Chapitre 79
En Argentine, dans le night-club, Tromos est aux portes de sa vengeance.
En poussant la porte gardée, il débouche enfin sur un grand bureau. Celui-ci dispose d’un mur fait de télévisions retransmettant la vidéosurveillance de l’établissement.
Affalé dans son siège en cuir, le propriétaire du Disfrute n’en revient pas : « Je ne pensais vraiment pas que tu arriverais jusqu’ici. C’est lorsque tu as vaincu facilement le monstre dans la cave que j’ai commencé à avoir des doutes… »
L’ignoble individu dévoile enfin son visage à Tromos instantanément saisi.
_ « … Tu as gagné, achève sa phrase le chef de gang. Je t’engage ! Je vais faire de toi un homme riche. Tu auras tout ce que tu veux.
_ Tu… Tu n’as pas changé, reste un instant bouche-bée Tromos devant lui. Hormis quelques rides, tu restes le même que dans mes pires cauchemars. Un visage crapuleux, chauve avec tout le crâne tatoué, un menton carré et des dents pointues.
_ On se connaît ?!
_ Il y a vingt-et-un ans. Je n’étais qu’un petit garçon, frêle et innocent comme tous les enfants de huit ans. Un petit village dans lequel tu instaurais déjà la terreur. Tu obligeais les gens, de courageux ouvriers travaillant pour nourrir leurs familles, à te verser presque l’intégralité de leurs revenus, sous prétexte qu’ils vivaient dans une citée dont tu te prétendais maître. Tu te servais de cette zone résidentielle pour commencer tes basses besognes. Prostitution, trafic de drogues… »
Toujours confortablement installé dans son siège, le malfaiteur s’allume une cigarette en se sentant glorifié par cette histoire.
_ « Oh tu sais, j’ai commencé jeune à monter mon empire. Je ne me souviens pas de toi.
_ Moi je me souviens de cette nuit où tu es venu en personne punir mon père, qui n’avait pas assez d’argent pour payer ta taxe clandestine. J’ai été le seul à avoir eu le temps de me cacher sous le lit de mes parents. Je me souviens de tout. De tes hommes battant mon père. Le laissant tout juste conscient, pour qu’il puisse te voir violer ma mère et déshonorer mon frère avant de les égorger. Je me remémore encore l’incapacité de ma petite s½ur à répondre, lorsque tu lui as demandé lequel des jumeaux d’un mois elle voulait sauver, alors que tu lui promettais qu’elle aussi s’en sortirait si elle choisissait. J’ai encore ses cris gravés dans ma mémoire lorsque tes hommes ont abusé d’elle, alors qu’elle n’était qu’une enfant pendant que tu m’étais le feu au berceau des deux bébés qui pleuraient car ils mourraient de faim. Et chaque jour, je me vois impuissant, à essayer de tirer mon père immobilisé pour le sauver du feu qui se propageait dans la maison. Il n’y a pas un instant, pas un soupir, durant lequel je ne me maudis pas d’avoir échoué et d’avoir laissé cette peur de petit garçon me forcer à prendre mes jambes à mon cou pour échapper au même sort que les miens.
_ Mouais, recrache insensible Segador sa fumée… Une de mes aventures parmi tant d’autres. Loin d’être la plus palpitante !
_ Comment, s’avance le poing serré Tromos ?! »
Contre toute attente, de chaque côté du large bureau, tapis dans l’ombre, sortent deux derniers hommes de main.
_ « Je te présente les plus habiles tueurs de mon gang. Ils manient aussi bien tous les types d’armes que les styles de combats à mains nues. Je sens que tu vas m’offrir un spectacle beaucoup plus digne que celui de ta mère et ta s½ur dont je ne me souviens pas. »
Ces mots suffisent à faire basculer définitivement Tromos dans cette soif de justice subjective que véhicule Vasiliás.
Sans même laisser le moindre agent réagir, il les terrasse en les tranchant tous les deux en deux à hauteur du buste.
_ « Le Berserker de la Royauté, notre Roi, a raison. Le mal doit être éradiqué à la source. Et je vais m’en charger avec toi. »
Malgré sa fin imminente et inévitable, Segador se permet de se moquer de ses anges gardiens qui gisent au sol : « Les pauvres. Ils devaient manquer d’entraînement ! »
Cette indifférence ne démotive pas l’Arèsien, au contraire.
Il bondit sur Segador et se retient du mieux qu’il peut pour ne pas le tuer d’un seul coup.
En le callant bien dans le creux de son siège, il lui assure : « Je vais te réserver les pires tourments que tu as commis. Et je te promets, moi, homme de parole, que tu perdras ton sourire narquois avant de rendre ton dernier souffle. »
La cigarette lâchée sous le choc, Segador continue d’afficher sa mine sournoise alors que le mégot lui brûle la cuisse, comme pour annoncer que la tâche sera ardue…
En Grèce, les clients de la brasserie sont incommodés par les éclats de voix du couple contaminé par les Evil Seeds d’Eris.
En intérieur, ils s’inquiètent des débris de vaisselles produits par la table retournée dans l’élan de colère de l’amoureux éconduit.
Tandis qu’il lève la main en l’air pour réprimander sa bien-aimée, le serveur, amant secret de la cliente, se précipite vers lui.
_ « Je crois que j’aurai mieux fait de commander un autre verre, soupire Mars. Tu as fait germer trop tôt ta graine, alors qu’il te reste encore beaucoup de péripéties à me raconter.
_ Justement, nous avons tout le chemin du retour pour achever cette histoire. »
Pris de panique et de colère, le serveur ramasse sur son passage une bouteille en verre.
Il la fracasse sur la tête de l’homme irrité qui s’écroule inconscient au sol.
Dès lors, sans qu’elle ne réalise vraiment pourquoi, prise d’un excès d’adrénaline en plein tourment, partagée entre la nostalgie d’un amour passé avec son compagnon qu’elle souhaite quitter et la fureur de l’instant, la cliente ramasse un couteau sur le sol. Elle poignarde en plein c½ur son amant, à qui elle en veut d’avoir frappé son petit ami.
La foule en reste stupéfaite. Incapable de la moindre réaction.
Interdit, ce dernier lâche le tesson de la bouteille qu’il a brisé sous le choc et s’écroule impuissant.
Il tombe à côté du conjoint qui reprend ses esprits.
Furieux envers sa compagne de son infidélité, il récupère le tesson et transperce à plusieurs reprises sa gorge.
Les spectateurs, cette fois-ci, hurlent et fuient dans toutes directions.
Seuls restent à proximité Kyoko et Mars qui se délectent du spectacle.
L’homme trompé, devenu assassin, réalise son acharnement mais n’en perd pas son panache.
Totalement recouvert du sang de sa bien-aimée, il finit par se lacérer son propre visage par culpabilité. Si profondément que lorsqu’il achève son acte, la douleur est trop atroce pour le supporter.
Tandis qu’il convulse, Kyoko détendue devant les trois corps sur la terrasse déserte, récupère dans le seau à glace d’une table voisine une bouteille de champagne et deux coupes.
_ « Voici ce qu’est la discorde. Voici un échantillon de tout ce que j’ai semé.
_ Dans ce cas, entamons le chemin du retour tandis que tu termines de me raconter comment nous en sommes arrivés à un tel niveau de corruption chez l’homme, l’enjoint-il en piétinant le mourant qui se tortille au sol… »
Flashback
Sur tout le Sanctuaire, semblable à un nuage de lucioles, les pétales de l’Utérus pleuvaient.
Les villageois s’en émerveillaient, les prenaient dans la main, sans en percevoir le moindre effet.
A l’Ouest, Marin esquivait ces Evil Seeds tout en écrasant une à une les Dryades qui éclosaient sur son chemin.
_ « Le camp des femmes a été ciblé. Qu’on me barre ainsi la route n’est pas anodin. Et cette frappe à cet endroit précis ne peut qu’être un stratagème pour focaliser notre attention. Il s’agit à coup sûr d’une diversion. Ces fleurs feraient-elles parties du plan ? J’aurai peut-être dû prendre Seiya avec moi ! Même s’il a encore beaucoup à apprendre, son niveau actuel m’aurait permis de me déblayer le passage ! »
Tout à coup, comme pour exaucer son besoin de renforts, deux voix familières lui parvinrent.
_ « Funerary Torments ! »
_ Mavrou Tripa ! »
Sergent et vétéran du domaine, Circinus du Compas balaya toutes les Dryades encerclant Marin.
Son supérieur, Misty du Lézard déblaya l’horizon devant eux.
Le Saint de bronze et son lieutenant se joignirent à la bataille.
Misty l’encouragea à plus forte raison qu’en qualité de capitaine de l’armée il était le meneur de sa caste : « Allons Marin ! Il faut faire vite ! Nous allons t’escorter ! »
Tous trois reprirent la route à grandes enjambées.
Dans la forêt, Emony pleurait devant les morceaux déchirés de son ours en peluche.
_ « Quelle méchante dame Mick ! Je t’ai vengé en lui donnant une bonne leçon. »
Dans son dos, Geist était inconsciente, prisonnière du Lunatic Bind.
_ « Bien. Je vais rejoindre Bunyip maintenant. Heureusement qu’il me reste mon animal de compagnie pour me consoler.
_ Attends, lui répondit la tête arrachée de Mick !
_ Mick, s’étonna-t-elle, ce n’est pas possible ?! Tu ne parles pas ?!
_ Je ne suis pas censé cracher du feu non plus, articula-t-il les lèvres.
_ Mais si tu fais cela, c’est parce que je t’enchante avec mon cosmos ! Donc là, si tu parles, c’est que… »
Elle se tourna d’instinct vers Geist toujours étendue.
_ « C’est que quelqu’un est capable de produire des illusions avec le sien, poursuivit Mick. »
L’ourson lui balança une déflagration semblable à celle reçue par Rumi.
Prise à revers, Emony fut balayée dans un cri de souffrance par son propre piège.
_ « Phantom Genwaku Ken, se redressa Geist en invoquant son arcane ! »
Retombée tête la première, face contre sol, Emony pleurnicha de colère. Comme une enfant gâtée, elle tapotait des poings en se relevant : « Comment peux-tu ?! Comment peux-tu ?! Comment peux-tu ?! Tu as joué avec Mick alors que je ne t’y ai même pas autorisé ! Tu vas payer ! Tu vas payer ! Tu vas payer ! »
Aussitôt sa crise passée, Emony fixa du coin de l’½il Geist avant de foncer sur elle à une vitesse que la mercenaire ne lui soupçonnait pas.
Elle lui asséna un coup de tête.
Reculant d’un pas, Geist voulu réagir mais sa droite brassa de l’air car Emony retomba au sol en tournoyant sur elle-même.
A peine elle eut regagné le sol avec ses pieds, elle cogna à hauteur du genou avec sa jambe Geist, afin de la faire plier légèrement. Puis totalement, grâce à un direct du gauche dans l’estomac qui la fit se pencher en avant. Emony n’eut plus qu’à bondir vers l’avant pour frapper avec le sommet de son crâne le menton de Geist, afin de l’étourdir et déclencher sa seconde technique : « Innocent Glumness ! »
Cette fois-ci, les lobélies prirent la forme de papillons par centaines qui rossèrent toutes la surface du corps de Geist.
Elle retomba plus loin, incapable de réagir.
_ « Tu pensais t’extraire facilement de mon Lunatic Bind n’est-ce pas ?! Certes il n’est pas parvenu à te faire plonger dans un cauchemar éternel, mais il a quand même absorbé peu à peu tes forces !
_ Voilà donc pourquoi il m’est difficile de répondre à ses mouvements alors que je parviens à les lire, grommela Geist en se relevant.
_ L’Innocent Glumness est une technique de coups plus directs. Maintenant que tu es affaiblie, ce coup à la vitesse du son me suffit.
_ J’ai donc perdue en vitesse et en force de frappe. Mon prochain coup devra donc t’être fatal ! Phantom Genwaku Ken ! »
Cette fois-ci un varan énorme se matérialisa entre Geist et Emony.
En tournoyant sur lui-même, l’animal asséna un coup de queue qu’Emony esquiva sans mal.
Dans son geste, elle recula jusqu’au fronton d’un temple en ruine couvert de mousse.
C’est là qu’Emony se retrouva immobilisée malgré elle.
Geist matérialisa de nombreux avant-bras similaires à ceux de sa protection pour la clouer contre la pierre.
Profitant de la restriction et de l’effet de surprise, Geist apparut à la vitesse du son devant la gamine. Elle planta ses griffes dans ses yeux et ses joues avant de libérer tout son cosmos : « Thunder Claw ! »
Dans la gerbe de sang qui jaillit de la prise, s’insinua la foudre libérée par les Griffes de Tonnerre.
Parcourue au plus profond de ses entrailles par les éclairs, Emony convulsa pendant que sa peau noircissait sous la combustion…
A la sortie d’Honkios, dans le canyon délimitant la ville au reste du domaine, Shaina pouvait compter sur la force colossale de son élève pour assurer ses arrières.
L’Italienne taillait en pièce chaque adversaire. Comme de la mauvaise herbe, aussitôt une déracinée, trois autres poussaient.
Cassios veillait à ce que celle qu’il aimait en secret ne soit pas prise à revers.
Ecrasant leurs crânes entre ses mains, broyant leurs os, les repoussant par de grosses charges, il se démenait comme un diable tout en faisant la fierté du Saint d’argent de l’Ophiuchus.
_ « Cassios a énormément progressé ces dernières semaines. Néanmoins, sa maîtrise du cosmos reste limitée. Son endurance faiblit. Il s’épuise et bientôt, il n’arrivera plus à me suivre. La route vers le camp est encore longue. J’ai senti le cosmos de Geist brûler intensément avant de faiblir. Je dois vite la retrouver. Mais je ne peux pas abandonner Cassios ici. Il se fera vite submerger… »
C’est alors que la voix roque d’un ami la sortit de ses pensées : « Herakles Mo Shu Ken ! »
Deux météores immenses vinrent heurter la base d’une falaise et ensevelir pas moins de la moitié des Dryades qui bloquaient le passage.
Tombant à en secouer le sol devant son frère les mains sur les genoux, Docrates se joignit à la bataille : « Allons Cassios ! Un peu plus de cran ! Après tout, tu concoures pour devenir Saint ! Tu ne veux pas finir mercenaire comme ton frère ! »
Cassios sourit de joie, comme Shaina sous son masque.
_ « Docrates ! Ton aide sera la bienvenue, lâcha-t-elle.
_ Et les notre ne seront pas de trop non plus, ajouta une nouvelle silhouette postée en haut d’un rocher.
_ Algol ! Lieutenant du Nord !
_ Je ne suis pas seul, hocha la tête vers sa gauche le bien nommé. »
En effet, trois autres Saints d’argent venus de l’Est tombaient à pic.
_ « Dio ! Sirius ! Algethi ! Le trio argenté ! Lieutenants de l’Est ! Vous êtes là aussi, s’enthousiasma Shaina !
_ Tous les guerriers, Saints, soldats ou apprentis, se réunissent autour du camp pour bloquer la retraite des Dryades et escorter les femmes Saints souhaitant apporter leurs renforts, commença Dio.
_ Il est donc normal que nous nous rejoignons tous, poursuivit Sirius.
_ Nous allons te dégager le passage jusqu’au camp, entrechoqua ses poings Algethi ! »
Sur l’Utérus, au cinquième étage, Georg avait le visage plaqué sur le sol de glace.
La fraîcheur du parterre soulageait ses plaies, tandis que l’eau qui ruisselait des colonnes nettoyait son sang en rejoignant l’évacuation au centre de la plateforme.
_ « Parmi les Saints d’argent, je sais que je ne fais pas parti des plus rapides, songea-t-il. Mais lui, il fait clairement parti des Saints d’exception de notre caste. Pourtant, la force de frappe de mon éclair peut clairement le vaincre… S’il n’avait pas ce maudit bouclier !
_ C’est presque trop facile, le sortit Jan de ses songes. C’est à se demander ce qu’a donné l’instruction des Saints depuis ces derniers siècles, se tourna-t-il en direction du quatrième niveau.
_ Je ne peux pas abandonner maintenant, se résigna Georg. S’il descend par-là d’où je viens, il prendra Juan en étau avec son adversaire ! »
Faisant irradier son cosmos dans son dos, dessinant la constellation de la Croix du Sud, Georg reprit sa garde : « Attends ! »
Jan se dissimula aussitôt derrière une colonne de glace pour jouer de son reflet.
_ « Alors la leçon ne t’a pas suffi ?
_ Le combat n’est pas encore terminé, tira-t-il un éclair en direction de Jan en détruisant trois piliers sur son passage. »
Jan dégagea l’éclair d’un revers de bouclier avant d’aller se cacher derrière un autre.
_ « Mais qu’est-ce que tu veux faire pauvre fou ? Briser tous les piliers de ce niveau ?! Un tel geste ferait s’effondrer le niveau supérieur qui écraserait tous les étages inférieurs et précipiterait tes amis dans une mort certaine. Est-ce ce que tu veux ? »
La clairvoyance de Jan le désarçonna. Jan ne se cachait pas par faiblesse depuis le début. Il n’agissait ainsi que par stratégie. Dans le but d’entraver les actions entreprises par Georg.
_ « Il a raison, serra les dents Georg de colère. A moins de faire mouche avec un éclair dans lequel j’aurai mis toutes mes forces, je ne pourrai pas éternellement détruire la structure. Mais si je réduis ma force de frappe pour épargner les colonnes, je ne viendrai jamais à bout de lui, baissa-t-il sa garde.
_ Puisque tu veux mourir je vais exaucer ton v½u, le provoqua Jan ! »
Une goutte d’eau tomba du plafond de glace sur le sommet du crâne du Saint. Ses yeux s’écarquillèrent alors en grand : « Un éclair ne suffira pas ! Je dois d’abord l’immobiliser pour ensuite déchaîner contre lui toute ma cosmo énergie ! »
Une seconde, puis une troisième goutte, suivirent la première. Avant qu’un filet d’eau ne s’en suive.
Serrant les poings et grondant pour se donner du courage, Georg poussa son cosmos à son paroxysme : « Oh non je ne souhaite pas mourir ! J’ai une mission bien trop grande à remplir pour accepter de mourir en espérant que les générations futures me libéreront ensuite du Cocyte ! C’est aux Saints de cette génération et à moi-même de faire ce qu’il faut afin de ne pas revenir un jour en Ghost Saint fanfaronner sur nos exploits passés qui n’ont pourtant servi à rien ! Alors aujourd’hui, comme demain, je lutterai jusqu’au bout pour ne pas mourir ! Geistig Blitz ! »
Alors qu’il attendait dissimulé derrière un pilier cristallin qu’un nouvel éclair balaye l’horizon jusqu’à lui, Jan constata désarçonné que Georg libéra une simple fulgurance en direction du plafond. Plus précisément, sur le filet d’eau qui lui gouttait dessus.
Aussitôt, l’étage tout entier resplendit d’éclairs qui se répandaient du sol au plafond, d’un pilier à l’autre.
L’effet miroir de la structure électrisa Jan frappé de toute part.
Soulevé du sol, pris par d’innombrables spasmes en raison du courant qui traversait son corps, il ne perdit pas pour autant son air narquois.
_ « Tu as beau sourire, ton bouclier ne t’est plus d’aucune utilité ici !
_ Qu’importe ! Pour conduire ton électricité sans briser la structure tu en as réduit la force ! C’est bien trop peu pour me vaincre !
_ Alors je viendrai te briser moi-même ! »
Gardant son index droit pointé au plafond, Georg fonça le poing gauche chargé de cosmos sur Jan : « Geistig Blitz ! »
Malgré ses contractions, Jan demeura plus rapide que le Saint et se cacha derrière son bouclier pour contrer à nouveau le poing d’éclair.
Poing contre bouclier, index au plafond, Georg se servit alors de la conduction de l’électricité dans l’étage pour pousser davantage son cosmos contre Jan, tout en prenant soin de localiser l’impact.
Les spasmes devinrent alors plus conséquents. A chaque mouvement de membres, les vaisseaux sanguins de Jan bouillonnaient un peu plus, éclatant l’un après l’autre. La Leaf ne tint pas plus longtemps et, à l’endroit même où son corps se meurtrissait, la protection s’ébréchait.
Le Ghost Saint abandonna sa mine provocatrice et s’inquiéta plus sérieusement de la situation.
L’Ecu, symbole de sa constellation, irradia dans son dos tandis que les éclairs crépitaient sur sa peau.
Plus son cosmos émanait de lui, plus les éclairs étaient repoussés.
_ « C’est impossible, vit Georg la victoire s’échapper un peu plus ! »
Enfin, il dégagea de son être une bulle de cosmos qui lui servit de bouclier contre lequel ricochèrent sans effets les éclairs.
Toujours en lévitation, cette fois-ci grâce à l’effet de son blindage, Jan tournoya de plus belle : « Je t’avais dit qu’au-delà de mon armure, j’avais fait de mon cosmos et de mon être un bouclier ! Bone Crush Screw ! »
La Vrille Briseuse d’Os retomba sur Georg qui resta immobile, abandonnant sa conduction d’électricité après avoir raidi son corps, comme s’il contractait tous ses muscles pour tenter d’encaisser l’attaque.
Au moment du choc, Jan perfora le sol, passant au travers de Georg dont la silhouette apparaissait pourtant encore.
_ « Geistig Blitz ! »
Georg usa de faisceaux d’éclairs pour laisser dans la rétine de Jan son image rémanente.
Jan comprit trop tard qu’il s’était empêtré dans la silhouette résiduelle faite d’éclairs.
C’est quand il constata que le vrai Georg était face à lui, prêt à décocher un nouveau coup, qu’il comprit que la crispation de Georg plus tôt n’était en fait qu’une accumulation de cosmos. Jan était prisonnier de son coup le plus puissamment frappé.
Dès lors, son cosmos et ses gestes entravés par la cage de foudre, il lui fut impossible de dresser son bouclier devant lui.
Jan voyait son autre point fort, après la défense, sa vitesse, être obstrué.
_ « Geistig Blitz ! »
Héros du passé, au prix d’un effort considérable, s’en rompant les nerfs, le Ghost Saint de l’Ecu réussit au dernier instant à ériger son écu devant lui pour se protéger.
Toutefois, c’est un nouveau Georg fantôme d’éclairs qui vint choquer contre.
_ « Comment, déplorait d’incompréhension Jan ?!
_ Geistig Blitz, relança cette fois-ci juste sous ses yeux le vrai Georg ! »
Là, Georg put pallier à sa lenteur en déclenchant sa plus grosse qualité, sa force de frappe.
Le poing chargé de tout son cosmos, il libéra une boule d’éclairs.
Son coup traversa net l’écu, arracha le haut du bras puis pénétra le c½ur de Jan.
Interloqué, reprenant difficilement son souffle, le Ghost Saint eut le regard brisé.
Tenant encore debout grâce au poing logé dans sa poitrine, il balbutia : « Plutôt que frapper par violentes ondes de choc… Tu as concentré ta force en des points précis… Pour m’immobiliser… M’affaiblir… Puis amoindrir la résistance de mon bouclier… Tout ça en transformant ton corps en bouclier d’éclairs… Des éclairs qui ont finis par me transpercer… Le meilleur bouclier… Au service de la meilleure attaque… C’est toi qui les as détenus au cours de ce combat… Ma trahison envers Athéna me réservera des châtiments encore pires que le Cocyte à présent… Ne tombe jamais dans mes travers… Ne regrette rien… Et tiens parole… Que ta génération et toi-même alliez au bout de ces Guerres Saintes… Libérez le monde de ces dieux tortionnaires… »
Puis, balayé par une bourrasque qui rafraîchit l’étage, Jan s’émietta comme les feuilles d’une fleur fanée emportée au gré du vent.
Au bord de l’épuisement, Georg commença à flancher quand soudain un bras au large écu le soutint. Celui-ci était argenté et familier.
_ « Heureusement qu’une fois de plus j’étais là, badina Juan !
_ Te voilà enfin arrivé, il t’en aura fallu du temps, grimaça de douleur Georg !
_ Si peu, commença-t-il à flancher à son tour avant que Georg ne le retienne.
_ Je pense qu’en nous soutenant l’un l’autre nous arriverons les premiers au palais d’Eris pointa-t-il du doigt l’escalier de cristal droit devant eux. »
En dessous d’eux, au dehors de la salle de l’Utérus où Aiolia combattait, il ne restait plus rien.
Le choc de l’affrontement entre Mayura et Até avait emporté tout l’étage.
Il n’y avait guère que les colonnes, désormais toutes effritées, qui soutenaient tant bien que mal les niveaux supérieurs.
Les nombreux couloirs, les ornements et autres décorations, tout avait été arraché.
Les murs emportés.
Le jour passait et traversait l’étage par tout son pourtour.
Sur le sol de pierres blanchies, creusé comme le plafond par l’explosion, Mayura, fort diminuée, redressait difficilement son buste.
Tenant sa tête au masque fissuré depuis son impact à l’½il, elle chercha instinctivement son ennemie.
Celle-ci avait repris forme humaine. Du moins, pour ce qu’il en restait.
Até rampait à l’aide de son seul bras gauche. L’autre ainsi que ses jambes furent emportés. Ses cheveux avaient brûlé. Ses dents brisées étaient visibles puisque sa mâchoire était fracturée.
Néanmoins, elle paraissait plus prompte à achever son adversaire que ne l’était Mayura.
Etourdie, engourdie, la Saint d’argent voyant poindre le danger sans pouvoir s’en dépêtrer.
C’est alors que la voix salvatrice de Rigel la rassura : « Ignis Fatuus. »
Des flammes bleues et blanches encerclèrent alors Até avant de se replier sur elle.
Recroquevillée sur elle-même, la Dryade fixait avec désarroi l’amant de Kyoko qui la toisait avec dédain.
Carbonisée peu à peu, Até put voir dans les yeux de Rigel sa ranc½ur envers elle après l’assaut du Sanctuaire.
Rigel acheva le tas de cendres en le piétinant.
Il aida ensuite Mayura à se remettre sur pieds : « Félicitations Mayura, tu es venue à bout de la chef des Dryades.
_ Je n’y serai pas parvenue sans toi, assura-t-elle avec modestie tout en touchant l’armure corrodée de son ami.
_ Oui, comprit-il, j’ai moi-même rencontré quelques obstacles avant d’arriver jusqu’ici. »
Pour accompagner leurs congratulations, un tapotement de main, mimant lentement un applaudissement, les ramena à eux.
Vêtue de sa toge de Saintia, dissimulée sous un masque de démon, Olivia se joignit à eux.
Le masque noir et amarante contrastait avec la couleur immaculée de sa robe et ses ornements dorés autour de la taille, du cou et dans les cheveux.
C’est cela et ses cheveux violets qui induirent Rigel en erreur : « Kyoko, s’éprit-il en avançant spontanément vers elle !
_ Non, le retint Mayura par le bras ! Elle lui ressemble, son aura lui ressemble, mais si tu te concentres bien, tu verras que ce n’est pas elle. »
Le Saint d’Orion stoppa sa progression et s’exécuta.
_ « En effet. Leurs cosmos sont familiers à bien des points. Mais ce n’est pas le sien.
_ Rejoins Eris et vite. Laisse-moi avec elle. Tu ne l’intéresses pas. Pas encore en tout cas.
_ Pas encore ?!
_ Elle se serait déjà mise en travers de ta route si ça avait été le cas. »
Rigel s’exécuta alors. Il prit la direction empruntée plus tôt par Juan et Georg en prenant soin de ne pas perdre de vue Olivia de crainte de subir une attaque dans le dos.
Une fois seules, Olivia ôta son masque pour fixer de ses grands et beaux yeux bleus la femme Saint.
_ « Je ne sais vraiment pas comment vous faites les femmes chevaliers pour porter un masque à longueur de temps.
_ Tu aurais peut-être pourtant dû en porter un à l’époque vu comme tu t’es détourné du v½u pieux des Saintias. Une vie de Saint plutôt que de Saintia t’aurait mieux convenu.
_ Toujours à redresser les torts de tes semblables Mayura, souriait-elle de sa mine angélique. Certaines choses ne changeront jamais.
_ Contrairement à d’autres. Malgré que tu ais trahi le serment chaste des Saintias, je ne t’aurai jamais cru capable de te lier un jour à Eris en tant que Fantôme.
_ Elle est ma fille. C’est tout naturellement que je me suis jointe à elle. Quand dans les entrailles du Sanctuaire l’Utérus m’annonçait le retour d’Eris qui se réincarnerait en une de mes filles, j’ai toujours pensé que Shoko serait choisie mais…
_ Mais au final Kyoko était toute disposée ! Après tout, elle suivait le digne chemin prit par sa mère ! »
Pour réponse, Olivia arracha sa tunique. Habillant son corps nu, une Leaf fine et moulante épousait son corps.
Cette fois-ci couverte de ténèbres et de sang, Olivia garda son sang-froid.
_ « Tout à fait. D’ailleurs je trouve qu’elle a meilleur goût que moi pour les hommes. Ce Rigel est très beau et parait bien plus sincère en amour qu’il ne l’est en chevalerie, contrairement au père de mes enfants.
_ Aeson n’a fait que son devoir. C’était la pire punition qu’il put recevoir pour expier sa faute. Le fait qu’il l’accomplisse était tout à son honneur.
_ Comme tu as accompli le tien mon amie, restait-elle douce.
_ Si j’ai accepté de confier tes filles à un soldat du Sanctuaire, c’était justement par fidélité en notre amitié. Nous avons fait nos classes ensemble. Je ne pouvais pas laisser tes enfants, nées d’un péché à l’encontre d’Athéna, être condamnées à mort. La sentence dans ce cas est irrévocable. Et pourtant, en prenant le risque d’être désavouée et en le demandant au Grand Pope, j’ai obtenu pour elles la vie.
_ En les cachant à leur vrai père, les condamnant à une vie de misère, tu n’as surtout pensé qu’à sauver ta peau.
_ Pardon ?!
_ Tu savais très bien pour l’existence de mes enfants. Tu étais présente lors des missions extérieures auxquelles j’ai pris soin de participer, pour vivre secrètement et loin du Sanctuaire mes deux grossesses. Tu savais qu’à chaque retour je les confiais à Aeson et venais les visiter en secret. Et quand nous fûmes découverts par le Pope, tu as surtout eu peur qu’il comprenne que tu étais dans la confidence et que tu sois condamnée toi aussi.
_ Tu sais très bien que si cela avait pu t’épargner, j’aurai donné ma vie à ta place pour que ces enfants vivent auprès de leur mère.
_ Balivernes ! Au lieu de ça tu es montée dans la hiérarchie au point d’être reconnue de tous ! De devenir la femme Saint la plus puissante du Sanctuaire ! Allant jusqu’à t’attirer les faveurs d’un des plus dignes Saint d’or !
_ Tu es devenue complètement folle. Du moins… Tu l’as toujours été… Par deux fois, à chaque naissance de tes enfants, je lisais dans le ciel qu’elles étaient nées sous la même étoile de mauvais augure. Je pensais que c’était ton parjure qui les avait condamnées. Mais en réalité, c’était l’essence même de ta personnalité qui a empoisonné leur destin.
_ Comme nos bons vieux coups de gueule m’avaient manqué. Je sens que notre réunion de famille va être palpitante.
_ Notre réunion de famille ?!
_ Qui crois-tu que Rigel va trouver sur son chemin ? Son maître Aeson ? Ma fille ? Les deux peut-être ? Il ne manque que toi et moi à la fête !
_ Tout… Tout ceci… Tout ce qui se passe ici… Tout ça n’est donc qu’une mascarade ?
_ Je peux te le dire puisque tu n’y survivras pas. C’était l’occasion pour ma fille de régler ses comptes avant que nous ne disparaissions un moment. Il ne manque hélas que Shoko. Mais nous aurons plaisir à la rallier à nous lorsque le vrai moment sera venu pour Eris d’être sur le devant de la scène, en pleine disposition de ses moyens.
_ Rallier Shoko ?!
_ Comme moi, écarta-t-elle les bras d’un air chaleureux. Comme Aeson le fera, pétri de remords qu’il est. Comme Rigel le fera, amoureux éperdu qu’il est. Bientôt les Dryades ne seront plus que des sous-fifres dirigés par les Fantômes d’Eris, notre famille enfin réunie.
_ Tu es complètement folle, je dois t’arrêter coûte que coûte, dit Mayura en se mettant garde. »
Tout en paraissant délicate, Olivia concentra sa cosmo énergie. Elle dessina dans son dos une chouette d’un blanc immaculé.
_ « Symbole d’Athéna, je ne garde de la chouette que ses chuintements, ses cris stridents, son vol fantomatique et ses cavalcades, afin d’accréditer une présence spectrale. La chouette effraie, appelée communément la dame blanche, va te dévorer ! »
La chouette cosmique déploya ses ailes pour faire face au plumage radieux du Paon.
Le plumage d’Olivia devenait de plus en plus grand. Menaçant. A mesure qu’il s’étirait, il s’étiolait. Bientôt chaque aile devint un voile, un effluve spectral.
_ « Je vais supprimer le poison qui se niche dans ton c½ur : Hisen Hajakuchobuku, s’élança Mayura en première ! »
Les yeux noirs de la chouette transpercèrent en plein élan Mayura, perçant chaque épaule pour mieux stopper sa course et l’immobiliser.
La tête de la chouette prit forme humaine. Un visage féminin angoissant, laiteux, à la bouche grande ouverte vint engloutir la Saint d’argent à la tentative annihilée.
_ « Yokai O Musabori Kuu ! »
Dans la salle du c½ur de l’Utérus, le sang s’étirait du visage d’Aiolia jusqu’au sol sous la forme de filaments.
A genoux, commotionné, écorché et estropié, Aiolia distinguait mal ses adversaires de ses yeux gonflés d’hématomes.
Hysminai posait sa main sur le torse de Galan pour le féliciter.
Le corps du Fantôme profitait des clignotements rubiconds du c½ur de l’Utérus pour résorber ses blessures. Des écorces de bois cicatrisaient ses plaies.
_ « Son King’s Roar est de plus en plus fort et de plus en plus développé à chaque utilisation. Eris a gorgé sa vie de plus de puissance, constatait Aiolia. Et l’Utérus le dope continuellement, allant jusqu’à le transformer en monstre. J’ai tellement été abasourdi par la nouvelle de sa mort, que je me suis refusé de le condamner à nouveau. J’aurai tellement aimé l’épargner… Le sauver… Mais là… Il n’a plus rien d’humain… Ce monstre risque de me surpasser. Et avec cette Dryade de haut niveau, je risque d’échouer. »
Peinant à se mettre debout, Aiolia redressa d’abord son buste en se forçant à rester à genoux.
Galan, pris au piège de l’Evil Seed planté en lui de force, resta admiratif. L’image du jeune Aiolia qui se teintait les cheveux de cuivre il y a presque dix ans, mais qui faisait déjà preuve d’une grande détermination, lui revint en mémoire.
Pour taire la douleur, Aiolia fit brûler son cosmos à son paroxysme.
Galan ne put refreiner de son ½il humain une larme de compassion.
Son geste de courage agrandit les plaies du chevalier. Son cosmos scintillant fuyait son corps en se mêlant à son sang.
Prenant du plaisir en admirant la douleur d’Aiolia, Hysminai commenta : « Son corps meurtri ne peut contenir un tel flot d’énergie. Ses hémorragies font s’aggraver. Son sang va s’échapper. Il va se vider de son cosmos. Du coup, il ne pourra concentrer en lui aucune force. Il est à ma merci. »
Ne réalisant pas que le cosmos d’or s’extirpait des particules de sang et remontait dans les airs, Hysminai fonça sur Aiolia.
Temporairement émancipé de l’Utérus, Galan identifia l’attitude d’Aiolia : « Photon Invoke. »
_ « Cette technique est à double tranchant… J’ai besoin d’encore un petit peu de temps… Je ne vois pas d’autre moyen de détruire l’Utérus. Mais il va falloir que je me débarrasse d’Hysminai avant qu’elle ne se rende compte de la supercherie. »
Lorsqu’elle arrive à sa portée, il déclencha un Lightning Plasma dont elle ne soupçonna ni la force ni la vitesse.
Elle s’écrasa plus loin au sol après avoir été repoussée dans les airs.
_ « Ah ! Il te restait encore tant de forces, se rétablit-elle avant de sourire, mais c’est désormais trop peu pour me résister. »
Aussitôt, des entailles nouvelles et profondes déchirèrent la peau d’Aiolia qui n’avait rien vu de la contre-attaque : « Elle se relève comme si de rien n’était, s’inquiéta-t-il. Normalement cette attaque aurait dû la diminuer davantage…
_ Tu te demandes comme se fait-il que je contre tes attaques et les encaisse si bien, lut-elle presque dans ses pensées ? Regarde tes cuisses, sur lesquelles tu prends puissamment tes appuis lorsque tu attaques. Regarde tes bras, desquels tu fais jaillir ta force. Depuis le début du combat, ces points sont lacérés de plus en plus profondément. Laissant mon cosmos s’insinuer en toi. Il t’empoisonne. Et tandis que ta vie se dérobe, je peux maintenant voir la vitesse de ta technique décélérer et comprendre quels coups encore mortels je dois esquiver et ceux que je peux encore encaisser. Tout en ayant le temps de placer ma technique. Serrated Blade, repartit-elle à nouveau à l’assaut !
_ J’encaisserai tes lames jusqu’au bout ! Tant que je n’aurai pas eu raison de toi ! Lightning Plasma, lui barra-t-il la route de son bras droit ! »
Hysminai se fraya un chemin entre les jets de lumière. Ses boomerangs coupants pénétraient sa peau et entamaient chaque fois un peu plus profondément sa Cloth.
Quelques heurts ralentirent malgré tout la progression d’Hysminai et, lorsqu’elle arriva à hauteur du Lion pour lui trancher la tête, il lui barra la route en dressant son bras gauche chargée d’une boule de cosmos crépitant d’éclairs.
Au contact de la Dryade, ce Lightning Bolt doubla de volume pour avaler sa poitrine puis doubla à nouveau pour engloutir son corps tout entier et la repousser jusqu’au précipice, la Leaf arrachée.
Tête baissée, visage ombragé, Aiolia semblait avoir perdu connaissance après un tel exploit.
Dans la salle, les particules de cosmos libérées par ses effusions de sang gagnaient encore en puissance et en éclat. Elles demeuraient en suspension dans l’air comme une nuée d’insectes.
Bras encore tendu, instinctivement combatif, Aiolia fut ramené à lui par une douleur lui déchirant les entrailles.
Son premier réflexe fut de chercher Hysminai. Cependant, celle-ci demeurait étourdie là où il l’avait vu retomber quelques secondes plus tôt sous le coup du Lightning Bolt lancé par surprise.
En baissant son visage ruisselant de sang, il identifia la douleur en reconnaissant quelque chose de semblable à une branche qui lui a perforé les côtes droites du dos vers le ventre.
Légèrement suspendu dans les airs par le bras difforme et allongé de Galan, il pivota son buste en derrière.
_ « Non… Ce n’est pas vrai… Il y en a marre… »
Encore une fois, le Fantôme avait un élan belliqueux, l’Utérus l’avait réinvesti.
Malgré tout, Galan continuait de reconnaître la technique à venir d’Aiolia : « Cosmo Open. »
A cet instant, Aiolia comprit : « Il s’est souvenu des étapes de ma technique. Et l’Utérus en infiltrant sa mémoire anticipe. »
De nouveau, le Fantôme développa une dysmorphie encore plus grossière, témoignant de la surenchère de puissance qui rongeait Galan.
Pour la première fois, il ne put contenir un hurlement. Véritable rugissement de folie et de souffrance.
Son membre végétal grossissait de l’épaule au bout de ses doigts, agrandissant ainsi l’orifice qui maintenait Aiolia suspendu.
Tandis qu’il déplorait son impuissance, épargné encore de l’écartèlement grâce à sa Cloth d’or qui s’évertuait dans de très aigus crissements à ne pas se briser davantage malgré la trouée faite dans son buste, Aiolia eut le souffle coupé en voyant Hysminai déjà reparti à l’assaut.
Le plastron détruit, le casque brisé, les crans aux bras et aux coudes arrachés, la Dryade brandissait au-dessus de sa tête un morceau de lame de sa Leaf qu’elle ramassa dans la mare de sang où elle gisait plus tôt.
A sa merci, Aiolia compta sur des abdominaux quotidiennement travaillés pour se gainer à la dernière seconde et opposer d’un mouvement acrobatique le poing de Galan sortant de sa poitrine plutôt que le sommet de son crâne.
Le geste désespéré de la Dryade amputa Galan et permit à Aiolia de s’en extirper dans une vague de sang. Ne pouvant contenir l’hémorragie que maintenait la pression du bras de Galan dans sa plaie, Aiolia fut emporté avec Hysminai par la vague de sève qui fuyait également l’amputation de Galan.
Le vert blanchâtre de sa sève roula les deux opposants plus loin, laissant au sol une traînée de liquide visqueux.
Très vite, la plaie de Galan cicatrisa pour laisser apparaître par-dessus son moignon de nouvelles pousses déjà prêtes à éclore.
En même temps, à terre, la sève s’évaporait sous l’effet de la chaleur du sang doré d’Aiolia. Celui-ci rejoignait en de nouvelles particules toutes les autres déjà en suspens dans l’atmosphère.
Au bord du précipice, ruisselant d’hémoglobine, Aiolia commença à se tenir à nouveau sur ses jambes.
Quand tout à coup, Hysminai, dépassée par la situation, les lui balaya pour entamer un corps à corps.
Meurtrie par ses blessures, elle était devenue trop lente pour mettre en danger le Lion.
Ses coups de poings faisaient mouche mais ne parvenait en rien à faire incliner Aiolia.
Chacun leur tour, l’un frappait l’autre. Tour après tour, la jeune femme se remettait de plus en plus difficilement de chaque coup encaissé et frappait de moins en moins fort les siens.
Condamnée, elle fut sauvée par un dernier rugissement de Galan.
Ce qui restait de sa Leaf avait volé sous la pression de son corps aux proportions absurdes. Putréfiée comme un fruit trop mûr, son épiderme craquelait pour laisser couler sur son corps un fluide oscillant entre le vert Véronèse et le marron.
Il se jeta sur Aiolia alors qu’Hysminai était à sa merci.
_ « Bordel ! Ce n’est pas vrai ! Ça ne va pas recommencer !
_ Oui ! Vas-y Fantôme d’Eris ! Accompli la volonté de l’Utérus et offre-toi une vraie vie bien plus héroïque que ta minable existence humaine ! »
Aiolia ferma les yeux un instant, désespérément.
Reprenant son souffle.
Puis expirant plus posément.
Abandonnant toute défense, tenant de sa main gauche son poignet droit qu’il leva en l’air, Aiolia tempéra les propos d’Hysminai : « Galan. Tu as vécu ta vie. Peut-être pas une vie aussi grande ni aussi belle que celle que tu aurais aimé. Mais cette nouvelle existence menace celle d’autres vies prometteuses et innocentes. Comme celle de Lithos…
_ Toutes ces particules, remarqua enfin Hysminai les scintillements dans l’air… On se croirait dans l’espace… Au milieu des étoiles, commença-t-elle à tendre la main vers l’une d’elle… »
La lumière se posa dans sa main puis pénétra à l’intérieur. Puis d’autres lui tombèrent dessus, sans la moindre douleur. Elles disparaissaient en son sein.
En faisant le tour d’elle-même, le phénomène se produisait de même sorte sur Galan et l’Utérus.
_ « … Elles traversent la matière, à la manière, écarquilla-t-elle en grand les yeux lorsqu’elle comprit trop tard, de véritables photons ! »
Bras au ciel, Aiolia provoquait le déplacement des photons vers ses adversaires.
Les bras grands ouverts pour mieux le capturer dans son étreinte, le front suintant de décomposition, Galan bava : « Photon Drive ! »
Hysminai aussi commença à se jeter sur le Saint d’or.
La menace était si sérieuse que la scène lui parût interminable. Comme bloquée, au ralenti, avec Galan, coupée de cette dimension, élancée dans les airs, elle était suspendue aux lèvres d’Aiolia qui poursuivait sa déclaration à Galan : « … Pour cela, je ne peux te laisser continuer. Mais avant de mettre un terme à cette torture qu’Eris t’inflige, je veux que tu saches que pour moi, ta vie fut grande. Tu fus un grand homme. Par ton sens du devoir, du sacrifice, pour ceux que tu aimes. Pour ta patience et ta foi envers un Sanctuaire qui ne t’a rien épargné. Tu as éduqué et canalisé le lionceau que j’étais. Tu m’as fait devenir lion après que le chaton a marché dans tes pas de grand fauve. Tu n’es pas un lion noir au service d’Eris. Tu es un lion majestueux à la crinière flamboyante. Et c’est des crocs du jeune animal, que tu as épaulé que tu vas pouvoir reposer en paix à jamais !
_ De quelle paix lui parles-tu, vociféra Hysminai toute proche ? Il sera condamné aux Enfers et torturé pour l’éternité si tu l’élimines aujourd’hui !
_ Dans ce cas Galan, ferma-t-il les yeux alors que ses deux adversaires étaient arrivés à un cheveu de lui, je te fais la promesse que nous détruirons le royaume d’Hadès et te libérerons du joug de sa servitude, rouvrit-il les yeux pour le fixer avec détermination ! Que ce soit moi ! Ou un autre Saint de cette génération ! Je l’épaulerai ! Je lui donnerai ma vie pour qu’il y parvienne ! Mais je te le promets ! Et tu sais à quel point je suis un homme de parole Galan ! »
Là, dans ses yeux devenus globuleux, Galan reprit dans son ½il bleu une expression chaleureuse.
A cet instant, par millions, des trouées de lumière jaillirent de l’Utérus.
Des pieds au sommet, d’un côté à l’autre, tel un soleil perçant un fin rideau de soie, les photons explosèrent.
_ « Photon Burst, conclut le Saint d’or ! »
Comme des lasers qui lui traversèrent les yeux, Hysminai fixa vainement Aiolia avant d’être anéantie de part en part. L’image de son invincible rival restant la dernière chose qu’elle emporta avec elle dans la mort.
Irradiant d’un bout à l’autre, Galan acheva sa charge en étreignant Aiolia.
Engourdi, incapable de se défendre, le chevalier ne sentit pas ses os se rompre.
En effet, Galan ne cherchait plus à le briser. Il l’enlaçait affectueusement.
Le poison quittait ses veines à mesure que les radiations jaillissaient de ses entrailles.
Il lui murmura à l’oreille d’une voix aussi bienveillante que dans ses souvenirs : « Merci Aiolia. Pour aujourd’hui. Pour hier. Pour demain… »
L'accolade devint moins insistante. Aiolia recula son buste et retrouva le Galan qu’il a affranchi. Amputé, borgne… et souriant.
Au même moment, depuis les catacombes, une lumière solaire remontait et corrodait l’arbre.
Etage après étage, la végétation s’assécha et abandonna le maintien de la structure qui tombait morceau après morceau. A commencer par le sous-sol où Milo vainquit plus tôt Phonos…
Face à eux, le n½ud de l’arbre ne clignotait plus comme pour simuler les battements d’un c½ur. Tel un rubis qui avait perdu de son éclat, il se fissurait. De ses craquelures, des rayons solaires baignèrent de lumière les deux amis.
Aiolia réalisa que pour Galan, c’était le moment de se dire enfin adieu.
_ « … Je suis fier de toi. Et je sais que tu tiendras ta promesse. Pas seulement pour moi. Mais pour tous ceux que tu as fait le v½u de protéger en devenant Saint. »
Alors, ne laissant Aiolia lui dire à quel point il l’aimait, il ferma pour la toute dernière fois sa paupière et se laissa tomber en arrière, répandant dans la salle les éclats de lumière qui consumèrent son corps.
Il disparut dans l’éclat qui remonta étage par étage et explosa chaque niveau au fil de son ascension.
Sans voix, Aiolia n’eut pas la force de regarder dans le vide.
Il cligna des yeux pour chasser ses larmes et leva la tête vers les étages supérieurs.
Sa mission était accomplie. Il devait se hâter de rejoindre ses compagnons pour achever Eris ou s’assurer qu’elle soit emportée dans l’explosion de son palais…
Plus loin, Shaka, suivi de Naïra, poursuivait l’ascension de la ziggourat par le flanc gauche.
Ils arrivèrent tous les deux au sommet de cette pyramide à étages.
_ « Magnifique Seigneur Shaka ! Nous sommes parvenus les premiers ici grâce à vous, le congratulait-elle. »
Shaka ne faisait pas montre du même optimisme.
Marchant calmement, il fit le tour de la plateforme en baissant puis levant continuellement la tête malgré ses yeux clos.
Une fois arrivé devant les deux obélisques qui marquaient la montée des marches vers le trône d’Eris, Shaka pointa enfin du doigt l’obélisque abîmé dans lequel fut encastré plus tôt Aeson : « Non… Nous ne sommes pas arrivés les premiers. »
La Saint de la Colombe constata alors tout autour du pilier et sur les marches des traces de lutte, de sang, ainsi que des morceaux de Cloth.
_ « En effet. A en juger les fractions d’armure ici présentes, au moins Aeson de la Coupe est parvenu jusqu’ici.
_ Ce qui est surprenant, c’est qu’il n’est plus là. Il n’y a d’ailleurs plus personne à cet étage, pointa Shaka le trône d’Eris vide.
_ Vous voulez dire que…
_ Oui. Après avoir accueilli ici Aeson, Eris est ensuite descendue dans l’Utérus à la rencontre d’autres Saints.
_ Mais pourquoi ? Ça n’a aucun sens !
_ Peut-être plus qu’on ne le croit. Avant d’être Eris, Kyoko était une habitante du Sanctuaire. Je suis convaincu qu’elle connaît certains d’entre nous ici présents.
_ Mais alors… Aeson…
_ Oui. Le fait qu’un Saint d’argent soit parvenu jusqu’ici sans même le Saint d’or qu’il accompagnait, et pas des moindres en la personne de Milo du Scorpion, a dû être possible du fait de la volonté d’Eris. Et d’ailleurs, où est-il à présent ? S’il a été défait, où est son corps ?
_ Je n’aime pas ça.
_ Moi non plus. Descendons. Il nous faut retrouver Eris au plus vite et achever cette mission avant que la situation ne nous échappe totalement. »
Un peu plus bas, Rigel repoussait un nouvel adversaire.
Grand et indéniablement athlétique, cet homme Dryade croula sous une déferlante de flammes : « Cosmic Inferno ! »
Il accourut jusqu’à la Dryade agonisante qu’il saisit par le col : « Kyoko ! Eris ! Est-elle encore loin ?! »
Suffocant à son hémorragie interne, l’ennemi mourut pris d’un fou rire angoissant.
_ « Ils ne diront rien. Même sous la torture les Dryades sont fidèles à leur déesse, le résigna une voix connue. »
Lorsqu’il redressa son buste, Rigel reconnut son maître, désormais son pair.
_ « Aeson ! Alors votre groupe avec Milo et Apodis est parvenu à progresser depuis votre position initiale ! »
Le Saint au bandeau rouge demeurait immobile. Silencieux.
_ « Allons, pressons-nous ! La direction des étages supérieurs est par… »
Rigel ne put finir sa phrase lorsqu’il remarqua la teinte différente de l’armure de son maître.
_ « Aeson ! Votre Cloth ! »
D’ordinaire argentée, elle brillait cette fois-ci de ténèbres et de sang.
_ « Il n’est pas la peine de poursuivre ta route.
_ Que dites-vous ? Et que portez-vous sur le dos ? »
Pour seule réponse, Aeson, le regard vague, s’agenouilla en sentant dans son dos l’approche d’une silhouette dans l’ombre.
_ « Mon père a dit qu’il n’est pas la peine que tu montes davantage, lui répondit une voix de femme. Quant à ceci, c’est une Leaf, caressa Eris de sa main l’épaulette d’Aeson.
_ Kyo… Kyoko ?! Aeson… Ton père ?!
_ Laisse-moi donc tout t’expliquer avant que n’arrivent mes derniers invités… »
Flashback
Assis au bord d’une falaise, Kyoko tend sa coupe à Mars qui la lui remplit.
Ne restant qu’un fond, il la finit à la bouteille puis la balance suivit de sa coupe vide vers l’horizon que fixe Kyoko.
_ « Tu bois beaucoup ma s½ur ! Ça ne fait qu’interrompre ton histoire !
_ Et toi tu bois mal mon frère ! Ça te rend grossier ! »
En Argentine, dans le night-club, Tromos est aux portes de sa vengeance.
En poussant la porte gardée, il débouche enfin sur un grand bureau. Celui-ci dispose d’un mur fait de télévisions retransmettant la vidéosurveillance de l’établissement.
Affalé dans son siège en cuir, le propriétaire du Disfrute n’en revient pas : « Je ne pensais vraiment pas que tu arriverais jusqu’ici. C’est lorsque tu as vaincu facilement le monstre dans la cave que j’ai commencé à avoir des doutes… »
L’ignoble individu dévoile enfin son visage à Tromos instantanément saisi.
_ « … Tu as gagné, achève sa phrase le chef de gang. Je t’engage ! Je vais faire de toi un homme riche. Tu auras tout ce que tu veux.
_ Tu… Tu n’as pas changé, reste un instant bouche-bée Tromos devant lui. Hormis quelques rides, tu restes le même que dans mes pires cauchemars. Un visage crapuleux, chauve avec tout le crâne tatoué, un menton carré et des dents pointues.
_ On se connaît ?!
_ Il y a vingt-et-un ans. Je n’étais qu’un petit garçon, frêle et innocent comme tous les enfants de huit ans. Un petit village dans lequel tu instaurais déjà la terreur. Tu obligeais les gens, de courageux ouvriers travaillant pour nourrir leurs familles, à te verser presque l’intégralité de leurs revenus, sous prétexte qu’ils vivaient dans une citée dont tu te prétendais maître. Tu te servais de cette zone résidentielle pour commencer tes basses besognes. Prostitution, trafic de drogues… »
Toujours confortablement installé dans son siège, le malfaiteur s’allume une cigarette en se sentant glorifié par cette histoire.
_ « Oh tu sais, j’ai commencé jeune à monter mon empire. Je ne me souviens pas de toi.
_ Moi je me souviens de cette nuit où tu es venu en personne punir mon père, qui n’avait pas assez d’argent pour payer ta taxe clandestine. J’ai été le seul à avoir eu le temps de me cacher sous le lit de mes parents. Je me souviens de tout. De tes hommes battant mon père. Le laissant tout juste conscient, pour qu’il puisse te voir violer ma mère et déshonorer mon frère avant de les égorger. Je me remémore encore l’incapacité de ma petite s½ur à répondre, lorsque tu lui as demandé lequel des jumeaux d’un mois elle voulait sauver, alors que tu lui promettais qu’elle aussi s’en sortirait si elle choisissait. J’ai encore ses cris gravés dans ma mémoire lorsque tes hommes ont abusé d’elle, alors qu’elle n’était qu’une enfant pendant que tu m’étais le feu au berceau des deux bébés qui pleuraient car ils mourraient de faim. Et chaque jour, je me vois impuissant, à essayer de tirer mon père immobilisé pour le sauver du feu qui se propageait dans la maison. Il n’y a pas un instant, pas un soupir, durant lequel je ne me maudis pas d’avoir échoué et d’avoir laissé cette peur de petit garçon me forcer à prendre mes jambes à mon cou pour échapper au même sort que les miens.
_ Mouais, recrache insensible Segador sa fumée… Une de mes aventures parmi tant d’autres. Loin d’être la plus palpitante !
_ Comment, s’avance le poing serré Tromos ?! »
Contre toute attente, de chaque côté du large bureau, tapis dans l’ombre, sortent deux derniers hommes de main.
_ « Je te présente les plus habiles tueurs de mon gang. Ils manient aussi bien tous les types d’armes que les styles de combats à mains nues. Je sens que tu vas m’offrir un spectacle beaucoup plus digne que celui de ta mère et ta s½ur dont je ne me souviens pas. »
Ces mots suffisent à faire basculer définitivement Tromos dans cette soif de justice subjective que véhicule Vasiliás.
Sans même laisser le moindre agent réagir, il les terrasse en les tranchant tous les deux en deux à hauteur du buste.
_ « Le Berserker de la Royauté, notre Roi, a raison. Le mal doit être éradiqué à la source. Et je vais m’en charger avec toi. »
Malgré sa fin imminente et inévitable, Segador se permet de se moquer de ses anges gardiens qui gisent au sol : « Les pauvres. Ils devaient manquer d’entraînement ! »
Cette indifférence ne démotive pas l’Arèsien, au contraire.
Il bondit sur Segador et se retient du mieux qu’il peut pour ne pas le tuer d’un seul coup.
En le callant bien dans le creux de son siège, il lui assure : « Je vais te réserver les pires tourments que tu as commis. Et je te promets, moi, homme de parole, que tu perdras ton sourire narquois avant de rendre ton dernier souffle. »
La cigarette lâchée sous le choc, Segador continue d’afficher sa mine sournoise alors que le mégot lui brûle la cuisse, comme pour annoncer que la tâche sera ardue…
En Grèce, les clients de la brasserie sont incommodés par les éclats de voix du couple contaminé par les Evil Seeds d’Eris.
En intérieur, ils s’inquiètent des débris de vaisselles produits par la table retournée dans l’élan de colère de l’amoureux éconduit.
Tandis qu’il lève la main en l’air pour réprimander sa bien-aimée, le serveur, amant secret de la cliente, se précipite vers lui.
_ « Je crois que j’aurai mieux fait de commander un autre verre, soupire Mars. Tu as fait germer trop tôt ta graine, alors qu’il te reste encore beaucoup de péripéties à me raconter.
_ Justement, nous avons tout le chemin du retour pour achever cette histoire. »
Pris de panique et de colère, le serveur ramasse sur son passage une bouteille en verre.
Il la fracasse sur la tête de l’homme irrité qui s’écroule inconscient au sol.
Dès lors, sans qu’elle ne réalise vraiment pourquoi, prise d’un excès d’adrénaline en plein tourment, partagée entre la nostalgie d’un amour passé avec son compagnon qu’elle souhaite quitter et la fureur de l’instant, la cliente ramasse un couteau sur le sol. Elle poignarde en plein c½ur son amant, à qui elle en veut d’avoir frappé son petit ami.
La foule en reste stupéfaite. Incapable de la moindre réaction.
Interdit, ce dernier lâche le tesson de la bouteille qu’il a brisé sous le choc et s’écroule impuissant.
Il tombe à côté du conjoint qui reprend ses esprits.
Furieux envers sa compagne de son infidélité, il récupère le tesson et transperce à plusieurs reprises sa gorge.
Les spectateurs, cette fois-ci, hurlent et fuient dans toutes directions.
Seuls restent à proximité Kyoko et Mars qui se délectent du spectacle.
L’homme trompé, devenu assassin, réalise son acharnement mais n’en perd pas son panache.
Totalement recouvert du sang de sa bien-aimée, il finit par se lacérer son propre visage par culpabilité. Si profondément que lorsqu’il achève son acte, la douleur est trop atroce pour le supporter.
Tandis qu’il convulse, Kyoko détendue devant les trois corps sur la terrasse déserte, récupère dans le seau à glace d’une table voisine une bouteille de champagne et deux coupes.
_ « Voici ce qu’est la discorde. Voici un échantillon de tout ce que j’ai semé.
_ Dans ce cas, entamons le chemin du retour tandis que tu termines de me raconter comment nous en sommes arrivés à un tel niveau de corruption chez l’homme, l’enjoint-il en piétinant le mourant qui se tortille au sol… »
Flashback
Sur tout le Sanctuaire, semblable à un nuage de lucioles, les pétales de l’Utérus pleuvaient.
Les villageois s’en émerveillaient, les prenaient dans la main, sans en percevoir le moindre effet.
A l’Ouest, Marin esquivait ces Evil Seeds tout en écrasant une à une les Dryades qui éclosaient sur son chemin.
_ « Le camp des femmes a été ciblé. Qu’on me barre ainsi la route n’est pas anodin. Et cette frappe à cet endroit précis ne peut qu’être un stratagème pour focaliser notre attention. Il s’agit à coup sûr d’une diversion. Ces fleurs feraient-elles parties du plan ? J’aurai peut-être dû prendre Seiya avec moi ! Même s’il a encore beaucoup à apprendre, son niveau actuel m’aurait permis de me déblayer le passage ! »
Tout à coup, comme pour exaucer son besoin de renforts, deux voix familières lui parvinrent.
_ « Funerary Torments ! »
_ Mavrou Tripa ! »
Sergent et vétéran du domaine, Circinus du Compas balaya toutes les Dryades encerclant Marin.
Son supérieur, Misty du Lézard déblaya l’horizon devant eux.
Le Saint de bronze et son lieutenant se joignirent à la bataille.
Misty l’encouragea à plus forte raison qu’en qualité de capitaine de l’armée il était le meneur de sa caste : « Allons Marin ! Il faut faire vite ! Nous allons t’escorter ! »
Tous trois reprirent la route à grandes enjambées.
Dans la forêt, Emony pleurait devant les morceaux déchirés de son ours en peluche.
_ « Quelle méchante dame Mick ! Je t’ai vengé en lui donnant une bonne leçon. »
Dans son dos, Geist était inconsciente, prisonnière du Lunatic Bind.
_ « Bien. Je vais rejoindre Bunyip maintenant. Heureusement qu’il me reste mon animal de compagnie pour me consoler.
_ Attends, lui répondit la tête arrachée de Mick !
_ Mick, s’étonna-t-elle, ce n’est pas possible ?! Tu ne parles pas ?!
_ Je ne suis pas censé cracher du feu non plus, articula-t-il les lèvres.
_ Mais si tu fais cela, c’est parce que je t’enchante avec mon cosmos ! Donc là, si tu parles, c’est que… »
Elle se tourna d’instinct vers Geist toujours étendue.
_ « C’est que quelqu’un est capable de produire des illusions avec le sien, poursuivit Mick. »
L’ourson lui balança une déflagration semblable à celle reçue par Rumi.
Prise à revers, Emony fut balayée dans un cri de souffrance par son propre piège.
_ « Phantom Genwaku Ken, se redressa Geist en invoquant son arcane ! »
Retombée tête la première, face contre sol, Emony pleurnicha de colère. Comme une enfant gâtée, elle tapotait des poings en se relevant : « Comment peux-tu ?! Comment peux-tu ?! Comment peux-tu ?! Tu as joué avec Mick alors que je ne t’y ai même pas autorisé ! Tu vas payer ! Tu vas payer ! Tu vas payer ! »
Aussitôt sa crise passée, Emony fixa du coin de l’½il Geist avant de foncer sur elle à une vitesse que la mercenaire ne lui soupçonnait pas.
Elle lui asséna un coup de tête.
Reculant d’un pas, Geist voulu réagir mais sa droite brassa de l’air car Emony retomba au sol en tournoyant sur elle-même.
A peine elle eut regagné le sol avec ses pieds, elle cogna à hauteur du genou avec sa jambe Geist, afin de la faire plier légèrement. Puis totalement, grâce à un direct du gauche dans l’estomac qui la fit se pencher en avant. Emony n’eut plus qu’à bondir vers l’avant pour frapper avec le sommet de son crâne le menton de Geist, afin de l’étourdir et déclencher sa seconde technique : « Innocent Glumness ! »
Cette fois-ci, les lobélies prirent la forme de papillons par centaines qui rossèrent toutes la surface du corps de Geist.
Elle retomba plus loin, incapable de réagir.
_ « Tu pensais t’extraire facilement de mon Lunatic Bind n’est-ce pas ?! Certes il n’est pas parvenu à te faire plonger dans un cauchemar éternel, mais il a quand même absorbé peu à peu tes forces !
_ Voilà donc pourquoi il m’est difficile de répondre à ses mouvements alors que je parviens à les lire, grommela Geist en se relevant.
_ L’Innocent Glumness est une technique de coups plus directs. Maintenant que tu es affaiblie, ce coup à la vitesse du son me suffit.
_ J’ai donc perdue en vitesse et en force de frappe. Mon prochain coup devra donc t’être fatal ! Phantom Genwaku Ken ! »
Cette fois-ci un varan énorme se matérialisa entre Geist et Emony.
En tournoyant sur lui-même, l’animal asséna un coup de queue qu’Emony esquiva sans mal.
Dans son geste, elle recula jusqu’au fronton d’un temple en ruine couvert de mousse.
C’est là qu’Emony se retrouva immobilisée malgré elle.
Geist matérialisa de nombreux avant-bras similaires à ceux de sa protection pour la clouer contre la pierre.
Profitant de la restriction et de l’effet de surprise, Geist apparut à la vitesse du son devant la gamine. Elle planta ses griffes dans ses yeux et ses joues avant de libérer tout son cosmos : « Thunder Claw ! »
Dans la gerbe de sang qui jaillit de la prise, s’insinua la foudre libérée par les Griffes de Tonnerre.
Parcourue au plus profond de ses entrailles par les éclairs, Emony convulsa pendant que sa peau noircissait sous la combustion…
A la sortie d’Honkios, dans le canyon délimitant la ville au reste du domaine, Shaina pouvait compter sur la force colossale de son élève pour assurer ses arrières.
L’Italienne taillait en pièce chaque adversaire. Comme de la mauvaise herbe, aussitôt une déracinée, trois autres poussaient.
Cassios veillait à ce que celle qu’il aimait en secret ne soit pas prise à revers.
Ecrasant leurs crânes entre ses mains, broyant leurs os, les repoussant par de grosses charges, il se démenait comme un diable tout en faisant la fierté du Saint d’argent de l’Ophiuchus.
_ « Cassios a énormément progressé ces dernières semaines. Néanmoins, sa maîtrise du cosmos reste limitée. Son endurance faiblit. Il s’épuise et bientôt, il n’arrivera plus à me suivre. La route vers le camp est encore longue. J’ai senti le cosmos de Geist brûler intensément avant de faiblir. Je dois vite la retrouver. Mais je ne peux pas abandonner Cassios ici. Il se fera vite submerger… »
C’est alors que la voix roque d’un ami la sortit de ses pensées : « Herakles Mo Shu Ken ! »
Deux météores immenses vinrent heurter la base d’une falaise et ensevelir pas moins de la moitié des Dryades qui bloquaient le passage.
Tombant à en secouer le sol devant son frère les mains sur les genoux, Docrates se joignit à la bataille : « Allons Cassios ! Un peu plus de cran ! Après tout, tu concoures pour devenir Saint ! Tu ne veux pas finir mercenaire comme ton frère ! »
Cassios sourit de joie, comme Shaina sous son masque.
_ « Docrates ! Ton aide sera la bienvenue, lâcha-t-elle.
_ Et les notre ne seront pas de trop non plus, ajouta une nouvelle silhouette postée en haut d’un rocher.
_ Algol ! Lieutenant du Nord !
_ Je ne suis pas seul, hocha la tête vers sa gauche le bien nommé. »
En effet, trois autres Saints d’argent venus de l’Est tombaient à pic.
_ « Dio ! Sirius ! Algethi ! Le trio argenté ! Lieutenants de l’Est ! Vous êtes là aussi, s’enthousiasma Shaina !
_ Tous les guerriers, Saints, soldats ou apprentis, se réunissent autour du camp pour bloquer la retraite des Dryades et escorter les femmes Saints souhaitant apporter leurs renforts, commença Dio.
_ Il est donc normal que nous nous rejoignons tous, poursuivit Sirius.
_ Nous allons te dégager le passage jusqu’au camp, entrechoqua ses poings Algethi ! »
Sur l’Utérus, au cinquième étage, Georg avait le visage plaqué sur le sol de glace.
La fraîcheur du parterre soulageait ses plaies, tandis que l’eau qui ruisselait des colonnes nettoyait son sang en rejoignant l’évacuation au centre de la plateforme.
_ « Parmi les Saints d’argent, je sais que je ne fais pas parti des plus rapides, songea-t-il. Mais lui, il fait clairement parti des Saints d’exception de notre caste. Pourtant, la force de frappe de mon éclair peut clairement le vaincre… S’il n’avait pas ce maudit bouclier !
_ C’est presque trop facile, le sortit Jan de ses songes. C’est à se demander ce qu’a donné l’instruction des Saints depuis ces derniers siècles, se tourna-t-il en direction du quatrième niveau.
_ Je ne peux pas abandonner maintenant, se résigna Georg. S’il descend par-là d’où je viens, il prendra Juan en étau avec son adversaire ! »
Faisant irradier son cosmos dans son dos, dessinant la constellation de la Croix du Sud, Georg reprit sa garde : « Attends ! »
Jan se dissimula aussitôt derrière une colonne de glace pour jouer de son reflet.
_ « Alors la leçon ne t’a pas suffi ?
_ Le combat n’est pas encore terminé, tira-t-il un éclair en direction de Jan en détruisant trois piliers sur son passage. »
Jan dégagea l’éclair d’un revers de bouclier avant d’aller se cacher derrière un autre.
_ « Mais qu’est-ce que tu veux faire pauvre fou ? Briser tous les piliers de ce niveau ?! Un tel geste ferait s’effondrer le niveau supérieur qui écraserait tous les étages inférieurs et précipiterait tes amis dans une mort certaine. Est-ce ce que tu veux ? »
La clairvoyance de Jan le désarçonna. Jan ne se cachait pas par faiblesse depuis le début. Il n’agissait ainsi que par stratégie. Dans le but d’entraver les actions entreprises par Georg.
_ « Il a raison, serra les dents Georg de colère. A moins de faire mouche avec un éclair dans lequel j’aurai mis toutes mes forces, je ne pourrai pas éternellement détruire la structure. Mais si je réduis ma force de frappe pour épargner les colonnes, je ne viendrai jamais à bout de lui, baissa-t-il sa garde.
_ Puisque tu veux mourir je vais exaucer ton v½u, le provoqua Jan ! »
Une goutte d’eau tomba du plafond de glace sur le sommet du crâne du Saint. Ses yeux s’écarquillèrent alors en grand : « Un éclair ne suffira pas ! Je dois d’abord l’immobiliser pour ensuite déchaîner contre lui toute ma cosmo énergie ! »
Une seconde, puis une troisième goutte, suivirent la première. Avant qu’un filet d’eau ne s’en suive.
Serrant les poings et grondant pour se donner du courage, Georg poussa son cosmos à son paroxysme : « Oh non je ne souhaite pas mourir ! J’ai une mission bien trop grande à remplir pour accepter de mourir en espérant que les générations futures me libéreront ensuite du Cocyte ! C’est aux Saints de cette génération et à moi-même de faire ce qu’il faut afin de ne pas revenir un jour en Ghost Saint fanfaronner sur nos exploits passés qui n’ont pourtant servi à rien ! Alors aujourd’hui, comme demain, je lutterai jusqu’au bout pour ne pas mourir ! Geistig Blitz ! »
Alors qu’il attendait dissimulé derrière un pilier cristallin qu’un nouvel éclair balaye l’horizon jusqu’à lui, Jan constata désarçonné que Georg libéra une simple fulgurance en direction du plafond. Plus précisément, sur le filet d’eau qui lui gouttait dessus.
Aussitôt, l’étage tout entier resplendit d’éclairs qui se répandaient du sol au plafond, d’un pilier à l’autre.
L’effet miroir de la structure électrisa Jan frappé de toute part.
Soulevé du sol, pris par d’innombrables spasmes en raison du courant qui traversait son corps, il ne perdit pas pour autant son air narquois.
_ « Tu as beau sourire, ton bouclier ne t’est plus d’aucune utilité ici !
_ Qu’importe ! Pour conduire ton électricité sans briser la structure tu en as réduit la force ! C’est bien trop peu pour me vaincre !
_ Alors je viendrai te briser moi-même ! »
Gardant son index droit pointé au plafond, Georg fonça le poing gauche chargé de cosmos sur Jan : « Geistig Blitz ! »
Malgré ses contractions, Jan demeura plus rapide que le Saint et se cacha derrière son bouclier pour contrer à nouveau le poing d’éclair.
Poing contre bouclier, index au plafond, Georg se servit alors de la conduction de l’électricité dans l’étage pour pousser davantage son cosmos contre Jan, tout en prenant soin de localiser l’impact.
Les spasmes devinrent alors plus conséquents. A chaque mouvement de membres, les vaisseaux sanguins de Jan bouillonnaient un peu plus, éclatant l’un après l’autre. La Leaf ne tint pas plus longtemps et, à l’endroit même où son corps se meurtrissait, la protection s’ébréchait.
Le Ghost Saint abandonna sa mine provocatrice et s’inquiéta plus sérieusement de la situation.
L’Ecu, symbole de sa constellation, irradia dans son dos tandis que les éclairs crépitaient sur sa peau.
Plus son cosmos émanait de lui, plus les éclairs étaient repoussés.
_ « C’est impossible, vit Georg la victoire s’échapper un peu plus ! »
Enfin, il dégagea de son être une bulle de cosmos qui lui servit de bouclier contre lequel ricochèrent sans effets les éclairs.
Toujours en lévitation, cette fois-ci grâce à l’effet de son blindage, Jan tournoya de plus belle : « Je t’avais dit qu’au-delà de mon armure, j’avais fait de mon cosmos et de mon être un bouclier ! Bone Crush Screw ! »
La Vrille Briseuse d’Os retomba sur Georg qui resta immobile, abandonnant sa conduction d’électricité après avoir raidi son corps, comme s’il contractait tous ses muscles pour tenter d’encaisser l’attaque.
Au moment du choc, Jan perfora le sol, passant au travers de Georg dont la silhouette apparaissait pourtant encore.
_ « Geistig Blitz ! »
Georg usa de faisceaux d’éclairs pour laisser dans la rétine de Jan son image rémanente.
Jan comprit trop tard qu’il s’était empêtré dans la silhouette résiduelle faite d’éclairs.
C’est quand il constata que le vrai Georg était face à lui, prêt à décocher un nouveau coup, qu’il comprit que la crispation de Georg plus tôt n’était en fait qu’une accumulation de cosmos. Jan était prisonnier de son coup le plus puissamment frappé.
Dès lors, son cosmos et ses gestes entravés par la cage de foudre, il lui fut impossible de dresser son bouclier devant lui.
Jan voyait son autre point fort, après la défense, sa vitesse, être obstrué.
_ « Geistig Blitz ! »
Héros du passé, au prix d’un effort considérable, s’en rompant les nerfs, le Ghost Saint de l’Ecu réussit au dernier instant à ériger son écu devant lui pour se protéger.
Toutefois, c’est un nouveau Georg fantôme d’éclairs qui vint choquer contre.
_ « Comment, déplorait d’incompréhension Jan ?!
_ Geistig Blitz, relança cette fois-ci juste sous ses yeux le vrai Georg ! »
Là, Georg put pallier à sa lenteur en déclenchant sa plus grosse qualité, sa force de frappe.
Le poing chargé de tout son cosmos, il libéra une boule d’éclairs.
Son coup traversa net l’écu, arracha le haut du bras puis pénétra le c½ur de Jan.
Interloqué, reprenant difficilement son souffle, le Ghost Saint eut le regard brisé.
Tenant encore debout grâce au poing logé dans sa poitrine, il balbutia : « Plutôt que frapper par violentes ondes de choc… Tu as concentré ta force en des points précis… Pour m’immobiliser… M’affaiblir… Puis amoindrir la résistance de mon bouclier… Tout ça en transformant ton corps en bouclier d’éclairs… Des éclairs qui ont finis par me transpercer… Le meilleur bouclier… Au service de la meilleure attaque… C’est toi qui les as détenus au cours de ce combat… Ma trahison envers Athéna me réservera des châtiments encore pires que le Cocyte à présent… Ne tombe jamais dans mes travers… Ne regrette rien… Et tiens parole… Que ta génération et toi-même alliez au bout de ces Guerres Saintes… Libérez le monde de ces dieux tortionnaires… »
Puis, balayé par une bourrasque qui rafraîchit l’étage, Jan s’émietta comme les feuilles d’une fleur fanée emportée au gré du vent.
Au bord de l’épuisement, Georg commença à flancher quand soudain un bras au large écu le soutint. Celui-ci était argenté et familier.
_ « Heureusement qu’une fois de plus j’étais là, badina Juan !
_ Te voilà enfin arrivé, il t’en aura fallu du temps, grimaça de douleur Georg !
_ Si peu, commença-t-il à flancher à son tour avant que Georg ne le retienne.
_ Je pense qu’en nous soutenant l’un l’autre nous arriverons les premiers au palais d’Eris pointa-t-il du doigt l’escalier de cristal droit devant eux. »
En dessous d’eux, au dehors de la salle de l’Utérus où Aiolia combattait, il ne restait plus rien.
Le choc de l’affrontement entre Mayura et Até avait emporté tout l’étage.
Il n’y avait guère que les colonnes, désormais toutes effritées, qui soutenaient tant bien que mal les niveaux supérieurs.
Les nombreux couloirs, les ornements et autres décorations, tout avait été arraché.
Les murs emportés.
Le jour passait et traversait l’étage par tout son pourtour.
Sur le sol de pierres blanchies, creusé comme le plafond par l’explosion, Mayura, fort diminuée, redressait difficilement son buste.
Tenant sa tête au masque fissuré depuis son impact à l’½il, elle chercha instinctivement son ennemie.
Celle-ci avait repris forme humaine. Du moins, pour ce qu’il en restait.
Até rampait à l’aide de son seul bras gauche. L’autre ainsi que ses jambes furent emportés. Ses cheveux avaient brûlé. Ses dents brisées étaient visibles puisque sa mâchoire était fracturée.
Néanmoins, elle paraissait plus prompte à achever son adversaire que ne l’était Mayura.
Etourdie, engourdie, la Saint d’argent voyant poindre le danger sans pouvoir s’en dépêtrer.
C’est alors que la voix salvatrice de Rigel la rassura : « Ignis Fatuus. »
Des flammes bleues et blanches encerclèrent alors Até avant de se replier sur elle.
Recroquevillée sur elle-même, la Dryade fixait avec désarroi l’amant de Kyoko qui la toisait avec dédain.
Carbonisée peu à peu, Até put voir dans les yeux de Rigel sa ranc½ur envers elle après l’assaut du Sanctuaire.
Rigel acheva le tas de cendres en le piétinant.
Il aida ensuite Mayura à se remettre sur pieds : « Félicitations Mayura, tu es venue à bout de la chef des Dryades.
_ Je n’y serai pas parvenue sans toi, assura-t-elle avec modestie tout en touchant l’armure corrodée de son ami.
_ Oui, comprit-il, j’ai moi-même rencontré quelques obstacles avant d’arriver jusqu’ici. »
Pour accompagner leurs congratulations, un tapotement de main, mimant lentement un applaudissement, les ramena à eux.
Vêtue de sa toge de Saintia, dissimulée sous un masque de démon, Olivia se joignit à eux.
Le masque noir et amarante contrastait avec la couleur immaculée de sa robe et ses ornements dorés autour de la taille, du cou et dans les cheveux.
C’est cela et ses cheveux violets qui induirent Rigel en erreur : « Kyoko, s’éprit-il en avançant spontanément vers elle !
_ Non, le retint Mayura par le bras ! Elle lui ressemble, son aura lui ressemble, mais si tu te concentres bien, tu verras que ce n’est pas elle. »
Le Saint d’Orion stoppa sa progression et s’exécuta.
_ « En effet. Leurs cosmos sont familiers à bien des points. Mais ce n’est pas le sien.
_ Rejoins Eris et vite. Laisse-moi avec elle. Tu ne l’intéresses pas. Pas encore en tout cas.
_ Pas encore ?!
_ Elle se serait déjà mise en travers de ta route si ça avait été le cas. »
Rigel s’exécuta alors. Il prit la direction empruntée plus tôt par Juan et Georg en prenant soin de ne pas perdre de vue Olivia de crainte de subir une attaque dans le dos.
Une fois seules, Olivia ôta son masque pour fixer de ses grands et beaux yeux bleus la femme Saint.
_ « Je ne sais vraiment pas comment vous faites les femmes chevaliers pour porter un masque à longueur de temps.
_ Tu aurais peut-être pourtant dû en porter un à l’époque vu comme tu t’es détourné du v½u pieux des Saintias. Une vie de Saint plutôt que de Saintia t’aurait mieux convenu.
_ Toujours à redresser les torts de tes semblables Mayura, souriait-elle de sa mine angélique. Certaines choses ne changeront jamais.
_ Contrairement à d’autres. Malgré que tu ais trahi le serment chaste des Saintias, je ne t’aurai jamais cru capable de te lier un jour à Eris en tant que Fantôme.
_ Elle est ma fille. C’est tout naturellement que je me suis jointe à elle. Quand dans les entrailles du Sanctuaire l’Utérus m’annonçait le retour d’Eris qui se réincarnerait en une de mes filles, j’ai toujours pensé que Shoko serait choisie mais…
_ Mais au final Kyoko était toute disposée ! Après tout, elle suivait le digne chemin prit par sa mère ! »
Pour réponse, Olivia arracha sa tunique. Habillant son corps nu, une Leaf fine et moulante épousait son corps.
Cette fois-ci couverte de ténèbres et de sang, Olivia garda son sang-froid.
_ « Tout à fait. D’ailleurs je trouve qu’elle a meilleur goût que moi pour les hommes. Ce Rigel est très beau et parait bien plus sincère en amour qu’il ne l’est en chevalerie, contrairement au père de mes enfants.
_ Aeson n’a fait que son devoir. C’était la pire punition qu’il put recevoir pour expier sa faute. Le fait qu’il l’accomplisse était tout à son honneur.
_ Comme tu as accompli le tien mon amie, restait-elle douce.
_ Si j’ai accepté de confier tes filles à un soldat du Sanctuaire, c’était justement par fidélité en notre amitié. Nous avons fait nos classes ensemble. Je ne pouvais pas laisser tes enfants, nées d’un péché à l’encontre d’Athéna, être condamnées à mort. La sentence dans ce cas est irrévocable. Et pourtant, en prenant le risque d’être désavouée et en le demandant au Grand Pope, j’ai obtenu pour elles la vie.
_ En les cachant à leur vrai père, les condamnant à une vie de misère, tu n’as surtout pensé qu’à sauver ta peau.
_ Pardon ?!
_ Tu savais très bien pour l’existence de mes enfants. Tu étais présente lors des missions extérieures auxquelles j’ai pris soin de participer, pour vivre secrètement et loin du Sanctuaire mes deux grossesses. Tu savais qu’à chaque retour je les confiais à Aeson et venais les visiter en secret. Et quand nous fûmes découverts par le Pope, tu as surtout eu peur qu’il comprenne que tu étais dans la confidence et que tu sois condamnée toi aussi.
_ Tu sais très bien que si cela avait pu t’épargner, j’aurai donné ma vie à ta place pour que ces enfants vivent auprès de leur mère.
_ Balivernes ! Au lieu de ça tu es montée dans la hiérarchie au point d’être reconnue de tous ! De devenir la femme Saint la plus puissante du Sanctuaire ! Allant jusqu’à t’attirer les faveurs d’un des plus dignes Saint d’or !
_ Tu es devenue complètement folle. Du moins… Tu l’as toujours été… Par deux fois, à chaque naissance de tes enfants, je lisais dans le ciel qu’elles étaient nées sous la même étoile de mauvais augure. Je pensais que c’était ton parjure qui les avait condamnées. Mais en réalité, c’était l’essence même de ta personnalité qui a empoisonné leur destin.
_ Comme nos bons vieux coups de gueule m’avaient manqué. Je sens que notre réunion de famille va être palpitante.
_ Notre réunion de famille ?!
_ Qui crois-tu que Rigel va trouver sur son chemin ? Son maître Aeson ? Ma fille ? Les deux peut-être ? Il ne manque que toi et moi à la fête !
_ Tout… Tout ceci… Tout ce qui se passe ici… Tout ça n’est donc qu’une mascarade ?
_ Je peux te le dire puisque tu n’y survivras pas. C’était l’occasion pour ma fille de régler ses comptes avant que nous ne disparaissions un moment. Il ne manque hélas que Shoko. Mais nous aurons plaisir à la rallier à nous lorsque le vrai moment sera venu pour Eris d’être sur le devant de la scène, en pleine disposition de ses moyens.
_ Rallier Shoko ?!
_ Comme moi, écarta-t-elle les bras d’un air chaleureux. Comme Aeson le fera, pétri de remords qu’il est. Comme Rigel le fera, amoureux éperdu qu’il est. Bientôt les Dryades ne seront plus que des sous-fifres dirigés par les Fantômes d’Eris, notre famille enfin réunie.
_ Tu es complètement folle, je dois t’arrêter coûte que coûte, dit Mayura en se mettant garde. »
Tout en paraissant délicate, Olivia concentra sa cosmo énergie. Elle dessina dans son dos une chouette d’un blanc immaculé.
_ « Symbole d’Athéna, je ne garde de la chouette que ses chuintements, ses cris stridents, son vol fantomatique et ses cavalcades, afin d’accréditer une présence spectrale. La chouette effraie, appelée communément la dame blanche, va te dévorer ! »
La chouette cosmique déploya ses ailes pour faire face au plumage radieux du Paon.
Le plumage d’Olivia devenait de plus en plus grand. Menaçant. A mesure qu’il s’étirait, il s’étiolait. Bientôt chaque aile devint un voile, un effluve spectral.
_ « Je vais supprimer le poison qui se niche dans ton c½ur : Hisen Hajakuchobuku, s’élança Mayura en première ! »
Les yeux noirs de la chouette transpercèrent en plein élan Mayura, perçant chaque épaule pour mieux stopper sa course et l’immobiliser.
La tête de la chouette prit forme humaine. Un visage féminin angoissant, laiteux, à la bouche grande ouverte vint engloutir la Saint d’argent à la tentative annihilée.
_ « Yokai O Musabori Kuu ! »
Dans la salle du c½ur de l’Utérus, le sang s’étirait du visage d’Aiolia jusqu’au sol sous la forme de filaments.
A genoux, commotionné, écorché et estropié, Aiolia distinguait mal ses adversaires de ses yeux gonflés d’hématomes.
Hysminai posait sa main sur le torse de Galan pour le féliciter.
Le corps du Fantôme profitait des clignotements rubiconds du c½ur de l’Utérus pour résorber ses blessures. Des écorces de bois cicatrisaient ses plaies.
_ « Son King’s Roar est de plus en plus fort et de plus en plus développé à chaque utilisation. Eris a gorgé sa vie de plus de puissance, constatait Aiolia. Et l’Utérus le dope continuellement, allant jusqu’à le transformer en monstre. J’ai tellement été abasourdi par la nouvelle de sa mort, que je me suis refusé de le condamner à nouveau. J’aurai tellement aimé l’épargner… Le sauver… Mais là… Il n’a plus rien d’humain… Ce monstre risque de me surpasser. Et avec cette Dryade de haut niveau, je risque d’échouer. »
Peinant à se mettre debout, Aiolia redressa d’abord son buste en se forçant à rester à genoux.
Galan, pris au piège de l’Evil Seed planté en lui de force, resta admiratif. L’image du jeune Aiolia qui se teintait les cheveux de cuivre il y a presque dix ans, mais qui faisait déjà preuve d’une grande détermination, lui revint en mémoire.
Pour taire la douleur, Aiolia fit brûler son cosmos à son paroxysme.
Galan ne put refreiner de son ½il humain une larme de compassion.
Son geste de courage agrandit les plaies du chevalier. Son cosmos scintillant fuyait son corps en se mêlant à son sang.
Prenant du plaisir en admirant la douleur d’Aiolia, Hysminai commenta : « Son corps meurtri ne peut contenir un tel flot d’énergie. Ses hémorragies font s’aggraver. Son sang va s’échapper. Il va se vider de son cosmos. Du coup, il ne pourra concentrer en lui aucune force. Il est à ma merci. »
Ne réalisant pas que le cosmos d’or s’extirpait des particules de sang et remontait dans les airs, Hysminai fonça sur Aiolia.
Temporairement émancipé de l’Utérus, Galan identifia l’attitude d’Aiolia : « Photon Invoke. »
_ « Cette technique est à double tranchant… J’ai besoin d’encore un petit peu de temps… Je ne vois pas d’autre moyen de détruire l’Utérus. Mais il va falloir que je me débarrasse d’Hysminai avant qu’elle ne se rende compte de la supercherie. »
Lorsqu’elle arrive à sa portée, il déclencha un Lightning Plasma dont elle ne soupçonna ni la force ni la vitesse.
Elle s’écrasa plus loin au sol après avoir été repoussée dans les airs.
_ « Ah ! Il te restait encore tant de forces, se rétablit-elle avant de sourire, mais c’est désormais trop peu pour me résister. »
Aussitôt, des entailles nouvelles et profondes déchirèrent la peau d’Aiolia qui n’avait rien vu de la contre-attaque : « Elle se relève comme si de rien n’était, s’inquiéta-t-il. Normalement cette attaque aurait dû la diminuer davantage…
_ Tu te demandes comme se fait-il que je contre tes attaques et les encaisse si bien, lut-elle presque dans ses pensées ? Regarde tes cuisses, sur lesquelles tu prends puissamment tes appuis lorsque tu attaques. Regarde tes bras, desquels tu fais jaillir ta force. Depuis le début du combat, ces points sont lacérés de plus en plus profondément. Laissant mon cosmos s’insinuer en toi. Il t’empoisonne. Et tandis que ta vie se dérobe, je peux maintenant voir la vitesse de ta technique décélérer et comprendre quels coups encore mortels je dois esquiver et ceux que je peux encore encaisser. Tout en ayant le temps de placer ma technique. Serrated Blade, repartit-elle à nouveau à l’assaut !
_ J’encaisserai tes lames jusqu’au bout ! Tant que je n’aurai pas eu raison de toi ! Lightning Plasma, lui barra-t-il la route de son bras droit ! »
Hysminai se fraya un chemin entre les jets de lumière. Ses boomerangs coupants pénétraient sa peau et entamaient chaque fois un peu plus profondément sa Cloth.
Quelques heurts ralentirent malgré tout la progression d’Hysminai et, lorsqu’elle arriva à hauteur du Lion pour lui trancher la tête, il lui barra la route en dressant son bras gauche chargée d’une boule de cosmos crépitant d’éclairs.
Au contact de la Dryade, ce Lightning Bolt doubla de volume pour avaler sa poitrine puis doubla à nouveau pour engloutir son corps tout entier et la repousser jusqu’au précipice, la Leaf arrachée.
Tête baissée, visage ombragé, Aiolia semblait avoir perdu connaissance après un tel exploit.
Dans la salle, les particules de cosmos libérées par ses effusions de sang gagnaient encore en puissance et en éclat. Elles demeuraient en suspension dans l’air comme une nuée d’insectes.
Bras encore tendu, instinctivement combatif, Aiolia fut ramené à lui par une douleur lui déchirant les entrailles.
Son premier réflexe fut de chercher Hysminai. Cependant, celle-ci demeurait étourdie là où il l’avait vu retomber quelques secondes plus tôt sous le coup du Lightning Bolt lancé par surprise.
En baissant son visage ruisselant de sang, il identifia la douleur en reconnaissant quelque chose de semblable à une branche qui lui a perforé les côtes droites du dos vers le ventre.
Légèrement suspendu dans les airs par le bras difforme et allongé de Galan, il pivota son buste en derrière.
_ « Non… Ce n’est pas vrai… Il y en a marre… »
Encore une fois, le Fantôme avait un élan belliqueux, l’Utérus l’avait réinvesti.
Malgré tout, Galan continuait de reconnaître la technique à venir d’Aiolia : « Cosmo Open. »
A cet instant, Aiolia comprit : « Il s’est souvenu des étapes de ma technique. Et l’Utérus en infiltrant sa mémoire anticipe. »
De nouveau, le Fantôme développa une dysmorphie encore plus grossière, témoignant de la surenchère de puissance qui rongeait Galan.
Pour la première fois, il ne put contenir un hurlement. Véritable rugissement de folie et de souffrance.
Son membre végétal grossissait de l’épaule au bout de ses doigts, agrandissant ainsi l’orifice qui maintenait Aiolia suspendu.
Tandis qu’il déplorait son impuissance, épargné encore de l’écartèlement grâce à sa Cloth d’or qui s’évertuait dans de très aigus crissements à ne pas se briser davantage malgré la trouée faite dans son buste, Aiolia eut le souffle coupé en voyant Hysminai déjà reparti à l’assaut.
Le plastron détruit, le casque brisé, les crans aux bras et aux coudes arrachés, la Dryade brandissait au-dessus de sa tête un morceau de lame de sa Leaf qu’elle ramassa dans la mare de sang où elle gisait plus tôt.
A sa merci, Aiolia compta sur des abdominaux quotidiennement travaillés pour se gainer à la dernière seconde et opposer d’un mouvement acrobatique le poing de Galan sortant de sa poitrine plutôt que le sommet de son crâne.
Le geste désespéré de la Dryade amputa Galan et permit à Aiolia de s’en extirper dans une vague de sang. Ne pouvant contenir l’hémorragie que maintenait la pression du bras de Galan dans sa plaie, Aiolia fut emporté avec Hysminai par la vague de sève qui fuyait également l’amputation de Galan.
Le vert blanchâtre de sa sève roula les deux opposants plus loin, laissant au sol une traînée de liquide visqueux.
Très vite, la plaie de Galan cicatrisa pour laisser apparaître par-dessus son moignon de nouvelles pousses déjà prêtes à éclore.
En même temps, à terre, la sève s’évaporait sous l’effet de la chaleur du sang doré d’Aiolia. Celui-ci rejoignait en de nouvelles particules toutes les autres déjà en suspens dans l’atmosphère.
Au bord du précipice, ruisselant d’hémoglobine, Aiolia commença à se tenir à nouveau sur ses jambes.
Quand tout à coup, Hysminai, dépassée par la situation, les lui balaya pour entamer un corps à corps.
Meurtrie par ses blessures, elle était devenue trop lente pour mettre en danger le Lion.
Ses coups de poings faisaient mouche mais ne parvenait en rien à faire incliner Aiolia.
Chacun leur tour, l’un frappait l’autre. Tour après tour, la jeune femme se remettait de plus en plus difficilement de chaque coup encaissé et frappait de moins en moins fort les siens.
Condamnée, elle fut sauvée par un dernier rugissement de Galan.
Ce qui restait de sa Leaf avait volé sous la pression de son corps aux proportions absurdes. Putréfiée comme un fruit trop mûr, son épiderme craquelait pour laisser couler sur son corps un fluide oscillant entre le vert Véronèse et le marron.
Il se jeta sur Aiolia alors qu’Hysminai était à sa merci.
_ « Bordel ! Ce n’est pas vrai ! Ça ne va pas recommencer !
_ Oui ! Vas-y Fantôme d’Eris ! Accompli la volonté de l’Utérus et offre-toi une vraie vie bien plus héroïque que ta minable existence humaine ! »
Aiolia ferma les yeux un instant, désespérément.
Reprenant son souffle.
Puis expirant plus posément.
Abandonnant toute défense, tenant de sa main gauche son poignet droit qu’il leva en l’air, Aiolia tempéra les propos d’Hysminai : « Galan. Tu as vécu ta vie. Peut-être pas une vie aussi grande ni aussi belle que celle que tu aurais aimé. Mais cette nouvelle existence menace celle d’autres vies prometteuses et innocentes. Comme celle de Lithos…
_ Toutes ces particules, remarqua enfin Hysminai les scintillements dans l’air… On se croirait dans l’espace… Au milieu des étoiles, commença-t-elle à tendre la main vers l’une d’elle… »
La lumière se posa dans sa main puis pénétra à l’intérieur. Puis d’autres lui tombèrent dessus, sans la moindre douleur. Elles disparaissaient en son sein.
En faisant le tour d’elle-même, le phénomène se produisait de même sorte sur Galan et l’Utérus.
_ « … Elles traversent la matière, à la manière, écarquilla-t-elle en grand les yeux lorsqu’elle comprit trop tard, de véritables photons ! »
Bras au ciel, Aiolia provoquait le déplacement des photons vers ses adversaires.
Les bras grands ouverts pour mieux le capturer dans son étreinte, le front suintant de décomposition, Galan bava : « Photon Drive ! »
Hysminai aussi commença à se jeter sur le Saint d’or.
La menace était si sérieuse que la scène lui parût interminable. Comme bloquée, au ralenti, avec Galan, coupée de cette dimension, élancée dans les airs, elle était suspendue aux lèvres d’Aiolia qui poursuivait sa déclaration à Galan : « … Pour cela, je ne peux te laisser continuer. Mais avant de mettre un terme à cette torture qu’Eris t’inflige, je veux que tu saches que pour moi, ta vie fut grande. Tu fus un grand homme. Par ton sens du devoir, du sacrifice, pour ceux que tu aimes. Pour ta patience et ta foi envers un Sanctuaire qui ne t’a rien épargné. Tu as éduqué et canalisé le lionceau que j’étais. Tu m’as fait devenir lion après que le chaton a marché dans tes pas de grand fauve. Tu n’es pas un lion noir au service d’Eris. Tu es un lion majestueux à la crinière flamboyante. Et c’est des crocs du jeune animal, que tu as épaulé que tu vas pouvoir reposer en paix à jamais !
_ De quelle paix lui parles-tu, vociféra Hysminai toute proche ? Il sera condamné aux Enfers et torturé pour l’éternité si tu l’élimines aujourd’hui !
_ Dans ce cas Galan, ferma-t-il les yeux alors que ses deux adversaires étaient arrivés à un cheveu de lui, je te fais la promesse que nous détruirons le royaume d’Hadès et te libérerons du joug de sa servitude, rouvrit-il les yeux pour le fixer avec détermination ! Que ce soit moi ! Ou un autre Saint de cette génération ! Je l’épaulerai ! Je lui donnerai ma vie pour qu’il y parvienne ! Mais je te le promets ! Et tu sais à quel point je suis un homme de parole Galan ! »
Là, dans ses yeux devenus globuleux, Galan reprit dans son ½il bleu une expression chaleureuse.
A cet instant, par millions, des trouées de lumière jaillirent de l’Utérus.
Des pieds au sommet, d’un côté à l’autre, tel un soleil perçant un fin rideau de soie, les photons explosèrent.
_ « Photon Burst, conclut le Saint d’or ! »
Comme des lasers qui lui traversèrent les yeux, Hysminai fixa vainement Aiolia avant d’être anéantie de part en part. L’image de son invincible rival restant la dernière chose qu’elle emporta avec elle dans la mort.
Irradiant d’un bout à l’autre, Galan acheva sa charge en étreignant Aiolia.
Engourdi, incapable de se défendre, le chevalier ne sentit pas ses os se rompre.
En effet, Galan ne cherchait plus à le briser. Il l’enlaçait affectueusement.
Le poison quittait ses veines à mesure que les radiations jaillissaient de ses entrailles.
Il lui murmura à l’oreille d’une voix aussi bienveillante que dans ses souvenirs : « Merci Aiolia. Pour aujourd’hui. Pour hier. Pour demain… »
L'accolade devint moins insistante. Aiolia recula son buste et retrouva le Galan qu’il a affranchi. Amputé, borgne… et souriant.
Au même moment, depuis les catacombes, une lumière solaire remontait et corrodait l’arbre.
Etage après étage, la végétation s’assécha et abandonna le maintien de la structure qui tombait morceau après morceau. A commencer par le sous-sol où Milo vainquit plus tôt Phonos…
Face à eux, le n½ud de l’arbre ne clignotait plus comme pour simuler les battements d’un c½ur. Tel un rubis qui avait perdu de son éclat, il se fissurait. De ses craquelures, des rayons solaires baignèrent de lumière les deux amis.
Aiolia réalisa que pour Galan, c’était le moment de se dire enfin adieu.
_ « … Je suis fier de toi. Et je sais que tu tiendras ta promesse. Pas seulement pour moi. Mais pour tous ceux que tu as fait le v½u de protéger en devenant Saint. »
Alors, ne laissant Aiolia lui dire à quel point il l’aimait, il ferma pour la toute dernière fois sa paupière et se laissa tomber en arrière, répandant dans la salle les éclats de lumière qui consumèrent son corps.
Il disparut dans l’éclat qui remonta étage par étage et explosa chaque niveau au fil de son ascension.
Sans voix, Aiolia n’eut pas la force de regarder dans le vide.
Il cligna des yeux pour chasser ses larmes et leva la tête vers les étages supérieurs.
Sa mission était accomplie. Il devait se hâter de rejoindre ses compagnons pour achever Eris ou s’assurer qu’elle soit emportée dans l’explosion de son palais…
Plus loin, Shaka, suivi de Naïra, poursuivait l’ascension de la ziggourat par le flanc gauche.
Ils arrivèrent tous les deux au sommet de cette pyramide à étages.
_ « Magnifique Seigneur Shaka ! Nous sommes parvenus les premiers ici grâce à vous, le congratulait-elle. »
Shaka ne faisait pas montre du même optimisme.
Marchant calmement, il fit le tour de la plateforme en baissant puis levant continuellement la tête malgré ses yeux clos.
Une fois arrivé devant les deux obélisques qui marquaient la montée des marches vers le trône d’Eris, Shaka pointa enfin du doigt l’obélisque abîmé dans lequel fut encastré plus tôt Aeson : « Non… Nous ne sommes pas arrivés les premiers. »
La Saint de la Colombe constata alors tout autour du pilier et sur les marches des traces de lutte, de sang, ainsi que des morceaux de Cloth.
_ « En effet. A en juger les fractions d’armure ici présentes, au moins Aeson de la Coupe est parvenu jusqu’ici.
_ Ce qui est surprenant, c’est qu’il n’est plus là. Il n’y a d’ailleurs plus personne à cet étage, pointa Shaka le trône d’Eris vide.
_ Vous voulez dire que…
_ Oui. Après avoir accueilli ici Aeson, Eris est ensuite descendue dans l’Utérus à la rencontre d’autres Saints.
_ Mais pourquoi ? Ça n’a aucun sens !
_ Peut-être plus qu’on ne le croit. Avant d’être Eris, Kyoko était une habitante du Sanctuaire. Je suis convaincu qu’elle connaît certains d’entre nous ici présents.
_ Mais alors… Aeson…
_ Oui. Le fait qu’un Saint d’argent soit parvenu jusqu’ici sans même le Saint d’or qu’il accompagnait, et pas des moindres en la personne de Milo du Scorpion, a dû être possible du fait de la volonté d’Eris. Et d’ailleurs, où est-il à présent ? S’il a été défait, où est son corps ?
_ Je n’aime pas ça.
_ Moi non plus. Descendons. Il nous faut retrouver Eris au plus vite et achever cette mission avant que la situation ne nous échappe totalement. »
Un peu plus bas, Rigel repoussait un nouvel adversaire.
Grand et indéniablement athlétique, cet homme Dryade croula sous une déferlante de flammes : « Cosmic Inferno ! »
Il accourut jusqu’à la Dryade agonisante qu’il saisit par le col : « Kyoko ! Eris ! Est-elle encore loin ?! »
Suffocant à son hémorragie interne, l’ennemi mourut pris d’un fou rire angoissant.
_ « Ils ne diront rien. Même sous la torture les Dryades sont fidèles à leur déesse, le résigna une voix connue. »
Lorsqu’il redressa son buste, Rigel reconnut son maître, désormais son pair.
_ « Aeson ! Alors votre groupe avec Milo et Apodis est parvenu à progresser depuis votre position initiale ! »
Le Saint au bandeau rouge demeurait immobile. Silencieux.
_ « Allons, pressons-nous ! La direction des étages supérieurs est par… »
Rigel ne put finir sa phrase lorsqu’il remarqua la teinte différente de l’armure de son maître.
_ « Aeson ! Votre Cloth ! »
D’ordinaire argentée, elle brillait cette fois-ci de ténèbres et de sang.
_ « Il n’est pas la peine de poursuivre ta route.
_ Que dites-vous ? Et que portez-vous sur le dos ? »
Pour seule réponse, Aeson, le regard vague, s’agenouilla en sentant dans son dos l’approche d’une silhouette dans l’ombre.
_ « Mon père a dit qu’il n’est pas la peine que tu montes davantage, lui répondit une voix de femme. Quant à ceci, c’est une Leaf, caressa Eris de sa main l’épaulette d’Aeson.
_ Kyo… Kyoko ?! Aeson… Ton père ?!
_ Laisse-moi donc tout t’expliquer avant que n’arrivent mes derniers invités… »
Flashback
Assis au bord d’une falaise, Kyoko tend sa coupe à Mars qui la lui remplit.
Ne restant qu’un fond, il la finit à la bouteille puis la balance suivit de sa coupe vide vers l’horizon que fixe Kyoko.
_ « Tu bois beaucoup ma s½ur ! Ça ne fait qu’interrompre ton histoire !
_ Et toi tu bois mal mon frère ! Ça te rend grossier ! »