Chapitre 78
En Argentine, dans le night-club, en dehors de la chambre où Vasiliás se livre à un jeu salace, Tromos est arrivé d’un pas décidé à l’étage.
Les yeux fixes et froids, il toise les sept veilleurs de Segador qui gardent la porte au bout du couloir.
Un premier tend la main pour barrer le passage : « Qui t’es toi ? Pas un pas de plu… »
Il n’a même pas le temps de finir sa phrase que Tromos lui retourne le bras, lui brisant ainsi tous les os. Ses camarades ne sont pas assez rapides pour dégainer leurs armes que le colossal Berserker zigzague entre eux pour les tuer d’un seul coup en frappant uniquement un point vital différent pour chacun.
Avant de s’enfoncer dans la dernière pièce, il ramasse sur un des hommes de main une machette attachée à sa ceinture. Il s’en sert pour planter à hauteur de chaque rein le premier rempart au bras brisé : « Meurs en souffrance. C’est tout ce que tu mérites. »
En Grèce, Kyoko continue de raconter à Mars les détails du retour d’Eris sur Terre il y a trois ans.
Sur la terrasse du café où elle a fait germer chez un couple les graines de la discorde, elle narre ses exploits en ignorant la dispute qu’elle a initié chez ses voisins de table…
Flashback
Au Sanctuaire, à proximité du camp des femmes chevaliers, le mètre quatre-vingt-dix-sept de Voskos s’était recroquevillé pour concentrer son cosmos face aux Dryades qui venaient d’éclore.
Le Saint de bronze du Bouvier chargeait de ses cent quatre-vingt-trois kilos une Dryade masculine : « Katapatisi Agria ! »
L’adversaire subit le Piétinement Sauvage de plein fouet et retomba, les os rompus, à côté d’une autre Dryade déjà vaincue et qui fanait avant de finir en poussière.
_ « Et de deux, se glorifia le rustre ! »
Dans son dos, Xiao Ling reculait sous la pression de deux autres qui profitèrent que leurs deux alliées restantes barraient la route au rustre chevalier.
_ « Fraîche, se lécha les lèvres une Dryade…
_ Innocente, pressa le pas la seconde ! »
Xiao Ling était acculée contre un bosquet.
Lorsque la première se jeta sur elle, par réflexe, elle passa ses mains par-dessus sa tête pour saisir le tronc et, appuyant sur ses jambes, grimpa plus haut pour esquiver le coup.
Enchevêtrée dans l’arbre, la Dryade n’eut pas le temps de s’en dépêtrer que Xiao Ling retomba sur elle d’un salto, le talon droit lui fendant le haut du crâne.
Son premier assaillant vaincu, la Chinoise n’en demeurait pas plus rassurée malgré tout.
Le second faisait déjà face, plus incisif.
Avec quelques pirouettes et roulades, elle parvint à esquiver un moment, jusqu’à ce que l’ennemi finisse par planter ses griffes sur le bas de sa tunique, au niveau de l’entrejambe, la laissant à la merci de son autre main aux ongles acérés.
Démunie, elle ferma les yeux, attendant le verdict.
C’est alors que Voskos apparut dans le dos de la Dryade, lui attrapa l’arrière de la tête dans son immense pogne gauche et la lui éclata contre le sol, entre les jambes de la jeune femme fébrile.
Éclaboussée par un sang qui n’était pas le sien, Xiao Ling rouvrit les yeux pour faire face au regard inquisiteur de Voskos : « M… Merci… »
Sous leurs pieds, le sol tremblait des combats venant du camp des femmes chevaliers.
Derrière Voskos, les dernières Dryades fanaient. Le colosse n’en tira aucune gloire.
_ « Ne me remercie pas. Tu aurais dû parvenir à te défaire d’elle sans mon aide, demeura-t-il sévère. Surtout que tu es parvenue à en vaincre une.
_ C’était un coup de chance.
_ La chance… C’est comme le miracle dont parlait plus tôt le Seigneur Algol. C’est l’apanage des Saints. Nous créons notre chance. Nous accomplissons nos miracles. En surpassant nos limites. En brûlant notre cosmos. Tout à l’heure, tu es parvenu à défaire une Dryade. Tu as mêlé sang-froid, analyse tactique du terrain et technique de combat à laquelle tu as joins ton cosmos. Que tu l’ais brûlé inconsciemment ou non, il fallait au moins une once de cosmos pour parvenir à l’éliminer.
_ Peut-être, baissa-t-elle la tête penaude…
_ Je ne peux pas croire qu’une jolie jeune femme comme toi as traversé le monde pour venir jusqu’ici sans rencontrer d’embûches. Des gens malhonnêtes, mal intentionnés, tu as dû en rencontrer des dizaines. Pour t’en débarrasser, tu as dû surpasser ces gens, parfois équipés d’armes contemporaines. Certains chemins sont inhabités. Tu n’as pu voler pour te nourrir. Tu as compensé la faim en t’enveloppant de ton cosmos. Ou tu as chassé dans des lieux où seuls les grands prédateurs arrivent à se repaître. Ou peut-être les deux. Toujours est-il que c’est le cosmos qui t’a maintenu jusqu’ici.
_ Peut-être, balbutia-t-elle à nouveau. Mais pourquoi me dire tout ceci ?
_ Parce que nous sommes arrivés au camp, pointa-t-il du doigt le bosquet dont elle s’était servie plus tôt et qui marquait le début d’une dense forêt. Traverse la forêt et tu trouveras Rebecca. »
Dans son dos, des hurlements de souffrances et de terreurs accompagnaient les tremblements de terre et les secousses cosmiques.
_ « Mais… Mais… Je ne peux pas… C’est la guerre là-dedans…
_ Justement ! C’est pour ça que tu dois aller y porter ton aide ! Nous autres, hommes, ne pouvons fouler cette terre bénie par Athéna. La seule chose que je puisse faire c’est empêcher la retraite des Dryades que vous, femmes, allez vaincre à l’intérieur ! »
Xiao Ling aurait voulu se vautrer plus bas que terre.
_ « … Je… Je ne serai qu’un poids…
_ Un Saint n’est jamais un poids lorsqu’il risque sa vie pour défendre autrui !
_ Mais je ne sais même pas ce qui est en jeu dans cette guerre…
_ Rebecca, celle à qui tu dois la vie aujourd’hui, risque la sienne pour sauver des innocentes prises au piège à l’intérieur et vaincre une menace qui pèse sur le monde !
_ Je ne suis pas aussi forte que Rebecca…
_ Ton soutien lui donnera encore plus de forces !
_ J’en suis incapable… »
Dans les cieux, sur l’Utérus, Georg arpentait la bordure pentue qui longeait la chute d’eau vers le quatrième niveau. Il suivait la lumière du jour qui éblouissait le haut de cette montée.
Une fois le halo de lumière passé, Georg débouchait sur le cinquième et dernier étage avant d’accéder au palais d’Eris.
L’homme à la barbichette fut aussitôt ébloui par le reflet du soleil.
Passant par réflexe sa main devant ses yeux, il abandonna sa garde, s’exposant ainsi à une vrille rouge qui s’enfonça dans son dos.
Propulsé vers l’avant, la protection dorsale de son armure d’argent fissurée, il s’écrasa le front contre la première colonne qui lui fit face.
Bien qu’amorti par son heaume, le choc fut suffisamment brutal pour que du sang coula de son front jusque dans ses yeux.
Étourdi, il enroula ses bras autour du pylône pour tenter de garder l’équilibre.
Cependant, sa prise glissait le long du pilier. Celui-ci était froid. Lisse.
A mesure que ses esprits lui revenaient et que ses yeux s’habituaient à la lumière, il remarqua que la colonne était de glace. Comme toutes celles qui supportaient le niveau d’ailleurs. Des colonnes de glace qui soutenaient un plafond de glace.
Plus il chercha à se reprendre, plus ses pieds s’éloignaient. Comme le plafond, le sol était semblable à un miroir. Légèrement incliné jusqu’à son centre d’où est sorti à l’instant Georg.
D’architecture grecque, le cinquième niveau n’était ni de pierre ni de marbre, il était fait de glace.
Le vent de haute altitude traversait cette plate-forme sans mur. Il glaçait les précipitations quand le soleil ne les faisait pas luire, pour s’écouler tel un ruisseau vers les étages inférieurs.
Fasciné par ce jardin de miroirs, Georg comprit vite qu’en restant au centre de la plate-forme il était ainsi exposé malgré ses multiples reflets.
D’un rapide coup de tête de gauche à droite, il identifia des milliers de réflexions de son adversaire. Un homme couvert d’une Leaf au rouge aussi ardent que sa tunique.
_ « A en juger la forme de ton armure, celle-ci s’apparente plus à une Cloth. Tu es donc un Ghost Saint, déduisit Georg. Et par son profilage proche de celle de mon ami Juan, tu es un ancien Saint de l’Ecu.
_ Oui, je suis Jan Ghost Saint de l’Ecu, on ne peut rien te cacher. J’espérais justement que ce soit ton ami qui m’affronte, afin que je prouve que de tous les boucliers de la Cloth de l’Ecu, ce fut le mien, forgé par mon cosmos, qui était le plus résistant !
_ Est-ce là tout ? Est-ce là ta raison d’avoir trahi ton serment envers Athéna, provoqua volontairement Georg ?!
_ Quel serment ai-je trahi ? Je suis mort pour Athéna et souffre depuis des siècles et des siècles au Cocyte pour cela. Pour ma résurrection, j’ai promis fidélité à Eris. Nouvelle vie, nouveau serment. Voilà tout.
_ Comme ta simplicité d’esprit me sidère, dit-il en fermant les yeux pour mieux se concentrer !
_ Vraiment, s’insurgea Jan ?! Il n’y a rien de compliqué à comprendre pourtant. J’ai fait de mon corps et de mon cosmos le bouclier destiné à défendre les idéaux d’Athéna. Des centaines d’années plus tard à avoir été torturé, Eris m’a fait réaliser que si nous n’avions pas été soulagés de nos peines au royaume d’Hadès, c’est parce qu’Athéna avait lamentablement échoué, génération après génération. Mon écu impénétrable lui avait juste servi à se cacher. Eris m’a alors offert de me libérer de mes tourments pour faire de mon blindage non pas une cachette mais plutôt un socle impénétrable permettant d’avancer. Je détruirai ainsi toutes les défenses d’Athéna pour prouver que la mienne demeure la plus efficace et qu’à défaut d’être une protection, elle peut être une arme, s’époumona-t-il ! Le meilleur bouclier au service de la meilleure attaque, scanda-t-il de toutes ses forces !
_ Je t’ai localisé, le surprit alors Georg ! Geistig Blitz ! »
Georg concentrait jusqu’alors son ouïe pour trouver parmi tous les reflets son adversaire. Il lui fit volontairement hausser le ton pour lui balancer son Eclair Fantôme sous la forme d’un trait de foudre fracassant les colonnes sur son passage.
C’est alors que la dernière colonne avant de frapper Jan venait d’être brisée, que la voix de son adversaire dans son dos le fit frémir : « Comment peut-on parler d’éclair quand ce petit courant électrique ne va pas plus vite que Mach 4 ! »
Stupéfait, Georg se retourna avec un coup de coude qu’esquiva Jan en s’accroupissant.
Georg profita qu’il soit abaissé pour frapper du poing vers le bas : « Geistig Blitz ! »
Beaucoup plus rapide, le Ghost Saint dressa son bouclier devant lui.
Georg s’y éclata la main, ébréchant sa propre Cloth.
Déconcentré par sa fracture du poignet, il constata trop tard que Jan ripostait. Un direct du droit à l’estomac, doublé d’un gauche, suivi du même enchaînement au visage, le repoussant toujours plus loin sous l’impact.
Avec du recul, pensant être à l’abri de l’allonge de son adversaire, Georg ne comprit que trop tard qu’il s’agissait de l’espace nécessaire à Jan pour déclencher sa technique.
D’un saut dans les airs pour se donner de l’impulsion, il tourbillonna sur lui-même puis retomba pied en avant en plein torse de Georg : « Bone Crush Screw ! »
La même Vrille Briseuse d’Os qui le prit par surprise à son arrivée, le fit cette fois-ci rebondir au sol pour mieux s’écraser ensuite contre un pilier de glace. Le long duquel il glissa lentement avant de s’écraser lamentablement parterre…
A l’étage du dessus, devant la chambre d’Eris, la déesse descendait les marches jusqu’à sa guerrière nommée Dame Blanche.
Face à elles, le corps égratigné et fumant d’Aeson demeurait inerte. Sa Cloth d’argent était rayée sur toute sa surface.
_ « Dame Blanche… Je n’aurai jamais imaginé que tu utilises si tôt ton Folklore Dévoreur.
_ Je n’ai pu résister à ses paroles. Me faisant passer pour l’unique responsable de notre sort. Nous étions jeunes. Nous nous aimions. Nous savions très bien que ce que nous commettions en nous unissant alors que j’étais une Saintia, était un crime. Mais l’amour fut plus fort que tout. Je vous ai portées ta s½ur et toi, mises au monde en secret lors de missions de pèlerinage que je réclamais au Grand Pope Shion lorsque je découvris chaque grossesse. Chaque fois ton père était présent. Chaque fois il s’arrangea pour faire partie de la mission et revenir avec les nourrissons que j'ai fait naître en secret. Il présentait ces enfants comme des réfugiés des camps ennemis que nous visitions. Cela permettait de ne pas soulever trop de questions autour de nous et cela nous offrait suffisamment de bonheur quand je venais retrouver notre famille à Bifolco, ce village au Nord du Sanctuaire, lorsque je descendais en ville. Au temple des Saintias, nous n’étions pas débordées. Athéna n’était pas encore réincarnée. Cela nous laissait le temps d’être une famille presque normale. Puis un jour, le Grand Pope Shion annonça que l’arrivée d’Athéna serait imminente. C’est là que tout bascula…
_ L’usurpateur, reconnut Kyoko…
_ Tout à fait. Je ne m’en doutais pas. Peu de temps après, le Grand Pope Shion et son frère furent assassinés. Nous n’y vîmes que du feu. Pour nous la vie suivait son cours, loin de nous douter que l’usurpateur plaçait ses espions un peu partout sur le royaume. Je fus découverte. Cependant, il ne se passa rien, jusqu’à ce jour où Athéna vint au monde. Elle était belle. Chétive mais radieuse. Elle me rappelait ta s½ur et toi lorsque je vous prenais dans mes bras. J’étais la représentante de mon ordre et donc chargée de veiller sur le nourrisson qu’elle était. Le premier soir de sa vie, alors que je veillais sur elle, le Pope apparut. Il était haletant. Son cosmos était noir. Je lui fis barrage de mon faible corps. Alors qu’il m’aurait aisément éliminé en temps normal, il était pressé, imprécis, tourmenté. Il m’écarta violemment et je perdis connaissance. Il n’y eut pas de combats pour ainsi dire, tant ce fut une humiliation pour la Saintia que j’étais. A mon réveil, dans la prison du Sanctuaire, j’étais bâillonnée, les mains attachées dans le dos par les fers bénis d'Athéna. C’était l’ébullition. J’entendais les gardes parler d’Aiolos le traître qui avait attenté à la vie d’Athéna. Et moi, impuissante que j’étais, je ne pus que constater la relève de la garde par un homme qui montait en puissance depuis plusieurs semaines. Gigas et son équipe. Dès le lendemain, je fus conduite à la salle d’audience du Grand Pope. Sale, meurtrie, défroquée, humiliée, j’avais été balancée sur le grand tapis rouge face contre terre, devant ce faux Pope tout pur dans son grand habit blanc, vénérable sous son casque d’or. Alignés de chaque côté du tapis, debout, casque sous la main, toute la caste des Saints d’argent était réunie. Il ne manquait qu’Aeson, qui entra par la grande porte, escorté par la garde, sans sa Cloth, la mine basse. Nos enfants lui furent enlevés dans la nuit, tandis qu’il fut lui aussi mis aux arrêts. Nous avions péché. Moi représentante de l’ordre des Saintias, pour ne pas avoir respecté mon serment de chasteté, j’avais blasphémé. Et Aeson avec. Bien entendu, cela devint par la suite monnaie courante chez ce Pope. Mais moi, j’en savais trop. Les gardes m’avaient retrouvé avant que le Pope ne revienne de la chambre d’Athéna. Me bâillonner ne pouvait durer éternellement. Il lui fallait se débarrasser de moi. De moi et du fruit de mes sacrilèges. Mes filles seraient vendues comme servantes. Mon amie de toujours Mayura, pour me punir, s’empressa de proposer au Pope de régler ce verdict. Et Aeson devait être destitué et mis à mort dans l’arène contre tous ses pairs. Pourtant, pour sa bravoure par le passé, il obtint du Grand Pope l’absolution s’il exécutait ma peine. Ce poltron qui a toujours été discipliné, eut la certitude contre le renouvellement de son serment de garder son statut. Il n’a pas hésité un seul instant entre son amour pour Athéna et moi !
_ C’est faux, balbutia Aeson en déplorant les larmes qui fuyaient les yeux de Kyoko.
_ Pas la peine de lui mentir, je lui ai déjà raconté plusieurs fois toute l’histoire !
_ Mayura n’a jamais cherché à te punir. Quand la sentence pour les filles fut tombée, elle s’empressa de chercher l’approbation dans mon regard. Elle nous garantissait, en confiant elle-même les filles à quelqu'un, une chance de savoir nos enfants à l’abri d’un sort tragique. Elles auraient été séparées ! Elles auraient pu être vendues servantes pour un commerçant exigeant qui les auraient tuées à la tâche ! Ou pire, esclaves ou filles de joie au Port du Destin ! Mayura était notre amie ! Ton amie ! Elle m’apportait par ce geste la garantie qu’elles soient en sécurité.
_ Mais toi égoïste que tu es, tu n’as pas cherché à les retrouver après ça !
_ Tu étais là ! Tu as tout entendu ! Le Grand Pope a précisé que si je cherchais un jour à les retrouver il nous exécuterait tous les trois !
_ Oui ! Il fallait surtout protéger ta vie devenue si minable ! Tu étais certainement trop occupé à recevoir les honneurs de ton rang pour enquêter et chercher une échappatoire !
_ Je n’ai rien gardé de mon statut d’antan ! Durant toutes ces années je suis resté assigné au Sanctuaire à former des disciples et à crever de solitude ! A me ronger pour ce que je t’ai fait ! A angoisser pour le devenir de mes enfants !
_ Tu as égoïstement sauvé ta place en acceptant d’être mon bourreau !
_ J’ai accepté cela par amour ! Pour racheter notre faute envers Athéna ! J’ai prié chaque jour depuis ce jugement pour qu’Athéna accepte mon offrande et te pardonne ! »
Le visage décomposé d’Aeson, rongé par le regret et la sincérité, cloua le bec de la Dame Blanche. Des larmes perlaient sous son masque.
Remis debout, les genoux vacillants, Aeson tentait quelques moulinets avec les bras pour mimer son impuissance : « J’étais démuni. Je n’avais pas d’autres moyens. Tout était terminé. Je voulais simplement que tu ne souffres pas. Ni dans cette vie. Ni dans l’autre. »
La revenante lui tourna le dos : « Mon exécution n’eut lieu que quelques semaines après la condamnation, prolongeant ainsi plus longtemps ma torture entre les mains des hommes de Gigas. Ni avant, ni après, Athéna ne m’est apparue. »
Kyoko passa devant sa mère. Elle s’adressa directement à son père biologique : « Et pour cause, comme tu l’as entendu et comme je peux te le certifier, Athéna n’était déjà plus au Sanctuaire. Si elle est encore en vie aujourd’hui, elle n’est qu’une petite souris qui se cache d’un imposteur qui te commande et qui t’a fait mettre à mort ta femme, abandonner tes enfants, renier ta vie de bonheur. »
Perdu, Aeson se laissa tomber à genoux : « Si c’est ma punition, alors je l’accepte. Avoir fauté envers Athéna. Avoir trahis ma famille. Vivre dans le désespoir depuis. Pour finalement être dupé. Tout ça je l’accepte. »
Puis, tout à coup revigoré par sa mission de chevalier, Aeson redressa sa tête vers Eris : « Je l’ai accepté il y a longtemps, en devenant Saint... »
Immédiatement, la Dame Blanche se mit en première ligne pour protéger Eris.
Malgré tout, Kyoko l’écarta avec son sceptre et ouvrit les bras pour se laisser à la merci du Saint qui accumulait tout son cosmos.
_ « Une vie de souffrance pour sauver des milliards de vie humaine. C’est notre serment de Saint. En trahissant mon serment avec une Saintia, je savais que je m’exposerai à davantage de tourments. Vous entraînant toutes les trois, Shoko, ta mère et toi, dans mon sillage. Que je sois puni pour ça ! Mais une chose est sûre, avant cela, je ne peux laisser la Déesse de la Discorde profiter des remous au Sanctuaire et entacher davantage mon nom en restant inactif ! Kyoko… Ma chérie… Pardonne-moi ! »
Contre les ordres de sa déesse, le Fantôme revint à la charge : « Yokai O Musabori Kuu ! »
La gueule béante de cosmos de la Dame Blanche devança Aeson pour protéger Kyoko.
Pris à revers, le Saint de la Coupe encaissa sans la moindre chance de riposter.
Son plastron fut arraché.
Il finit écrasé contre l’obélisque au pied des marches…
Quelques étages en dessous, dans la salle du c½ur de l’Utérus, Aiolia se tenait entre l’arbre et ses deux adversaires.
Le second round venait d’être lancé.
Hysminai prit appui au sol, gardant Galan derrière elle, immobile.
Elle fonça sur le Saint d’or qui entrava son chemin de son Lightning Plasma.
Seulement, elle passa sans mal au travers des rayons de lumière sans se voir barrer la route.
Avec une vitesse le surprenant, elle passa dans son dos en prenant soin de l’entailler au bras.
_ « Maintenant c’est mon tour, repartit-elle à l’assaut, je vais te tailler en pièces !
_ Lightning Plasma, relança-t-il ! »
Cette fois-ci, située entre Aiolia et l’arbre, la Dryade ne parvint pas à passer au travers les faisceaux et se retrouva rossée puis repoussée en arrière, retombant sur le front.
_ « Que… Comment est-ce possible… Cette attaque était bien plus forte et plus rapide que tout à l’heure… »
Après avoir vérifié l’immobilisme de Galan, Aiolia avança vers elle, bras déjà tendu dans sa direction, émanant de cosmos.
Glissant sa tête sur le côté, Hysminai comprit.
_ « Je vois ! Je ne te pensais pas si rapide ni si fort ! Tu as retenu ton premier coup n’est-ce pas ? »
Aiolia cessa aussitôt sa progression. Elle avait découvert son stratagème.
Elle fixa Galan resté à l’arrière : « J’ai vu juste. Lors de ton premier essai, ce Fantôme était à mes côtés. Tu refuses de l’éliminer. Tu as donc retenu ton coup. Alors que la seconde fois, tu nous avais, l’Utérus et moi-même, seuls ! L’horizon était dégagé. »
Aiolia fixait l’arbre maudit derrière Hysminai : « Sur le tronc, juste à ce niveau, je vois le n½ud de l’arbre. Il est son centre névralgique. C’est là que je dois frapper, songea-t-il. Si je parviens à le détruire, je libérerai Galan de son emprise. »
_ « Très bien… Je sens que nous allons nous amuser, dit Hysminai en se remettant subitement en position ! »
Le Saint d’or choisit d’en finir vite, il chargea son cosmos dans son poing pour faire d’une pierre deux coups lorsque tout à coup, une pression cosmique le paralysa.
_ « King’s Roar, déclencha Galan ! »
Relancé par les intentions de l’arbre, Galan libéra son cosmos. Il prit la forme cosmique d’un lion d’ébène aux crocs ensanglantés. Son rugissement paralysa Aiolia.
Impuissant, Aiolia voyait Hysminai lui foncer dessus avec sa Leaf acérée.
Usant de l’accumulation de cosmos gardé dans son bras, il s’extirpa à la dernière seconde du Rugissement du Roi et pivota sur le côté pour échapper à Hysminai. Il tomba alors nez à nez avec Galan.
Reparti à l’assaut, Galan était prêt à frapper le second acte de son arcane. Cette fois-ci la gueule du lion noir planta ses crocs en plein flanc du fauve doré. De sa main botanique, Galan libéra une sphère de cosmos obscure qui souffla en pleines côtes gauches Aiolia.
Il voltigea haut et loin, allant heurter une des multiples voûtes de l’édifice circulaire.
Refusant d’abdiquer, il s’épargna une chute et se réceptionna, bien qu’avec difficulté, sur ses deux jambes en regagnant le sol.
La main droite contre son flanc gauche, il ne put retenir un haut de c½ur qui lui fit renvoyer du sang. Sa main remonta plus haut, contre son c½ur.
_ « Le contrecoup du King’s Roar, expliqua le Fantôme. Le rugissement atteint ton être, mon cosmos choque le tien. Ce télescopage en ton sein a des répercussions sur ton organisme. D’abord physique. Puis mental. En plus de la douleur, il inspire la peur. Puis, une fois tétanisée, la proie est à la merci de mes crocs. Ton c½ur ne peut sortir indemne de tout ça, surtout que je t’ai frappé tout prêt. Le prochain coup te sera fatal.
_ J’ignorais que tu avais perfectionné une telle technique, s’essoufflait Aiolia.
_ Tu oublies que j’étais un prétendant au statut du Saint d’or du Lion, avant que je ne sois contraint de me retirer.
_ Je n’ai rien oublié du tout. Ni ta force, ni ta bravoure. Pas plus que l’amour fraternel qui nous unissait. Toi. Lithos. Et moi. »
Touché au plus profond de son être, Galan s’adoucit et balbutia : « Aiolia… »
_ « J’ai surmonté tant de brimades, d’épreuves, de duels… Grâce à toi, poursuivit alors Aiolia. Parce que tu étais là. Auprès de moi…
_ … Aiolia, grimaça Galan…
_ … A chaque instant… Même dans le Tartare contre les Titans… Tu as fait de ton bras perdu mon bras armé. Tu as fait de ton ½il perdu mon c½ur de lion… Tous ces symboles m’ont permis de résister, de gagner…
_ … Aiolia, sanglota Galan… »
Hysminai les stoppa en s’adressant directement à l’Utérus : « Ça suffit ! »
Immédiatement, le n½ud de l’arbre cligna d’un rouge aussi sanguinolent que l’iris droit de Galan.
Le Fantôme se prit la tête entre les mains en hurlant. Les racines sur son corps gonflèrent.
_ « Ordure, adressa Aiolia à l’endroit d’Hysminai ! Tu vas me le payer ! Lightning Plasma ! »
Elle croisa ses bras devant elle puis les relâcha dans la direction du Lion, comme si elle lui envoyait les crans portés à ses avant-bras. Des faucilles de cosmos par milliers foncèrent tel des boomerangs contre lui.
_ « Serrated Blade ! »
Chaque serpette se brisa contre le Plasma Foudroyant qui quadrillait de cosmos l’espace entre eux… Sauf la plus vive d’entre elles.
Hysminai en personne avait rejoint Aiolia à la vitesse de la lumière.
Par réflexe, il inclina la tête sur le côté. Son geste lui occasionna uniquement une profonde entaille au cou contre une décapitation du bras de la Dryade.
Blessé et vexé, il réalisa trop tard qu’elle avait disparu de son champ de vision.
Lorsqu’il leva la tête au ciel, elle enchaîna d’un mouvement acrobatique aérien pour le renvoyer contre le mur : « C’est fini je vais prendre ta tête Saint d’or ! »
Il croisa aussi vite qu’elle le condamna ses bras devant lui pour bloquer sa lame.
_ « Je pensais que tu te cachais derrière Galan par faiblesse Dryade ! J’ai eu tort ! Tu vaux tout autant qu’un Saint d’or, confessa-t-il ! »
Satisfaite, Hysminai se replia d’un bond arrière.
Mais avant même qu’elle ne retouche le sol, Galan endiablé par l’arbre prit le relais.
Totalement rongé par la verdure sur le côté droit de son visage, son bras était également devenu disproportionné, d’un vert mûr, aussi gros que ses deux cuisses réunies.
Il passa sous la Dryade pendant son acrobatie, déstabilisant par son allure et sa vitesse Aiolia.
_ « King’s Roar !
_ Lightning Bolt ! »
Cette fois-ci Aiolia bloqua l’agression cosmique de Galan, en dégageant sa sphère d’éclairs.
Deux globes de cosmos s’opposèrent devant le poing tendu du chevalier.
Imprégné de folie, Galan poursuivit vers le mélange de cosmos laissé en suspens entre les deux adversaires.
Buste en avant, bras écartés, Galan s’avançait inconsciemment contre cette bombe à retardement, alors qu’Aiolia luttait contre la menace de l'implosion du choc de leurs deux attaques : « A une si courte portée, les dégâts seraient critiques. »
Il chargea l’énergie en suspens d’un second Lightning Bolt de son autre main pour espérer la retourner contre le Fantôme.
Galan, lui, cogna de son bras végétal la suspension de cosmos pour relâcher le second effet de son King’s Roar.
Ainsi, il remporta le duel d’énergie qui explosa contre Aiolia à bout portant.
Suivant la déflagration, Galan chargea. De son poing il brisa le diadème d’Aiolia.
La détonation fut si puissante que la voussure fut renfoncée, brisant les claveaux des voûtes du dessus et fissurant tout le hall arrondi où resplendissait tel un rubis le c½ur de l’Utérus.
Au milieu d’un nuage de poussière, dirigeant son poing encore logé dans sa pommette éclatée, Galan envoya la tête d’Aiolia rebondir contre le sol, pour ensuite lui faire traverser la pièce d’une reprise de volée du pied.
Le corps à corps se poursuivit dans l’horizon plus dégagé.
Cette fois-ci, Aiolia dévia la poursuite de Galan en frappant à distance.
Galan esquiva sur le côté l’onde de choc, mais Aiolia était déjà sur sa gauche.
Galan para la droite et riposta avec une série de coups de poings, tout en s’évertuant d'éviter ceux d’Aiolia.
Le chevalier faisait de même, mais brisa le rythme d’un coup de pied retourné en pleine poitrine, brisant la Leaf au niveau du poitrail dans une propulsion de sang, témoignant l’impact des échanges.
Il frappa à nouveau à distance, mais Galan esquiva encore, par les airs cette fois-ci.
Il retomba pied en avant mais Aiolia se protégea avec son bras.
Toujours en suspension, Galan répéta son geste et rompit à son tour la cadence, en l’attrapant par les cheveux avec sa main gauche pour lui écraser la tête au sol.
Face contre terre, Aiolia repoussa Galan à bout portant d’un Lightning Plasma.
Mitraillé dans les airs, Galan perdait morceau après morceau sa Leaf. Sa chair de moins en moins protégée se déchirait des pieds à la tête.
Il en perdit la pression qu’il exerçait sur le Saint.
Aiolia put alors poursuivre et resurgir avec un Lightning Bolt.
Galan voulut contrer. Il cogna de son bras difforme contre le poing de cosmos avec un King’s Roar.
Encore plus puissant que le précédent, lui déjà plus impressionnant que le premier, le Rugissement du Roi remporta le duel et repoussa Aiolia.
Le second acte de l’arcane se traduisit par un direct en plein c½ur qui en fit crisser la Cloth, puis d’un troisième, inédit dans le déroulement de la technique jusqu’ici, par un uppercut enchaîné.
Aiolia vrilla sur plusieurs mètres comme un pantin désarticulé qui rebondissait sur le sol…
Sur Terre, à l’Est et au Centre du Sanctuaire, dans les alentours du camp des femmes chevaliers, la population était en émoi.
La colonne de feu qui en ressortait s’estompait petit à petit.
Toutefois, les secousses provoquées au centre du camp par les pas de l’animal de neuf tonnes accompagnant les Dryades, continuaient de retentir dans l’atmosphère. Il faisait vibrer le sol chez les habitants les plus proches.
Dans tout le reste du domaine, les guerriers les plus affûtés percevaient les perturbations cosmiques venant du camp.
Bandeau bleu coiffant ses cheveux tirés d’une queue de cheval, Shinato fit remarquer à Mirai : « Encore un cosmos qui s’est éteint là-bas ! »
Le second apprenti de Mayura aux cheveux châtains hirsutes réagit : « Eris n’a pas attendu qu’on attaque son camp. De son côté aussi elle a préparé une riposte ! »
Shinato sortit ses mains des longues manches de son kimono pourpre.
Plus sévèrement vêtu que son camarade, l’élève du Saint d’argent du Paon prenait déjà son élan : « Il nous faut aller leur porter immédiatement assistance ! »
Mirai l’imita lorsque la voix d’un soldat leur intima de réviser leur jugement.
Tout autour d’eux, des cohortes de dix hommes se formaient, se transmettant l’information d’un messager. Cet informateur avait le visage dissimulé sous une épaisse bure qui semblait camoufler une Cloth.
C’était cet inconnu qui les retint : « Attendez ! Le camp des femmes Saints est un lieu sacré, béni par Athéna et interdit aux hommes. Même en cas d’extrême urgence, nous ne pouvons profaner ce lieu Saint.
_ Mais… Maître Mayura se bat à l’heure qu’il est dans le domaine d’Eris ! Elle risque sa vie dans cette Guerre Sainte ! Et nous, nous devons nous contenter de laisser Eris s’insinuer dans le Sanctuaire en ciblant un lieu que nous ne pouvons atteindre, s’insurgea Mirai ?! Devons-nous laisser nos s½urs d’arme se faire massacrer ?!
_ A quoi servirait tous les efforts de ceux partis à la conquête de l’Utérus dans ce cas, compléta Shinato ?!
_ Je comprends votre frustration, assura Ptolémy la voix étouffée derrière un masque. Il s’agit néanmoins d’ordres émanant tout droit du Grand Pope, sur demande de Sa Majesté Athéna ! »
Les deux apprentis baissèrent alors la tête de rage, tandis que Ptolémy posait ses mains sur chacune de leurs épaules pour les obliger à observer les troupes athéniennes : « Les ordres du Grand Pope sont formels. Nos lieux de cultes doivent restés préservés, quel qu’en soit le prix. Le Grand Pope a foi en nos femmes chevaliers. Qu’elles soient Saints ou élèves. Dès lors, tous les hommes capables de porter assistance ont ordre d’encercler le camp, sans y pénétrer, afin de bloquer la retraite des Dryades. Les seules autorisées à pénétrer le camp, seront les femmes capables de porter assistance à la bataille qui y fait rage. »
Mirai et Shinato s’échangèrent alors un hochement de tête signifiant qu’ils partaient tous deux appuyer les troupes encerclant le camp…
Dans les bois, le crépitement des flammes laissa place aux détonations des pas de l’animal qui sévissait plus loin.
Emony adoptait à nouveau un air innocent en serrant d’affection contre elle Mick.
Pensant s’être débarrassée de Rumi, la petite pyromane félicitait son ours en peluche.
Derrière elle, Mito et Erda se démenaient contre une dizaine de Dryade qu’elles gardaient à bonne distance.
_ « Vous n’êtes pas encore vaincues toutes les deux ! Je vais devoir m’en charger ! J’ai laissé plus loin mon animal de compagnie. Mère déteste que je le laisse seul trop longtemps, il a toujours tendance à tout détruire quand il n’est pas sous surveillance, dit-elle en faisant allusion au monstre au centre du camp.
_ Pour cela, il va d’abord falloir te débarrasser de moi, lui répondit une voix étouffée sous un masque. »
Elle se retourna pour voir retomber depuis le ciel Rumi, à peine égratignée, dans les bras d’une inconnue.
_ « Hum… C’est impossible, tordit Emony le cou de Mick ! »
Pour seule réponse, elle n’eut que la foudre qui s’abattit sur elle : « Thunder Claw ! »
Les Griffes du Tonnerre déchirèrent sa robe magenta foncé à dentelle blanche, dévoilant ainsi sa Leaf.
Elles annihilèrent par la même occasion les Dryades aux prises avec Mito et Erda.
Les deux apprenties repartirent aussitôt à la rencontre de Rumi.
Rumi était portée par une guerrière, à en juger son masque, couverte d’une armure mauve et aux ornements bordeaux, au casque pointu renvoyant l'impression d'un vampire.
Etourdie, elle reconnut malgré tout son héroïne : « Dame Geist… »
_ « Comment, s’étonna Mito !
_ La célèbre mercenaire qui a fait ses classes ici, compléta Erda !
_ Cessez donc de vous extasier comme des pucelles écervelées, leur asséna Geist dans toute sa sévérité ! Foncez au centre du camp aider vos amies ! Nous devons préserver ce camp à tout prix ! »
Les gamines s’activèrent sans broncher, quand, tout à coup, Mick leur barra la route.
La peluche était devenue aussi grande que l’animal dont il est à l’effigie.
Les filles furent désarçonnées.
Alors, pour faire face à l’ourson géant, apparut devant elles un véritable ours qui déchira en deux la peluche.
_ « Phantom Genwaku Ken, libéra son cosmos Geist un genou à terre !
_ Je vois que tu es capable de donner vie à des illusions toi aussi, se releva Emony sans se soucier de la fuite des élèves, ça n’en rendra mon combat que plus agréable. Moi Emony Dryade de la Méchanceté je vais te faire avaler ce masque !
_ Tu m’excuseras, mais je n’ai pas le temps de m’amuser avec quelques tours de passe-passe. Je vais en finir vite.
_ Comme tu voudras. Je vais te faire payer ce que tu as fait à Mick ! Ton assurance m’agace. Je vais te la faire perdre très vite en te plongeant dans un éternel cauchemar ! Lunatic Bind ! »
Emony envoya une multitude de lobélies sur son adversaire qui, d’un revers de la main, crut déjouer l’arcane : « Que penses-tu pouvoir me faire avec des… fleurs… »
Geist se rendit compte que les pétales s’étaient changés en papillons qui saupoudraient tout autour d’elle un cosmos, comme s’ils déposaient de la soie.
_ « Mon cosmos étouffe le tien et te fait perdre tes forces. Très vite tu vas plonger dans un éternel sommeil fait de cauchemars dont tu ne reviendras jamais ! »
Geist tomba un genou au sol, incapable de se maintenir debout. Elle tenta d’abord de prendre appui à terre avec ses mains, mais ses doigts lui parurent si lourds qu’elle fut incapable de les relever. Elle s’écroula alors lourdement la tête la première…
Au même moment, dans la salle d’audience du palais du Grand Pope, cape recouvrant sa Cloth, Deathmask gardait un genou à terre et son diadème en main.
L’½il ouvert, il regardait son souverain trépigner d’impatience.
Ce dernier faisait les cent pas devant son trône.
Dissimulé sous son apparat doré, Saga commentait : « Quel revers nous subissons ! Je savais qu’Eris pourrait riposter à tout moment, mais jamais je n’aurai pensé qu’elle ciblerait un lieu impénétrable pour la plupart de notre armée ! Avec Mayura sur l’Utérus, il ne me reste plus beaucoup de femmes chevaliers confirmées capables de porter assistance à l’intérieur du camp ! Geist a déjà dû s’y rendre. Bien que je n’aime pas la savoir sans surveillance celle-là, j’imagine que c’est une aubaine qu’elle soit rentrée de mission. Marin de l’Aigle et Shaina d’Ophiuchus sont à l’extérieur du camp à former leurs apprentis masculins. Et il parait improbable que des Dryades ne se dressent pas sur leur passage, lorsqu’elles vont se rendre au camp prêter main forte ! »
Deathmask se redressa alors en recoiffant ses cheveux de son casque : « Je comprends maintenant pourquoi vous m’avez fait appeler. Le problème du camp doit être réglé rapidement et efficacement. Il n’y a que votre meilleur assassin qui puisse faire le job ! »
Saga pointa aussitôt du doigt le Cancer : « Tu es prévenu Deathmask ! Personne ne doit être témoin qu’un homme a profané le camp ! Encore moins un Saint d’or dont la caste est sous mon autorité directe ! »
Le gardien de la quatrième maison tourna les talons : « C’est clair. Pas de témoins. »
Dans les airs, au sommet du temple d’Eris, encastré dans l’obélisque, Aeson fut ramené à lui par le son insistant de gouttes qui s’écrasaient dans une flaque.
Cette mare gisait à ses pieds et était alimentée en abondance par le sang qui s’écoulait de sa plaie béante ouverte sur le flanc gauche. L’½il gauche arraché et le bras gauche disloqué, il laissait sa lourde tête gesticuler vers le bas pour constater les dégâts.
Ses jambes fléchirent et son corps s’affaissait lentement contre le monument.
Sa vue troublée à l’½il droit lui laissait apparaître sa fille.
Une fois devant lui, Kyoko lui planta son sceptre en pleine poitrine, ressortant de l’autre côté du pilier. Ainsi, elle le garda à sa hauteur et lui épargna de choir lamentablement sur son postérieur.
Elle lui caressa ses cheveux qui avaient perdus son diadème et cueillit le bandeau rouge qui coiffait ses cheveux blonds.
D’ordinaire distant et glacial, le brun profond du regard d’Eris paraissait exceptionnellement touchant.
_ « J’ai de la peine pour toi papa. Tu te débats pour un songe qui ne t’est jamais apparu.
_ Pardon, cracha-t-il du sang ?
_ Ta Cloth, la Coupe, elle voit l’avenir à plus ou moins long terme quand tu regardes l’eau que tu y verses dans sa forme totémique n’est-ce pas ? C’est bien ce que tu me racontais quand j’étais petite ?
_ …, il hocha la tête pour seule réponse.
_ Je m’en souviens comme si c’était hier, dit-elle en lui soutirant de grosses larmes. Je me souviens de tout. Je n’en ai jamais voulu au soldat qui m’avait recueilli. Il m’offrait la possibilité de demander à Athéna, en m’éduquant et me permettant de devenir prêtresse, pourquoi. Pourquoi ne voyait-on rien, toi et moi, nous concernant, lorsque nous regardions dans la Coupe ? »
Agonisant et silencieux, Aeson se mit à pleurer.
_ « Tu voyais des batailles. Tu voyais venir à toi des messagers. Mais jamais tu ne vis le malheur qui allait s’abattre sur nous. Moi non plus, petite fille que j’étais, quand tu me le permettais, je ne voyais rien. Et tu sais pourquoi ? Parce que dès le début, Athéna nous a tourné le dos.
_ Je suis désolé, sanglota-t-il.
_ Athéna t’exploite. Elle exploite ses Saints. Puis les abandonne. Elle n’est jamais venue à toi. Et même aujourd’hui, lorsque tu te dévoues à elle malgré la vérité exposée sous ton nez, prêt une fois de plus à sacrifier ta famille, elle t’ignore. »
Elle retira enfin d’un coup sec son arme de la colonne, le libérant par la même occasion.
Il retomba à genoux et retint sa chute en se maintenant au sol par le coude droit.
_ « J’ai tellement honte tu sais, s’étouffait-il dans ses sanglots et dans son sang.
_ Moi j’offre la vie. Une vie après celle faite d’amertume, de ranc½ur, de regret. Je m’entoure de fidèles que je récompense. Et tu sais pourquoi, lui demanda-t-elle en l’embrochant à nouveau au niveau des omoplates ? C’est parce que je suis bien plus reconnaissante envers les sentiments que refoulent mes sujets. Et bien au-dessus d’Athéna ! »
Aeson ne parlait plus. De sa bouche retombait une pâte épaisse, mélange de bile et de sang. Son ½il droit était perdu par le constat indéniable exposé par sa fille. La perte de sa foi lui faisait bien plus mal que la perte de ses sens.
La Dame Blanche vient alors se mettre à quatre pattes face à lui pour capter son regard.
Elle ôta son masque afin d’exposer des traits semblables à sa fille.
_ « Olivia, râla de souffrance Aeson en retrouvant enfin sa femme…
_ Le vrai pardon serait que tu nous rejoignes, pour expier le déshonneur que tu as fait à notre famille, proposa-t-elle.
_ Le vrai pardon, appuyait un peu plus sur sa lance Eris, serait que tu nous rejoignes pour déchoir ce Pope corrompu et cette Athéna déficiente.
_ Le veux-tu, questionna Olivia ? »
Aeson hocha d’un coup lent la tête.
_ « La vie d’un Fantôme passe par le renoncement à tes allégeances et à ta vie passée, poursuivit Eris. L’acceptes-tu ? »
Il répéta son geste en versant une dernière larme.
Eris sourit à Olivia qui s’empressa de se redresser. Elle leva haut vers le ciel son masque au menton pointu et tranchant. Elle le cramponna bien fort de ses deux mains, puis l’abattit d’un coup sec dans la nuque d’Aeson.
Surpris, le malheureux écarquilla grand son ½il et ne put retenir une autre gerbe de sang par la bouche en plus de celle giclant de son cou.
Le visage totalement changé par une joie meurtrière, Olivia répéta son geste. Une fois. Puis deux.
Le plasma d’Aeson dont elle était éclaboussée maquilla sa folie qui prit fin une dernière fois, lorsque sa tête se détacha de son corps et roula parterre tandis que le tronc s’échoua définitivement…
Sur Terre, au milieu du camp des femmes Saints, les tentacules du monstre cinglaient tels des fouets dévastant tout sur son passage.
Ils écroulaient les temples, tranchaient de la tête aux pieds Dryades et apprenties sans distinction.
Tout autour d’elle, Rebecca voyait ses élèves tomber dans d’atroces circonstances.
Chaque fois qu’elle réunissait son cosmos pour frapper l’horrible animal, celui-ci saisissait entre ses liens des aspirantes Saints pour s’en servir comme bouclier.
Dès lors, il lui suffisait de repousser Rebecca avant d’engloutir ses remparts humains.
De nouveau renvoyée au sol, Rebecca en perdit son masque et put mieux observer de ses yeux dégagés, l’étendue des dégâts.
Les Dryades retenaient prisonnières à l’intérieur du camp les jeunes femmes pour mieux alimenter le monstre.
_ « Si je m’obstine à vouloir ne pas faire de dommages collatéraux, sur la trentaine de jeune fille encore en vie, il n’en restera plus une. Les plus téméraires tombent face aux Dryades. Les plus démunies sont dévorées. Je dois vite neutraliser ce monstre, se focalisa-t-elle en direction d’un prieuré où était déposée sa Pandora Box. »
Aussitôt, la Cloth en fût libérée et Rebecca sauta en l’air pour la rejoindre.
Profitant de son éclat au moment de la revêtir, elle éblouit les quatre yeux du quadrupède.
Elle libéra alors son arcane en lui retombant sur son dos : « Burning Lava Rain ! »
La Pluie de Lave Brûlante l’accompagna dans sa descente et fracassa, telles des pierres de laves par centaines, l’animal à revers.
Ces météores de feu tombèrent si lourdement que les pattes de l’animal lâchèrent sous le choc et qu’il retomba grossièrement sur le ventre.
Surfant sur sa colonne vertébrale au milieu de la vapeur bouillonnante de son cosmos, Rebecca se laissa glisser le long de sa queue étendue en arc de cercle sur le parterre pavé.
Au milieu du gaz étouffant, élèves et Dryades cessèrent leurs échanges, jusqu’à ce qu’elles purent distinguer le grand gagnant de l’affrontement.
Rebecca apparut au milieu de l’émanation qui se dissipait peu à peu, devant la gueule écrasée de l’animal inconscient.
Déjà en garde pour achever les Dryades, elle paraissait contrôler parfaitement la situation dans sa Cloth vert menthe.
Son succès parut même évident pour Erda qui venait de déboucher de la forêt, suivie de Mito et Rumi. Les yeux des trois élèves brillaient sous leurs masques d’admiration pour leur mentor.
_ « Félicitations maître, s’exclama Rumi avant de freiner brutalement sa course. »
Rebecca réagit trop tard aux stupéfactions de l’ensemble des élèves lorsqu’elles passèrent leurs mains devant leurs bouches en voyant les quatre yeux rouges de l’animal s’ouvrir en grand.
Les grosses prunelles libérèrent chacune un rayon de cosmos écarlate qui traversèrent l’horizon, brisant en deux les arbres face à lui.
Mito coucha spontanément Erda à terre pour esquiver. Rumi n’eut pas cette chance et fut transpercée en pleine poitrine. La Cloth et le bras de Rebecca, eux, furent arrachés à hauteur de l’épaule droite.
Se redressant lentement comme un chien après une longue sieste, le monstre se secoua le corps comme le ferait tout canidé.
S’étirant sans même prêter attention à ses victimes, il apparut aux yeux de tous sans la moindre égratignure.
Donnant ainsi le feu vert aux Dryades qui reprirent en premières l’assaut.
Tombant à genoux devant son bras que les nerfs agitaient encore, dans une gerbe de sang, ne pouvant contenir l’hémorragie, Rebecca avait le regard déjà vitreux. La beauté tropicale était déjà blafarde.
A peine remise, Erda se jeta dans sa direction afin de lui éviter d’être balayée par un revers de patte du monstre.
Elle roula avec elle sur le sol jusqu’à pouvoir la déposer contre une colonne grecque renversée.
Mito, elle, se tourna vers Rumi. Elle lui ôta son masque pour tenter de distinguer la moindre étincelle de vie dans son regard. L’espoir fut immédiatement anéanti lorsqu’elle plongea dans ses yeux vides.
D’instinct, de colère, et par nature de meneuse auprès des autres, Mito se jeta à corps perdu contre les Dryades qu’elle massacra sans ménagement en espérant protéger ses camarades.
Erda, elle, baissait la tête à chaque secousse que les combats produisaient autour d’elle, tout en ôtant son foulard à Rebecca. Elle s’en servit pour lui faire un garrot.
_ « Mito… Tu dois aller aider Mito… Elle s’épuise à combattre dans tous les sens…, perdait de plus en plus de sa superbe Rebecca.
_ Ce monstre, garda son sang-froid Erda en serrant fort le foulard aussitôt imbibé d’hémoglobine, qu’est-ce que c’est ? Et comment a-t-il pu survivre à une telle attaque ?
_ C’est le bunyip. Une créature mythique de la mythologie aborigène australienne. La longue membrane de sa collerette couvre son dos. Elle a dû servir de bouclier à l’attaque. Je ne vois que ça. »
Par réflexe, Rebecca appuya sur la tête d’Erda pour la coucher au sol lorsque Bunyip lança un tentacule tranchant l’horizon dans leur direction.
Alors que des bustes arrachés de Dryades et d’apprenties tombèrent au sol, Rebecca et Erda furent recouvertes par les arbres découpés dans la foulée…
Devant le camp, à l’orée de la forêt, Voskos trépignait.
A mesure que les secondes s’écoulaient, d’autres guerriers, soldats ou Saints, le rejoignaient.
La foule s’amassait tout autour du bois.
Dans son dos, Xiao Ling restait agenouillée en sanglotant.
Voskos ne lui prêtait même plus attention.
Elle revivait la répression dont elle fut victime.
Le petit corps de Yufa.
Piétiné.
Désarticulé.
Les yeux grands ouverts.
Vides.
Sans vie.
A cet instant, telles deux fusées, deux guerriers en kimonos, se distinguant par leurs tenues du reste des autres renforts qui se groupaient, passèrent sous ses yeux.
Mirai et Shinato trouvèrent Voskos. Tous trois étaient déterminés à en découdre.
_ « Seigneur Voskos, fléchit légèrement la tête Mirai.
_ Mirai. Shinato, les reconnut-il. Alors vous aussi vous êtes venus mater les Dryades !
_ Et comment, gonfla les muscles Mirai ! »
Pour sa part, Shinato ne disait rien. Écoutant avec effroi les nombreux appels au secours et cris de mortification venant de l’intérieur.
_ « J’y vais, décréta Shinato ! »
Mirai tendit le bras dans sa direction : « Attends ! C’est un camp réservé aux femmes ! Tu ferais acte de parjure envers Athéna en t’y rendant ! »
Voskos écarquilla les yeux devant la crédulité de Mirai.
Shinato défit son bandeau et libéra ses longs cheveux dans son dos en détachant sa queue de cheval. Elle resserra davantage à la taille sa ceinture de kimono afin que celui-ci épouse réellement sa poitrine de jeune femme.
_ « Pardonne-moi Mirai de t’avoir caché la vérité durant toutes ces années.
_ M… Mais pourquoi ?!
_ J’ai longtemps douté de la voie que je devais emprunter. Saint ou prêtresse. D’où ma possibilité de ne pas porter de masque grâce à l’alternative de la pratique du culte pour devenir Saintia. De plus, ça m’a rendu la vie plus facile vis-à-vis des autres apprentis, dont toi. Ne pas souffrir de la différence m’a permis de m’aguerrir normalement. Cependant, aujourd’hui, avec Maître Mayura qui risque sa vie, et sur le fait accompli de l’invasion du Sanctuaire, je ne peux gâcher mon talent martial en me retirant de la vie de Saint. Mon choix est fait. Je deviendrai une Saint. Et c’est par égard à tout ce que nous avons partagé jusqu’alors, que je te montre en cet instant mon véritable visage. Si je survis à ça, je devrai porter un masque pour toujours. Hormis lorsque je serai en présence de l’homme à qui j’ai envie d’offrir ce sourire, s’il partage mon affection en retour bien entendu. »
Puis, sans laisser Mirai réagir, elle resserra son bandeau et rattacha ses cheveux avant de s’enfoncer dans la forêt.
Derrière eux, Xiao Ling était saisie par le courage de Shinato : « Elle est prête à risquer sa vie par honneur pour son maître. Tandis que je n’ai pas le courage de rendre la pareille à Rebecca… »
Penaud, Mirai fixait Shinato disparue dans la touffeur boisée d’un air bien crédule.
_ « Tu étais sérieux ? Tu n’avais jamais remarqué que Shinato était une fille, le bouscula du coude Voskos ?
_ Bah… Oui… Vraiment…
_ Crétin, souffla-t-il amusé en lui cognant le dessus du crâne de son poing.
_ Tout de même, leva Mirai la tête en direction des pétales de l’Utérus qui tombaient sur le Sanctuaire, Shinato a bien du courage, Eris a pour but de semer la discorde afin que les hommes deviennent fous et s’entretuent tous. Faisant passer les guerres civiles et autres génocides vécus jusqu’alors dans l’histoire pour des clopinettes. »
Ces paroles résonnèrent dans l’esprit de Xiao Ling : « Si tout ce que j’ai vécu jusqu’alors n’est rien comparé au monde que nous réserve Eris… Alors… Même si je ne comprends pas encore tout à ce qu’il se passe ici… Je dois me battre aussi… »
_ « Shinato a un cosmos proche du niveau d’un Saint, je ne suis pas inquiet pour elle, tenta Voskos de rassurer Mirai sans remarquer que Xiao Ling passait à côté d’eux d’un pas lent.
_ Qui est-ce, pointa alors du doigt Mirai la Chinoise ?
_ C’est une future guerrière qui trouvera en Athéna la foi de risquer sa vie sans ne plus jamais douter, répondit fort le Saint de bronze en reconnaissant Xiao Ling afin qu’elle l’entende. »
Ces mots réconfortants lui parvenant, elle serra les poings et se jeta à longues enjambées à la suite de Shinato.
Flashback
D’elle-même cette fois-ci, Kyoko cesse son histoire lorsqu’elle voit sortir le serveur.
Interpellé par le vacarme sur la terrasse et, personnellement impliqué par ce qu’il se passe envers son amante, il accourt.
La mine espiègle de Kyoko prend alors un air sadique lorsqu’elle claque des doigts en regardant Mars : « Éclosion de la troisième Evil Seeds ! »
En Argentine, dans le night-club, en dehors de la chambre où Vasiliás se livre à un jeu salace, Tromos est arrivé d’un pas décidé à l’étage.
Les yeux fixes et froids, il toise les sept veilleurs de Segador qui gardent la porte au bout du couloir.
Un premier tend la main pour barrer le passage : « Qui t’es toi ? Pas un pas de plu… »
Il n’a même pas le temps de finir sa phrase que Tromos lui retourne le bras, lui brisant ainsi tous les os. Ses camarades ne sont pas assez rapides pour dégainer leurs armes que le colossal Berserker zigzague entre eux pour les tuer d’un seul coup en frappant uniquement un point vital différent pour chacun.
Avant de s’enfoncer dans la dernière pièce, il ramasse sur un des hommes de main une machette attachée à sa ceinture. Il s’en sert pour planter à hauteur de chaque rein le premier rempart au bras brisé : « Meurs en souffrance. C’est tout ce que tu mérites. »
En Grèce, Kyoko continue de raconter à Mars les détails du retour d’Eris sur Terre il y a trois ans.
Sur la terrasse du café où elle a fait germer chez un couple les graines de la discorde, elle narre ses exploits en ignorant la dispute qu’elle a initié chez ses voisins de table…
Flashback
Au Sanctuaire, à proximité du camp des femmes chevaliers, le mètre quatre-vingt-dix-sept de Voskos s’était recroquevillé pour concentrer son cosmos face aux Dryades qui venaient d’éclore.
Le Saint de bronze du Bouvier chargeait de ses cent quatre-vingt-trois kilos une Dryade masculine : « Katapatisi Agria ! »
L’adversaire subit le Piétinement Sauvage de plein fouet et retomba, les os rompus, à côté d’une autre Dryade déjà vaincue et qui fanait avant de finir en poussière.
_ « Et de deux, se glorifia le rustre ! »
Dans son dos, Xiao Ling reculait sous la pression de deux autres qui profitèrent que leurs deux alliées restantes barraient la route au rustre chevalier.
_ « Fraîche, se lécha les lèvres une Dryade…
_ Innocente, pressa le pas la seconde ! »
Xiao Ling était acculée contre un bosquet.
Lorsque la première se jeta sur elle, par réflexe, elle passa ses mains par-dessus sa tête pour saisir le tronc et, appuyant sur ses jambes, grimpa plus haut pour esquiver le coup.
Enchevêtrée dans l’arbre, la Dryade n’eut pas le temps de s’en dépêtrer que Xiao Ling retomba sur elle d’un salto, le talon droit lui fendant le haut du crâne.
Son premier assaillant vaincu, la Chinoise n’en demeurait pas plus rassurée malgré tout.
Le second faisait déjà face, plus incisif.
Avec quelques pirouettes et roulades, elle parvint à esquiver un moment, jusqu’à ce que l’ennemi finisse par planter ses griffes sur le bas de sa tunique, au niveau de l’entrejambe, la laissant à la merci de son autre main aux ongles acérés.
Démunie, elle ferma les yeux, attendant le verdict.
C’est alors que Voskos apparut dans le dos de la Dryade, lui attrapa l’arrière de la tête dans son immense pogne gauche et la lui éclata contre le sol, entre les jambes de la jeune femme fébrile.
Éclaboussée par un sang qui n’était pas le sien, Xiao Ling rouvrit les yeux pour faire face au regard inquisiteur de Voskos : « M… Merci… »
Sous leurs pieds, le sol tremblait des combats venant du camp des femmes chevaliers.
Derrière Voskos, les dernières Dryades fanaient. Le colosse n’en tira aucune gloire.
_ « Ne me remercie pas. Tu aurais dû parvenir à te défaire d’elle sans mon aide, demeura-t-il sévère. Surtout que tu es parvenue à en vaincre une.
_ C’était un coup de chance.
_ La chance… C’est comme le miracle dont parlait plus tôt le Seigneur Algol. C’est l’apanage des Saints. Nous créons notre chance. Nous accomplissons nos miracles. En surpassant nos limites. En brûlant notre cosmos. Tout à l’heure, tu es parvenu à défaire une Dryade. Tu as mêlé sang-froid, analyse tactique du terrain et technique de combat à laquelle tu as joins ton cosmos. Que tu l’ais brûlé inconsciemment ou non, il fallait au moins une once de cosmos pour parvenir à l’éliminer.
_ Peut-être, baissa-t-elle la tête penaude…
_ Je ne peux pas croire qu’une jolie jeune femme comme toi as traversé le monde pour venir jusqu’ici sans rencontrer d’embûches. Des gens malhonnêtes, mal intentionnés, tu as dû en rencontrer des dizaines. Pour t’en débarrasser, tu as dû surpasser ces gens, parfois équipés d’armes contemporaines. Certains chemins sont inhabités. Tu n’as pu voler pour te nourrir. Tu as compensé la faim en t’enveloppant de ton cosmos. Ou tu as chassé dans des lieux où seuls les grands prédateurs arrivent à se repaître. Ou peut-être les deux. Toujours est-il que c’est le cosmos qui t’a maintenu jusqu’ici.
_ Peut-être, balbutia-t-elle à nouveau. Mais pourquoi me dire tout ceci ?
_ Parce que nous sommes arrivés au camp, pointa-t-il du doigt le bosquet dont elle s’était servie plus tôt et qui marquait le début d’une dense forêt. Traverse la forêt et tu trouveras Rebecca. »
Dans son dos, des hurlements de souffrances et de terreurs accompagnaient les tremblements de terre et les secousses cosmiques.
_ « Mais… Mais… Je ne peux pas… C’est la guerre là-dedans…
_ Justement ! C’est pour ça que tu dois aller y porter ton aide ! Nous autres, hommes, ne pouvons fouler cette terre bénie par Athéna. La seule chose que je puisse faire c’est empêcher la retraite des Dryades que vous, femmes, allez vaincre à l’intérieur ! »
Xiao Ling aurait voulu se vautrer plus bas que terre.
_ « … Je… Je ne serai qu’un poids…
_ Un Saint n’est jamais un poids lorsqu’il risque sa vie pour défendre autrui !
_ Mais je ne sais même pas ce qui est en jeu dans cette guerre…
_ Rebecca, celle à qui tu dois la vie aujourd’hui, risque la sienne pour sauver des innocentes prises au piège à l’intérieur et vaincre une menace qui pèse sur le monde !
_ Je ne suis pas aussi forte que Rebecca…
_ Ton soutien lui donnera encore plus de forces !
_ J’en suis incapable… »
Dans les cieux, sur l’Utérus, Georg arpentait la bordure pentue qui longeait la chute d’eau vers le quatrième niveau. Il suivait la lumière du jour qui éblouissait le haut de cette montée.
Une fois le halo de lumière passé, Georg débouchait sur le cinquième et dernier étage avant d’accéder au palais d’Eris.
L’homme à la barbichette fut aussitôt ébloui par le reflet du soleil.
Passant par réflexe sa main devant ses yeux, il abandonna sa garde, s’exposant ainsi à une vrille rouge qui s’enfonça dans son dos.
Propulsé vers l’avant, la protection dorsale de son armure d’argent fissurée, il s’écrasa le front contre la première colonne qui lui fit face.
Bien qu’amorti par son heaume, le choc fut suffisamment brutal pour que du sang coula de son front jusque dans ses yeux.
Étourdi, il enroula ses bras autour du pylône pour tenter de garder l’équilibre.
Cependant, sa prise glissait le long du pilier. Celui-ci était froid. Lisse.
A mesure que ses esprits lui revenaient et que ses yeux s’habituaient à la lumière, il remarqua que la colonne était de glace. Comme toutes celles qui supportaient le niveau d’ailleurs. Des colonnes de glace qui soutenaient un plafond de glace.
Plus il chercha à se reprendre, plus ses pieds s’éloignaient. Comme le plafond, le sol était semblable à un miroir. Légèrement incliné jusqu’à son centre d’où est sorti à l’instant Georg.
D’architecture grecque, le cinquième niveau n’était ni de pierre ni de marbre, il était fait de glace.
Le vent de haute altitude traversait cette plate-forme sans mur. Il glaçait les précipitations quand le soleil ne les faisait pas luire, pour s’écouler tel un ruisseau vers les étages inférieurs.
Fasciné par ce jardin de miroirs, Georg comprit vite qu’en restant au centre de la plate-forme il était ainsi exposé malgré ses multiples reflets.
D’un rapide coup de tête de gauche à droite, il identifia des milliers de réflexions de son adversaire. Un homme couvert d’une Leaf au rouge aussi ardent que sa tunique.
_ « A en juger la forme de ton armure, celle-ci s’apparente plus à une Cloth. Tu es donc un Ghost Saint, déduisit Georg. Et par son profilage proche de celle de mon ami Juan, tu es un ancien Saint de l’Ecu.
_ Oui, je suis Jan Ghost Saint de l’Ecu, on ne peut rien te cacher. J’espérais justement que ce soit ton ami qui m’affronte, afin que je prouve que de tous les boucliers de la Cloth de l’Ecu, ce fut le mien, forgé par mon cosmos, qui était le plus résistant !
_ Est-ce là tout ? Est-ce là ta raison d’avoir trahi ton serment envers Athéna, provoqua volontairement Georg ?!
_ Quel serment ai-je trahi ? Je suis mort pour Athéna et souffre depuis des siècles et des siècles au Cocyte pour cela. Pour ma résurrection, j’ai promis fidélité à Eris. Nouvelle vie, nouveau serment. Voilà tout.
_ Comme ta simplicité d’esprit me sidère, dit-il en fermant les yeux pour mieux se concentrer !
_ Vraiment, s’insurgea Jan ?! Il n’y a rien de compliqué à comprendre pourtant. J’ai fait de mon corps et de mon cosmos le bouclier destiné à défendre les idéaux d’Athéna. Des centaines d’années plus tard à avoir été torturé, Eris m’a fait réaliser que si nous n’avions pas été soulagés de nos peines au royaume d’Hadès, c’est parce qu’Athéna avait lamentablement échoué, génération après génération. Mon écu impénétrable lui avait juste servi à se cacher. Eris m’a alors offert de me libérer de mes tourments pour faire de mon blindage non pas une cachette mais plutôt un socle impénétrable permettant d’avancer. Je détruirai ainsi toutes les défenses d’Athéna pour prouver que la mienne demeure la plus efficace et qu’à défaut d’être une protection, elle peut être une arme, s’époumona-t-il ! Le meilleur bouclier au service de la meilleure attaque, scanda-t-il de toutes ses forces !
_ Je t’ai localisé, le surprit alors Georg ! Geistig Blitz ! »
Georg concentrait jusqu’alors son ouïe pour trouver parmi tous les reflets son adversaire. Il lui fit volontairement hausser le ton pour lui balancer son Eclair Fantôme sous la forme d’un trait de foudre fracassant les colonnes sur son passage.
C’est alors que la dernière colonne avant de frapper Jan venait d’être brisée, que la voix de son adversaire dans son dos le fit frémir : « Comment peut-on parler d’éclair quand ce petit courant électrique ne va pas plus vite que Mach 4 ! »
Stupéfait, Georg se retourna avec un coup de coude qu’esquiva Jan en s’accroupissant.
Georg profita qu’il soit abaissé pour frapper du poing vers le bas : « Geistig Blitz ! »
Beaucoup plus rapide, le Ghost Saint dressa son bouclier devant lui.
Georg s’y éclata la main, ébréchant sa propre Cloth.
Déconcentré par sa fracture du poignet, il constata trop tard que Jan ripostait. Un direct du droit à l’estomac, doublé d’un gauche, suivi du même enchaînement au visage, le repoussant toujours plus loin sous l’impact.
Avec du recul, pensant être à l’abri de l’allonge de son adversaire, Georg ne comprit que trop tard qu’il s’agissait de l’espace nécessaire à Jan pour déclencher sa technique.
D’un saut dans les airs pour se donner de l’impulsion, il tourbillonna sur lui-même puis retomba pied en avant en plein torse de Georg : « Bone Crush Screw ! »
La même Vrille Briseuse d’Os qui le prit par surprise à son arrivée, le fit cette fois-ci rebondir au sol pour mieux s’écraser ensuite contre un pilier de glace. Le long duquel il glissa lentement avant de s’écraser lamentablement parterre…
A l’étage du dessus, devant la chambre d’Eris, la déesse descendait les marches jusqu’à sa guerrière nommée Dame Blanche.
Face à elles, le corps égratigné et fumant d’Aeson demeurait inerte. Sa Cloth d’argent était rayée sur toute sa surface.
_ « Dame Blanche… Je n’aurai jamais imaginé que tu utilises si tôt ton Folklore Dévoreur.
_ Je n’ai pu résister à ses paroles. Me faisant passer pour l’unique responsable de notre sort. Nous étions jeunes. Nous nous aimions. Nous savions très bien que ce que nous commettions en nous unissant alors que j’étais une Saintia, était un crime. Mais l’amour fut plus fort que tout. Je vous ai portées ta s½ur et toi, mises au monde en secret lors de missions de pèlerinage que je réclamais au Grand Pope Shion lorsque je découvris chaque grossesse. Chaque fois ton père était présent. Chaque fois il s’arrangea pour faire partie de la mission et revenir avec les nourrissons que j'ai fait naître en secret. Il présentait ces enfants comme des réfugiés des camps ennemis que nous visitions. Cela permettait de ne pas soulever trop de questions autour de nous et cela nous offrait suffisamment de bonheur quand je venais retrouver notre famille à Bifolco, ce village au Nord du Sanctuaire, lorsque je descendais en ville. Au temple des Saintias, nous n’étions pas débordées. Athéna n’était pas encore réincarnée. Cela nous laissait le temps d’être une famille presque normale. Puis un jour, le Grand Pope Shion annonça que l’arrivée d’Athéna serait imminente. C’est là que tout bascula…
_ L’usurpateur, reconnut Kyoko…
_ Tout à fait. Je ne m’en doutais pas. Peu de temps après, le Grand Pope Shion et son frère furent assassinés. Nous n’y vîmes que du feu. Pour nous la vie suivait son cours, loin de nous douter que l’usurpateur plaçait ses espions un peu partout sur le royaume. Je fus découverte. Cependant, il ne se passa rien, jusqu’à ce jour où Athéna vint au monde. Elle était belle. Chétive mais radieuse. Elle me rappelait ta s½ur et toi lorsque je vous prenais dans mes bras. J’étais la représentante de mon ordre et donc chargée de veiller sur le nourrisson qu’elle était. Le premier soir de sa vie, alors que je veillais sur elle, le Pope apparut. Il était haletant. Son cosmos était noir. Je lui fis barrage de mon faible corps. Alors qu’il m’aurait aisément éliminé en temps normal, il était pressé, imprécis, tourmenté. Il m’écarta violemment et je perdis connaissance. Il n’y eut pas de combats pour ainsi dire, tant ce fut une humiliation pour la Saintia que j’étais. A mon réveil, dans la prison du Sanctuaire, j’étais bâillonnée, les mains attachées dans le dos par les fers bénis d'Athéna. C’était l’ébullition. J’entendais les gardes parler d’Aiolos le traître qui avait attenté à la vie d’Athéna. Et moi, impuissante que j’étais, je ne pus que constater la relève de la garde par un homme qui montait en puissance depuis plusieurs semaines. Gigas et son équipe. Dès le lendemain, je fus conduite à la salle d’audience du Grand Pope. Sale, meurtrie, défroquée, humiliée, j’avais été balancée sur le grand tapis rouge face contre terre, devant ce faux Pope tout pur dans son grand habit blanc, vénérable sous son casque d’or. Alignés de chaque côté du tapis, debout, casque sous la main, toute la caste des Saints d’argent était réunie. Il ne manquait qu’Aeson, qui entra par la grande porte, escorté par la garde, sans sa Cloth, la mine basse. Nos enfants lui furent enlevés dans la nuit, tandis qu’il fut lui aussi mis aux arrêts. Nous avions péché. Moi représentante de l’ordre des Saintias, pour ne pas avoir respecté mon serment de chasteté, j’avais blasphémé. Et Aeson avec. Bien entendu, cela devint par la suite monnaie courante chez ce Pope. Mais moi, j’en savais trop. Les gardes m’avaient retrouvé avant que le Pope ne revienne de la chambre d’Athéna. Me bâillonner ne pouvait durer éternellement. Il lui fallait se débarrasser de moi. De moi et du fruit de mes sacrilèges. Mes filles seraient vendues comme servantes. Mon amie de toujours Mayura, pour me punir, s’empressa de proposer au Pope de régler ce verdict. Et Aeson devait être destitué et mis à mort dans l’arène contre tous ses pairs. Pourtant, pour sa bravoure par le passé, il obtint du Grand Pope l’absolution s’il exécutait ma peine. Ce poltron qui a toujours été discipliné, eut la certitude contre le renouvellement de son serment de garder son statut. Il n’a pas hésité un seul instant entre son amour pour Athéna et moi !
_ C’est faux, balbutia Aeson en déplorant les larmes qui fuyaient les yeux de Kyoko.
_ Pas la peine de lui mentir, je lui ai déjà raconté plusieurs fois toute l’histoire !
_ Mayura n’a jamais cherché à te punir. Quand la sentence pour les filles fut tombée, elle s’empressa de chercher l’approbation dans mon regard. Elle nous garantissait, en confiant elle-même les filles à quelqu'un, une chance de savoir nos enfants à l’abri d’un sort tragique. Elles auraient été séparées ! Elles auraient pu être vendues servantes pour un commerçant exigeant qui les auraient tuées à la tâche ! Ou pire, esclaves ou filles de joie au Port du Destin ! Mayura était notre amie ! Ton amie ! Elle m’apportait par ce geste la garantie qu’elles soient en sécurité.
_ Mais toi égoïste que tu es, tu n’as pas cherché à les retrouver après ça !
_ Tu étais là ! Tu as tout entendu ! Le Grand Pope a précisé que si je cherchais un jour à les retrouver il nous exécuterait tous les trois !
_ Oui ! Il fallait surtout protéger ta vie devenue si minable ! Tu étais certainement trop occupé à recevoir les honneurs de ton rang pour enquêter et chercher une échappatoire !
_ Je n’ai rien gardé de mon statut d’antan ! Durant toutes ces années je suis resté assigné au Sanctuaire à former des disciples et à crever de solitude ! A me ronger pour ce que je t’ai fait ! A angoisser pour le devenir de mes enfants !
_ Tu as égoïstement sauvé ta place en acceptant d’être mon bourreau !
_ J’ai accepté cela par amour ! Pour racheter notre faute envers Athéna ! J’ai prié chaque jour depuis ce jugement pour qu’Athéna accepte mon offrande et te pardonne ! »
Le visage décomposé d’Aeson, rongé par le regret et la sincérité, cloua le bec de la Dame Blanche. Des larmes perlaient sous son masque.
Remis debout, les genoux vacillants, Aeson tentait quelques moulinets avec les bras pour mimer son impuissance : « J’étais démuni. Je n’avais pas d’autres moyens. Tout était terminé. Je voulais simplement que tu ne souffres pas. Ni dans cette vie. Ni dans l’autre. »
La revenante lui tourna le dos : « Mon exécution n’eut lieu que quelques semaines après la condamnation, prolongeant ainsi plus longtemps ma torture entre les mains des hommes de Gigas. Ni avant, ni après, Athéna ne m’est apparue. »
Kyoko passa devant sa mère. Elle s’adressa directement à son père biologique : « Et pour cause, comme tu l’as entendu et comme je peux te le certifier, Athéna n’était déjà plus au Sanctuaire. Si elle est encore en vie aujourd’hui, elle n’est qu’une petite souris qui se cache d’un imposteur qui te commande et qui t’a fait mettre à mort ta femme, abandonner tes enfants, renier ta vie de bonheur. »
Perdu, Aeson se laissa tomber à genoux : « Si c’est ma punition, alors je l’accepte. Avoir fauté envers Athéna. Avoir trahis ma famille. Vivre dans le désespoir depuis. Pour finalement être dupé. Tout ça je l’accepte. »
Puis, tout à coup revigoré par sa mission de chevalier, Aeson redressa sa tête vers Eris : « Je l’ai accepté il y a longtemps, en devenant Saint... »
Immédiatement, la Dame Blanche se mit en première ligne pour protéger Eris.
Malgré tout, Kyoko l’écarta avec son sceptre et ouvrit les bras pour se laisser à la merci du Saint qui accumulait tout son cosmos.
_ « Une vie de souffrance pour sauver des milliards de vie humaine. C’est notre serment de Saint. En trahissant mon serment avec une Saintia, je savais que je m’exposerai à davantage de tourments. Vous entraînant toutes les trois, Shoko, ta mère et toi, dans mon sillage. Que je sois puni pour ça ! Mais une chose est sûre, avant cela, je ne peux laisser la Déesse de la Discorde profiter des remous au Sanctuaire et entacher davantage mon nom en restant inactif ! Kyoko… Ma chérie… Pardonne-moi ! »
Contre les ordres de sa déesse, le Fantôme revint à la charge : « Yokai O Musabori Kuu ! »
La gueule béante de cosmos de la Dame Blanche devança Aeson pour protéger Kyoko.
Pris à revers, le Saint de la Coupe encaissa sans la moindre chance de riposter.
Son plastron fut arraché.
Il finit écrasé contre l’obélisque au pied des marches…
Quelques étages en dessous, dans la salle du c½ur de l’Utérus, Aiolia se tenait entre l’arbre et ses deux adversaires.
Le second round venait d’être lancé.
Hysminai prit appui au sol, gardant Galan derrière elle, immobile.
Elle fonça sur le Saint d’or qui entrava son chemin de son Lightning Plasma.
Seulement, elle passa sans mal au travers des rayons de lumière sans se voir barrer la route.
Avec une vitesse le surprenant, elle passa dans son dos en prenant soin de l’entailler au bras.
_ « Maintenant c’est mon tour, repartit-elle à l’assaut, je vais te tailler en pièces !
_ Lightning Plasma, relança-t-il ! »
Cette fois-ci, située entre Aiolia et l’arbre, la Dryade ne parvint pas à passer au travers les faisceaux et se retrouva rossée puis repoussée en arrière, retombant sur le front.
_ « Que… Comment est-ce possible… Cette attaque était bien plus forte et plus rapide que tout à l’heure… »
Après avoir vérifié l’immobilisme de Galan, Aiolia avança vers elle, bras déjà tendu dans sa direction, émanant de cosmos.
Glissant sa tête sur le côté, Hysminai comprit.
_ « Je vois ! Je ne te pensais pas si rapide ni si fort ! Tu as retenu ton premier coup n’est-ce pas ? »
Aiolia cessa aussitôt sa progression. Elle avait découvert son stratagème.
Elle fixa Galan resté à l’arrière : « J’ai vu juste. Lors de ton premier essai, ce Fantôme était à mes côtés. Tu refuses de l’éliminer. Tu as donc retenu ton coup. Alors que la seconde fois, tu nous avais, l’Utérus et moi-même, seuls ! L’horizon était dégagé. »
Aiolia fixait l’arbre maudit derrière Hysminai : « Sur le tronc, juste à ce niveau, je vois le n½ud de l’arbre. Il est son centre névralgique. C’est là que je dois frapper, songea-t-il. Si je parviens à le détruire, je libérerai Galan de son emprise. »
_ « Très bien… Je sens que nous allons nous amuser, dit Hysminai en se remettant subitement en position ! »
Le Saint d’or choisit d’en finir vite, il chargea son cosmos dans son poing pour faire d’une pierre deux coups lorsque tout à coup, une pression cosmique le paralysa.
_ « King’s Roar, déclencha Galan ! »
Relancé par les intentions de l’arbre, Galan libéra son cosmos. Il prit la forme cosmique d’un lion d’ébène aux crocs ensanglantés. Son rugissement paralysa Aiolia.
Impuissant, Aiolia voyait Hysminai lui foncer dessus avec sa Leaf acérée.
Usant de l’accumulation de cosmos gardé dans son bras, il s’extirpa à la dernière seconde du Rugissement du Roi et pivota sur le côté pour échapper à Hysminai. Il tomba alors nez à nez avec Galan.
Reparti à l’assaut, Galan était prêt à frapper le second acte de son arcane. Cette fois-ci la gueule du lion noir planta ses crocs en plein flanc du fauve doré. De sa main botanique, Galan libéra une sphère de cosmos obscure qui souffla en pleines côtes gauches Aiolia.
Il voltigea haut et loin, allant heurter une des multiples voûtes de l’édifice circulaire.
Refusant d’abdiquer, il s’épargna une chute et se réceptionna, bien qu’avec difficulté, sur ses deux jambes en regagnant le sol.
La main droite contre son flanc gauche, il ne put retenir un haut de c½ur qui lui fit renvoyer du sang. Sa main remonta plus haut, contre son c½ur.
_ « Le contrecoup du King’s Roar, expliqua le Fantôme. Le rugissement atteint ton être, mon cosmos choque le tien. Ce télescopage en ton sein a des répercussions sur ton organisme. D’abord physique. Puis mental. En plus de la douleur, il inspire la peur. Puis, une fois tétanisée, la proie est à la merci de mes crocs. Ton c½ur ne peut sortir indemne de tout ça, surtout que je t’ai frappé tout prêt. Le prochain coup te sera fatal.
_ J’ignorais que tu avais perfectionné une telle technique, s’essoufflait Aiolia.
_ Tu oublies que j’étais un prétendant au statut du Saint d’or du Lion, avant que je ne sois contraint de me retirer.
_ Je n’ai rien oublié du tout. Ni ta force, ni ta bravoure. Pas plus que l’amour fraternel qui nous unissait. Toi. Lithos. Et moi. »
Touché au plus profond de son être, Galan s’adoucit et balbutia : « Aiolia… »
_ « J’ai surmonté tant de brimades, d’épreuves, de duels… Grâce à toi, poursuivit alors Aiolia. Parce que tu étais là. Auprès de moi…
_ … Aiolia, grimaça Galan…
_ … A chaque instant… Même dans le Tartare contre les Titans… Tu as fait de ton bras perdu mon bras armé. Tu as fait de ton ½il perdu mon c½ur de lion… Tous ces symboles m’ont permis de résister, de gagner…
_ … Aiolia, sanglota Galan… »
Hysminai les stoppa en s’adressant directement à l’Utérus : « Ça suffit ! »
Immédiatement, le n½ud de l’arbre cligna d’un rouge aussi sanguinolent que l’iris droit de Galan.
Le Fantôme se prit la tête entre les mains en hurlant. Les racines sur son corps gonflèrent.
_ « Ordure, adressa Aiolia à l’endroit d’Hysminai ! Tu vas me le payer ! Lightning Plasma ! »
Elle croisa ses bras devant elle puis les relâcha dans la direction du Lion, comme si elle lui envoyait les crans portés à ses avant-bras. Des faucilles de cosmos par milliers foncèrent tel des boomerangs contre lui.
_ « Serrated Blade ! »
Chaque serpette se brisa contre le Plasma Foudroyant qui quadrillait de cosmos l’espace entre eux… Sauf la plus vive d’entre elles.
Hysminai en personne avait rejoint Aiolia à la vitesse de la lumière.
Par réflexe, il inclina la tête sur le côté. Son geste lui occasionna uniquement une profonde entaille au cou contre une décapitation du bras de la Dryade.
Blessé et vexé, il réalisa trop tard qu’elle avait disparu de son champ de vision.
Lorsqu’il leva la tête au ciel, elle enchaîna d’un mouvement acrobatique aérien pour le renvoyer contre le mur : « C’est fini je vais prendre ta tête Saint d’or ! »
Il croisa aussi vite qu’elle le condamna ses bras devant lui pour bloquer sa lame.
_ « Je pensais que tu te cachais derrière Galan par faiblesse Dryade ! J’ai eu tort ! Tu vaux tout autant qu’un Saint d’or, confessa-t-il ! »
Satisfaite, Hysminai se replia d’un bond arrière.
Mais avant même qu’elle ne retouche le sol, Galan endiablé par l’arbre prit le relais.
Totalement rongé par la verdure sur le côté droit de son visage, son bras était également devenu disproportionné, d’un vert mûr, aussi gros que ses deux cuisses réunies.
Il passa sous la Dryade pendant son acrobatie, déstabilisant par son allure et sa vitesse Aiolia.
_ « King’s Roar !
_ Lightning Bolt ! »
Cette fois-ci Aiolia bloqua l’agression cosmique de Galan, en dégageant sa sphère d’éclairs.
Deux globes de cosmos s’opposèrent devant le poing tendu du chevalier.
Imprégné de folie, Galan poursuivit vers le mélange de cosmos laissé en suspens entre les deux adversaires.
Buste en avant, bras écartés, Galan s’avançait inconsciemment contre cette bombe à retardement, alors qu’Aiolia luttait contre la menace de l'implosion du choc de leurs deux attaques : « A une si courte portée, les dégâts seraient critiques. »
Il chargea l’énergie en suspens d’un second Lightning Bolt de son autre main pour espérer la retourner contre le Fantôme.
Galan, lui, cogna de son bras végétal la suspension de cosmos pour relâcher le second effet de son King’s Roar.
Ainsi, il remporta le duel d’énergie qui explosa contre Aiolia à bout portant.
Suivant la déflagration, Galan chargea. De son poing il brisa le diadème d’Aiolia.
La détonation fut si puissante que la voussure fut renfoncée, brisant les claveaux des voûtes du dessus et fissurant tout le hall arrondi où resplendissait tel un rubis le c½ur de l’Utérus.
Au milieu d’un nuage de poussière, dirigeant son poing encore logé dans sa pommette éclatée, Galan envoya la tête d’Aiolia rebondir contre le sol, pour ensuite lui faire traverser la pièce d’une reprise de volée du pied.
Le corps à corps se poursuivit dans l’horizon plus dégagé.
Cette fois-ci, Aiolia dévia la poursuite de Galan en frappant à distance.
Galan esquiva sur le côté l’onde de choc, mais Aiolia était déjà sur sa gauche.
Galan para la droite et riposta avec une série de coups de poings, tout en s’évertuant d'éviter ceux d’Aiolia.
Le chevalier faisait de même, mais brisa le rythme d’un coup de pied retourné en pleine poitrine, brisant la Leaf au niveau du poitrail dans une propulsion de sang, témoignant l’impact des échanges.
Il frappa à nouveau à distance, mais Galan esquiva encore, par les airs cette fois-ci.
Il retomba pied en avant mais Aiolia se protégea avec son bras.
Toujours en suspension, Galan répéta son geste et rompit à son tour la cadence, en l’attrapant par les cheveux avec sa main gauche pour lui écraser la tête au sol.
Face contre terre, Aiolia repoussa Galan à bout portant d’un Lightning Plasma.
Mitraillé dans les airs, Galan perdait morceau après morceau sa Leaf. Sa chair de moins en moins protégée se déchirait des pieds à la tête.
Il en perdit la pression qu’il exerçait sur le Saint.
Aiolia put alors poursuivre et resurgir avec un Lightning Bolt.
Galan voulut contrer. Il cogna de son bras difforme contre le poing de cosmos avec un King’s Roar.
Encore plus puissant que le précédent, lui déjà plus impressionnant que le premier, le Rugissement du Roi remporta le duel et repoussa Aiolia.
Le second acte de l’arcane se traduisit par un direct en plein c½ur qui en fit crisser la Cloth, puis d’un troisième, inédit dans le déroulement de la technique jusqu’ici, par un uppercut enchaîné.
Aiolia vrilla sur plusieurs mètres comme un pantin désarticulé qui rebondissait sur le sol…
Sur Terre, à l’Est et au Centre du Sanctuaire, dans les alentours du camp des femmes chevaliers, la population était en émoi.
La colonne de feu qui en ressortait s’estompait petit à petit.
Toutefois, les secousses provoquées au centre du camp par les pas de l’animal de neuf tonnes accompagnant les Dryades, continuaient de retentir dans l’atmosphère. Il faisait vibrer le sol chez les habitants les plus proches.
Dans tout le reste du domaine, les guerriers les plus affûtés percevaient les perturbations cosmiques venant du camp.
Bandeau bleu coiffant ses cheveux tirés d’une queue de cheval, Shinato fit remarquer à Mirai : « Encore un cosmos qui s’est éteint là-bas ! »
Le second apprenti de Mayura aux cheveux châtains hirsutes réagit : « Eris n’a pas attendu qu’on attaque son camp. De son côté aussi elle a préparé une riposte ! »
Shinato sortit ses mains des longues manches de son kimono pourpre.
Plus sévèrement vêtu que son camarade, l’élève du Saint d’argent du Paon prenait déjà son élan : « Il nous faut aller leur porter immédiatement assistance ! »
Mirai l’imita lorsque la voix d’un soldat leur intima de réviser leur jugement.
Tout autour d’eux, des cohortes de dix hommes se formaient, se transmettant l’information d’un messager. Cet informateur avait le visage dissimulé sous une épaisse bure qui semblait camoufler une Cloth.
C’était cet inconnu qui les retint : « Attendez ! Le camp des femmes Saints est un lieu sacré, béni par Athéna et interdit aux hommes. Même en cas d’extrême urgence, nous ne pouvons profaner ce lieu Saint.
_ Mais… Maître Mayura se bat à l’heure qu’il est dans le domaine d’Eris ! Elle risque sa vie dans cette Guerre Sainte ! Et nous, nous devons nous contenter de laisser Eris s’insinuer dans le Sanctuaire en ciblant un lieu que nous ne pouvons atteindre, s’insurgea Mirai ?! Devons-nous laisser nos s½urs d’arme se faire massacrer ?!
_ A quoi servirait tous les efforts de ceux partis à la conquête de l’Utérus dans ce cas, compléta Shinato ?!
_ Je comprends votre frustration, assura Ptolémy la voix étouffée derrière un masque. Il s’agit néanmoins d’ordres émanant tout droit du Grand Pope, sur demande de Sa Majesté Athéna ! »
Les deux apprentis baissèrent alors la tête de rage, tandis que Ptolémy posait ses mains sur chacune de leurs épaules pour les obliger à observer les troupes athéniennes : « Les ordres du Grand Pope sont formels. Nos lieux de cultes doivent restés préservés, quel qu’en soit le prix. Le Grand Pope a foi en nos femmes chevaliers. Qu’elles soient Saints ou élèves. Dès lors, tous les hommes capables de porter assistance ont ordre d’encercler le camp, sans y pénétrer, afin de bloquer la retraite des Dryades. Les seules autorisées à pénétrer le camp, seront les femmes capables de porter assistance à la bataille qui y fait rage. »
Mirai et Shinato s’échangèrent alors un hochement de tête signifiant qu’ils partaient tous deux appuyer les troupes encerclant le camp…
Dans les bois, le crépitement des flammes laissa place aux détonations des pas de l’animal qui sévissait plus loin.
Emony adoptait à nouveau un air innocent en serrant d’affection contre elle Mick.
Pensant s’être débarrassée de Rumi, la petite pyromane félicitait son ours en peluche.
Derrière elle, Mito et Erda se démenaient contre une dizaine de Dryade qu’elles gardaient à bonne distance.
_ « Vous n’êtes pas encore vaincues toutes les deux ! Je vais devoir m’en charger ! J’ai laissé plus loin mon animal de compagnie. Mère déteste que je le laisse seul trop longtemps, il a toujours tendance à tout détruire quand il n’est pas sous surveillance, dit-elle en faisant allusion au monstre au centre du camp.
_ Pour cela, il va d’abord falloir te débarrasser de moi, lui répondit une voix étouffée sous un masque. »
Elle se retourna pour voir retomber depuis le ciel Rumi, à peine égratignée, dans les bras d’une inconnue.
_ « Hum… C’est impossible, tordit Emony le cou de Mick ! »
Pour seule réponse, elle n’eut que la foudre qui s’abattit sur elle : « Thunder Claw ! »
Les Griffes du Tonnerre déchirèrent sa robe magenta foncé à dentelle blanche, dévoilant ainsi sa Leaf.
Elles annihilèrent par la même occasion les Dryades aux prises avec Mito et Erda.
Les deux apprenties repartirent aussitôt à la rencontre de Rumi.
Rumi était portée par une guerrière, à en juger son masque, couverte d’une armure mauve et aux ornements bordeaux, au casque pointu renvoyant l'impression d'un vampire.
Etourdie, elle reconnut malgré tout son héroïne : « Dame Geist… »
_ « Comment, s’étonna Mito !
_ La célèbre mercenaire qui a fait ses classes ici, compléta Erda !
_ Cessez donc de vous extasier comme des pucelles écervelées, leur asséna Geist dans toute sa sévérité ! Foncez au centre du camp aider vos amies ! Nous devons préserver ce camp à tout prix ! »
Les gamines s’activèrent sans broncher, quand, tout à coup, Mick leur barra la route.
La peluche était devenue aussi grande que l’animal dont il est à l’effigie.
Les filles furent désarçonnées.
Alors, pour faire face à l’ourson géant, apparut devant elles un véritable ours qui déchira en deux la peluche.
_ « Phantom Genwaku Ken, libéra son cosmos Geist un genou à terre !
_ Je vois que tu es capable de donner vie à des illusions toi aussi, se releva Emony sans se soucier de la fuite des élèves, ça n’en rendra mon combat que plus agréable. Moi Emony Dryade de la Méchanceté je vais te faire avaler ce masque !
_ Tu m’excuseras, mais je n’ai pas le temps de m’amuser avec quelques tours de passe-passe. Je vais en finir vite.
_ Comme tu voudras. Je vais te faire payer ce que tu as fait à Mick ! Ton assurance m’agace. Je vais te la faire perdre très vite en te plongeant dans un éternel cauchemar ! Lunatic Bind ! »
Emony envoya une multitude de lobélies sur son adversaire qui, d’un revers de la main, crut déjouer l’arcane : « Que penses-tu pouvoir me faire avec des… fleurs… »
Geist se rendit compte que les pétales s’étaient changés en papillons qui saupoudraient tout autour d’elle un cosmos, comme s’ils déposaient de la soie.
_ « Mon cosmos étouffe le tien et te fait perdre tes forces. Très vite tu vas plonger dans un éternel sommeil fait de cauchemars dont tu ne reviendras jamais ! »
Geist tomba un genou au sol, incapable de se maintenir debout. Elle tenta d’abord de prendre appui à terre avec ses mains, mais ses doigts lui parurent si lourds qu’elle fut incapable de les relever. Elle s’écroula alors lourdement la tête la première…
Au même moment, dans la salle d’audience du palais du Grand Pope, cape recouvrant sa Cloth, Deathmask gardait un genou à terre et son diadème en main.
L’½il ouvert, il regardait son souverain trépigner d’impatience.
Ce dernier faisait les cent pas devant son trône.
Dissimulé sous son apparat doré, Saga commentait : « Quel revers nous subissons ! Je savais qu’Eris pourrait riposter à tout moment, mais jamais je n’aurai pensé qu’elle ciblerait un lieu impénétrable pour la plupart de notre armée ! Avec Mayura sur l’Utérus, il ne me reste plus beaucoup de femmes chevaliers confirmées capables de porter assistance à l’intérieur du camp ! Geist a déjà dû s’y rendre. Bien que je n’aime pas la savoir sans surveillance celle-là, j’imagine que c’est une aubaine qu’elle soit rentrée de mission. Marin de l’Aigle et Shaina d’Ophiuchus sont à l’extérieur du camp à former leurs apprentis masculins. Et il parait improbable que des Dryades ne se dressent pas sur leur passage, lorsqu’elles vont se rendre au camp prêter main forte ! »
Deathmask se redressa alors en recoiffant ses cheveux de son casque : « Je comprends maintenant pourquoi vous m’avez fait appeler. Le problème du camp doit être réglé rapidement et efficacement. Il n’y a que votre meilleur assassin qui puisse faire le job ! »
Saga pointa aussitôt du doigt le Cancer : « Tu es prévenu Deathmask ! Personne ne doit être témoin qu’un homme a profané le camp ! Encore moins un Saint d’or dont la caste est sous mon autorité directe ! »
Le gardien de la quatrième maison tourna les talons : « C’est clair. Pas de témoins. »
Dans les airs, au sommet du temple d’Eris, encastré dans l’obélisque, Aeson fut ramené à lui par le son insistant de gouttes qui s’écrasaient dans une flaque.
Cette mare gisait à ses pieds et était alimentée en abondance par le sang qui s’écoulait de sa plaie béante ouverte sur le flanc gauche. L’½il gauche arraché et le bras gauche disloqué, il laissait sa lourde tête gesticuler vers le bas pour constater les dégâts.
Ses jambes fléchirent et son corps s’affaissait lentement contre le monument.
Sa vue troublée à l’½il droit lui laissait apparaître sa fille.
Une fois devant lui, Kyoko lui planta son sceptre en pleine poitrine, ressortant de l’autre côté du pilier. Ainsi, elle le garda à sa hauteur et lui épargna de choir lamentablement sur son postérieur.
Elle lui caressa ses cheveux qui avaient perdus son diadème et cueillit le bandeau rouge qui coiffait ses cheveux blonds.
D’ordinaire distant et glacial, le brun profond du regard d’Eris paraissait exceptionnellement touchant.
_ « J’ai de la peine pour toi papa. Tu te débats pour un songe qui ne t’est jamais apparu.
_ Pardon, cracha-t-il du sang ?
_ Ta Cloth, la Coupe, elle voit l’avenir à plus ou moins long terme quand tu regardes l’eau que tu y verses dans sa forme totémique n’est-ce pas ? C’est bien ce que tu me racontais quand j’étais petite ?
_ …, il hocha la tête pour seule réponse.
_ Je m’en souviens comme si c’était hier, dit-elle en lui soutirant de grosses larmes. Je me souviens de tout. Je n’en ai jamais voulu au soldat qui m’avait recueilli. Il m’offrait la possibilité de demander à Athéna, en m’éduquant et me permettant de devenir prêtresse, pourquoi. Pourquoi ne voyait-on rien, toi et moi, nous concernant, lorsque nous regardions dans la Coupe ? »
Agonisant et silencieux, Aeson se mit à pleurer.
_ « Tu voyais des batailles. Tu voyais venir à toi des messagers. Mais jamais tu ne vis le malheur qui allait s’abattre sur nous. Moi non plus, petite fille que j’étais, quand tu me le permettais, je ne voyais rien. Et tu sais pourquoi ? Parce que dès le début, Athéna nous a tourné le dos.
_ Je suis désolé, sanglota-t-il.
_ Athéna t’exploite. Elle exploite ses Saints. Puis les abandonne. Elle n’est jamais venue à toi. Et même aujourd’hui, lorsque tu te dévoues à elle malgré la vérité exposée sous ton nez, prêt une fois de plus à sacrifier ta famille, elle t’ignore. »
Elle retira enfin d’un coup sec son arme de la colonne, le libérant par la même occasion.
Il retomba à genoux et retint sa chute en se maintenant au sol par le coude droit.
_ « J’ai tellement honte tu sais, s’étouffait-il dans ses sanglots et dans son sang.
_ Moi j’offre la vie. Une vie après celle faite d’amertume, de ranc½ur, de regret. Je m’entoure de fidèles que je récompense. Et tu sais pourquoi, lui demanda-t-elle en l’embrochant à nouveau au niveau des omoplates ? C’est parce que je suis bien plus reconnaissante envers les sentiments que refoulent mes sujets. Et bien au-dessus d’Athéna ! »
Aeson ne parlait plus. De sa bouche retombait une pâte épaisse, mélange de bile et de sang. Son ½il droit était perdu par le constat indéniable exposé par sa fille. La perte de sa foi lui faisait bien plus mal que la perte de ses sens.
La Dame Blanche vient alors se mettre à quatre pattes face à lui pour capter son regard.
Elle ôta son masque afin d’exposer des traits semblables à sa fille.
_ « Olivia, râla de souffrance Aeson en retrouvant enfin sa femme…
_ Le vrai pardon serait que tu nous rejoignes, pour expier le déshonneur que tu as fait à notre famille, proposa-t-elle.
_ Le vrai pardon, appuyait un peu plus sur sa lance Eris, serait que tu nous rejoignes pour déchoir ce Pope corrompu et cette Athéna déficiente.
_ Le veux-tu, questionna Olivia ? »
Aeson hocha d’un coup lent la tête.
_ « La vie d’un Fantôme passe par le renoncement à tes allégeances et à ta vie passée, poursuivit Eris. L’acceptes-tu ? »
Il répéta son geste en versant une dernière larme.
Eris sourit à Olivia qui s’empressa de se redresser. Elle leva haut vers le ciel son masque au menton pointu et tranchant. Elle le cramponna bien fort de ses deux mains, puis l’abattit d’un coup sec dans la nuque d’Aeson.
Surpris, le malheureux écarquilla grand son ½il et ne put retenir une autre gerbe de sang par la bouche en plus de celle giclant de son cou.
Le visage totalement changé par une joie meurtrière, Olivia répéta son geste. Une fois. Puis deux.
Le plasma d’Aeson dont elle était éclaboussée maquilla sa folie qui prit fin une dernière fois, lorsque sa tête se détacha de son corps et roula parterre tandis que le tronc s’échoua définitivement…
Sur Terre, au milieu du camp des femmes Saints, les tentacules du monstre cinglaient tels des fouets dévastant tout sur son passage.
Ils écroulaient les temples, tranchaient de la tête aux pieds Dryades et apprenties sans distinction.
Tout autour d’elle, Rebecca voyait ses élèves tomber dans d’atroces circonstances.
Chaque fois qu’elle réunissait son cosmos pour frapper l’horrible animal, celui-ci saisissait entre ses liens des aspirantes Saints pour s’en servir comme bouclier.
Dès lors, il lui suffisait de repousser Rebecca avant d’engloutir ses remparts humains.
De nouveau renvoyée au sol, Rebecca en perdit son masque et put mieux observer de ses yeux dégagés, l’étendue des dégâts.
Les Dryades retenaient prisonnières à l’intérieur du camp les jeunes femmes pour mieux alimenter le monstre.
_ « Si je m’obstine à vouloir ne pas faire de dommages collatéraux, sur la trentaine de jeune fille encore en vie, il n’en restera plus une. Les plus téméraires tombent face aux Dryades. Les plus démunies sont dévorées. Je dois vite neutraliser ce monstre, se focalisa-t-elle en direction d’un prieuré où était déposée sa Pandora Box. »
Aussitôt, la Cloth en fût libérée et Rebecca sauta en l’air pour la rejoindre.
Profitant de son éclat au moment de la revêtir, elle éblouit les quatre yeux du quadrupède.
Elle libéra alors son arcane en lui retombant sur son dos : « Burning Lava Rain ! »
La Pluie de Lave Brûlante l’accompagna dans sa descente et fracassa, telles des pierres de laves par centaines, l’animal à revers.
Ces météores de feu tombèrent si lourdement que les pattes de l’animal lâchèrent sous le choc et qu’il retomba grossièrement sur le ventre.
Surfant sur sa colonne vertébrale au milieu de la vapeur bouillonnante de son cosmos, Rebecca se laissa glisser le long de sa queue étendue en arc de cercle sur le parterre pavé.
Au milieu du gaz étouffant, élèves et Dryades cessèrent leurs échanges, jusqu’à ce qu’elles purent distinguer le grand gagnant de l’affrontement.
Rebecca apparut au milieu de l’émanation qui se dissipait peu à peu, devant la gueule écrasée de l’animal inconscient.
Déjà en garde pour achever les Dryades, elle paraissait contrôler parfaitement la situation dans sa Cloth vert menthe.
Son succès parut même évident pour Erda qui venait de déboucher de la forêt, suivie de Mito et Rumi. Les yeux des trois élèves brillaient sous leurs masques d’admiration pour leur mentor.
_ « Félicitations maître, s’exclama Rumi avant de freiner brutalement sa course. »
Rebecca réagit trop tard aux stupéfactions de l’ensemble des élèves lorsqu’elles passèrent leurs mains devant leurs bouches en voyant les quatre yeux rouges de l’animal s’ouvrir en grand.
Les grosses prunelles libérèrent chacune un rayon de cosmos écarlate qui traversèrent l’horizon, brisant en deux les arbres face à lui.
Mito coucha spontanément Erda à terre pour esquiver. Rumi n’eut pas cette chance et fut transpercée en pleine poitrine. La Cloth et le bras de Rebecca, eux, furent arrachés à hauteur de l’épaule droite.
Se redressant lentement comme un chien après une longue sieste, le monstre se secoua le corps comme le ferait tout canidé.
S’étirant sans même prêter attention à ses victimes, il apparut aux yeux de tous sans la moindre égratignure.
Donnant ainsi le feu vert aux Dryades qui reprirent en premières l’assaut.
Tombant à genoux devant son bras que les nerfs agitaient encore, dans une gerbe de sang, ne pouvant contenir l’hémorragie, Rebecca avait le regard déjà vitreux. La beauté tropicale était déjà blafarde.
A peine remise, Erda se jeta dans sa direction afin de lui éviter d’être balayée par un revers de patte du monstre.
Elle roula avec elle sur le sol jusqu’à pouvoir la déposer contre une colonne grecque renversée.
Mito, elle, se tourna vers Rumi. Elle lui ôta son masque pour tenter de distinguer la moindre étincelle de vie dans son regard. L’espoir fut immédiatement anéanti lorsqu’elle plongea dans ses yeux vides.
D’instinct, de colère, et par nature de meneuse auprès des autres, Mito se jeta à corps perdu contre les Dryades qu’elle massacra sans ménagement en espérant protéger ses camarades.
Erda, elle, baissait la tête à chaque secousse que les combats produisaient autour d’elle, tout en ôtant son foulard à Rebecca. Elle s’en servit pour lui faire un garrot.
_ « Mito… Tu dois aller aider Mito… Elle s’épuise à combattre dans tous les sens…, perdait de plus en plus de sa superbe Rebecca.
_ Ce monstre, garda son sang-froid Erda en serrant fort le foulard aussitôt imbibé d’hémoglobine, qu’est-ce que c’est ? Et comment a-t-il pu survivre à une telle attaque ?
_ C’est le bunyip. Une créature mythique de la mythologie aborigène australienne. La longue membrane de sa collerette couvre son dos. Elle a dû servir de bouclier à l’attaque. Je ne vois que ça. »
Par réflexe, Rebecca appuya sur la tête d’Erda pour la coucher au sol lorsque Bunyip lança un tentacule tranchant l’horizon dans leur direction.
Alors que des bustes arrachés de Dryades et d’apprenties tombèrent au sol, Rebecca et Erda furent recouvertes par les arbres découpés dans la foulée…
Devant le camp, à l’orée de la forêt, Voskos trépignait.
A mesure que les secondes s’écoulaient, d’autres guerriers, soldats ou Saints, le rejoignaient.
La foule s’amassait tout autour du bois.
Dans son dos, Xiao Ling restait agenouillée en sanglotant.
Voskos ne lui prêtait même plus attention.
Elle revivait la répression dont elle fut victime.
Le petit corps de Yufa.
Piétiné.
Désarticulé.
Les yeux grands ouverts.
Vides.
Sans vie.
A cet instant, telles deux fusées, deux guerriers en kimonos, se distinguant par leurs tenues du reste des autres renforts qui se groupaient, passèrent sous ses yeux.
Mirai et Shinato trouvèrent Voskos. Tous trois étaient déterminés à en découdre.
_ « Seigneur Voskos, fléchit légèrement la tête Mirai.
_ Mirai. Shinato, les reconnut-il. Alors vous aussi vous êtes venus mater les Dryades !
_ Et comment, gonfla les muscles Mirai ! »
Pour sa part, Shinato ne disait rien. Écoutant avec effroi les nombreux appels au secours et cris de mortification venant de l’intérieur.
_ « J’y vais, décréta Shinato ! »
Mirai tendit le bras dans sa direction : « Attends ! C’est un camp réservé aux femmes ! Tu ferais acte de parjure envers Athéna en t’y rendant ! »
Voskos écarquilla les yeux devant la crédulité de Mirai.
Shinato défit son bandeau et libéra ses longs cheveux dans son dos en détachant sa queue de cheval. Elle resserra davantage à la taille sa ceinture de kimono afin que celui-ci épouse réellement sa poitrine de jeune femme.
_ « Pardonne-moi Mirai de t’avoir caché la vérité durant toutes ces années.
_ M… Mais pourquoi ?!
_ J’ai longtemps douté de la voie que je devais emprunter. Saint ou prêtresse. D’où ma possibilité de ne pas porter de masque grâce à l’alternative de la pratique du culte pour devenir Saintia. De plus, ça m’a rendu la vie plus facile vis-à-vis des autres apprentis, dont toi. Ne pas souffrir de la différence m’a permis de m’aguerrir normalement. Cependant, aujourd’hui, avec Maître Mayura qui risque sa vie, et sur le fait accompli de l’invasion du Sanctuaire, je ne peux gâcher mon talent martial en me retirant de la vie de Saint. Mon choix est fait. Je deviendrai une Saint. Et c’est par égard à tout ce que nous avons partagé jusqu’alors, que je te montre en cet instant mon véritable visage. Si je survis à ça, je devrai porter un masque pour toujours. Hormis lorsque je serai en présence de l’homme à qui j’ai envie d’offrir ce sourire, s’il partage mon affection en retour bien entendu. »
Puis, sans laisser Mirai réagir, elle resserra son bandeau et rattacha ses cheveux avant de s’enfoncer dans la forêt.
Derrière eux, Xiao Ling était saisie par le courage de Shinato : « Elle est prête à risquer sa vie par honneur pour son maître. Tandis que je n’ai pas le courage de rendre la pareille à Rebecca… »
Penaud, Mirai fixait Shinato disparue dans la touffeur boisée d’un air bien crédule.
_ « Tu étais sérieux ? Tu n’avais jamais remarqué que Shinato était une fille, le bouscula du coude Voskos ?
_ Bah… Oui… Vraiment…
_ Crétin, souffla-t-il amusé en lui cognant le dessus du crâne de son poing.
_ Tout de même, leva Mirai la tête en direction des pétales de l’Utérus qui tombaient sur le Sanctuaire, Shinato a bien du courage, Eris a pour but de semer la discorde afin que les hommes deviennent fous et s’entretuent tous. Faisant passer les guerres civiles et autres génocides vécus jusqu’alors dans l’histoire pour des clopinettes. »
Ces paroles résonnèrent dans l’esprit de Xiao Ling : « Si tout ce que j’ai vécu jusqu’alors n’est rien comparé au monde que nous réserve Eris… Alors… Même si je ne comprends pas encore tout à ce qu’il se passe ici… Je dois me battre aussi… »
_ « Shinato a un cosmos proche du niveau d’un Saint, je ne suis pas inquiet pour elle, tenta Voskos de rassurer Mirai sans remarquer que Xiao Ling passait à côté d’eux d’un pas lent.
_ Qui est-ce, pointa alors du doigt Mirai la Chinoise ?
_ C’est une future guerrière qui trouvera en Athéna la foi de risquer sa vie sans ne plus jamais douter, répondit fort le Saint de bronze en reconnaissant Xiao Ling afin qu’elle l’entende. »
Ces mots réconfortants lui parvenant, elle serra les poings et se jeta à longues enjambées à la suite de Shinato.
Flashback
D’elle-même cette fois-ci, Kyoko cesse son histoire lorsqu’elle voit sortir le serveur.
Interpellé par le vacarme sur la terrasse et, personnellement impliqué par ce qu’il se passe envers son amante, il accourt.
La mine espiègle de Kyoko prend alors un air sadique lorsqu’elle claque des doigts en regardant Mars : « Éclosion de la troisième Evil Seeds ! »