Chapitre 81
En Argentine, devant le Disfrute, les secours ont fini de prendre en charge les prisonniers de Segador et la clientèle qui a fui les balles.
Les forces de l’ordre sont maintenant regroupées autour du night-club, prêtes à l’intervention.
A l’intérieur de la chambre, Vasiliás l’a bien ressenti.
Bien que désormais ce soit Peligra qui semble plus envieuse que lui, il devine que son instant de plaisir dans le monde contemporain doit cesser.
Peligra, elle, s’est levée sur la chaise pour coller contre le visage mal rasé de l’Américain, le bas de ses hanches.
Son souffle devient si envieux, haletant, qu’il étouffe à certains moments la musique qui résonne dans la pièce.
Décidée à accentuer son plaisir, elle redescend peu à peu pour s’accroupir contre lui, bassin contre bassin, et mimer un coït en remuant de plus en plus vite.
Ne sachant plus résister, elle se lève pour enfin ôter cet ultime habit qui la protégeait du dernier acte.
C’est à cet instant précis que Vasiliás choisit de se lever pour ramasser ses vêtements dans l’étonnement le plus complet.
_ « Que fais-tu ?!
_ Je n’ai plus d’argent. Le spectacle s’arrête là.
_ Tu m’as donné plus d’argent qu’il n’en fallait, je t’offre la suite de la prestation. »
Malgré toute l’envie qu’il contient, Vasiliás réajuste grossièrement ses vêtements : « Si ce n’est pas déjà le cas, dans les secondes qui suivent tu n’auras plus de patron. Cet établissement ferme ses portes ce soir. Profite justement de l’argent que je t’ai donné, pour te trouver un meilleur job où plus personne n’exploitera tes charmes. »
Sans même la regarder, il quitte la pièce et la laisse penaude.
A la sortie de la chambre, il reconnaît les sept surveillants de Segador étendus dans le couloir.
La porte de la salle privée de l’établissement est entrouverte.
Le corps de l’unique gardien survivant, celui au bras brisé, essaie de s’extraire en rampant. Souffrant, misérable, le videur laisse derrière lui sa trace dans son sang.
Vasiliás le regarde avec dépit : « Tu m’as l’air condamné. T’achever serait te rendre service. Autant te laisser crever comme tu le mérites. »
Il s’enfonce dans l’appartement aux murs tapissés de sang.
Positionné au centre de son quartier général, Segador présente une apparence méconnaissable.
En s’avançant curieusement, espérant l’identifier mieux que ça, Vasiliás bute sur des membres humains coupés, deux pieds et deux jambes, préalablement transpercés puis brisés avant d’avoir été sectionnés.
Le tronc humain, se vidant de son sang au niveau de ses organes génitaux arrachés, essaie de survivre en respirant du mieux qu’il peut. Ce n’est pas chose aisée. Il s’étouffe en avalant ses dents et le sang de sa langue arrachée, tandis que son nez est cassé.
Les sons qu’il produit semble appeler à l’aide, bien qu’il ne reconnaisse pas l’intrus puisque ses yeux semblent avoir été percés.
Son visage et son buste sont peints de sang après que le sommet de son crâne tatoué lui a été scalpé.
Le général d’Arès ne peut que constater : « Il agonise. »
Jaillit de l’ombre, s’agenouillant pour confirmer sa fidélité à son roi, Tromos déplore : « Trop vite hélas. »
A la sortie de sa chambre, à peine recouverte de son boxer, Peligra découvre les cadavres des six videurs pendant que le septième a réussi à se hisser jusqu’à son niveau.
Cependant, le macabre spectacle ne l’accable pas.
Cela stupéfait l’homme de main : « Toi la nouvelle ! Comment se fait-il qu’à peine embauchée tu te retrouves au milieu de tout ceci ? Ça ne peut-être une coïncidence ! »
Indifférente, son visage séducteur prend une allure bien plus menaçante.
Son ton enchanteur devient bien plus autoritaire : « Vulgaire être humain. Comment as-tu pu croire que j’étais réellement venue travailler pour ton patron ? Nous ne faisons pas parti du même monde. »
La belle à la peau chocolat ponctue rapidement son aigreur en écrasant de son talon haut et pointu le crâne du malfrat…
En Grèce, Kyoko sautille presque en devançant Mars.
_ « Vas-tu ralentir, s’exaspère Arès ! Nous serons bientôt rentrés à l’Aréopage que je n’aurai pas eu droit à la fin de ton récit !
_ Désolé ! C’est simplement que la conclusion est pleine de rebondissement et que je n’arrive pas à me contrôler ! »
Flashback
Un bruit sourd résonnait dans la tête d’Erda.
Il l’accompagnait à mesure qu’elle recouvrait ses esprits.
Repoussée dans la forêt, enchevêtrée dans un arbre plié en deux sous l’impact, la tête lui tournait.
Bien vite elle identifia le bourdonnement. Il lui parut plus clair d’entendre que de voir, tant les images autour d’elle tournoyait encore.
Un énorme brouhaha ronflait tout autour d’elle.
_ « Des vivats ? Des encouragements, croyait-elle reconnaître ? Le Sanctuaire tout entier a dû se réunir autour du camp pour nous soutenir. Geist a dû sortir victorieuse… Hélas… Pour le reste… Mais ! Oui ! Le reste ! Toutes ne furent pas vaincues ! En éliminant le bunyip, les survivantes ont dû réussir à défaire les Dryades, se redressa-t-elle en faisant fi de ses plaies ! »
Chancelant d’arbre en arbre, Erda tituba jusqu’au camp, tenant fermement dans sa main le foulard qu’elle avait hérité de Rebecca.
Elle slaloma entre les hauts buissons touffus qui masquaient l’entrée du camp.
Elle les passait avec hâte. Pressée qu’elle était de retrouver des survivantes.
Le dernier obstacle passé, elle déboucha sur le camp déjà prête à crier victoire.
Cependant, une vision apocalyptique prit place à l’espoir.
Les temples n’étaient plus que ruines sur un vaste champ à la terre retournée et aux arbres arrachés aux abords.
Dessous les décombres, des corps innocents, baignant dans leur sang.
Le vent emportait les Dryades et les restes du bunyip, tous fanés.
De la quarantaine de femmes ici présentes au début de la bataille, ne restait qu’Erda baignant dans le lac de sang de ses amies.
Irradiant à la surface, la Cloth de Cassiopée s’était reconstituée sous sa forme totémique devant un bras sortant des décombres.
_ « Mito, s’époumona Erda en se jetant dans sa direction ! »
Elle leva les blocs de pierre qui retenait son amie déjà condamnée avant cela.
Elle était froide, livide, les yeux définitivement vides.
Hurlant de détresse, Erda la serra fort contre elle. Le regard perdu vers l’horizon. Ne sachant que dire. Que faire.
Seul un grésillement répété, nuisible, irritant, répondait à ses ahanements.
Lorsqu’elle leva la tête pour les identifier, elle remarqua que les pétales de l’Utérus ne tombaient plus sur la surface dévastée. Ceux-ci grillaient au contact d’une onde violacée flottant dans les environs. Faisant baigner la surface macabre dans une atmosphère lugubre.
En y regardant de plus près, les corps flétris des Dryades libéraient des boules de phosphore, comme pour emprisonner leurs âmes en temps normal soufflées au vent.
Également, à bien y observer, le même phénomène se produisait au-dessus des cadavres de ses semblables.
C’est alors qu’une voix nasillarde la convainquit d’une étrange manifestation : « Il en restait encore une… C’est qu’elles ont la peau dure ! Seki Shiki Meikai Ha ! »
Découvrant derrière une colonnade tenant encore debout une silhouette en armure dorée, Erda se redressa pour la questionner.
Néanmoins, son corps ne lui répondit pas.
La vue qu’elle avait sur l’intrus devenait de plus en plus éloignée.
Jusqu’à ce qu’elle réalise, que comme le phosphore qui flottait au-dessus des cadavres, son âme était extirpée de son corps et aspirée contre son gré…
En même temps, les feux follets alentours disparurent en s’enroulant autour de Deathmask.
Ils les conduisit au Yomotsu Hirasaka. Ne laissant que le corps inanimé d’Erda, retomber sur le flanc…
Devant le camp, au beau milieu des Saints amassés pour supporter les femmes au combat, une sphère d’énergie se matérialisa.
Sept silhouettes prirent forme à l’intérieur.
La première identifiable fut celle de Shaka. Suivi d’Aiolia, Milo, Georg, Juan, Apodis et Naïra.
Le Saint de la Vierge avait téléporté ses camarades après leurs déferlantes de cosmos contre Eris.
Misty le premier brisa le silence que cette apparition soudaine avait provoqué : « Seigneurs Shaka ! Aiolia ! Milo ! Vous êtes de retour ?! La déflagration dans le ciel ?! Cela veut dire que vous êtes vainqueurs ?! »
Ce constat amorça la clameur des spectateurs qui vinrent se courber devant les Saints d’or, saluer les Saints d’argent et sauter dans les bras des Saints de bronze.
Dans une vieille demeure abandonnée, limitrophe à la forêt du camp des femmes Saints autour de laquelle le Sanctuaire s’était réuni, trois hommes attendaient à l’abri des regards des autres.
Il s’agissait des mercenaires de Geist qu’elle appelait les Caraïb Ghost Saints.
Leurs protections étaient différentes des autres Saints et mercenaires. Plus flexibles, elles épousaient davantage le corps de leurs porteurs comme le feraient des combinaisons.
L’un d’eux faisait les cents pas. Il stressait un autre assis sur une chaise au bois vermoulu.
_ « Allons Sea Serpent ! Calme-toi donc ! Tu ne feras pas revenir Dame Geist plus vite !
_ Tu m’épates Dolphin ! Je ne sais pas comment tu peux rester ici assis à attendre !
_ N’imagine pas que la situation m’amuse. Déjà que d’ordinaire nous n’avons pas le droit de nous promener dans le Sanctuaire, ne crois pas que rester cloîtré ici me satisfasse !
_ Qu’en penses-tu toi Kuraggu ? »
Le susnommé restait fixé à la lucarne depuis quelques minutes à observer les autres Saints se regrouper au loin.
L’armure aux couleurs pâles teintées de rose et de jaune délavé, Kuraggu serrait les dents en fixant un point particulier.
De son casque semblable à un large chapeau en forme de méduse, tombaient ses gras cheveux blancs. Il dissimulait ses petits yeux noirs qui toisaient avec dédain un chevalier.
_ « Kuraggu, demanda à nouveau Sea Serpent ?
_ Que regardes-tu, le rejoignit alors Dolphin ?
_ Je vois, constata Sea Serpent qui fit de même ! »
Les trois reconnurent Apodis parmi les nouveaux arrivants, héroïquement salué.
_ « Ton fils, souffla Dolphin à Kuraggu.
_ Ferme-là, l’empoigna aussitôt Kuraggu ! Ce n’est plus mon fils ! Ce petit salop m’a trahi en fuyant notre chez nous et en m’enlevant ma femme !
_ Allons Frontinus, se défit Dolphin en rappelant Kuraggu par son vrai nom pour le ramener à lui, après tout ce que tu lui leur as fait vivre, c’est de bonne guerre non ?!
_ Hum, grognait le Caraïb Ghost Saint à l’emblème de la méduse.
_ Dis plutôt que c’est le fait qu’il soit devenu un vrai Saint plutôt que toi qui n’a pu faire mieux que mercenaire qui te froisse, le charrie Sea Serpent !
_ Il me tarde de pouvoir lui faire subir ma vengeance pour m’avoir ainsi humilié !
_ Ne crains-tu pas qu’il te vainque ? On dit qu’il est très doué parmi les Saints de bronze, continua Sea Serpent !
_ Alors je le ferai souffrir d’une bien autre manière en lui prenant tout ce qu’il a de plus précieux ce sale merdeux !
_ Peut-être, reprit Dolphin, mais pas aujourd’hui. Nous n’avons pas le droit d’être sur le sol du Sanctuaire. Nous venons rendre compte d’une mission officieuse avant de repartir. Dame Geist, ayant senti le danger, a volé au secours de son camp. Mais, malgré toute la malice dont elle peut faire preuve, elle n’en demeure pas moins extrêmement protocolaire à propos du lieu qui l’a fait devenir si forte. Nous y rendre pour l’aider, ou nous faire démasquer pour une toute autre raison, signerait notre mort de ses mains. »
Devant, les héros ne goûtaient pas aux plaisirs de leurs camarades.
Pas plus que Mirai resté en retrait. Ne voyant pas Mayura au milieu des rescapés, il ne se fit guère d’illusions, lui qui ne sentait plus non plus le cosmos de Shinato.
C’est alors que les totems des Cloths du Paon, de la Coupe et d’Orion arrivèrent au milieu de l’attroupement. Suivant les traces de Shaka, elles revinrent auprès des leurs.
Algol posa sa main sur l’épaule de Juan : « Mayura… Aeson… Rigel… Vos sacrifices n’auront pas été vains. Ici, ainsi que sur l’Utérus, Eris est vaincue ! »
Shaka leva la tête en direction du camp des femmes qui brûlait encore par endroits : « Eris est vaincue… Mais quelle victoire amère… »
Dans le camp, Xiao Ling, remise de ses émotions, espérait comme Erda retrouver quelques rescapées en regagnant le centre.
Cependant, c’est à la chute inconsciente de sa camarade Erda que Xiao Ling assista.
Sortant à son tour de la forêt où l’explosion l’avait repoussé, elle chancela jusqu’au camp dévasté où elle trouva uniquement Erda ne plus tenir sur ses jambes.
Tanguant de gauche à droite puis de droite à gauche, Xiao Ling s’écroula le plus vite possible auprès d’elle : « Erda… Non… Tu ne vas pas me laisser toute seule ici, commença-t-elle à pleurnicher. »
Elle la retourna sur le dos et la secoua : « Allez… Réveille-toi... »
Rien n’y fit.
Elle regarda devant elle la Cloth que portait Rebecca. L’armure manifesta aussitôt son besoin de ramener Erda : « Allez ! Je t’en prie ! Je suis venue ici pour Rebecca ! Aujourd’hui à quoi bon tout ce que j’ai traversé si je finis à nouveau toute seule ? Je t’en prie ! Allez ! Allez ! »
Elle la secouait, apeurée et impuissante.
Un nouveau coup d’½il sur la Cloth l’inspira.
Elle reprit son calme et aligna bien les bras d’Erda le long de son corps. Elle arracha le peu de tunique qu’il lui restait, au risque d’être complètement nue, afin de surélever avec le tissu sa tête.
D’un revers de la main elle lui dégagea les courts cheveux qui maquillaient son beau visage, et entama un massage cardiaque…
Sentant son âme être attirée contre son gré dans une obscurité sans fin, Erda eut le sentiment d’être écrasée, compressée, avalée…
Lorsqu’elle reprit connaissance, tout n’était que ténèbres dans un monde obscur où elle ne distinguait à peine son ombre que grâce à quelques feu follets gravitant ici et là.
_ « Tu es réveillée Erda, entendit-elle ? »
Elle chercha tout autour d’elle d’où pouvait venir cette voix qu’elle chérissait tant.
C’est alors que, par miracle, apparut dans le plus simple appareil, devant elle, Mito.
_ « Tu n’as plus rien à craindre. Nous sommes là désormais. Toutes ensemble.
_ Toutes ?
_ Oui, toutes, répondit la voix de Rebecca qui se présenta elle aussi totalement nue dans son dos !
_ Fini ce monde de souffrance, lui prit la tête entre ses mains Mito.
_ Il ne te reste qu’à rejoindre ce nouveau monde où les envies et les plaisirs ne sont plus honteux, s’approchait d’elles Rebecca. Où tu peux prendre ce que tu veux en l’arrachant à ceux qui ne le méritent pas.
_ Comment ça, fronça les sourcils Erda qui ne reconnut pas les préceptes de son mentor ?
_ Comme ceci, l’embrassa à pleine bouche Mito.
_ Mito, songea Erda qui laissa la langue de Mito venir caresser la sienne dans sa bouche… Comme cela me manquait déjà… Mais, se sentit-elle oppressée, pourquoi cela me donne la nausée malgré tout…
_ Oui, vint presser Rebecca le dos de chacune de ses disciples pour que Mito étreigne davantage son corps nu contre celui d’Erda… Comme cela aussi, passa-t-elle ensuite sa main sous le débardeur craqué d’Erda pour remonter jusqu’à sa poitrine… Tout ce que tu as toujours idéalisé peut-être soumis à tes désirs désormais, colla-t-elle son front à celui de ses élèves…
_ Non, réagit au fond d’elle Erda, ce ne sont pas elles ! »
A cet instant, un claquement de doigt libéra Erda de l’étreinte lascive à laquelle elle était soumise.
Ses deux camarades prirent des mines démoniaques avant de se tordre de douleur, prisonnière d’une lumière violette qui les consuma.
_ « Vous lui avez fait baisser sa garde en prenant un visage qui lui était familier. Ça fait de vous de pires dépravés que moi Fantômes !
_ Un… Saint d’or, s’exclama Erda tombée à genoux désabusée ! Se pourrait-il qu’il soit celui que j’ai vu au camp ?
_ Deathmask du Cancer pour te servir, se présenta le chevalier.
_ Fantômes ? Tu as parlé de mon amie et de mon maître en ces termes ? Pourquoi ?
_ La scène était très excitante mais totalement trompeuse. Tes camarades sont là-bas ! »
Il pointa du doigt une interminable file indienne humaine.
Au-devant de la foule, proches d’un précipice où se laissent tomber chacun, Erda put identifier l’ensemble des membres du camp avec, parmi elles, celles qui lui étaient les plus proches.
_ « Maître ! Mito, s’époumona-t-elle en commençant à se relever pour les poursuivre !
_ Je ne ferais pas ça si j’étais toi. Elles ne peuvent plus ni te voir ni t’entendre. »
Aussitôt, leurs âmes tombèrent dans le puit qui conduit au royaume des morts.
_ « Où… Où sont-elles ?
_ Tu l’as très bien compris. Nous sommes à la frontière qui relie le monde des vivants au monde des morts. Tous ceux qui tombent dans ce puit sont directement reçus par Hadès. Tes amies étaient d’ores et déjà mortes avant que tu n’arrives ici. En attente de leur jugement.
_ Mais ? La Mito et la Rebecca qui m’ont accueillies ici ?
_ Des Fantômes. Je te l’ai dit. Tes Fantômes pour être précis. Tu as été contaminée, comme tout le Sanctuaire, par des Evil Seeds, ces pétales qui tombent du ciel aussi jolis que des lucioles. Il s’agit en réalité des graines de la discorde que propageait Eris. Tant qu’Eris n’était pas vaincue, ces graines pouvaient éclore sur les cadavres qu’elles ont contaminés. Certains des miens ont achevé Eris en même temps que je vous ai toutes envoyées ici. Entre les rares survivantes et celles qui ont péri lamentablement, impossible de faire le tri. Il m’a fallu prendre le problème à bras le corps pour empêcher que tout le camp des femmes ne se réveille en Fantômes qui attaquent le Sanctuaire de l’intérieur. D’autant plus que les Dryades étaient déjà en surnombre.
_ Vous voulez dire que…
_ Oui. C’est moi qui ai rasé le camp.
_ Pour… Pour neutraliser les forces en présences et celles à venir d’Eris, le sacrifice du camp était un mal nécessaire c’est ça, demanda Erda crédule ? Mourir pour préserver la paix est le devoir des Saints et de ceux qui se destinent à le devenir. Mais… Il restait encore des rescapées lorsque le bunyip fut vaincu. N’y avait-il pas d’autre moyen ? Ça a dû être pour vous une décision très difficile à prendre pour un chevalier sacré défenseur de la justice ? »
L’Italien resta dubitatif devant toute la peine d’Erda, résignée à accepter le sacrifice des siennes si cela était nécessaire.
Toutefois il ne put retenir plus longtemps un fou rire sarcastique qui glaça le sang de la dévouée apprentie.
_ « Tu es fascinante de bêtise ! C’est parce que c’était la méthode la plus rapide que je vous ai toutes tuées en même temps !
_ Toutes, répéta Erda totalement abasourdie par l’attitude d’un des Saints censé être le plus noble du Sanctuaire ? Tu veux dire que…
_ Oui… Toi aussi. Tu m’as vu au camp… Je ne peux laisser de témoin capable de…
_ Ce camp était rempli de jeunes filles qui ne maîtrisaient pas encore totalement l’art du combat, s’emporta-t-elle les yeux ardents ! Tu as attaqué en sachant qu’elles se retrouveraient prises au piège, abandonna-t-elle toute marque de politesse ! En bafouant un lieu sacré de ta présence masculine, embrasa-t-elle son cosmos au Yomotsu Hirasaka ! Déterminé que tu étais à ne laisser aucun témoin, dessina-t-elle de son cosmos dans son dos la constellation de Cassiopée ! Est-ce ainsi que doit agir un chevalier sacré défenseur de la justice, avança-t-elle le poing chargé de cosmos ? Greatest Eruption ! »
Telle une comète de lave, elle balança le dernier arcane enseigné par Rebecca avant sa mort contre le Cancer, qui l’encaissa de plein fouet sans que cela ne l’altère en rien.
_ « La justice… Ça faisait bien longtemps que je n’avais pas entendu ce mot. J’ai patienté le plus longtemps possible que vous trouviez par vous-même la solution avant que je ne risque d’être découvert. J’estime avoir été raisonnable sur ce coup. Mais entre le risque que le Sanctuaire tout entier soit ravagé, sous prétexte que quelques morveuses ont failli et balayer à la fois le danger présent et le danger masqué d’un claquement de doigt, mon choix a été vite fait.
_ Pourquoi, tomba-t-elle d’impuissance à genoux… Pourquoi Athéna garde-t-elle une pourriture telle que toi dans ses rangs ? »
Deathmask resta à observer l’impuissance d’Erda. Il s’étonna à admirer toute la conviction de la jeune fille envers sa définition de la justice.
De plus, les exhortations qu’il percevait venant d’autour du camp commençaient à l’inquiéter.
En levant les yeux vers le ciel, Deathmask ressentit les secours en approche de là où il a laissé le corps d’Erda. Il fallait faire vite.
_ « Tu devrais commencer à errer vers le Yomotsu Hirasaka normalement. Les âmes fortes qui reçoivent le Seki Shiki Meikai Ha sont prisonnières de cet entre-deux monde et lorsqu’elles finissent à bout de cosmos pour survivre, elles regagnent les rangs de ces files destinées au jugement d’Hadès. Les faibles, elles, meurent sur le coup. Ou ne s’éternisent pas longtemps ici. Malgré que tu ne parviennes pas à m’atteindre, je sens ton cosmos continuer de brûler intensément. Tu veux croire en ta justice. »
Pour seule réponse, Erda fixa de ses yeux brûlants Deathmask pour lui témoigner toute sa haine.
_ « Écoute, poursuivit Deathmask, je doute que tu rencontres un jour Athéna pour lui demander son avis sur mon sort. Quant au Pope, je ne suis pas sûr qu’il s’inquiète de ce genre de questions. Aucun témoin, aucune trace de ma présence au camp. Une autre rescapée vient d’arriver. Elle ne pourra que croire que la mort de Bunyip a ravagé le camp. Vos aînées approchent. Elles ne croiront pas qu’un Saint d’or est responsable de tout ceci, alors que ses frères d’armes se battaient sur l’Utérus, dit-il en s’approchant d’elle. Ta foi en ta justice mérite que tu la confrontes un jour à la mienne, la releva-t-il en la tirant par le bras. J’ai hâte de te voir te débattre vainement contre ma toute puissance, conclut-il en lui arrachant un baiser sans même qu’elle ne puisse réagir. »
Elle ferma les yeux. La pogne si ferme du Cancer, sa Cloth si dure et froide, l’esprit épuisé après une telle journée, Erda s’abandonna l’espace d’une fraction de seconde à Deathmask…
Lorsqu’elle rouvrit les yeux, elle était étendue au sol.
Machinalement, ses lèvres suivaient le mouvement initié par Deathmask…
Plongée dans son inconscient, Erda épousait en réalité les lèvres de Xiao Ling en train d’effectuer les gestes de premier secours.
La Chinoise, surprise, écarquilla grand et se défit du bouche à bouche devenu un intense baiser.
_ « Erda, recula Xiao Ling partagée entre satisfaction et stupéfaction !
_ Xiao Ling, s’empourpra gênée Erda en redressant le buste ?! Ça… Ça fait longtemps que nous sommes ainsi ?
_ Je… Je venais à peine de commencer à expirer lorsque tu m’as…
_ Alors, pensa intérieurement Erda… Le Cancer… Son baiser… Tout ça était… »
D’instinct, elle se redressa et fit le tour d’elle-même dans le but de le distinguer.
Néanmoins, seules les silhouettes de Shaina, Marin et Geist arrivèrent.
Aussitôt, elle ne put refréner des larmes de honte envers ses aînées, qui baissèrent la tête devant ce spectacle de désolation.
Toujours à terre, Xiao Ling restait les yeux rivés sur la Cloth de Cassiopée, l’air abattu.
Erda ressentit les derniers pétales de l’Utérus tomber à nouveau sur elle et sur le camp maintenant que le champ de force du Cancer avait disparu…
Déjà au loin, sur les marches de la première maison du zodiaque, Deathmask regagnait son temple.
Il stoppa quelques instants, le temps de voir derrière lui la fumée encore apparente s’échapper du camp des femmes et de caresser ses lèvres qui conservaient un goût sucré : « Erda, susurra-t-il en souriant d’un air moins provocateur qu’à l’accoutumée. »
Autour de lui, les pétales de l’Utérus grillaient au contact de son cosmos.
Il leva la tête : « C’étaient les derniers pétales à virevolter dans les airs. L’Utérus n’est plus. J’ai lutté du mieux que j’ai pu pour que les Fantômes n’apparaissent pas. Comme toujours, Aiolia et les autres passeront pour les héros en ayant éliminé Eris pour que les autres graines semées dans le monde ne germent pas. »
Flashback
_ « Et c’est tout, s’indigne Mars ?! »
Kyoko et lui étaient arrivés devant le monolithe autour duquel s’amassent d’ordinaire les touristes et qui lui sert de temple, l’Aréopage.
Observant autour d’eux qu’aucun contemporain ne puisse constater qu’avec leurs énergies ils peuvent pénétrer dans les catacombes du bloc de pierre par le pont cosmique de l’Aréopage, Kyoko soupire.
_ « Tu es fatiguant à râler sans cesse. La bataille était pleine de rebondissement non ?
_ Mouais… Mais une fois l’Utérus détruit, où t’es-tu caché pendant trois ans ?
_ Là où se trouve mon vrai sanctuaire.
_ Le Jardin d’Eden ?!
_ Oui. A Hokkaido, au Japon. Dans des lieux escarpés où aucun contemporain ne peut parvenir. Jailli des entrailles de la Terre où il avait été enseveli. Réapparu grâce à tout le cosmos emmagasiné par l’Utérus.
_ Ingénieux.
_ Oh… Tu n’es pas au bout de tes surprises. Cependant, tes Berserkers ne vont pas tarder à revenir. Avant de repartir d’où je viens, dis-toi que l’enfouissement du Jardin d’Eden n’était pas l’unique punition que nous avait infligée Athéna lors de l’ultime bataille que nous avions lancé de concert toi et moi en des temps immémoriaux.
_ Oui, grommelle Arès en grimaçant, mes enfants…
_ Tes enfants ! Tes vrais lieutenants, les Ombres ! Ceux qui commandaient aux Berserkers !
_ Harmonie. Deimos. Phobos.
_ Le sceau d’Athéna qui les retenait dans mon Jardin d’Eden enfoui, brisé par la toute-puissance offerte par l’Utérus.
_ Alors pendant tout ce temps, frétille Mars…
_ Pendant tout ce temps, se rapproche-t-elle de lui, nous t’avons laissé reconstruire une armée de chair à canon, afin qu’au moment opportun, les Evil Seeds et tes Ombres rappellent aux hommes qui sont devenus des Berserkers, qu’on ne dicte pas leurs conduites aux dieux, plonge-t-elle son regard déterminé dans le sien. »
Elle tourne ensuite les talons et s’éloigne en concluant : « Retrouve ton sanctuaire. Qu’Athéna tombe dans les pièges laissés par les Olympiens. Laisse ton Berserker de la Royauté frapper quand il pensera le moment venu. Tes Ombres te reviendront alors. La discorde enfouie dans le c½ur des hommes où sont déjà semées mes Evil Seeds te permettra de lever une vraie armée grâce aux cadavres amers laissés sur le champ de bataille. Ton succès ne pourra échapper aux yeux de l’Olympe. Tu te hisseras à ton juste titre et assistera à la chute sanglante des mortels sur lesquels je régnerai, moi Eris Déesse de la Discorde, en ton nom, Arès Dieu de la Guerre. L’homme, anéanti, s’en retournera de nouveaux vers de vrais dieux, satisfaisants l’Olympe, et te faisant briller bien plus encore auprès des tiens. »
Ne prononçant plus un mot, rêveur, Mars laisse Kyoko disparaître à l’horizon.
_ « Mes Ombres… Une armée de Fantômes offerte par Eris sur les monceaux de cadavres laissés par mes Berserkers submergés à leur tour par ma suprématie retrouvée… L’Olympe qui reconnaît mon rôle dans la foi retrouvée des hommes. Une foi cultivée dans le massacre, le sang… »
Ses yeux rouges brillent d’une lueur sanguinolente à mesure qu’il projette ses espoirs.
L’aura qui s’en dégage ne laisse aucun doute quant au fait qu’Arès habite en cet instant les profonds désirs de l’homme qu’espère manipuler Vasiliás.
A Buenos Aires, des hordes de policiers et autres forces d’intervention pénètrent dans le Disfrute.
Rapide, rhabillée et à l’allure innocente, Peligra sort de l’établissement sans faire remarquer autre chose que sa beauté.
Prise en charge par les secours, mise en retrait près d’une ambulance, elle profite que l’attention soit portée sur l’assaut pour s’échapper.
Elle traverse l’avenue pour s’engager d’un pas rapide et élégant dans une ruelle déserte.
A l’abris des regards, elle bondit alors sur le toit d’un bâtiment de plusieurs dizaines de mètres de haut qui donne vue sur le club investi.
Là-haut, l’intrigante demoiselle en trouve une encore plus désirable.
Classe dans sa longue robe pourpre, le visage agrémenté de son tatouage en forme de c½ur, Helénê, l’Ange d’Apollon qui se fait appeler Ksénia, observe avec intérêt la scène.
Sans même se retourner, elle sent dans son dos l’arrivée de Peligra et lui demande de son bel accent russe : « Alors ? Qu’en as-tu pensé Kassandra ? »
La danseuse portant en réalité le nom grec de Cassandre, la fille du roi de Troie, se laisse aussitôt revêtir de sa Glory en tout point similaire à celle que porte habituellement Helénê et les autres guerriers de l’Olympe.
_ « J’ai pu m’approcher d’eux et ressentir l’étendue de leurs cosmos.
_ Il était important que tu puisses jauger leurs réelles capacités. »
La femme à la peau ébène songe à sa rencontre un peu plus tôt avec Arès…
Flashback
Quelques heures auparavant, en Grèce, à l’Aréopage, sur ordre de Vasiliás, Atychia prenait le commandement des troupes pendant que Tromos et lui prenaient la direction du monde moderne.
Esseulé sur son trône, l’esprit absorbé par son verre de vin qu’il faisait tournoyer avec son poignet, l’imposant seigneur du temple en forme de cône ne se souciait pas des matérialisations de cosmos qui se produisaient sous ses yeux.
Absolument admirables, Helénê et Kassandra arrivèrent dans le sanctuaire vide de toute présence arèsienne.
Toujours aussi familière avec le maître des lieux, Ksénia se permit de déclarer : « Vos hommes sont prêts à la guerre à ce que je vois. Aucun soldat ne reste à l’intérieur du temple. Atychia, cette Berserker du Malheur, semble les apprivoiser dehors. »
Kassandra ressentit dans la voix d’Helénê un ton amer. Ksénia se remémorait l’attirance d’Atychia à l’endroit de Vasiliás qu’elle affectionne du plus profond d’elle.
Sans même relever la provocation de Ksénia, Arès toisa plutôt la nouvelle venue, aguichante dans sa tenue contemporaine affriolante.
_ « Je vois que tu as répondu à mes inquiétudes.
_ En effet, vous vouliez un renfort supplémentaire lorsque l’heure sera venue pour vous d’attaquer le Sanctuaire. »
L’être réincarné sous le nom humain de Mars, se leva pour dévoiler son imposante stature et mieux se rapprocher de la nouvelle venue.
_ « J’ai envoyé toutes mes servantes dans les thermes. Leur présence me manque, peut-être devrais-je m’occuper de cette… »
Spontanément, la fidèle d’Apollon s’interposa : « Je vous présente Kassandra. Un Ange au service de mon maître et rattaché, à la demande de ce dernier, à vos services pour mener à bien votre mission et vous prouver toute la confiance qu’il vous accorde afin de vous réintégrer en lieu et place d’Athéna en Olympe.
_ Parfait. J’ai bien conscience que le jour où Vasiliás essaiera d’asseoir sa puissance sur le Sanctuaire, il mettra tout en ½uvre pour m’évincer. Je me dois donc de le devancer en l’ayant par surprise. Même si elle ne dégage pas autant de puissance que toi, cet Ange m’apparaît très puissante. L’avoir à mes côtés dès à présent me rassure…
_ Pourtant vous me semblez déjà bien entouré… »
Ksénia tourna en même temps la tête en direction de Kyoko restée cachée dans l’ombre...
Sous-estimant l’Ange, Mars fut déstabilisé qu’elle ait découvert le rapprochement entre Arès et Eris.
_ « Allons Arès… Vous ne pensiez pas que la présence d’Eris sur Terre passerait inaperçue. Après tout, comment croyez-vous que la comète Repulse a pu se rapprocher à nouveau de l’orbite terrestre ? »
Kyoko commença à sortir de sa cachette : « Tu veux donc dire que… »
Devinant la question, Ksénia anticipa : « Oui, c’est l’attraction solaire qui a reprise et influencé la trajectoire de la comète. La Déesse de la Discorde ne doit son retour sur Terre que grâce au cosmos de mon maître Apollon ! »
Les bras en tombèrent à Arès tandis qu’Eris feignit de rester digne.
_ « Mon maître vous donne toutes les chances de réussir. Il te propose une place en Olympe, Arès. Et te permet de garder un relais sur Terre par le biais d’Eris. Et tout cela avec l’appui des Anges.
_ L’appui ?! Tu veux plutôt dire que Kassandra va rester ici pour nous chapeauter ?!
_ Il y a méprise je pense. Le Dieu du Soleil a toute confiance en votre réussite. Je venais seulement faire les présentations et acclimater Kassandra à l’humeur terrestre. Elle va de ce pas à la rencontre de Vasiliás et Tromos pour mieux jauger à qui elle a à faire. Elle ne reviendra auprès de vous que lors de l’instant fatidique sur le champ de bataille.
_ Dans cette tenue, douta-t-il devant son apparence très provocante ?
_ Si j’ai bien compris, l’endroit où se rendent vos deux Berserkers n’est pas des plus fréquentables pour les hommes. Avec une telle plastique, je doute que Kassandra, que nous renommerons Peligra pour l’occasion, ne se fasse pas vite embaucher dans ce bordel où ils se sont rendus. Elle a tous les arguments nécessaires. »
Flashback
Soudain, le bruit d’une trappe sur le toit du Disfrute trahit les souvenirs de l’Ange.
Les deux envoyées du monde céleste reconnaissent au loin Vasiliás et Tromos fuir les enquêteurs indélicats.
A cet instant, en voyant s’élever de battisses en battisses les deux hommes, et plus précisément celui qui l’accompagnait ce soir, Kassandra ressent cette soudaine chaleur qui lui a pris le bas ventre il y a peu encore. Les paupières à demi closes, elle se sent l’espace d’un instant redevenir Peligra.
Les Olympiens, soumis à l’autorité de leurs dieux, sont irrémédiablement séduits par leur charme et leur impériale prestance.
Pourtant, bien que différent de celui d’un dieu, le charisme de Vasiliás a bouleversé l’Ange, comme l’a été Helénê avant elle : « Cette confiance exacerbée pourrait passer pour de l’arrogance, néanmoins, à travers ses yeux, j’ai deviné des certitudes en cet homme. Elles m’ont permis de le voir autrement qu’un être quelconque et indigne du sang divin qui coule dans les veines de tout Olympien. »
Loin d’être dupe, Helénê sent son c½ur se serrer lorsqu’elle demande : « Comment était-ce ? »
Interdite par cette question à laquelle elle ne s’attend pas, et honteuse de ce ressenti nouveau qu’elle a éprouvé au contact du charme de l’Américain, Peligra perd ses mots.
_ « Euh… Ils… Oh… Ce fut… Ils renferment une cosmo énergie ahurissante pour des humains. Si Tromos reste largement à notre portée, Vasiliás demeure un mystère. »
Ksénia la reprend d’un ton inquisiteur sans forcément insister davantage de peur d’être démasquée elle aussi : « Un mystère ? »
Passionnée, l’Ange au teint bruni reprend comme envoûtée : « En tout point… Un mystère ! »
A son tour, Helénê se sent retrouver la Ksénia étrangement conquise par celui qui fut l’objet d’une de ses missions sur Terre.
Passant discrètement sa main contre sa poitrine, elle éprouve les sentiments qui l’étreignent déjà depuis qu’elle a vu Atychia se rapprocher de Vasiliás. Ranc½ur, peine et jalousie.
Refusant que cela n’influe son jugement, elle se concentre à nouveau sur sa mission : « Plus besoin de les retenir davantage. Ils vont pouvoir rentrer en Grèce. Je pense qu’Eris a fini de dévoiler son plan à Arès. Il a maintenant toutes les cartes en main pour agir lui aussi.
_ Lui aussi, demande Kassandra ?
_ Oui. Le réveil d’Hadès est proche. Et en attendant, cette nuit Poséidon a lancé les hostilités en infiltrant un de ses sujets à Asgard. Une belle sirène qui a fait fondre des c½urs et qui provoquera la fonte des pôles.
_ Si avec ça Athéna n’est pas poussée à la faute… »
Justement, à l’autre bout du monde, à l’extrême Nord de l’Europe, le petit matin du 22 mars 1987 se lève plus calmement que la veille après une nuit intense et charnelle au temple Walhalla.
Avant d’éventuelles rencontres fortuites, Thétis s’empresse de fuir sur la pointe des pieds les appartements de Siegfried, enroulée dans ses couvertures.
A l’autre bout du couloir, perturbée par cette nuit passée et le regard qu’elle portera dès aujourd’hui à Siegfried, Hilda reconnaît la silhouette de celle avec qui elle a partagé tant de plaisir la veille.
_ « Thétis ?! Siegfried ?! »
Tant de question se chamboulent dans sa tête avant de réaliser immédiatement de quoi il en retourne.
Un sentiment de colère, puis de jalousie et enfin d’interrogation sur l’effet recherché par Thétis d’avoir une telle liaison s’entremêlent dans l’esprit de la prêtresse. C’est seulement à cet instant qu’elle se tient la poitrine, rongée par la culpabilité et les conséquences d’avoir donné pour une nuit son amour à une autre qu’elle connaît à peine.
Honteuse, confuse, c’est Siegfried qui lui vient instamment à l’esprit : « Lui a-t-elle dit que j’ai crié le nom de Siegfried ? Lui a-t-elle dit que je l’aime secrètement ? A-t-il agi de la même manière lorsqu’il était en elle ? »
Au même instant, sort à peine vêtu Siegfried, curieux du départ inopiné de Thétis.
En tournant la tête, il reconnaît Hilda et, alors que d’ordinaire il se serait courbé pour la saluer, il fléchit sommairement les genoux avant de s’enfermer, honteux d’être découvert.
Mais aussi convaincu que Thétis disait la vérité lorsqu’elle lui racontait qu’elle venait auprès de lui après avoir pris du plaisir auprès d’Hilda.
En faisant les cent pas, il s’interroge : « Alors c’était vrai. Elle a fait ça, avec Thétis. Elle ne peut m’en vouloir après tout. Nous pouvons dire que nous sommes quittes… »
Il se prend la tête entre les mains et grogne : « Non mais qu’est-ce que je raconte ?! Ce n’est pas un jeu. Thétis dira-t-elle à Hilda avant de partir que j’ai pensé à elle quand nous étions à deux ? »
Soudain, à travers sa porte, il entend Hilda interpeller un autre habitant du Walhalla : « Alberich ! Alberich ! »
L’héritier du pourfendeur du Dragon de Fafnir peut discerner à travers la porte les pas pressés d’Hilda pour rattraper son rival.
Dans les allées du château, l’Asgardien aux cheveux d’améthyste s’arrête en soufflant d’agacement.
Les deux soldats qui l’escortent, comme c’est le cas pour tout noble du palais, s’inclinent immédiatement envers Hilda.
Alors, Alberich grimace en exagérant son dévouement. Un genou à Terre il s’inquiète faussement.
_ « Que se passe-t-il Majesté pour que de si bon matin vous veniez me trouver ?
_ Lorsque je t’ai vu sortir de tes appartements je me suis rappelée que nous passons hélas peu de temps ensemble. Je voulais savoir si tu consens à m’accompagner ce matin à l’Autel du Destin ? »
Cette proposition transperce aussitôt le c½ur de Siegfried et surprend Alberich : « Cette tâche très particulière incombe pourtant à Siegfried d’ordinaire, votre homme de confiance. »
Confuse, honteuse à l’idée d’échanger avec Siegfried à propos de leurs soirées respectives avec Thétis, Hilda ne s’étend pas sur le sujet : « Siegfried est occupé pour ce matin. Puis-je compter sur toi ? Oh, je sais qu’il n’y a rien de palpitant. Attendre des heures pendant que je prie Odin… Mais le trajet est assez long et ça serait l’occasion de pouvoir converser ensemble. Après tout… »
Ravi de pouvoir éclipser Siegfried, de Megrez ne se fait pas prier sans pour autant ne pas oublier cette défiance qui le lie à la monarchie : « Oui, après tout vous n’avez fait que me rabrouer ces dernières années. Un entretien cordial n’est donc pas de refus. »
Suivis par les deux gardes d’Alberich, ils prennent la route.
Seul, dans sa chambre, Siegfried se laisse tomber à la renverse sur son lit défait.
En croix, il soupire : « Hilda… Si vous saviez à quel point je vous aime… »
C’est alors que par précaution, il ramasse ses vêtements et détale à l’opposé de la direction prise par Hilda et Alberich.
Faisant courber l’échine à chaque garde qu’il croise sur son passage, Siegfried presse le pas jusqu’à l’arrière cours où un guerrier de haute stature en domine quatre autres dans une épreuve de lutte.
Il ressemble beaucoup à Siegfried. Ses cheveux sont blond vénitien et raides, sauf ses mèches sur son visage qui sont légèrement ondulés. Il les porte courts, à la différence de Siegfried qui les a très longs. Ce détail permet de mieux les distinguer.
_ « Petit frère ?! Que viens-tu faire ici ?! Cela fait un moment que nous n’avons pas eu l’honneur d’avoir le grand Siegfried nous gratifier de sa présence ! Mes hommes seront ravis de recevoir les conseils du plus vaillant de nos combattants !
_ Sigmund… »
Siegfried n’en dit pas plus. Sa voix empruntée lorsqu’il nomme son frère aîné permet à Sigmund de mieux appréhender l’objet de sa venue.
Bien que son frère cadet lui soit supérieur en force, Sigmund a toujours su rester l’épaule sur laquelle son petit frère peut se reposer. Et de ses grands yeux violets, il peut lire sa détresse.
En claquant des doigts, Sigmund demande à ses hommes de reprendre leurs tenues de rondes.
Tandis qu’ils réajustent leurs plastrons et leurs casques à corne, il éloigne Siegfried des oreilles indiscrètes.
_ « J’ai besoin que tu veilles sur la Princesse Hilda aujourd’hui, confesse sans détour Siegfried.
_ Tu ne la quittes jamais des yeux. L’arrivée hier de cette étrangère à la voix de sirène ne semble pas être un hasard à cette étrange position, devine Sigmund.
_ Thétis nous a mis dans une position délicate Hilda et moi. Je ne peux t’en dire davantage mais… »
Lisant en Siegfried comme dans un livre ouvert, mais refusant d’être embarrassant, Sigmund n’insiste pas. Il interrompt son frère d’une franche empoignade par l’épaule.
_ « Ça ira ! A cette heure j’imagine qu’elle est en route pour l’Autel du Destin, partie prier Odin.
_ Elle est censée ne rien craindre, Alberich l’accompagne. Néanmoins, je serai plus rassuré si tu pouvais garder un ½il sur ce serpent… »
Sigmund acquiesce et en quelques bonds, s’empresse de prendre la direction du précipice où Hilda implore quotidiennement Odin…
Au même moment, dans le sanctuaire sous-marin, Thétis approche le parvis du temple de Poséidon.
Ses écailles roses dissimulent son intimité qu’elle a dévoilé la veille à Hilda et Siegfried.
A peine essoufflée après avoir parcouru sous les océans la distance reliant Asgard au-dessous de la Méditerranée, elle s’avance jusqu’à son supérieur au heaume ombrageux.
_ « Je te félicite Thétis. »
Vexée de devoir s’abaisser à exécuter la mission qui lui a été confiée, en jouant de son corps et en trahissant les sentiments sincères que se vouent Hilda et Siegfried, Thétis s’incline malgré tout. D’une voix résignée, elle salue celui qu’elle ignore être Kanon des Gémeaux : « Dragon des Mers… Si cela est pour satisfaire la volonté de sa Majesté Poséidon. »
Cependant, Kanon reste inquiet du succès de son plan.
_ « Tu es revenue bien vite d’Asgard. Es-tu sûr qu’Hilda ira prier seule ?
_ Elle ne sera pas seule. Mais elle ne peut pas être mieux accompagnée. Elle sera suivie d’Alberich de Megrez.
_ Alberich de Megrez, celui que nous avons observé être fasciné par le pouvoir et qui s’est renseigné sur l’anneau des Nibelungen ?
_ Celui-là même.
_ Alors en effet. Il est faible et vicieux. Il n’aura pas le courage de se hisser contre Poséidon lorsqu’il attaquera Hilda. Et il gardera sous silence sa possession au vu de tourner ça à son avantage.
_ Que devons-nous faire à présent ?
_ Rassemble les soldats Marinas pour surveiller le périmètre dès que les hostilités seront engagées. Je vais de mon côté avertir Poséidon qu’il peut se tourner dès à présent vers Hilda. »
Thétis acquiesce et s’éclipse pour mieux laisser Kanon apprécier la réussite de son projet.
Le Dragon des Mers défait son heaume pour mieux scruter l’horizon marin : « Oui, je me suis habitué à cette atmosphère salée et ses coraux. Mais la surface me manque. Mon plan va bientôt réussir et j’aurai exploité les pouvoirs de Poséidon sans même l’avoir éveillé totalement. Pour cela je dois continuer mon travail d’éloignement de Sorrento vis-à-vis de Julian Solo. Dès qu’Hilda sera possédée, j’enverrai Sorrento pour la surveiller sur un soi-disant ordre de Poséidon. »
Dans la contrée d’extrême Nord de la Sibérie orientale, à Blue Graad, le vent se lève étrangement.
Le royaume qui a rudement souffert ces derniers mois de la Guerre Sainte contre Asgard et des conditions climatiques craint de nouveau les prémices d’une catastrophe.
En tenue de civil, bras et jambes dans la neige, Alexer aide les quelques villageois qui n’ont pas achevés la reconstruction de leurs demeures.
Beaucoup plus proche de son peuple après la bataille contre Asgard, le gardien du Grand Nord se sent redevable auprès de lui afin d’expier son crime envers son père.
Le parricide lève les yeux vers la brume environnante et déclare : « Cette météo ne me dit rien qui vaille. Les manuscrits de notre bibliothèque ont toujours fait état d’un temps plus clément après une lourde vague de froid. Il est encore trop tôt pour que la rudesse s’attaque de nouveau sur le pays. »
Une voix douce et familière, emmitouflée dans un épais manteau se présente devant lui. Belle, grande, déjà si femme alors que lui n’est que jeune homme, le nouveau roi est en admiration devant sa s½ur Natassia.
_ « Peut-être l’annonce d’un triste événement mon frère.
_ Je ne sais guère. J’ai reçu hier des nouvelles d’Asgard. Il n’y avait aucune mention du moindre danger dans le courrier de la Princesse de Polaris que m’a fait parvenir son messager de confiance Utgarda. De plus, Athéna a repris le contrôle du Sanctuaire. Nous n’avons pas de raison d’avoir peur. Mon devoir, à moi, c’est de veiller avant tout sur mon peuple. Je vais répondre aujourd’hui à Hilda afin qu’Utgarda puisse repartir avant que les des caprices du temps ne l’en empêche. J’en profite pour l’avertir de nos interrogations. Hilda saura trouver la réponse auprès d’Odin. »
Tournant le dos à son frère, Natassia demeure suspecte : « Tout de même, ce temps si rude alors que nous sortons qu’une vraie tempête n’est pas commun. Quelque chose se trame, j’en suis sûre… »
Voyant sa s½ur regagner le palais, Alexer fait la moue.
_ « J’aimerai me rendre à Asgard, au Sanctuaire, et garantir la paix pour expier mes fautes. Mais mon salut doit avant tout passer par le pardon de mon peuple. Je suis désolé s½urette. »
En Argentine, devant le Disfrute, les secours ont fini de prendre en charge les prisonniers de Segador et la clientèle qui a fui les balles.
Les forces de l’ordre sont maintenant regroupées autour du night-club, prêtes à l’intervention.
A l’intérieur de la chambre, Vasiliás l’a bien ressenti.
Bien que désormais ce soit Peligra qui semble plus envieuse que lui, il devine que son instant de plaisir dans le monde contemporain doit cesser.
Peligra, elle, s’est levée sur la chaise pour coller contre le visage mal rasé de l’Américain, le bas de ses hanches.
Son souffle devient si envieux, haletant, qu’il étouffe à certains moments la musique qui résonne dans la pièce.
Décidée à accentuer son plaisir, elle redescend peu à peu pour s’accroupir contre lui, bassin contre bassin, et mimer un coït en remuant de plus en plus vite.
Ne sachant plus résister, elle se lève pour enfin ôter cet ultime habit qui la protégeait du dernier acte.
C’est à cet instant précis que Vasiliás choisit de se lever pour ramasser ses vêtements dans l’étonnement le plus complet.
_ « Que fais-tu ?!
_ Je n’ai plus d’argent. Le spectacle s’arrête là.
_ Tu m’as donné plus d’argent qu’il n’en fallait, je t’offre la suite de la prestation. »
Malgré toute l’envie qu’il contient, Vasiliás réajuste grossièrement ses vêtements : « Si ce n’est pas déjà le cas, dans les secondes qui suivent tu n’auras plus de patron. Cet établissement ferme ses portes ce soir. Profite justement de l’argent que je t’ai donné, pour te trouver un meilleur job où plus personne n’exploitera tes charmes. »
Sans même la regarder, il quitte la pièce et la laisse penaude.
A la sortie de la chambre, il reconnaît les sept surveillants de Segador étendus dans le couloir.
La porte de la salle privée de l’établissement est entrouverte.
Le corps de l’unique gardien survivant, celui au bras brisé, essaie de s’extraire en rampant. Souffrant, misérable, le videur laisse derrière lui sa trace dans son sang.
Vasiliás le regarde avec dépit : « Tu m’as l’air condamné. T’achever serait te rendre service. Autant te laisser crever comme tu le mérites. »
Il s’enfonce dans l’appartement aux murs tapissés de sang.
Positionné au centre de son quartier général, Segador présente une apparence méconnaissable.
En s’avançant curieusement, espérant l’identifier mieux que ça, Vasiliás bute sur des membres humains coupés, deux pieds et deux jambes, préalablement transpercés puis brisés avant d’avoir été sectionnés.
Le tronc humain, se vidant de son sang au niveau de ses organes génitaux arrachés, essaie de survivre en respirant du mieux qu’il peut. Ce n’est pas chose aisée. Il s’étouffe en avalant ses dents et le sang de sa langue arrachée, tandis que son nez est cassé.
Les sons qu’il produit semble appeler à l’aide, bien qu’il ne reconnaisse pas l’intrus puisque ses yeux semblent avoir été percés.
Son visage et son buste sont peints de sang après que le sommet de son crâne tatoué lui a été scalpé.
Le général d’Arès ne peut que constater : « Il agonise. »
Jaillit de l’ombre, s’agenouillant pour confirmer sa fidélité à son roi, Tromos déplore : « Trop vite hélas. »
A la sortie de sa chambre, à peine recouverte de son boxer, Peligra découvre les cadavres des six videurs pendant que le septième a réussi à se hisser jusqu’à son niveau.
Cependant, le macabre spectacle ne l’accable pas.
Cela stupéfait l’homme de main : « Toi la nouvelle ! Comment se fait-il qu’à peine embauchée tu te retrouves au milieu de tout ceci ? Ça ne peut-être une coïncidence ! »
Indifférente, son visage séducteur prend une allure bien plus menaçante.
Son ton enchanteur devient bien plus autoritaire : « Vulgaire être humain. Comment as-tu pu croire que j’étais réellement venue travailler pour ton patron ? Nous ne faisons pas parti du même monde. »
La belle à la peau chocolat ponctue rapidement son aigreur en écrasant de son talon haut et pointu le crâne du malfrat…
En Grèce, Kyoko sautille presque en devançant Mars.
_ « Vas-tu ralentir, s’exaspère Arès ! Nous serons bientôt rentrés à l’Aréopage que je n’aurai pas eu droit à la fin de ton récit !
_ Désolé ! C’est simplement que la conclusion est pleine de rebondissement et que je n’arrive pas à me contrôler ! »
Flashback
Un bruit sourd résonnait dans la tête d’Erda.
Il l’accompagnait à mesure qu’elle recouvrait ses esprits.
Repoussée dans la forêt, enchevêtrée dans un arbre plié en deux sous l’impact, la tête lui tournait.
Bien vite elle identifia le bourdonnement. Il lui parut plus clair d’entendre que de voir, tant les images autour d’elle tournoyait encore.
Un énorme brouhaha ronflait tout autour d’elle.
_ « Des vivats ? Des encouragements, croyait-elle reconnaître ? Le Sanctuaire tout entier a dû se réunir autour du camp pour nous soutenir. Geist a dû sortir victorieuse… Hélas… Pour le reste… Mais ! Oui ! Le reste ! Toutes ne furent pas vaincues ! En éliminant le bunyip, les survivantes ont dû réussir à défaire les Dryades, se redressa-t-elle en faisant fi de ses plaies ! »
Chancelant d’arbre en arbre, Erda tituba jusqu’au camp, tenant fermement dans sa main le foulard qu’elle avait hérité de Rebecca.
Elle slaloma entre les hauts buissons touffus qui masquaient l’entrée du camp.
Elle les passait avec hâte. Pressée qu’elle était de retrouver des survivantes.
Le dernier obstacle passé, elle déboucha sur le camp déjà prête à crier victoire.
Cependant, une vision apocalyptique prit place à l’espoir.
Les temples n’étaient plus que ruines sur un vaste champ à la terre retournée et aux arbres arrachés aux abords.
Dessous les décombres, des corps innocents, baignant dans leur sang.
Le vent emportait les Dryades et les restes du bunyip, tous fanés.
De la quarantaine de femmes ici présentes au début de la bataille, ne restait qu’Erda baignant dans le lac de sang de ses amies.
Irradiant à la surface, la Cloth de Cassiopée s’était reconstituée sous sa forme totémique devant un bras sortant des décombres.
_ « Mito, s’époumona Erda en se jetant dans sa direction ! »
Elle leva les blocs de pierre qui retenait son amie déjà condamnée avant cela.
Elle était froide, livide, les yeux définitivement vides.
Hurlant de détresse, Erda la serra fort contre elle. Le regard perdu vers l’horizon. Ne sachant que dire. Que faire.
Seul un grésillement répété, nuisible, irritant, répondait à ses ahanements.
Lorsqu’elle leva la tête pour les identifier, elle remarqua que les pétales de l’Utérus ne tombaient plus sur la surface dévastée. Ceux-ci grillaient au contact d’une onde violacée flottant dans les environs. Faisant baigner la surface macabre dans une atmosphère lugubre.
En y regardant de plus près, les corps flétris des Dryades libéraient des boules de phosphore, comme pour emprisonner leurs âmes en temps normal soufflées au vent.
Également, à bien y observer, le même phénomène se produisait au-dessus des cadavres de ses semblables.
C’est alors qu’une voix nasillarde la convainquit d’une étrange manifestation : « Il en restait encore une… C’est qu’elles ont la peau dure ! Seki Shiki Meikai Ha ! »
Découvrant derrière une colonnade tenant encore debout une silhouette en armure dorée, Erda se redressa pour la questionner.
Néanmoins, son corps ne lui répondit pas.
La vue qu’elle avait sur l’intrus devenait de plus en plus éloignée.
Jusqu’à ce qu’elle réalise, que comme le phosphore qui flottait au-dessus des cadavres, son âme était extirpée de son corps et aspirée contre son gré…
En même temps, les feux follets alentours disparurent en s’enroulant autour de Deathmask.
Ils les conduisit au Yomotsu Hirasaka. Ne laissant que le corps inanimé d’Erda, retomber sur le flanc…
Devant le camp, au beau milieu des Saints amassés pour supporter les femmes au combat, une sphère d’énergie se matérialisa.
Sept silhouettes prirent forme à l’intérieur.
La première identifiable fut celle de Shaka. Suivi d’Aiolia, Milo, Georg, Juan, Apodis et Naïra.
Le Saint de la Vierge avait téléporté ses camarades après leurs déferlantes de cosmos contre Eris.
Misty le premier brisa le silence que cette apparition soudaine avait provoqué : « Seigneurs Shaka ! Aiolia ! Milo ! Vous êtes de retour ?! La déflagration dans le ciel ?! Cela veut dire que vous êtes vainqueurs ?! »
Ce constat amorça la clameur des spectateurs qui vinrent se courber devant les Saints d’or, saluer les Saints d’argent et sauter dans les bras des Saints de bronze.
Dans une vieille demeure abandonnée, limitrophe à la forêt du camp des femmes Saints autour de laquelle le Sanctuaire s’était réuni, trois hommes attendaient à l’abri des regards des autres.
Il s’agissait des mercenaires de Geist qu’elle appelait les Caraïb Ghost Saints.
Leurs protections étaient différentes des autres Saints et mercenaires. Plus flexibles, elles épousaient davantage le corps de leurs porteurs comme le feraient des combinaisons.
L’un d’eux faisait les cents pas. Il stressait un autre assis sur une chaise au bois vermoulu.
_ « Allons Sea Serpent ! Calme-toi donc ! Tu ne feras pas revenir Dame Geist plus vite !
_ Tu m’épates Dolphin ! Je ne sais pas comment tu peux rester ici assis à attendre !
_ N’imagine pas que la situation m’amuse. Déjà que d’ordinaire nous n’avons pas le droit de nous promener dans le Sanctuaire, ne crois pas que rester cloîtré ici me satisfasse !
_ Qu’en penses-tu toi Kuraggu ? »
Le susnommé restait fixé à la lucarne depuis quelques minutes à observer les autres Saints se regrouper au loin.
L’armure aux couleurs pâles teintées de rose et de jaune délavé, Kuraggu serrait les dents en fixant un point particulier.
De son casque semblable à un large chapeau en forme de méduse, tombaient ses gras cheveux blancs. Il dissimulait ses petits yeux noirs qui toisaient avec dédain un chevalier.
_ « Kuraggu, demanda à nouveau Sea Serpent ?
_ Que regardes-tu, le rejoignit alors Dolphin ?
_ Je vois, constata Sea Serpent qui fit de même ! »
Les trois reconnurent Apodis parmi les nouveaux arrivants, héroïquement salué.
_ « Ton fils, souffla Dolphin à Kuraggu.
_ Ferme-là, l’empoigna aussitôt Kuraggu ! Ce n’est plus mon fils ! Ce petit salop m’a trahi en fuyant notre chez nous et en m’enlevant ma femme !
_ Allons Frontinus, se défit Dolphin en rappelant Kuraggu par son vrai nom pour le ramener à lui, après tout ce que tu lui leur as fait vivre, c’est de bonne guerre non ?!
_ Hum, grognait le Caraïb Ghost Saint à l’emblème de la méduse.
_ Dis plutôt que c’est le fait qu’il soit devenu un vrai Saint plutôt que toi qui n’a pu faire mieux que mercenaire qui te froisse, le charrie Sea Serpent !
_ Il me tarde de pouvoir lui faire subir ma vengeance pour m’avoir ainsi humilié !
_ Ne crains-tu pas qu’il te vainque ? On dit qu’il est très doué parmi les Saints de bronze, continua Sea Serpent !
_ Alors je le ferai souffrir d’une bien autre manière en lui prenant tout ce qu’il a de plus précieux ce sale merdeux !
_ Peut-être, reprit Dolphin, mais pas aujourd’hui. Nous n’avons pas le droit d’être sur le sol du Sanctuaire. Nous venons rendre compte d’une mission officieuse avant de repartir. Dame Geist, ayant senti le danger, a volé au secours de son camp. Mais, malgré toute la malice dont elle peut faire preuve, elle n’en demeure pas moins extrêmement protocolaire à propos du lieu qui l’a fait devenir si forte. Nous y rendre pour l’aider, ou nous faire démasquer pour une toute autre raison, signerait notre mort de ses mains. »
Devant, les héros ne goûtaient pas aux plaisirs de leurs camarades.
Pas plus que Mirai resté en retrait. Ne voyant pas Mayura au milieu des rescapés, il ne se fit guère d’illusions, lui qui ne sentait plus non plus le cosmos de Shinato.
C’est alors que les totems des Cloths du Paon, de la Coupe et d’Orion arrivèrent au milieu de l’attroupement. Suivant les traces de Shaka, elles revinrent auprès des leurs.
Algol posa sa main sur l’épaule de Juan : « Mayura… Aeson… Rigel… Vos sacrifices n’auront pas été vains. Ici, ainsi que sur l’Utérus, Eris est vaincue ! »
Shaka leva la tête en direction du camp des femmes qui brûlait encore par endroits : « Eris est vaincue… Mais quelle victoire amère… »
Dans le camp, Xiao Ling, remise de ses émotions, espérait comme Erda retrouver quelques rescapées en regagnant le centre.
Cependant, c’est à la chute inconsciente de sa camarade Erda que Xiao Ling assista.
Sortant à son tour de la forêt où l’explosion l’avait repoussé, elle chancela jusqu’au camp dévasté où elle trouva uniquement Erda ne plus tenir sur ses jambes.
Tanguant de gauche à droite puis de droite à gauche, Xiao Ling s’écroula le plus vite possible auprès d’elle : « Erda… Non… Tu ne vas pas me laisser toute seule ici, commença-t-elle à pleurnicher. »
Elle la retourna sur le dos et la secoua : « Allez… Réveille-toi... »
Rien n’y fit.
Elle regarda devant elle la Cloth que portait Rebecca. L’armure manifesta aussitôt son besoin de ramener Erda : « Allez ! Je t’en prie ! Je suis venue ici pour Rebecca ! Aujourd’hui à quoi bon tout ce que j’ai traversé si je finis à nouveau toute seule ? Je t’en prie ! Allez ! Allez ! »
Elle la secouait, apeurée et impuissante.
Un nouveau coup d’½il sur la Cloth l’inspira.
Elle reprit son calme et aligna bien les bras d’Erda le long de son corps. Elle arracha le peu de tunique qu’il lui restait, au risque d’être complètement nue, afin de surélever avec le tissu sa tête.
D’un revers de la main elle lui dégagea les courts cheveux qui maquillaient son beau visage, et entama un massage cardiaque…
Sentant son âme être attirée contre son gré dans une obscurité sans fin, Erda eut le sentiment d’être écrasée, compressée, avalée…
Lorsqu’elle reprit connaissance, tout n’était que ténèbres dans un monde obscur où elle ne distinguait à peine son ombre que grâce à quelques feu follets gravitant ici et là.
_ « Tu es réveillée Erda, entendit-elle ? »
Elle chercha tout autour d’elle d’où pouvait venir cette voix qu’elle chérissait tant.
C’est alors que, par miracle, apparut dans le plus simple appareil, devant elle, Mito.
_ « Tu n’as plus rien à craindre. Nous sommes là désormais. Toutes ensemble.
_ Toutes ?
_ Oui, toutes, répondit la voix de Rebecca qui se présenta elle aussi totalement nue dans son dos !
_ Fini ce monde de souffrance, lui prit la tête entre ses mains Mito.
_ Il ne te reste qu’à rejoindre ce nouveau monde où les envies et les plaisirs ne sont plus honteux, s’approchait d’elles Rebecca. Où tu peux prendre ce que tu veux en l’arrachant à ceux qui ne le méritent pas.
_ Comment ça, fronça les sourcils Erda qui ne reconnut pas les préceptes de son mentor ?
_ Comme ceci, l’embrassa à pleine bouche Mito.
_ Mito, songea Erda qui laissa la langue de Mito venir caresser la sienne dans sa bouche… Comme cela me manquait déjà… Mais, se sentit-elle oppressée, pourquoi cela me donne la nausée malgré tout…
_ Oui, vint presser Rebecca le dos de chacune de ses disciples pour que Mito étreigne davantage son corps nu contre celui d’Erda… Comme cela aussi, passa-t-elle ensuite sa main sous le débardeur craqué d’Erda pour remonter jusqu’à sa poitrine… Tout ce que tu as toujours idéalisé peut-être soumis à tes désirs désormais, colla-t-elle son front à celui de ses élèves…
_ Non, réagit au fond d’elle Erda, ce ne sont pas elles ! »
A cet instant, un claquement de doigt libéra Erda de l’étreinte lascive à laquelle elle était soumise.
Ses deux camarades prirent des mines démoniaques avant de se tordre de douleur, prisonnière d’une lumière violette qui les consuma.
_ « Vous lui avez fait baisser sa garde en prenant un visage qui lui était familier. Ça fait de vous de pires dépravés que moi Fantômes !
_ Un… Saint d’or, s’exclama Erda tombée à genoux désabusée ! Se pourrait-il qu’il soit celui que j’ai vu au camp ?
_ Deathmask du Cancer pour te servir, se présenta le chevalier.
_ Fantômes ? Tu as parlé de mon amie et de mon maître en ces termes ? Pourquoi ?
_ La scène était très excitante mais totalement trompeuse. Tes camarades sont là-bas ! »
Il pointa du doigt une interminable file indienne humaine.
Au-devant de la foule, proches d’un précipice où se laissent tomber chacun, Erda put identifier l’ensemble des membres du camp avec, parmi elles, celles qui lui étaient les plus proches.
_ « Maître ! Mito, s’époumona-t-elle en commençant à se relever pour les poursuivre !
_ Je ne ferais pas ça si j’étais toi. Elles ne peuvent plus ni te voir ni t’entendre. »
Aussitôt, leurs âmes tombèrent dans le puit qui conduit au royaume des morts.
_ « Où… Où sont-elles ?
_ Tu l’as très bien compris. Nous sommes à la frontière qui relie le monde des vivants au monde des morts. Tous ceux qui tombent dans ce puit sont directement reçus par Hadès. Tes amies étaient d’ores et déjà mortes avant que tu n’arrives ici. En attente de leur jugement.
_ Mais ? La Mito et la Rebecca qui m’ont accueillies ici ?
_ Des Fantômes. Je te l’ai dit. Tes Fantômes pour être précis. Tu as été contaminée, comme tout le Sanctuaire, par des Evil Seeds, ces pétales qui tombent du ciel aussi jolis que des lucioles. Il s’agit en réalité des graines de la discorde que propageait Eris. Tant qu’Eris n’était pas vaincue, ces graines pouvaient éclore sur les cadavres qu’elles ont contaminés. Certains des miens ont achevé Eris en même temps que je vous ai toutes envoyées ici. Entre les rares survivantes et celles qui ont péri lamentablement, impossible de faire le tri. Il m’a fallu prendre le problème à bras le corps pour empêcher que tout le camp des femmes ne se réveille en Fantômes qui attaquent le Sanctuaire de l’intérieur. D’autant plus que les Dryades étaient déjà en surnombre.
_ Vous voulez dire que…
_ Oui. C’est moi qui ai rasé le camp.
_ Pour… Pour neutraliser les forces en présences et celles à venir d’Eris, le sacrifice du camp était un mal nécessaire c’est ça, demanda Erda crédule ? Mourir pour préserver la paix est le devoir des Saints et de ceux qui se destinent à le devenir. Mais… Il restait encore des rescapées lorsque le bunyip fut vaincu. N’y avait-il pas d’autre moyen ? Ça a dû être pour vous une décision très difficile à prendre pour un chevalier sacré défenseur de la justice ? »
L’Italien resta dubitatif devant toute la peine d’Erda, résignée à accepter le sacrifice des siennes si cela était nécessaire.
Toutefois il ne put retenir plus longtemps un fou rire sarcastique qui glaça le sang de la dévouée apprentie.
_ « Tu es fascinante de bêtise ! C’est parce que c’était la méthode la plus rapide que je vous ai toutes tuées en même temps !
_ Toutes, répéta Erda totalement abasourdie par l’attitude d’un des Saints censé être le plus noble du Sanctuaire ? Tu veux dire que…
_ Oui… Toi aussi. Tu m’as vu au camp… Je ne peux laisser de témoin capable de…
_ Ce camp était rempli de jeunes filles qui ne maîtrisaient pas encore totalement l’art du combat, s’emporta-t-elle les yeux ardents ! Tu as attaqué en sachant qu’elles se retrouveraient prises au piège, abandonna-t-elle toute marque de politesse ! En bafouant un lieu sacré de ta présence masculine, embrasa-t-elle son cosmos au Yomotsu Hirasaka ! Déterminé que tu étais à ne laisser aucun témoin, dessina-t-elle de son cosmos dans son dos la constellation de Cassiopée ! Est-ce ainsi que doit agir un chevalier sacré défenseur de la justice, avança-t-elle le poing chargé de cosmos ? Greatest Eruption ! »
Telle une comète de lave, elle balança le dernier arcane enseigné par Rebecca avant sa mort contre le Cancer, qui l’encaissa de plein fouet sans que cela ne l’altère en rien.
_ « La justice… Ça faisait bien longtemps que je n’avais pas entendu ce mot. J’ai patienté le plus longtemps possible que vous trouviez par vous-même la solution avant que je ne risque d’être découvert. J’estime avoir été raisonnable sur ce coup. Mais entre le risque que le Sanctuaire tout entier soit ravagé, sous prétexte que quelques morveuses ont failli et balayer à la fois le danger présent et le danger masqué d’un claquement de doigt, mon choix a été vite fait.
_ Pourquoi, tomba-t-elle d’impuissance à genoux… Pourquoi Athéna garde-t-elle une pourriture telle que toi dans ses rangs ? »
Deathmask resta à observer l’impuissance d’Erda. Il s’étonna à admirer toute la conviction de la jeune fille envers sa définition de la justice.
De plus, les exhortations qu’il percevait venant d’autour du camp commençaient à l’inquiéter.
En levant les yeux vers le ciel, Deathmask ressentit les secours en approche de là où il a laissé le corps d’Erda. Il fallait faire vite.
_ « Tu devrais commencer à errer vers le Yomotsu Hirasaka normalement. Les âmes fortes qui reçoivent le Seki Shiki Meikai Ha sont prisonnières de cet entre-deux monde et lorsqu’elles finissent à bout de cosmos pour survivre, elles regagnent les rangs de ces files destinées au jugement d’Hadès. Les faibles, elles, meurent sur le coup. Ou ne s’éternisent pas longtemps ici. Malgré que tu ne parviennes pas à m’atteindre, je sens ton cosmos continuer de brûler intensément. Tu veux croire en ta justice. »
Pour seule réponse, Erda fixa de ses yeux brûlants Deathmask pour lui témoigner toute sa haine.
_ « Écoute, poursuivit Deathmask, je doute que tu rencontres un jour Athéna pour lui demander son avis sur mon sort. Quant au Pope, je ne suis pas sûr qu’il s’inquiète de ce genre de questions. Aucun témoin, aucune trace de ma présence au camp. Une autre rescapée vient d’arriver. Elle ne pourra que croire que la mort de Bunyip a ravagé le camp. Vos aînées approchent. Elles ne croiront pas qu’un Saint d’or est responsable de tout ceci, alors que ses frères d’armes se battaient sur l’Utérus, dit-il en s’approchant d’elle. Ta foi en ta justice mérite que tu la confrontes un jour à la mienne, la releva-t-il en la tirant par le bras. J’ai hâte de te voir te débattre vainement contre ma toute puissance, conclut-il en lui arrachant un baiser sans même qu’elle ne puisse réagir. »
Elle ferma les yeux. La pogne si ferme du Cancer, sa Cloth si dure et froide, l’esprit épuisé après une telle journée, Erda s’abandonna l’espace d’une fraction de seconde à Deathmask…
Lorsqu’elle rouvrit les yeux, elle était étendue au sol.
Machinalement, ses lèvres suivaient le mouvement initié par Deathmask…
Plongée dans son inconscient, Erda épousait en réalité les lèvres de Xiao Ling en train d’effectuer les gestes de premier secours.
La Chinoise, surprise, écarquilla grand et se défit du bouche à bouche devenu un intense baiser.
_ « Erda, recula Xiao Ling partagée entre satisfaction et stupéfaction !
_ Xiao Ling, s’empourpra gênée Erda en redressant le buste ?! Ça… Ça fait longtemps que nous sommes ainsi ?
_ Je… Je venais à peine de commencer à expirer lorsque tu m’as…
_ Alors, pensa intérieurement Erda… Le Cancer… Son baiser… Tout ça était… »
D’instinct, elle se redressa et fit le tour d’elle-même dans le but de le distinguer.
Néanmoins, seules les silhouettes de Shaina, Marin et Geist arrivèrent.
Aussitôt, elle ne put refréner des larmes de honte envers ses aînées, qui baissèrent la tête devant ce spectacle de désolation.
Toujours à terre, Xiao Ling restait les yeux rivés sur la Cloth de Cassiopée, l’air abattu.
Erda ressentit les derniers pétales de l’Utérus tomber à nouveau sur elle et sur le camp maintenant que le champ de force du Cancer avait disparu…
Déjà au loin, sur les marches de la première maison du zodiaque, Deathmask regagnait son temple.
Il stoppa quelques instants, le temps de voir derrière lui la fumée encore apparente s’échapper du camp des femmes et de caresser ses lèvres qui conservaient un goût sucré : « Erda, susurra-t-il en souriant d’un air moins provocateur qu’à l’accoutumée. »
Autour de lui, les pétales de l’Utérus grillaient au contact de son cosmos.
Il leva la tête : « C’étaient les derniers pétales à virevolter dans les airs. L’Utérus n’est plus. J’ai lutté du mieux que j’ai pu pour que les Fantômes n’apparaissent pas. Comme toujours, Aiolia et les autres passeront pour les héros en ayant éliminé Eris pour que les autres graines semées dans le monde ne germent pas. »
Flashback
_ « Et c’est tout, s’indigne Mars ?! »
Kyoko et lui étaient arrivés devant le monolithe autour duquel s’amassent d’ordinaire les touristes et qui lui sert de temple, l’Aréopage.
Observant autour d’eux qu’aucun contemporain ne puisse constater qu’avec leurs énergies ils peuvent pénétrer dans les catacombes du bloc de pierre par le pont cosmique de l’Aréopage, Kyoko soupire.
_ « Tu es fatiguant à râler sans cesse. La bataille était pleine de rebondissement non ?
_ Mouais… Mais une fois l’Utérus détruit, où t’es-tu caché pendant trois ans ?
_ Là où se trouve mon vrai sanctuaire.
_ Le Jardin d’Eden ?!
_ Oui. A Hokkaido, au Japon. Dans des lieux escarpés où aucun contemporain ne peut parvenir. Jailli des entrailles de la Terre où il avait été enseveli. Réapparu grâce à tout le cosmos emmagasiné par l’Utérus.
_ Ingénieux.
_ Oh… Tu n’es pas au bout de tes surprises. Cependant, tes Berserkers ne vont pas tarder à revenir. Avant de repartir d’où je viens, dis-toi que l’enfouissement du Jardin d’Eden n’était pas l’unique punition que nous avait infligée Athéna lors de l’ultime bataille que nous avions lancé de concert toi et moi en des temps immémoriaux.
_ Oui, grommelle Arès en grimaçant, mes enfants…
_ Tes enfants ! Tes vrais lieutenants, les Ombres ! Ceux qui commandaient aux Berserkers !
_ Harmonie. Deimos. Phobos.
_ Le sceau d’Athéna qui les retenait dans mon Jardin d’Eden enfoui, brisé par la toute-puissance offerte par l’Utérus.
_ Alors pendant tout ce temps, frétille Mars…
_ Pendant tout ce temps, se rapproche-t-elle de lui, nous t’avons laissé reconstruire une armée de chair à canon, afin qu’au moment opportun, les Evil Seeds et tes Ombres rappellent aux hommes qui sont devenus des Berserkers, qu’on ne dicte pas leurs conduites aux dieux, plonge-t-elle son regard déterminé dans le sien. »
Elle tourne ensuite les talons et s’éloigne en concluant : « Retrouve ton sanctuaire. Qu’Athéna tombe dans les pièges laissés par les Olympiens. Laisse ton Berserker de la Royauté frapper quand il pensera le moment venu. Tes Ombres te reviendront alors. La discorde enfouie dans le c½ur des hommes où sont déjà semées mes Evil Seeds te permettra de lever une vraie armée grâce aux cadavres amers laissés sur le champ de bataille. Ton succès ne pourra échapper aux yeux de l’Olympe. Tu te hisseras à ton juste titre et assistera à la chute sanglante des mortels sur lesquels je régnerai, moi Eris Déesse de la Discorde, en ton nom, Arès Dieu de la Guerre. L’homme, anéanti, s’en retournera de nouveaux vers de vrais dieux, satisfaisants l’Olympe, et te faisant briller bien plus encore auprès des tiens. »
Ne prononçant plus un mot, rêveur, Mars laisse Kyoko disparaître à l’horizon.
_ « Mes Ombres… Une armée de Fantômes offerte par Eris sur les monceaux de cadavres laissés par mes Berserkers submergés à leur tour par ma suprématie retrouvée… L’Olympe qui reconnaît mon rôle dans la foi retrouvée des hommes. Une foi cultivée dans le massacre, le sang… »
Ses yeux rouges brillent d’une lueur sanguinolente à mesure qu’il projette ses espoirs.
L’aura qui s’en dégage ne laisse aucun doute quant au fait qu’Arès habite en cet instant les profonds désirs de l’homme qu’espère manipuler Vasiliás.
A Buenos Aires, des hordes de policiers et autres forces d’intervention pénètrent dans le Disfrute.
Rapide, rhabillée et à l’allure innocente, Peligra sort de l’établissement sans faire remarquer autre chose que sa beauté.
Prise en charge par les secours, mise en retrait près d’une ambulance, elle profite que l’attention soit portée sur l’assaut pour s’échapper.
Elle traverse l’avenue pour s’engager d’un pas rapide et élégant dans une ruelle déserte.
A l’abris des regards, elle bondit alors sur le toit d’un bâtiment de plusieurs dizaines de mètres de haut qui donne vue sur le club investi.
Là-haut, l’intrigante demoiselle en trouve une encore plus désirable.
Classe dans sa longue robe pourpre, le visage agrémenté de son tatouage en forme de c½ur, Helénê, l’Ange d’Apollon qui se fait appeler Ksénia, observe avec intérêt la scène.
Sans même se retourner, elle sent dans son dos l’arrivée de Peligra et lui demande de son bel accent russe : « Alors ? Qu’en as-tu pensé Kassandra ? »
La danseuse portant en réalité le nom grec de Cassandre, la fille du roi de Troie, se laisse aussitôt revêtir de sa Glory en tout point similaire à celle que porte habituellement Helénê et les autres guerriers de l’Olympe.
_ « J’ai pu m’approcher d’eux et ressentir l’étendue de leurs cosmos.
_ Il était important que tu puisses jauger leurs réelles capacités. »
La femme à la peau ébène songe à sa rencontre un peu plus tôt avec Arès…
Flashback
Quelques heures auparavant, en Grèce, à l’Aréopage, sur ordre de Vasiliás, Atychia prenait le commandement des troupes pendant que Tromos et lui prenaient la direction du monde moderne.
Esseulé sur son trône, l’esprit absorbé par son verre de vin qu’il faisait tournoyer avec son poignet, l’imposant seigneur du temple en forme de cône ne se souciait pas des matérialisations de cosmos qui se produisaient sous ses yeux.
Absolument admirables, Helénê et Kassandra arrivèrent dans le sanctuaire vide de toute présence arèsienne.
Toujours aussi familière avec le maître des lieux, Ksénia se permit de déclarer : « Vos hommes sont prêts à la guerre à ce que je vois. Aucun soldat ne reste à l’intérieur du temple. Atychia, cette Berserker du Malheur, semble les apprivoiser dehors. »
Kassandra ressentit dans la voix d’Helénê un ton amer. Ksénia se remémorait l’attirance d’Atychia à l’endroit de Vasiliás qu’elle affectionne du plus profond d’elle.
Sans même relever la provocation de Ksénia, Arès toisa plutôt la nouvelle venue, aguichante dans sa tenue contemporaine affriolante.
_ « Je vois que tu as répondu à mes inquiétudes.
_ En effet, vous vouliez un renfort supplémentaire lorsque l’heure sera venue pour vous d’attaquer le Sanctuaire. »
L’être réincarné sous le nom humain de Mars, se leva pour dévoiler son imposante stature et mieux se rapprocher de la nouvelle venue.
_ « J’ai envoyé toutes mes servantes dans les thermes. Leur présence me manque, peut-être devrais-je m’occuper de cette… »
Spontanément, la fidèle d’Apollon s’interposa : « Je vous présente Kassandra. Un Ange au service de mon maître et rattaché, à la demande de ce dernier, à vos services pour mener à bien votre mission et vous prouver toute la confiance qu’il vous accorde afin de vous réintégrer en lieu et place d’Athéna en Olympe.
_ Parfait. J’ai bien conscience que le jour où Vasiliás essaiera d’asseoir sa puissance sur le Sanctuaire, il mettra tout en ½uvre pour m’évincer. Je me dois donc de le devancer en l’ayant par surprise. Même si elle ne dégage pas autant de puissance que toi, cet Ange m’apparaît très puissante. L’avoir à mes côtés dès à présent me rassure…
_ Pourtant vous me semblez déjà bien entouré… »
Ksénia tourna en même temps la tête en direction de Kyoko restée cachée dans l’ombre...
Sous-estimant l’Ange, Mars fut déstabilisé qu’elle ait découvert le rapprochement entre Arès et Eris.
_ « Allons Arès… Vous ne pensiez pas que la présence d’Eris sur Terre passerait inaperçue. Après tout, comment croyez-vous que la comète Repulse a pu se rapprocher à nouveau de l’orbite terrestre ? »
Kyoko commença à sortir de sa cachette : « Tu veux donc dire que… »
Devinant la question, Ksénia anticipa : « Oui, c’est l’attraction solaire qui a reprise et influencé la trajectoire de la comète. La Déesse de la Discorde ne doit son retour sur Terre que grâce au cosmos de mon maître Apollon ! »
Les bras en tombèrent à Arès tandis qu’Eris feignit de rester digne.
_ « Mon maître vous donne toutes les chances de réussir. Il te propose une place en Olympe, Arès. Et te permet de garder un relais sur Terre par le biais d’Eris. Et tout cela avec l’appui des Anges.
_ L’appui ?! Tu veux plutôt dire que Kassandra va rester ici pour nous chapeauter ?!
_ Il y a méprise je pense. Le Dieu du Soleil a toute confiance en votre réussite. Je venais seulement faire les présentations et acclimater Kassandra à l’humeur terrestre. Elle va de ce pas à la rencontre de Vasiliás et Tromos pour mieux jauger à qui elle a à faire. Elle ne reviendra auprès de vous que lors de l’instant fatidique sur le champ de bataille.
_ Dans cette tenue, douta-t-il devant son apparence très provocante ?
_ Si j’ai bien compris, l’endroit où se rendent vos deux Berserkers n’est pas des plus fréquentables pour les hommes. Avec une telle plastique, je doute que Kassandra, que nous renommerons Peligra pour l’occasion, ne se fasse pas vite embaucher dans ce bordel où ils se sont rendus. Elle a tous les arguments nécessaires. »
Flashback
Soudain, le bruit d’une trappe sur le toit du Disfrute trahit les souvenirs de l’Ange.
Les deux envoyées du monde céleste reconnaissent au loin Vasiliás et Tromos fuir les enquêteurs indélicats.
A cet instant, en voyant s’élever de battisses en battisses les deux hommes, et plus précisément celui qui l’accompagnait ce soir, Kassandra ressent cette soudaine chaleur qui lui a pris le bas ventre il y a peu encore. Les paupières à demi closes, elle se sent l’espace d’un instant redevenir Peligra.
Les Olympiens, soumis à l’autorité de leurs dieux, sont irrémédiablement séduits par leur charme et leur impériale prestance.
Pourtant, bien que différent de celui d’un dieu, le charisme de Vasiliás a bouleversé l’Ange, comme l’a été Helénê avant elle : « Cette confiance exacerbée pourrait passer pour de l’arrogance, néanmoins, à travers ses yeux, j’ai deviné des certitudes en cet homme. Elles m’ont permis de le voir autrement qu’un être quelconque et indigne du sang divin qui coule dans les veines de tout Olympien. »
Loin d’être dupe, Helénê sent son c½ur se serrer lorsqu’elle demande : « Comment était-ce ? »
Interdite par cette question à laquelle elle ne s’attend pas, et honteuse de ce ressenti nouveau qu’elle a éprouvé au contact du charme de l’Américain, Peligra perd ses mots.
_ « Euh… Ils… Oh… Ce fut… Ils renferment une cosmo énergie ahurissante pour des humains. Si Tromos reste largement à notre portée, Vasiliás demeure un mystère. »
Ksénia la reprend d’un ton inquisiteur sans forcément insister davantage de peur d’être démasquée elle aussi : « Un mystère ? »
Passionnée, l’Ange au teint bruni reprend comme envoûtée : « En tout point… Un mystère ! »
A son tour, Helénê se sent retrouver la Ksénia étrangement conquise par celui qui fut l’objet d’une de ses missions sur Terre.
Passant discrètement sa main contre sa poitrine, elle éprouve les sentiments qui l’étreignent déjà depuis qu’elle a vu Atychia se rapprocher de Vasiliás. Ranc½ur, peine et jalousie.
Refusant que cela n’influe son jugement, elle se concentre à nouveau sur sa mission : « Plus besoin de les retenir davantage. Ils vont pouvoir rentrer en Grèce. Je pense qu’Eris a fini de dévoiler son plan à Arès. Il a maintenant toutes les cartes en main pour agir lui aussi.
_ Lui aussi, demande Kassandra ?
_ Oui. Le réveil d’Hadès est proche. Et en attendant, cette nuit Poséidon a lancé les hostilités en infiltrant un de ses sujets à Asgard. Une belle sirène qui a fait fondre des c½urs et qui provoquera la fonte des pôles.
_ Si avec ça Athéna n’est pas poussée à la faute… »
Justement, à l’autre bout du monde, à l’extrême Nord de l’Europe, le petit matin du 22 mars 1987 se lève plus calmement que la veille après une nuit intense et charnelle au temple Walhalla.
Avant d’éventuelles rencontres fortuites, Thétis s’empresse de fuir sur la pointe des pieds les appartements de Siegfried, enroulée dans ses couvertures.
A l’autre bout du couloir, perturbée par cette nuit passée et le regard qu’elle portera dès aujourd’hui à Siegfried, Hilda reconnaît la silhouette de celle avec qui elle a partagé tant de plaisir la veille.
_ « Thétis ?! Siegfried ?! »
Tant de question se chamboulent dans sa tête avant de réaliser immédiatement de quoi il en retourne.
Un sentiment de colère, puis de jalousie et enfin d’interrogation sur l’effet recherché par Thétis d’avoir une telle liaison s’entremêlent dans l’esprit de la prêtresse. C’est seulement à cet instant qu’elle se tient la poitrine, rongée par la culpabilité et les conséquences d’avoir donné pour une nuit son amour à une autre qu’elle connaît à peine.
Honteuse, confuse, c’est Siegfried qui lui vient instamment à l’esprit : « Lui a-t-elle dit que j’ai crié le nom de Siegfried ? Lui a-t-elle dit que je l’aime secrètement ? A-t-il agi de la même manière lorsqu’il était en elle ? »
Au même instant, sort à peine vêtu Siegfried, curieux du départ inopiné de Thétis.
En tournant la tête, il reconnaît Hilda et, alors que d’ordinaire il se serait courbé pour la saluer, il fléchit sommairement les genoux avant de s’enfermer, honteux d’être découvert.
Mais aussi convaincu que Thétis disait la vérité lorsqu’elle lui racontait qu’elle venait auprès de lui après avoir pris du plaisir auprès d’Hilda.
En faisant les cent pas, il s’interroge : « Alors c’était vrai. Elle a fait ça, avec Thétis. Elle ne peut m’en vouloir après tout. Nous pouvons dire que nous sommes quittes… »
Il se prend la tête entre les mains et grogne : « Non mais qu’est-ce que je raconte ?! Ce n’est pas un jeu. Thétis dira-t-elle à Hilda avant de partir que j’ai pensé à elle quand nous étions à deux ? »
Soudain, à travers sa porte, il entend Hilda interpeller un autre habitant du Walhalla : « Alberich ! Alberich ! »
L’héritier du pourfendeur du Dragon de Fafnir peut discerner à travers la porte les pas pressés d’Hilda pour rattraper son rival.
Dans les allées du château, l’Asgardien aux cheveux d’améthyste s’arrête en soufflant d’agacement.
Les deux soldats qui l’escortent, comme c’est le cas pour tout noble du palais, s’inclinent immédiatement envers Hilda.
Alors, Alberich grimace en exagérant son dévouement. Un genou à Terre il s’inquiète faussement.
_ « Que se passe-t-il Majesté pour que de si bon matin vous veniez me trouver ?
_ Lorsque je t’ai vu sortir de tes appartements je me suis rappelée que nous passons hélas peu de temps ensemble. Je voulais savoir si tu consens à m’accompagner ce matin à l’Autel du Destin ? »
Cette proposition transperce aussitôt le c½ur de Siegfried et surprend Alberich : « Cette tâche très particulière incombe pourtant à Siegfried d’ordinaire, votre homme de confiance. »
Confuse, honteuse à l’idée d’échanger avec Siegfried à propos de leurs soirées respectives avec Thétis, Hilda ne s’étend pas sur le sujet : « Siegfried est occupé pour ce matin. Puis-je compter sur toi ? Oh, je sais qu’il n’y a rien de palpitant. Attendre des heures pendant que je prie Odin… Mais le trajet est assez long et ça serait l’occasion de pouvoir converser ensemble. Après tout… »
Ravi de pouvoir éclipser Siegfried, de Megrez ne se fait pas prier sans pour autant ne pas oublier cette défiance qui le lie à la monarchie : « Oui, après tout vous n’avez fait que me rabrouer ces dernières années. Un entretien cordial n’est donc pas de refus. »
Suivis par les deux gardes d’Alberich, ils prennent la route.
Seul, dans sa chambre, Siegfried se laisse tomber à la renverse sur son lit défait.
En croix, il soupire : « Hilda… Si vous saviez à quel point je vous aime… »
C’est alors que par précaution, il ramasse ses vêtements et détale à l’opposé de la direction prise par Hilda et Alberich.
Faisant courber l’échine à chaque garde qu’il croise sur son passage, Siegfried presse le pas jusqu’à l’arrière cours où un guerrier de haute stature en domine quatre autres dans une épreuve de lutte.
Il ressemble beaucoup à Siegfried. Ses cheveux sont blond vénitien et raides, sauf ses mèches sur son visage qui sont légèrement ondulés. Il les porte courts, à la différence de Siegfried qui les a très longs. Ce détail permet de mieux les distinguer.
_ « Petit frère ?! Que viens-tu faire ici ?! Cela fait un moment que nous n’avons pas eu l’honneur d’avoir le grand Siegfried nous gratifier de sa présence ! Mes hommes seront ravis de recevoir les conseils du plus vaillant de nos combattants !
_ Sigmund… »
Siegfried n’en dit pas plus. Sa voix empruntée lorsqu’il nomme son frère aîné permet à Sigmund de mieux appréhender l’objet de sa venue.
Bien que son frère cadet lui soit supérieur en force, Sigmund a toujours su rester l’épaule sur laquelle son petit frère peut se reposer. Et de ses grands yeux violets, il peut lire sa détresse.
En claquant des doigts, Sigmund demande à ses hommes de reprendre leurs tenues de rondes.
Tandis qu’ils réajustent leurs plastrons et leurs casques à corne, il éloigne Siegfried des oreilles indiscrètes.
_ « J’ai besoin que tu veilles sur la Princesse Hilda aujourd’hui, confesse sans détour Siegfried.
_ Tu ne la quittes jamais des yeux. L’arrivée hier de cette étrangère à la voix de sirène ne semble pas être un hasard à cette étrange position, devine Sigmund.
_ Thétis nous a mis dans une position délicate Hilda et moi. Je ne peux t’en dire davantage mais… »
Lisant en Siegfried comme dans un livre ouvert, mais refusant d’être embarrassant, Sigmund n’insiste pas. Il interrompt son frère d’une franche empoignade par l’épaule.
_ « Ça ira ! A cette heure j’imagine qu’elle est en route pour l’Autel du Destin, partie prier Odin.
_ Elle est censée ne rien craindre, Alberich l’accompagne. Néanmoins, je serai plus rassuré si tu pouvais garder un ½il sur ce serpent… »
Sigmund acquiesce et en quelques bonds, s’empresse de prendre la direction du précipice où Hilda implore quotidiennement Odin…
Au même moment, dans le sanctuaire sous-marin, Thétis approche le parvis du temple de Poséidon.
Ses écailles roses dissimulent son intimité qu’elle a dévoilé la veille à Hilda et Siegfried.
A peine essoufflée après avoir parcouru sous les océans la distance reliant Asgard au-dessous de la Méditerranée, elle s’avance jusqu’à son supérieur au heaume ombrageux.
_ « Je te félicite Thétis. »
Vexée de devoir s’abaisser à exécuter la mission qui lui a été confiée, en jouant de son corps et en trahissant les sentiments sincères que se vouent Hilda et Siegfried, Thétis s’incline malgré tout. D’une voix résignée, elle salue celui qu’elle ignore être Kanon des Gémeaux : « Dragon des Mers… Si cela est pour satisfaire la volonté de sa Majesté Poséidon. »
Cependant, Kanon reste inquiet du succès de son plan.
_ « Tu es revenue bien vite d’Asgard. Es-tu sûr qu’Hilda ira prier seule ?
_ Elle ne sera pas seule. Mais elle ne peut pas être mieux accompagnée. Elle sera suivie d’Alberich de Megrez.
_ Alberich de Megrez, celui que nous avons observé être fasciné par le pouvoir et qui s’est renseigné sur l’anneau des Nibelungen ?
_ Celui-là même.
_ Alors en effet. Il est faible et vicieux. Il n’aura pas le courage de se hisser contre Poséidon lorsqu’il attaquera Hilda. Et il gardera sous silence sa possession au vu de tourner ça à son avantage.
_ Que devons-nous faire à présent ?
_ Rassemble les soldats Marinas pour surveiller le périmètre dès que les hostilités seront engagées. Je vais de mon côté avertir Poséidon qu’il peut se tourner dès à présent vers Hilda. »
Thétis acquiesce et s’éclipse pour mieux laisser Kanon apprécier la réussite de son projet.
Le Dragon des Mers défait son heaume pour mieux scruter l’horizon marin : « Oui, je me suis habitué à cette atmosphère salée et ses coraux. Mais la surface me manque. Mon plan va bientôt réussir et j’aurai exploité les pouvoirs de Poséidon sans même l’avoir éveillé totalement. Pour cela je dois continuer mon travail d’éloignement de Sorrento vis-à-vis de Julian Solo. Dès qu’Hilda sera possédée, j’enverrai Sorrento pour la surveiller sur un soi-disant ordre de Poséidon. »
Dans la contrée d’extrême Nord de la Sibérie orientale, à Blue Graad, le vent se lève étrangement.
Le royaume qui a rudement souffert ces derniers mois de la Guerre Sainte contre Asgard et des conditions climatiques craint de nouveau les prémices d’une catastrophe.
En tenue de civil, bras et jambes dans la neige, Alexer aide les quelques villageois qui n’ont pas achevés la reconstruction de leurs demeures.
Beaucoup plus proche de son peuple après la bataille contre Asgard, le gardien du Grand Nord se sent redevable auprès de lui afin d’expier son crime envers son père.
Le parricide lève les yeux vers la brume environnante et déclare : « Cette météo ne me dit rien qui vaille. Les manuscrits de notre bibliothèque ont toujours fait état d’un temps plus clément après une lourde vague de froid. Il est encore trop tôt pour que la rudesse s’attaque de nouveau sur le pays. »
Une voix douce et familière, emmitouflée dans un épais manteau se présente devant lui. Belle, grande, déjà si femme alors que lui n’est que jeune homme, le nouveau roi est en admiration devant sa s½ur Natassia.
_ « Peut-être l’annonce d’un triste événement mon frère.
_ Je ne sais guère. J’ai reçu hier des nouvelles d’Asgard. Il n’y avait aucune mention du moindre danger dans le courrier de la Princesse de Polaris que m’a fait parvenir son messager de confiance Utgarda. De plus, Athéna a repris le contrôle du Sanctuaire. Nous n’avons pas de raison d’avoir peur. Mon devoir, à moi, c’est de veiller avant tout sur mon peuple. Je vais répondre aujourd’hui à Hilda afin qu’Utgarda puisse repartir avant que les des caprices du temps ne l’en empêche. J’en profite pour l’avertir de nos interrogations. Hilda saura trouver la réponse auprès d’Odin. »
Tournant le dos à son frère, Natassia demeure suspecte : « Tout de même, ce temps si rude alors que nous sortons qu’une vraie tempête n’est pas commun. Quelque chose se trame, j’en suis sûre… »
Voyant sa s½ur regagner le palais, Alexer fait la moue.
_ « J’aimerai me rendre à Asgard, au Sanctuaire, et garantir la paix pour expier mes fautes. Mais mon salut doit avant tout passer par le pardon de mon peuple. Je suis désolé s½urette. »