecte les dernières volontés de ce traître d’Aeson, grinça des dents Aiolia.
_ Allons, tu sais que notre Grand Pope peut se montrer clément et ne pas s’arrêter uniquement sur les circonstances flagrantes. Il accepte volontiers de voir au-delà des apparences. Tu en as fait toi-même l’expérience par le passé. Et plus d’une fois si je ne me trompe pas. La trahison d’Aiolos. Ton tempérament rebelle lors de la Guerre Sainte contre les Titans… »
Vexé par le souvenir de son frère, Aiolia ravala sa morgue.
Milo n’insista pas, il conclut en montrant du doigt la Pandora Box de bronze dont il portait les lanières  au-dessous de celle de la Coupe : « En échange de l’exécution de la volonté d’Aeson, le Grand Pope m’a demandé de conduire la Cloth de bronze de Cassiopée à Albior de Céphée sur l’île d’Andromède. Avant même le décès de Rebecca, Albior mentionnait dans ses messages à l’attention du Sanctuaire qu’un de ses élèves, Anikeï, était aspirant à cette Cloth. Le temps qu’il achève sa formation, la Cloth se sera régénérée dans son urne. »
Aiolia acquiesça. Il songea un instant : « Le nombre d’aspirants est en constante progression en cette ère. Cela annonce de nombreuses Guerres Saintes en notre époque. Le Pope ne perd pas de temps afin de garder une armée importante en nombre. »
Au regard inquiet de Milo, il comprit que son compatriote partageait la même pensée.
Chacun reprit son chemin et bientôt Aiolia posait genou à terre devant le Grand Pope fermement cramponné à son trône.
_ « Félicitations Aiolia. Tes frères d’armes ont tour à tour précisé que notre victoire d’hier n’a pu être possible que grâce à ton succès face à l’Utérus. »
Portant encore sur lui les écorchures d’Hysminai et les ecchymoses de Galan, Aiolia restait focalisé sur son avenir.
_ « Merci Majesté. Ce fut avec opiniâtreté que j’ai respecté votre plan d’assaut. Vous n’aviez plus fait appel à moi depuis la bataille contre Cronos. Il était important que je revienne dans les bénédictions d’Athéna.
_ Ton impétuosité à l’époque a fini par me lasser. Toutefois, ce jour, tu parais bien plus mûr. Bien que je discerne toujours chez toi un tempérament de feu, pouffa sympathiquement de rire Saga. »
Aiolia afficha une mine partagée entre flatterie et gêne. Il était rare que le Pope fasse preuve de sympathie.
Néanmoins, il se remémora une des circonstances qui l’a rendue plus mature.
_ « J’avoue que la révolte des soldats des Titans alors que j’avais obtenu auprès de vous leur grâce lors du climax de la Guerre Sainte contre Cronos m’a profondément atteint. L’enfant que j’étais s’était tant battu pour leur offrir une vie meilleure, comme moi qui me battais pour effacer l’image d’Aiolos qui me collait à la peau. »
Sous son masque et son casque en or, Saga sua l’espace d’un instant. Le complot hourdis autour de l’accueil des soldats Titans au Sanctuaire demeurait un succès. A l’entendre, Aiolia n’y avait vu que du feu.
_ « Lorsque je revins du Cronos Laburinthos et que je découvris leur tentative d’invasion, ma candeur a pris fin. Tout n’est pas blanc ou noir. L’être humain est complexe. Je compris qu’à mes yeux Aiolos était peut-être un grand guerrier. Il n’en demeurait pas moins un traître. La bataille me fit réaliser qu’ils avaient beau être les assassins de mon frère, les autres Saints n’en demeuraient pas moins mes frères d’armes de confiance. »
Saga ne put retenir une larme tant le poids de ses mensonges avaient fini par corrompre l’amour et la foi d’un cadet envers son frère aîné.
_ « Si bien que l’exil que vous leur offrîtes sur Death Queen Island était une bien douce punition, acheva Aiolia résigné. »
Saga se racla la gorge pour ne pas trahir son émotion : « Il s’agit de la décision d’Athéna. Elle demeurera toujours bonne envers son prochain. Fut-il un ennemi. Athéna t’adresse à travers moi ses remerciements et ses félicitations pour cette mission accomplie Aiolia. Tu peux disposer et bénéficie de trois jours de permission qui t’aideront à te remettre de tes blessures. »
Aiolia hocha la tête pour prendre acte et fit volte-face.
En se dirigeant vers la sortie, il serra les dents : « Les soldats Titans… Finalement, ils avaient en ce dieu malfaisant qu’était Cronos le dieu qu’ils méritaient… Mais au fond de moi, maintenant que j’ai découvert la vérité à propos de Galan, cette guerre n’est pas finie… Lithos m’a menti… »
Tandis qu’Aiolia quittait le palais, le Grand Pope indiqua d’un signe de la main aux deux soldats portiers d’en faire autant.
Seul, il ôta son heaume et son masque pour libérer ses longs cheveux bleus et essuyer ses larmes de culpabilité.
En se dirigeant vers le balcon qui domine l’horizon, il paraissait très affecté : « Aiolos… Mon ami… Comme je m’en veux de devoir infliger ces mensonges à ton frère… »
Seulement, quelques secondes suffirent à sa chevelure pour devenir grisâtre.
Les larmes ne coulèrent plus dans ses yeux rouge empreints de folie : « Cependant, cette Guerre Sainte contre les Titans m’aura permis d’achever la formation de nombreux Saints d’or et de découvrir que des entités bien supérieures à Hadès, Poséidon ou encore Zeus menaçaient mon plan de domination. Pontos… J’ai perdu contact avec lui qui fomentait également contre les Titans à l’issue de cette bataille. Il n’a pas pu disparaître ainsi. Sans que mes Saints ne s’en rendent compte, les différentes Guerres Saintes menées contre le panthéon égyptien m’a permis de récolter de nombreux indices. Pas encore assez, hélas. Mais je sais au moins que ce panthéon n’était qu’un leurre. Des marionnettes que l’Olympe a placées pour sceller des forces supérieures. Des ruines plus profondes. Où se terre certainement Pontos aujourd’hui. Le jeune Mirai ira compléter l’équipe de recherche de Retsu du Lynx une fois qu’il sera fait Saint. Dans l’attente, Juan et Georg iront renforcer les rangs également. La réquisition de gens de leur calibre ne devrait pas éveiller trop de soupçons sur mon obstination pour ces recherches… »

Au Sud Est du domaine, sortie du camp des femmes, Shaina se débarbouillait à l’abri des regards de son combat et des tâches harassantes qui s’en suivirent.
Son masque, posé sur ses vêtements au bord de l’eau, fut ombragé par l’arrivée d’une camarade dont le cosmos lui était familier.
_ « Ton rapport est terminé, demanda Shaina ? »
Faisant grossièrement tomber ici et là chaque morceau de son armure de mercenaire, Geist se dépêcha de se laisser tomber dans l’onde pour rejoindre son amie.
_ « Je n’eus pas besoin de m’étaler. Gigas m’attendait au coin d’une ruelle d’Honkios afin que je ne sois pas découverte à faire mon rapport au Grand Pope. »
La brune se laissa tomber en arrière pour noyer ses longs cheveux.
Passant de l’eau sur son visage, Shaina déplora : « Tout de même, quel fait d’arme te faudra-t-il pour avoir de nouveau droit aux faveurs d’Athéna ?! »
Geist releva les genoux pour exposer son corps nu tout entier à la vue de l’Italienne qui en connaissait déjà les moindres détails : « Disons que cela est un bon compromis. Mon apparent exil me permet de réaliser des missions que beaucoup refuserait de faire et que j’accomplis sans état d’âme. Ça me permet de défouler cette part d’ombre en moi tandis que je reste dans les petits papiers du Pope Arlès. »
Shaina l’imita pour venir la prendre par la taille : « Tout de même… Aujourd’hui c’est Misty le capitaine des armées. Mais si un jour je parviens à me hisser à ce rang, alors je demanderai au Général Gigas de te réhabiliter. »
Geist approcha ses lèvres des siennes : « Je te manque tant que ça ?! »
En aucun cas Shaina ne voulut se dérober à ce baiser. Elle en profita pour l’étreindre lascivement et sentir sa poitrine frictionner la sienne.
A l’issue de cet échange langoureux, Geist la taquina.
_ « Tu as pourtant Marin pour combler ta solitude.
_ Je la soupçonne d’être attirée par le pestiféré du Sanctuaire, Aiolia. Elle passe dorénavant énormément de temps avec son disciple et lui à ce qu’on dit.
_ De tous les hommes du Sanctuaire, il a fallu qu’elle choisisse le moins bon parti, ricana Geist. Néanmoins, je la comprends, elle qui a longtemps été brimée en raison de ses origines, elle doit comprendre mieux que quiconque la souffrance de cet homme, compatit-elle sans vouloir médire davantage. Cependant, ces années où elle s’est isolée après être faite Saint semble avoir été propice au développement d’aptitudes qu’on ne lui soupçonnerait pas.
_ Que veux-tu dire ?
_ Je ne sais pas… Durant notre combat contre Emony, j’ai senti comme un cosmos… Comment dire… Pas inhumain… Mais supérieur à nous autre en tout cas… Différent tout du moins !
_ Arrête. C’est impossible. Marin n’a jamais démontré un potentiel supérieur à la moyenne de notre caste de Saint d’argent. Et tu sembles oublier qu’après Mayura, j’étais la Saint la plus puissante du Sanctuaire.
 _ A ce propos, maintenant que Rebecca n’est plus, que Mayura ne pourra reprendre à sa place, j’imagine que le Pope va te confier la remise sur pied du camp, le recrutement et l’apprentissage des nouvelles femmes chevaliers.
_ Rendre à ce camp sa beauté d’antan, je l’accepte volontiers. Après tout, nous y avons vécu tant de belles années. Recruter de nouveaux éléments, en visitant régulièrement l’ensemble du domaine, ou en partant en mission dans le monde contemporain, ça doit être possible. Néanmoins, prendre la responsabilité de l’apprentissage, très peu pour moi. Il me reste encore la formation de Cassios à achever. »
Geist tourna le dos à son amie et reprit la direction de la berge.
_ « Tu m’épates. Malgré tes réactions belliqueuses et ton ambition, tu restes mesurée et raisonnée. J’aurai aimé te ressembler.
_ Où vas-tu ?
_ Rejoindre mes hommes avant qu’ils ne soient découverts. Nous avons ordre de quitter au plus vite le Sanctuaire. Une nouvelle mission nous attend.
_ Reviens-moi vite.
_ Promis. Et en attendant, garde un ½il sur Marin. Tu l’as ignoré depuis qu’elle a quitté le camp. Nous étions toutes les trois très proches. A présent elle semble être une parfaite inconnue pour toi. Qui est son disciple ? Mes soupçons à propos de son potentiel sont-ils fondés ? Souffre-t-elle de solitude ? Ou bien, sa relation supposée avec Aiolia ne la met-elle pas en danger ? Autant de mystères que tu ferais bien d’élucider.
_ J’ai toujours soupçonné que tu lui trouvais plus d’intérêt qu’à moi, minauda Shaina.
_ Tu vas le faire, insista Geist ?
_ J’ai peur que l’intérêt et le temps me manque, termina Shaina.
_ J’espère dans ce cas que tu ne le regretteras pas ma belle. »

Dans les villages du Nord, Milo traînait des pieds à l’approche du logis où Aeson vivait reclus avec son disciple depuis des années.
Il craignait de voir Crateris ouvrir la porte avec le regard rempli de doutes et de devoir lui briser ses derniers espoirs.
_ « De toute évidence, il n’est pas dupe, se reprit Milo, en tant que futur Saint d’argent, il a bien ressenti le cosmos de son maître nous quitter. »
Le Scorpion sortit de ses pensées lorsqu’il tomba nez à nez avec le prétendant de la Coupe déjà sur le perron.
_ « Crateris… Tu m’as senti approcher ?! »
Les yeux rougis par le chagrin, Crateris pointa du doigt la Pandora Box de la Coupe que Milo portait par-dessus celle de Cassiopée : « J’ai ressenti l’armure. Elle m’appelait à mesure que vous approchiez. »
L’expression de son visage était dure. Il parlait sèchement.
Depuis la veille où il était passé ici pour saluer Aeson, Milo avait constaté un profond changement chez Crateris.
Il demeurait vêtu d’une tunique grise, gardait les poignets entourés de bandelettes de papier. Ses longs cheveux violets tombaient toujours derrière ses épaules et quelques mèches passaient encore sur son front et devant ses yeux bleu marin.
Physiquement il était bien le même.
_ « C’est l’émanation qui vient de lui. Cette impression de puissance, de maturité, de détermination qu’on ne trouve qu’en nous autre Saints confirmés. L’armure ne l’a pas encore revêtu qu’il dégage déjà le charisme d’un chevalier. »
Crateris ramena Milo à la conversation.
_ « Il le sentait Seigneur Milo.
_ Pardon ?!
_ Aeson. Il avait senti que le moment de mon sacre était venu. On dit qu’on peut voir son avenir à court voire moyen terme en observant son reflet dans l’eau qu’on déverserait dans le totem de ma Cloth. Il savait que cette mission était sa dernière. Et moi aussi. Je me suis vu, juste après lui, porter cette armure. Et je n’ai rien fait pour l’en empêcher. Je l’ai laissé partir. »
Milo posa sa main sur l’épaule du jeune homme et déposa à côté de lui l’urne : « Tu n’as pas à t’en vouloir. Il avait reçu son ordre de mission. Il devait accomplir son devoir. Et l’armure avait déjà préparé sa succession. Comme elle la préparera un jour pour toi. »
Aeson se plia en avant pour saisir la hanse permettant d’ouvrir la Pandora Box : « Elle n’en aura pas le temps. Car j’ai vu ma promotion… Puis ma mort… »
Il tira dessus et libéra l’armure qui vint le couvrir : « Je mourrai des mains de l’ombre infini qui dévore la volonté des morts. Hadès en personne ! »
Milo baissa la tête, confus.
_ « Je n’en suis pas gêné, reprit Crateris. Après tout, c’est bien en notre époque qu’Hadès se réincarnera n’est-ce pas ?
_ En effet.
_ Alors, pour la mémoire de mon maître, j’espère faire en sorte que notre génération sera celle qui verra mettre un terme à la répétition de ces batailles. »
Aussitôt, dignement, Crateris pose un genou à terre pour effectuer une révérence vers son supérieur qui, en déposa sa main sur le sommet de son crâne, l’adouba : « Je le souhaite de tout mon c½ur. C’est à cela que je suis préparé depuis que je suis fait Saint. Et même si ton appartenance à la chevalerie sera éphémère Crateris Saint d’argent de la Coupe, je te souhaite qu’elle soit honorable. »

Au temple des prêtresses, Shoko ajustait sa toge immaculée à l’instar d’Erda et Xiao Ling, nouvelles venues.
Katya les présenta brièvement à leurs cons½urs. Chacune des trois ayant été acceptées pour leurs faits d’armes lors de la Guerre Sainte contre Eris, elles obtinrent toutes de sincères applaudissements chaleureusement menés par celle qui deviendra dans quelques mois la Lilith de Deathmask.
Néanmoins, ce succès n’était pas au goût de toutes. Une prêtresse, recluse derrière les autres, applaudissait avec moins de dévouement.
Dévisageant sa s½ur Katya qui souriait franchement aux trois recrues, Maria lisait à travers ce geste une reconnaissance qu’elle n’a jamais eue en retour. Elle maudit alors à nouveau sa faiblesse qui ne lui permit jamais d’obtenir un tel respect de son aînée contrairement à ces inconnues.
Aussitôt, comme tant d’autres avant elle, une Evil Seed qui virevoltait depuis la veille au gré du vent, infiltra son c½ur.
Devant, bien qu’élogieusement accueillie, Shoko n’en demeurait pas moins intérieurement bouleversée par les évènements récents.
Tandis que Mii avait pris le relais de Katya pour assurer la visite des locaux, Shoko ne l’écoutait que d’une oreille.
_ « … et ce sont les Saintias précisément qui sont les seules autorisées à s’occuper du corps humain de la déesse Athéna. Tâche si essentielle que seules Katya et Kyoko furent promises Saintias. Car elles ont su s’en montrer dignes... »
A l’évocation du nom de sa s½ur, Shoko ne put refreiner un souffle d’amertume.
Cela la sortit de sa léthargie et lui permit de remarquer qu’elle n’était pas la seule à rêvasser pendant les explications de Mii.
En effet, Xiao Ling qui suivait à la semelle Erda semblait plus intéressée par elle que par leur future mission.
Bien que cela amusa Shoko, Mii n’y gouttait guère : « … alors que nous autres, aspirantes, sommes uniquement des prêtresses pour l’heure. Et rares sont celles qui reviennent de leurs soins à Athéna ! Certainement bannies car jugées trop impures ou incompétentes pour cette tâche ! Après tout, il s’agit de satisfaire la volonté de la Déesse de la Sagesse ! N’est-ce pas Xiao Ling ?! »
La Chinoise sursauta aussitôt, ce qui fit pouffer de rire Shoko.
Mii, ignorant tous des m½urs de Saga qui provoquaient tant d’hécatombes dans leurs rangs, apparut bien sévère vis-à-vis de sa camarade asiatique qui s’effaça aussitôt.
S’en fut assez pour que Shoko objecte : « Si je comprends bien Mii, toi qui es si passionnée par ton rôle et y mets tant de c½ur à l’ouvrage, tu es du même rang que nous et n’a jamais eu l’honneur de rencontrer sa Majesté Athéna ?! »
Cette remarque acerbe ne manqua pas d’assurer un sourire en coin sur les lèvres de la discrète Erda, de soulager Xiao Ling et de renforcer la rivalité entre Shoko et Mii.
Tout cela, bien entendu, sous le regard bienveillant de Katya, soulagée de savoir ces nouveaux caractères bienvenus à l’abri pour le moment des mauvaises pulsions de l’homme qu’elle aimait…

Pendant ce temps, dans les villages du Sanctuaire, Aiolia restait à regarder la fenêtre grande ouverte de la demeure où il vivait avec son frère avant que celui-ci n’attente à la vie d’Athéna.
Désormais résidence de Lithos, il profitait qu’elle aéra cette maisonnette qu’elle a incroyablement fleurie pour la regarder s’agiter aux fourneaux.
Il resta de longues minutes, partagé entre nostalgie de leur amitié passée et colère de lui avoir caché la mort de Galan.
Compréhensif mais furieux, il revit l’espace d’un instant ses deux domestiques à ses côtés dans la maison du Lion. Ce tableau appartenant désormais au passé ne devait pas être brisé.
Il tourna alors les talons, abandonnant toute dispute éventuelle.
C’est alors qu’il se pensait assez loin, que la voix fluette de Lithos l’interpella : « Maître Aiolia ?! »
Elle était juste dans son dos. Elle l’avait rejoint.
_ « Je vous ai vu vous éloigner depuis ma fenêtre… Vous n’êtes pas venu me voir après votre mission…
_ J’ai… C’est... C’est trop difficile…
_ Ça ne l’a pourtant jamais été entre nous jusqu’à présent. »
Aiolia garda le silence.
La phrase de Lithos était volontairement pleine de sous-entendues.
Admirative pour son sauveur alors qu’elle n’était qu’une enfant, dévouée à son service en tant qu’adolescente, elle ne pouvait pas demeurer insensible à sa droiture maintenant qu’elle était une femme.
Pourtant, Aiolia ne l’entendit pas de cette oreille.
Toujours dos à elle, il serrait nerveusement les poings.
_ « Vous savez n’est-ce pas, s’hasarda-t-elle ? On dit qu’Eris a corrompu des êtres de bravoures du passé. Vous avez découvert la vérité c’est ça ? »
Rompant le silence d’Aiolia, une voix familière répondit à sa place : « Dans les pires circonstances qui puissent être en effet. »
Marin revenait alors du camp des femmes et croisa les deux amis.
Comprenant que Marin prendrait la défense d’Aiolia, Lithos tenta de s’en expliquer : « C’était… C’était la volonté de Galan… Il m’a fait promettre de ne jamais vous le dire… Il préférait que vous le croyiez heureux et libre… Et… »
Aiolia la coupa sans ménagement : « Au lieu de ça il a été mis en terre dans les bas-fonds du Sanctuaire. Torturé par Eris à qui il a refusé de prêter allégeance. Possédé, meurtri, anéanti corps et âme par l’Utérus. Alors que je l’ai toujours cru heureux et libre, oui. La vérité m’est venue de la bouche d’une Dryade. Pendant que j’étais en bonne santé et ignorant, mon ami, acteur de ma réussite, souffrait mille tourments de son vivant puis dans sa mort. »
Confuse Lithos lâcha de façon malheureuse : « Nous n’aurions rien pu faire ! »
Le visage défiguré par la colère, il se retourna en grondant vers elle : « Qu’en sais-tu ?! Qui es-tu donc pour pouvoir avoir de telles certitudes ?! »
Choquée, vexée, profondément blessée par ces paroles, elle recroquevilla ses deux mains devant sa poitrine pendant que ses deux grands yeux ronds se gondolèrent de larmes.
Tel un rugissement, la voix d’Aiolia avait attiré les passants. Quelques curieux commencèrent à tendre l’oreille.
Hélas tristement connu, Aiolia ne put poursuivre davantage aux yeux de tous, devinant que déjà certains allaient médire à son sujet.
D’un bond prodigieux, il disparut dans le ciel.
Seule avec elle, Marin enfonça le couteau dans la plaie : « Je t’avais dit que la découverte un jour d’un tel mensonge serait pire que de lui avouer la vérité. »
Meurtrie, Lithos dévisagea avec ranc½ur la Saint d’argent.
Dans sa poitrine qu’elle cramponnait, une Evil Seed germait en secret.
_ « Ne me dis pas que ça n’arrange pas tes affaires ?! »
Marin préféra ne pas chercher querelle et tourna les talons.
_ « C’est ça, continue à être Marin la juste, la bienveillante, toujours à tomber à pic pour remonter le moral d’Aiolia une fois que Galan et moi avions fini d’essuyer les pots cassés !
_ Alors c’est donc ça, cessa son départ Marin ?!
_ Tu nous as pris Aiolia ! C’est toi qui l’as éloigné de nous ! C’est pour ça qu’il nous a renvoyé de chez lui !
_ Tu n’y es pas du tout. Il voulait une meilleure vie pour vous qui aviez tant subi à ses côtés justement.
_ Mensonge ! Tu as toujours vu d’un mauvais ½il qu’une autre vive sous son toit ! »
Marin avait compris que les années aidant, il y avait bien plus qu’un amour fraternel de Lithos envers Aiolia.
Ignorant tout du fait que cet amour était exacerbé désormais par les graines de l’Utérus, Marin repartit comme elle arriva…
En chemin, bondissant de roche en roche, elle revit quelques images horrifiques du bain de sang du camp des femmes qu’elle découvrit après la bataille.
Animée par sa mission d’Aigle de Zeus, consciente des machinations qui entouraient les dernières Guerres Saintes, elle était davantage convaincue que l’entraînement qu’elle prodiguait à Seiya devait être le plus rigoureux possible. Car ce Pégase sera celui qui aura entre les mains l’avenir de l’humanité face aux dieux…

Dans la partie Ouest de l'Océan Indien, près de la Somalie, Milo n’arrivait pas à apprécier la brise.
L’air marin sur l’île d’Andromède demeurait brûlant sur cette terre où une chaleur infernale le jour, dépassant aisément les 50 degrés Celsius, harassait les élèves d’Albior.
Fixant la Pandora Box de Cassiopée qu’il a déposé au bord d’une falaise pour profiter par la même occasion de la vue, Milo souffla : « Je n’arriverai jamais à m’y faire à ce climat ! »
Son interlocuteur, un homme blond, à la carrure massive et au visage mûr, rajouta : « Et encore, lors de tes visites tu ne t’es jamais attardé la nuit. Tu ignores tout du froid glacial qui s'abat sur l'île une fois le soleil couché. »
Milo tourna la tête sur sa droite pour voir Albior le rejoindre.
_ « Très peu pour moi. Je ne pensais pas revenir te rendre visite de sitôt mon ami. »
Imposant dans sa Cloth d’argent, Albior inclina la tête en guise de respect et s’assit sur un rocher plus bas, juste aux pieds du Grec.
Milo l’imita alors.
_ « Ton courrier au Grand Pope a été apprécié. Il évoquait les difficultés qu’il avait à te rallier à lui depuis que nous sommes allés combattre en Egypte.
_ Si notre présence en Egypte a permis de libérer quelques partisans athéniens du dictat des représentants du panthéon égyptien, combien de morts innocentes cela a-t-il engendré ? Cela justifie-t-il que depuis, les uns après les autres, nous attaquions chaque sanctuaire égyptien pour imposer notre régime ?
_ Est-ce ce que tu inculques à tes élèves ?
_ Pas le moins du monde. J’ai beau trouver la politique d’expansion du Pope en Egypte anormale, je garde un devoir de neutralité. La preuve, il a su le reconnaître en relevant dans mon dernier courrier qu’un postulant à la Cloth de Cassiopée est bientôt prêt à se rendre au Sanctuaire pour lui prêter allégeance.
_ La perte de Rebecca a été l’opportunité pour le Grand Pope de te prouver la considération qu’il a pour toi. Il a immédiatement fait suivre cette Cloth.
_ Certainement pour renforcer son armée et mener de nouvelles batailles.
_ Si tel est le désir d’Athéna. »
Albior soupira et se releva : « Pff… Je t’ai connu plus opiniâtre par le passé. »
Milo le suivit vers le centre de l’île.
_ « Où veux-tu en venir ?
_ A l’époque, tu réfléchissais davantage aux causes et aux conséquences d’une Guerre Sainte. C’est cette sagesse, ton sens de la stratégie et ton acharnement sur le champ de bataille qui m’ont donné plaisir à lutter sous tes ordres, mon ami.
_ Nous avons traversé de grandes épreuves ensemble, il est vrai.
_ Toutefois, depuis, je te sais être parti de nombreuses fois au combat, exécuter diverses missions. Et à ton discours de l’instant, je ressens bien que tes agissements ne sont plus autant raisonnés qu’antan. »
Les deux alliés arrivèrent au bord d’un précipice en bas duquel les disciples d’Albior s’exerçaient.
Ceux-ci, tout en bas, furent interpellés par le reflet du soleil sur la Cloth de l’homme qui accompagnait leur professeur.
Parmi tous, curieux et aveuglé, Shun baissa sa garde un instant, ouvrant une brèche que Spica s’empressa d’exploiter pour le renvoyer visage contre terre.
June courut immédiatement le relever : « Shun ! Tu n’as rien de cassé ?! »
Anikeï le réprimanda aussitôt : « Combien de fois faudra-t-il te dire de ne pas baisser ta garde même lorsque tu combats un camarade ?! La confiance aveugle que tu portes à tes adversaires finira par te jouer des tours. »
Mais le futur Saint d’Andromède n’y entendait rien. Il restait fasciné par la vue de ce chevalier qui l’éblouissait et dont il n’arrivait pas à bien distinguer les traits.
Reda, venu féliciter Spica pour sa victoire, s’empressa d’être condescendant : « Notre maître reçoit régulièrement des visites de Saints de haut rang venus tout droit du Sanctuaire ! Il a mené de grandes batailles et est respecté de tous. Quel dommage que tu offres un tel spectacle Shun ! A part décrédibiliser le travail accompli par Maître Albior, tu ne sers vraiment pas à grand-chose ! »
Plus haut, loin de se soucier des querelles ou des piètres prestations de ses élèves, Milo demeurait vexé par les propos outranciers d’Albior.
_ « Tu finiras par empoisonner tes élèves à tenir de tels discours, que tu le veuilles ou non.
_ Je te rassure, j’ai choisi simplement d’inculquer mon art. Pour le reste, je fais preuve de neutralité.
_ Faire preuve de neutralité c’est ignorer les ordres du Sanctuaire. Le Grand Pope est tout autant magnanime qu’il peut être intransigeant. Au point de faire punir ceux qu’il considère comme des traîtres par leurs proches. Un châtiment traumatisant destiné à marquer les esprits d’éventuelles mauvaises résolutions d’autres sujets.
_ Gouverner par la terreur. Le Grand Pope Shion nous a habitué à mieux par le passé. Son frère Arlès n’aurait-il pas une mauvaise influence sur lui depuis ces dernières années ?
_ Je crains surtout qu’avec une telle attitude, je ne sois envoyé un jour ici pour te punir en personne. »
Albior le regarda alors fixement : « Si ce jour venait alors, par respect envers notre camaraderie, je te demande de me combattre de toutes tes forces. »
Bien que droit, Milo grimaça : « Tu sais très bien que j’en serai incapable. Car je sais qu’au fond, tu demeures un Saint digne d’Athéna. Faire l’étalage de toute ma puissance serait alors te condamner sans retour possible. »
Albior repartit récupérer la Cloth de Cassiopée en tempérant : « Prions Athéna alors pour que ce jour n’arrive jamais. »
Milo le laissa prendre ainsi congé. Avant de repartir d’un bond jusqu’au Sanctuaire, sa récente discussion avec Aiolia et les doutes évoqués par Albior le perturbèrent : « Pourrais-je vraiment condamner Albior ? Après tout, il est vrai que le Grand Pope est très changeant. Par exemple, il accède à la dernière volonté d’Aeson alors qu’il a trahi par deux fois le Sanctuaire. La première fois en enfantant par deux fois avec une Saintia, un parjure envers Athéna. Et pire que tout, la seconde en se rangeant du côté d’Eris. Tout comme il semble accorder ses faveurs à Aiolia qui, même s’il est un vaillant frère d’arme, n’en reste pas moins le frère du traître. Comment garder les idées claires après tout ça ? »
Flashback

Perdu dans ses pensées, Rigel demeure dans le sillage d’Eris.
Il ne prête guère plus attention aux temples desquels s’écoule sous forme de cascades l’eau des ruisseaux, ni aux pierres blanches qui dallent le sol.
Tout ceci, il l’arpente maintenant depuis trois ans au milieu des Dryades et de ses camarades Fantômes, Aeson et Olivia.
D’ailleurs, c’est lorsque Kyoko arrive devant un banc de pierre entouré d’anciennes statues d’athlètes et penseurs, qu’elle ramène à lui le Ghost Saint. D’un demi-tour gracieux, elle lui offre un sourire semblable à ceux d’autrefois alors qu’elle était une Saintia et lui un Saint.
_ « Cet endroit n’est-il pas magnifique ?! Je veux parler du Jardin d’Eden tout entier !
_ Si, bien sûr, incline-t-il la tête. »
Elle achève la traversée de son Jardin d’Eden au sommet d’un escalier de pierre fort marqué par le temps.
_ « Il me tarde de pouvoir entrer en scène ! Maintenant qu’Aeson, Olivia et toi êtes à mes côtés, j’ai hâte de retrouver le dernier membre de ma famille. La seule qui n’a pas voulu se joindre à moi. Shoko ! »
Cette déclaration pleine de motivation rappelle à Rigel que les trois années passées ici à s’entraîner sont bien destinées à une Guerre Sainte plus sanglante que celle que le Sanctuaire croit avoir remporté contre Eris.
Pour preuve, ils débouchent tous les deux sur l’esplanade principale au bout de laquelle autour du trône d’Eris, trois silhouettes l’attendent.
Rigel n’avance plus, observant une distance que le rang de ces trois entités inspire.
La première d’entre elle, un homme de grande stature, plus mature que les deux autres, s’impose.
Blond, l’½il gauche dissimulé par une mèche de cheveu, il a un ton sévère : « Notre père Arès est-il enfin au courant ? »
Kyoko fait apparaître entre ses mains sa lance à quatre branches.
L’apparition de celle-ci réduit en cendres sa tenue contemporaine d’écolière et la remplace par sa longue robe pourpre.
A cet instant, plus que jamais, elle est Eris : « Tout est prêt Deimos ! »
Immédiatement, derrière l’athlétique Deimos, Harmonie, rejoint ses deux mains devant elle en entrelaçant ses doigts : « Alors après ces millénaires enfermés dans la Pomme d’Or, nous allons enfin pouvoir assister notre père. »
Harmonie a de longs cheveux blonds et onduleux. Ses yeux sont bleus.
Contrairement à ses frères, bardés des pieds à la tête comme de sanguinaires soldats, Harmonie est vêtue d'une robe blanche et d'un châle blanc.
Enfin, d’apparence plus juvénile que Deimos et Harmonie, Phobos n’apparaît pas moins dangereux. Loin de là. Sa joue gauche balafré et la malice qui se dégage de son ½il gauche donnent au troisième membre de la garde rapprochée d’Arès une allure menaçante.
L’½il droit caché comme son frère sous son diadème et sa mèche de cheveux bruns, il se précipite au-devant d’Eris : « Nous, les Ombres, la garde rapprochée d’Arès, allons enfin pouvoir être à ses côtés. Finis ces Berserkers qui n’étaient pour nous que des premières lignes. Ils ont causé assez d’échecs comme ça au Dieu de la Guerre en notre absence ! »
Eris passe devant lui sans s’en soucier et s’installe lascivement dans son trône de pierre.
D’un mouvement de la main, elle invite Rigel à la rejoindre.
Le Saint déchu passe au milieu des trois dieux sans leur adresser un regard et s’agenouille aux côtés de sa bien-aimée.
Eris conclut : « L’heure approche. Un peu de patience. En attendant, ça bouge à Asgard. Je viens de sentir le cosmos de Poséidon y interférer… »

Author Topic: Chapitre 82  (Read 3271 times)

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