Chapitre 60

Chapitre 60

Le 3 décembre 1986, au Libéria, dans ce pays d’Afrique où la jungle prédomine, situé à l’intérieur des terres, bien loin de la mer, Bomi Hills accueille sur sa terre aride des pas cinglants de pieds couverts de métal. Ceux-ci laissent d’immenses traces sur le parterre poussiéreux.
L’inconnu, vêtu d’une imposante Cloth bleue, armée de pointes acérées aux genoux et sur les épaulettes, arbore une carrure impressionnante. Son visage, ferme et carré, affiche une froideur à en faire fuir la faune alentour.
D’un violent coup de poing, il réduit à néant une hutte qu’il vient de visiter, puis fait le tour de lui-même comme s’il cherchait la direction à suivre. Il abandonne son calme passable, pour libérer un hurlement de colère. Sa grosse voix retentit à des mètres à la ronde : « J’en ai assez de tourner en rond ! J’ai été missionné par notre nouveau général, Phaéton, pour te trouver et t’éliminer Saint du Loup ! Où te caches-tu ?! »

Plus loin, le ton grondant de l’émissaire fait frémir ledit chevalier.
Nachi, couvert de sa Cloth, transpire à grosses gouttes tant la crainte le ronge.
Le Japonais, revenu sur les lieux qui l’ont vu devenir Saint de bronze afin de rattraper le retard qu’il avait sur Seiya et ses compagnons, transpire de panique.
Il reste à genoux, les mains jointes devant une croix plantée au sol : « Ô maître, mon bien cher maître. Vous qui étiez fait de sagesse et de courage, vous qu’il ma fallut défaire au péril de votre vie pour que je devienne chevalier. Ô mon maître, si vous saviez comme j’ai honte. Je suis revenu ici, afin de parfaire mon entraînement et je sais que je suis devenu plus fort, mais je n’ai jamais réussi à surpasser ma peur. Vous m’aviez appris à encaisser les coups, à surmonter la douleur, malheureusement une sorte d’appréhension subsistait en moi. Le Phénix a su l’utiliser à bon escient. J’ai peur de mourir sur le champ de bataille. Un homme hostile vient d’arriver à, Bomi Hills et j’ai… »
Soudain, une secousse ébranle le sol. Si fort que la terre se fissure.
Pris de panique, Nachi recule en rampant. Il hurle de panique, avant de se recroqueviller sur lui-même en tremblant.
Le choc est si violent que le sol s’entrouvre pour former un gouffre dans lequel s’échoue la tombe de son professeur.
Impuissant, Nachi recule encore, les yeux mêlés de peur et de chagrin.
Malgré la fin de la catastrophe, le sol continue à trembler sous les pas du robuste visiteur.
Il apparaît tout sourire à l’orée d’un bois : « Ah ! Te voilà enfin ! J’ai cru devoir être obligé de raser ce pays tout entier vu que tu ne sortais pas de ta cachette ! Ah, ah, ah ! »
Le visage crispé de panique, Nachi n’inspire à l’étranger qu’une colère phénoménale : « Que… Quoi… Tu chiales ?! Mais qu’est-ce que c’est que cette lavette que le Sanctuaire m’a envoyé combattre ?! De qui se moque-t-on ? On a fait faire au grand Voskos Saint de bronze du Bouvier des milliers de kilomètres pour un misérable, que quelques gardes auraient réussi à achever sans même utiliser leurs lances ?! »
Affolé, Nachi ne réagit même pas aux provocations de son adversaire.
Face à cette attitude indigne d’un chevalier, Voskos bondit jusqu’à lui.
La réception de ses cent quatre-vingt-trois kilos, provoque un léger séisme qui fait choir à nouveau Nachi sur son postérieur, n’inspirant que dégoût au Bouvier : « On m’a parlé de renégats Japonais, qui avaient bafoués les codes de la chevalerie. Et qui aujourd’hui tiennent tête à des Saints d’argent… »
Apprendre le niveau atteint par ses amis peine davantage Nachi, il réalise qu’en plus d’être un pleutre, son entraînement ne lui a pas permis d’atteindre une aussi grande maîtrise de son cosmos.
_ « … Et moi, on m’envoie éliminer celui qui devait jouer le rôle de manche à couilles dans cette équipe. Le combat est déjà terminé. »
Au lieu de le révolter, une telle insulte fait douter davantage Nachi. Accroupi face à son adversaire, il le laisse abattre son énorme pied contre son visage.
Nachi perd connaissance, le crâne encastré dans le sol sablonneux…


Dans une dimension qui surplombe la Terre, dans l’une des deux zones non occupées de l’Olympe, là où échouent les êtres qui, pour avoir commis des actes immoraux et des affronts envers les dieux, finissent par mourir, Apodis médite.
Au sommet d’une de ces innombrables colonnes sphériques qui pointent vers le ciel d’un bleu beaucoup plus obscur que celui qui domine le reste de l’Olympe, le chevalier de bronze a les jambes en tailleur, les mains sur les genoux et les yeux fermés.
Immobile sur l’une de ces surfaces plates et surélevées au pieds desquelles l’Hyperdimension est grande ouverte, l’Oiseau de Paradis fait tournoyer autour de lui une déferlante de cosmo énergie.
Dans les prisons de l’Olympe, l’aura que dégage Apodis, est à la hauteur de l’évolution de ses capacités et de sa totale maîtrise du septième sens. Aujourd’hui dorée, sa cosmo énergie a suivi toute l’évolution qui a fait d’Apodis un Saint aguerri.
Autrefois orangé, puis brun après la perte des siens, son cosmos est dorénavant aussi éclatant que son calme et sa maîtrise de l’ultime cosmos.
La voix bienfaitrice de Déméter ne lui fait perdre en rien sa réflexion : « Je vois que tu continues de t’exercer malgré l’annonce de ton jugement. »
Le Grec ouvre ses yeux pour toiser la déesse à l’apparence d’une femme quasiment nue, l’intimité à peine dissimulée par quelques ornements, sans que cela n’altère son entraînement. « Maintenant que je sais que je serai mis à mort, je n’ai pas l’intention de partir sans combattre. Je veux montrer aux dieux à quel point l’être humain et fier et brave. Ici, je n’ai pas idée du temps qui s’écoule. Et tant mieux, chaque instant en ce lieu me parait infini. Mon corps récupère avec merveille de mes blessures, grâce au nectar et à l’ambroisie que vous m’offrez, même si j’ignore toujours votre nom. »
La boule de cosmos continue de tournoyer maintenant autour d’eux, sans nécessiter la moindre attention d’Apodis. Comme si ce don lui est inné. Le noyau de force virevolte, près des longs cheveux noirs de jais de la Déesse de l’Agriculture et des Moissons : « Dans ton monde, cela fait déjà plus de deux semaines que les Olympiens ont fixé ton sort. Néanmoins, pour eux qui disposent de l’éternité, ça n’est même pas semblable à quelques secondes de perdues.
_ C’en est autant de gagné pour moi !
_ Tu espères faire changer le jugement des dieux ? »
Apodis se relève et arbore son torse nu athlétique. Il tourne autour de Déméter, dans le sens opposé de celui de son cosmos. Le claquement des derniers morceaux de sa Cloth qui couvrent ses pieds contre le pylône où il est retenu prisonnier provoque une cadence musicale rythmant cet endroit où le calme est effrayant : « Quel dieu ici peut comprendre la cause des hommes ? Des dieux que j’ai aperçu jusqu’à présent, seule Hébé était digne de respect. Les autres, hormis nous regarder de haut et mépriser notre existence, ne cherchent pas à savoir qui nous sommes. Si l’homme s’est émancipé d’eux, c’est justement parce qu’ils ont eux aussi quelque chose à apporter à l’humanité. »
Déméter dissimule son corps svelte et plein de grâce d’une toge sombre au tissu très fin permettant de voir au travers. Son visage aux traits très tirés et ses larges yeux répondent à Apodis avec moins de dédains que ses semblables : « Je demande à voir.
_ Qui êtes-vous ? Pourquoi me gardez-vous en bonne santé ?
_ J’ai toujours été favorable aux hommes. Et je crains un complot visant la Terre, mais surtout je crains que Zeus ne se fasse duper. Les efforts répétés de certains dieux de l’Olympe commencent à faire douter Zeus des humains. Peut-être seras-tu l’homme qui parviendra à maintenir son estime pour l’humanité, le temps que sur Terre Athéna s’éveille totalement et reprenne les choses en main.
_ Et pourquoi ne pas aider Athéna ?
_ Je ne suis qu’une simple observatrice. Et puis en t’aidant, je l’aide finalement aussi un peu. »
Apodis cesse son exercice et laisse la vague cosmique venir le heurter sans qu’il en souffre.
La déesse l’en félicite : « Tu présentes de grosses facultés à encaisser les coups. Cela te sera très utile dans l’arène.
_ Qui vais-je affronter ?
_ Des Anges.
_ Alors cela ne suffira pas à m’aider. Jusqu’à ce qu’ils décident de me mettre à mort, je dois m’entraîner encore. Je ne suis pas au niveau de cet Ange, Peleus, que nous avons vaincu sur Terre.
_ Les Anges sont bien plus puissants que les meilleurs des hommes que vous nommez Saints d’or. T’en sens-tu capable ?
_ Si pour les dieux deux semaines ce n’est rien, pour un humain c’est déjà beaucoup. Ce qui pour eux est du temps perdu, est pour moi du temps gagné. »
Le visage de Déméter reste figé comme d’habitude. Alors qu’elle s’apprête à quitter les lieux, Apodis l’interpelle : « Je ne suis pas seul ici n’est-ce pas ?
_ Pardon ?
_ Il y a un autre prisonnier loin d’ici. Même si je ne le vois pas en raison de la distance qui nous sépare, je le sens. Lui est plus fort qu’un Saint d’or. Qui est-il ?
_ Un être qui a trop voulu s’approcher des dieux.
_ Vous l’avez puni pour ça ?
_ Certains considèrent que c’est une punition. Mais pour d’autres, ce n’est qu’une étape.
_ Une étape avant quoi ?
_ Son sacre. Il n’a plus rien d’un homme, il s’est exorcisé de son statut humain. »

Au loin, là où le cosmo terrifiant que ressent Apodis prend forme, un globe d’éclairs entoure la colonne où est retenu le prisonnier.
Ceux-ci crépitent, s’entrechoquent, sous le regard masqué de l’inconnu qui les invoque. Ses grands yeux bleu ciel, fixent avec fierté cette énergie invoquée qu’il manipule à merveille.
Ses cheveux roux ébouriffés, volent dans le vent au gré de ses rapides déplacements.
Enfin, en dressant ses poings vers les cieux, il libère d’une voix emprunte de confiance, tout son cosmos qui s’envole dans le néant : « Highest Altitude ! »
Ses bras, couverts jusqu’au biceps du même tissu jaune pâle que son pantalon, retombent le long de son corps. Ils arrivent là, où s’arrêtent le long voile blanc qui habille son torse, ceinturé à la taille pour former une jupette sur le haut de ses cuisses.
Il arbore un sourire fier sans même s’essouffler d’une telle attaque.
Sans le surprendre, un bruit de pas résonne derrière lui.
Immédiatement, le ciel s’assombrit et la lune apparaît.
Sur le pied habillé d’une ballerine blanche retombe un immense voile blanc qui couvre même jusqu’aux mains la blafarde Déesse de la Lune : « Quels progrès incroyables. Ton arcane est digne de toi, Ikaros. »
Le susnommé lui fait face et s’agenouille : « Ne croyez pas que je suis un être faible, ô Artémis. Je ne suis plus un humain. Je deviens semblable à un dieu. »
Artémis s’approche de lui pour lui ôter le masque qu’il s’est imposé pour lui plaire : « Je le sais. Ce masque destiné à renier ton identité terrestre et le don de toi à t’appliquer chaque jour à devenir plus fort sont des preuves suffisantes. »
Elle plonge ses yeux jaunes dans les siens, instaurant une profonde passion et ramenant à la surface des souvenirs partagés…

Flashback
1980 - Le visage tuméfié, ses modestes vêtements déchirés, un petit garçon était étendu au sommet d’une des colonnes de la Prison de l’Olympe.
Dans des circonstances qui feraient frémir plus d’un guerrier confirmé, l’enfant de sept ans restait les yeux rivés vers le ciel, froncés avec détermination. Il tenait avec sa main droite son épaule gauche démise sans se plaindre. Sa mâchoire était crispée pour contenir la douleur.
Après de longues heures sans vaciller, son champ de vision se mit à être brouillée par l’arrivée inopinée de la lune. Ses sens aiguisés lui permirent d’entendre des pas délicats venir à lui.
_ « Qui peut bien marcher ici, sur une tour au milieu du vide, si ce n’est un dieu, déduisait-il ? »
L’enfant redressa son buste sans difficulté, comptant sur un travail musculaire acharné.
Il fut saisi par les larges yeux jaunes et la chevelure, blonde pâle, de cette grande et ravissante entité, qu’il avait déjà identifié rien qu’à la façon dont elle lui était apparue.
Le jeune frère de Marin se permit de prendre la parole : « Vous êtes la Déesse de la Lune n’est-ce pas ? »
Elle lui paraissait magnifique. Ses épaules nues lui laissaient apparaître une peau laiteuse qu’il soupçonnait douce et agréable au touché.
Froide, le visage inexpressif, Artémis lui répondit : « Est-ce toi l’humain que mon frère Apollon a puni ? Celui qui a commis l’outrage de vouloir être comme un dieu ? Je m’attendais à plus impressionnant. »
Le Japonais, tout en continuant à courber l’échine, fit scintiller quelques faisceaux lumineux teintés de rose juste devant la déité.
_ « Des éclairs ! C’est un pouvoir peu commun. Et surtout, le pouvoir de notre roi tout puissant. »
Il la regarda alors fièrement dans les yeux, sans même se douter qu’elle aurait pu considérer ceci comme un outrage.
Artémis pointa la clochette que portait le garçon autour du cou : « Qu’est-ce donc ? »
Toma la dissimula sous son maillot miteux : « Cela n’a aucune valeur.
_ Comment t’appelles-tu humain ?
_ Je n’ai pas de nom humain. Je suis au-dessus de cela.
_ Quel homme de valeur peut renier son origine ?
_ Il n’y a aucune valeur à vivre dans la tristesse comme un humain. La vraie valeur, c’est celle qui permet de surmonter la faiblesse des sentiments.
_ Tu risques de perdre toute humanité.
_ C’est le meilleur moyen de me rapprocher des dieux.
_ Ne connais-tu pas l’histoire d’Icare ? Pour un homme, trop vouloir s’approcher des cieux mène à sa perte. »
Tout en restant modeste, Toma prouve sa détermination : « S’en approcher ? Mais les cieux, n’y suis-je pas déjà aujourd’hui ? »
Pour la première fois, les petites lèvres roses d’Artémis s’élargirent très légèrement, pour dessiner ce qui s’apparente à un sourire.
Elle avança jusqu’à lui et, d’un très lent signe de la main, elle l’invita à se lever.
Toma obéit, en gardant néanmoins la tête en direction du sol en guise de respect.
Pendant de longues minutes, instaurant un silence gênant, Artémis fixait la tête à la chevelure poisseuse. Elle décida enfin : « Si tu n’es pas un humain, si tu rêves d’approcher les dieux, alors tu es comme Icare. Désormais, tant que tu vivras ici, tu te nommeras Ikaros. »
Toma la dévisagea enfin, lui témoignant toute sa conviction et tout le respect qu’il lui vouait.
Lorsqu’elle lui tourna le dos, avant de disparaître, elle l’avertit : « Sous cette colonne est ouvert un passage sur l’Hyperdimension. Les prisonniers y tombent et s’y désintègrent lorsqu’ils sont à bout de force, affamés ou qu’ils délirent car la solitude les pèse. Comme Icare, tomberas-tu toi aussi ? »
Flashback

Toma rompt le silence et les souvenirs de sa déesse : « Majesté, ne vous ai-je jamais montré à quel point je vous suis fidèle ? Quand pourrais-je vivre auprès de vous et non plus dans cette prison ? »
Les yeux d’Artémis s’écarquillent. Elle lui caresse délicatement la joue en murmurant : « Seuls les Olympiens peuvent vivre hors de cette prison. Quant à vivre auprès de moi… »
Toma assure d’une voix confuse : « Je ne pense qu’à vous servir. Devenir un Ange de l’Olympe, seul les Olympiens le peuvent. Etre un Ange m’assimile à eux non ?! »
Elle s’accroupit pour mieux faire face à son sujet pendant que celui-ci continue : « Non. Non, je ne suis pas eux. Je suis au-delà. Je le suis pour vous. Faites de moi votre bras armé, votre parole, votre… »
Elle approche si prêt sa tête de celle d’Ikaros que leurs lèvres se frôlent presque, lorsqu’elle l’interrompt pour achever sa phrase : « … souffle ? »
Toma, troublé, avale sa salive : « Si cela est votre volonté. »
Elle ne lui répond que par une caresse lente, presque sensuelle, le long de son visage, du haut de son oreille jusqu’à son menton.
Lorsqu’elle se relève, à mesure que la lune s’éloigne, sa silhouette s’évapore dans l’air, ne laissant juste que le temps pour elle de prononcer : « Ikaros, mon fidèle Ange. L’heure de ta grâce approche. N’ait crainte. »


Au Libéria, à Bomi Hills, étendu face contre terre, Nachi est inconscient.
Voskos, selon toute vraisemblance vainqueur, crache sur sa dépouille, d’où s’écoule beaucoup de sang sortant de l’importante plaie crânienne qu’il a provoquée.

Prisonnier de son subconscient, l’esprit de Nachi se laisse approcher par une étrange aura qui émane de sa Cloth.
_ « Maître ! Est-ce vous ? Je vous sens si proche de moi, interroge-t-il perturbé ».
Une voix chaleureuse mais non moins déterminée lui répond : « C’est toi qui es proche de moi. Tu es proche de la mort. Une mort que tu m’as donnée, afin de prendre ma place et de protéger Athéna mieux que moi je n’en étais capable arrivé à mon vieil âge. Hélas, tu t’es égaré en chemin Nachi. »
Nachi se voit dans un immense puit en haut duquel la silhouette de son adversaire l’attend : « Je ne peux pas vous abandonner maintenant Maître. Sans quoi je retournerai me faire martyriser par cette brute. »
L’âme du professeur rétorque : « Te faire martyriser ?! Mais mon garçon, as-tu idée des souffrances des Enfers ? Sais-tu au moins qu’on souffre davantage une fois mort que vivant ? Et que c’est pour offrir la paix à tout défunt, qu’Athéna affronte Hadès à chacune de sa réincarnation ? »
Nachi refuse de regarder plus longtemps la lumière du jour : « Athéna ?! C’est elle qui envoie aujourd’hui ces assassins du Sanctuaire contre nous autres ! »
Un déchirement de douleur répond à Nachi. Le son est si puissant, si malsain, si angoissant que le Loup se cache à nouveau derrière ses bras : « Maître ?! Est-ce vous ? Que se passe-t-il ? J’ai peur ! »
La voix bien plus fatiguée qu’au début de l’entretien, l’ancien Saint du Loup reprend la conversation : « Ce n’était que le gardien de la prison des enfers où je suis enfermé, qui est venu m’infliger mon supplice quotidien. »
Nachi avale difficilement sa salive : « La mort est-elle si ignoble ? »
La voix du maître est de plus en plus haletante : « Tu n’as pas idée Nachi. Trouve Athéna. Délivre-nous du martyr de la mort. La souffrance de la vie n’est qu’un détail de nos trop courtes existences sur cette Terre. »
Nachi panique : « Mais suis-je suffisamment fort pour le vaincre ? Et comment trouver Athéna alors qu’elle gouverne le Sanctuaire ? Vous m’entendez Maître ? Maître ?! Maître ! »
Seuls de nouveaux cris résultants de la torture répondent à Nachi.
Il reste de longues secondes à réfléchir, tourmenté par la douleur éternelle de la mort de son professeur et la peur de se retrouver face à son adversaire.
Les déchirures de la mort commencent à l’affoler. Il choisit alors de se donner la chance d’éviter cela, en plantant ses doigts contre la paroi du puit pour se hisser en dehors.

Face à Voskos, Nachi commence à se redresser.
Le Bouvier toise de son mètre quatre-vingt-dix-sept, celui qui lui paraît n’être qu’un minuscule microbe.
Toutefois, en se relevant, Nachi rigole. Il se tient la tête d’où s’écoule toujours beaucoup d’hémoglobine : « La douleur à ma tête ne paraît pas aussi insurmontable que les souffrances qu’endurent mon maître qui était un homme courageux… »
Il regarde avec conviction Voskos : « … Donc ça ira ! J’arriverai à surmonter ma peur ! Je le lui dois ! »


En Olympe, au bord de la tour qui le retient, Toma reste immobile à observer le vide, sans se douter qu’en cas de chute dans l’Hyperdimension il n’aurait, grâce à sa clochette rien à craindre. La clochette n’est autre qu’un Pendentif de Zeus permettant de voyager entre la Terre et l’Olympe.
Il revit le temps de quelques instants les souvenirs qu’il a depuis sa première rencontre avec Artémis…

Flashback
1980 - Semaine après semaine, sans relâche, Ikaros poursuivait ses entraînements acharnés. Guéri, déterminé, il s’activait sans cesse à prouver de quoi il était capable après qu’Artémis l’ait mis au défi.
Il n’avait pas mangé depuis son arrivée, ni bu. Seuls les exercices lui importaient pour devenir plus fort. La fatigue, la faim, la soif, la douleur, le chagrin, le manque de sa famille… Tout cela disparaissait peu à peu de sa tête, de son c½ur. Il ne voyait qu’elle, celle qui lui est apparue lorsqu’il est arrivé ici, Artémis. Développant sans s’en rendre compte sa source nourricière qui allait substituer peu à peu tous les besoins dont il s’était privé, le cosmos.

1981 - Amaigri mais sculpté, effilé, Toma arborait, dans sa piteuse tenue une carrure athlétique. Son visage était déjà plus marqué, plus dur. Quasi inexpressif.
Les grésillements lumineux qu’invoquait son cosmos étaient désormais des éclairs.
La fatigue, la faim, la soif, la douleur, le chagrin, le manque de sa famille n’existaient plus. Quelques tintements de sa clochette qu’il dissimulait sous son maillot, venaient parfois lui ressasser quelques images en vracs dans sa mémoire, sans lui faire oublier que celle qu’il attendait désormais c’était Artémis.

1982 - Elle lui vint. De la même façon que la fois précédente. Il n’attendit pas et s’inclina aussitôt.
Elle marcha d’un pas lent et calculé jusqu’à lui. Sa démarche était parfaite, Toma était admiratif.
_ « Icare n’est pas encore tombé ?
_ Seuls les dieux peuvent influencer le destin. Je vous ai prouvé que le destin d’Icare pouvait être changé si vous le vouliez.
_ Un dieu ne présente pas une tenue aussi lamentable.
_ Habillez-moi selon votre convenance. »
Artémis, d’un ton monocorde, se contenta de répondre : « En es-tu digne ? »
Immédiatement, apparurent derrière elle cinq êtres. Tous libérant une jupette par-dessus une armure.
_ « Voici Makhaon, Antilokhos, Mériones, Odysseus et Theseus. Ils sont des chevaliers de l’Olympe. Des Anges. Ils portent les Glories. »
Sans qu’elle n’ait besoin de le lui demander, Makhaon passa devant Artémis. Il regardait avec dédain Toma : « Je ne peux comprendre ce que sa Majesté Artémis peut trouver comme intérêt auprès d’un humain. »
Toma fit scintiller dans les airs quelques éclats roses : « J’apporte tout simplement la garantie de protéger celle qui saura me reconnaître tel que je suis réellement, contrairement à toi. »
L’Ange qui se faisait appeler comme le Machaon de la mythologie, fils d’Asclépios et excellent médecin, tourna au bord du précipice, de sorte à forcer Toma à se positionner au centre de la surface où il était prisonnier.
Le regard sévère, couleur feu, comme ses cheveux, Makhaon toisa son adversaire : « Je crains que sa Majesté Artémis ne soit dupée par tes belles paroles. Tu mourras pour celles-ci. Le Crépuscule Lunaire aura raison de toi : Moon Twilight Flash ! »
Aussitôt, la lumière perdit de son intensité. Alors que le jour allait laisser place à la nuit, une lumière diffuse apparut brusquement et transperça Toma en pleine poitrine à une vitesse sensationnelle. Le malheureux fut projeté au sol, pris d’une douleur intense à la poitrine.
_ « J’en étais sûr. Ce mouvement était proche de celui de la lumière, une vitesse que nous arrivons facilement à dépasser. Et tu n’as même pas su l’esqui… »
L’Ange ne put achever sa phrase que déjà l’épaulette droite de sa Glory explosa dans un éclat de sang.
Toujours au sol, Toma affichait malgré la douleur un sourire provocateur : « En effet, cette vitesse était vraiment futile. La prochaine fois, je m’appliquerai à frapper plus fort en veillant à ne pas me faire surprendre. »
Makhaon leva les yeux en direction de Toma. Son regard avait changé. Comme Antilokhos, Mériones, Odysseus et Theseus, il observait l’être humain avec un sentiment nouveau. La surprise.
Artémis, elle, affichait sur son visage froid et hautain une expression nouvelle. Ses lèvres prirent une forme qu’elle n’adoptait que très rarement, s’apparentant à un sourire. Cela était provoqué malgré elle, par un sentiment étrange de bien-être à la vue de cet homme.
Makhaon, refusant de se soumettre, tourna à nouveau sur la plateforme : « Moon Twilight Flash. »
La lumière du jour commença à disparaître de nouveau, mais alors que la dernière lueur du jour prit la forme d’un filet de lumière destiné à abattre Toma, une barrière d’éclair entoura le Japonais pour le protéger.
Immédiatement, Ikaros se mit en position d’attaque pour riposter.
Abasourdi, l’Ange ne le vit pas surgir derrière lui pour le cogner dans le creux du dos avec son coude.
Il se retourna aussitôt pour frapper du gauche, mais Toma passa au-dessus de lui pour frapper d’un coup de pied retourné l’estomac du malheureux qui retomba devant la Déesse de la Lune.
Couché sur le dos, il essuya le regard méprisant de sa maîtresse.
Furieux envers lui-même, il tenta une nouvelle fois d’invoquer son arcane que le prisonnier s’empressa de contrer à nouveau. D’ordinaire doté du même sang-froid, que les Olympiens, l’Ange devint survolté : « C’est impossible. Je t’ai projeté le Crépuscule Lunaire deux fois de suite à pleine vitesse et de toutes mes forces. Même les plus puissants êtres humains sont incapables de voir cette puissance qui dépasse le commun des mortels. »
D’une attitude bien plus posée que celle de son adversaire, Toma répondit sèchement : « C’est que dans ce cas, j’ai dépassé le stade de l’être humain. Tu as voulu jouer avec moi en me sous-estimant. Hélas, cela m’a suffi pour analyser ta technique. Quelle que soit la puissance et la vitesse que tu dégageras pour l’invoquer à nouveau, je la contrerai. Je te domine. »
Ne l’entendant pas ainsi, l’Ange s’élança mais fut saisit par la vitesse à laquelle Toma se précipita à son tour contre lui. Il lui envoya un coup de pied en plein menton. Projeté dans les airs, Makhaon effectua un salto pour se remettre sur ses jambes et repartir à l’attaque. Il réussit à cogner avec sa jambe l’estomac de Toma et voulut enchaîner d’une gauche, qu’il s’empressa d’éviter en s’élançant dans les airs.
Makhaon empêcha qu’il ne lui retombe dessus en effectuant un magistral mouvement acrobatique. Néanmoins, à peine avait-il retouché le sol qu’il était balayé par les jambes d’Ikaros.
Il s’appuya sur le sol pour se lancer contre Toma et réussit à le frapper avec son pied droit au visage. Profitant du même élan et d’une incroyable agilité, il effectua le même geste avec la jambe gauche, obligeant Toma à baisser sa garde pour passer ses mains contre sa pommette ouverte après le choc.
Ne réalisant pas que l’étau se resserrait autour de lui, Makhaon regardait son rival essuyer son sang.
Ikaros lui tourna le dos pour approcher le précipice et balança l’hémoglobine qu’il avait recueillie dans la paume de sa main afin de vexer davantage son adversaire : « Il est hors de question que je souille de mon sang la surface sur laquelle la Déesse Artémis a posé les pieds. Pas une goutte de mon sang ne la souillera. »
Makhaon se tint aussitôt son épaule ensanglantée qui salissait la geôle depuis le début de l’affrontement.
À la fois affectée par l’humiliation de son homme de main et charmée par la performance d’Ikaros, Artémis prononça d’une voix calme à l’attention de Makhaon : « Tue-le. Sinon, s’il est au-delà de l’être humain comme il le dit si bien, Ikaros vaincra. "
L’Ange refusa de se laisser ridiculiser plus longtemps. Il se lança contre lui. Poing gauche, coup de pied sauté, droite, rien ne passa. Ikaros était trop vif.
Alors l’Ange usa d’ingéniosité. Il écarta les bras et laissa sa cosmo énergie souffler les lieux pour repousser Toma dans le vide.
Ce dernier, ne pouvant contenir une telle rafale s’élança dans les airs, pour le plus grand plaisir de Makhaon.
Sans qu’il ne concentre le moindre effort, le guerrier matérialisa dans son dos deux ailes d’angelot qui lui permirent de voler jusqu’à Toma.
Pouvant se mouvoir à sa guise, il reprit le dessus en malmenant Toma dans les airs. Il le projeta plus loin grâce à un coup de pied, menaçant ensuite de le faire tomber dans l’Hyperdimension en le cognant des deux poings derrière sa tête.
Il choisit de jouer avec lui plus longtemps pour réaffirmer sa supériorité auprès de sa maîtresse en le renvoyant plus haut d’un magistral uppercut.
Au moment où tout semblait fini pour Toma, d’étranges grésillements se firent entendre autour de lui.
Alors qu’il était à la merci de Makhaon, celui-ci perdit de l’altitude. Les grésillements devinrent pour l’Ange des crépitements qui s’attaquèrent à ses ailes. Des éclairs roses rongèrent ses plumes et l’obligèrent à réintégrer la surface de combat.
Cependant, Makhaon ne perdait rien de son sourire, il se délectait de voir Toma s’échouer vers l’Hyperdimension.
Alors que la chute semblait acquise, les éclairs continuaient de graviter autour de Makhaon.
Celles-ci devinrent de plus en plus bruyantes, alors que de grands traits de foudre venaient de là où avait sombré Toma.
Artémis commenta : « Comme Icare, Ikaros a réussi à voler. Saura-t-il ne pas se brûler les ailes ? »
A cet instant, Toma réapparut. Il dominait le vide grâce à l’émanation de ses éclairs. Il lévitait avec élégance, voire majesté.
Les quatre autres Anges restés en retrait. Eux, descendants des dieux, ressentaient de l’admiration. Makhaon, de la peur.
A quelques centimètres du sol sur lequel l’attendait son adversaire, Toma, grâce à son envol, le dominait. Il resta de longues secondes à le dévisager pour reconnaître sur le visage d’ordinaire insensible de l’Olympien, un sentiment de rage qui se changeait peu à peu en épouvante.
Makhaon, inconsciemment, commença à glisser un pas en arrière. Il était effrayé.
Toma ne le laissa pas en faire un second. Il lui colla un crochet du gauche en plein torse, le transperçant sur le coup. Il garda son bras logé dans la carcasse de son adversaire qui agonisait. Il invoqua toute sa cosmo énergie pour le foudroyer dans un champ d’éclair : « Highest Altitude. »
Pour la première fois de son existence, Artémis entendit hurler de douleur et de désespoir un Ange. Antilokhos, Mériones, Odysseus et Theseus abandonnèrent leurs visages habituellement si inexpressifs, pour grimacer devant la terreur qu’inspirait Toma.
Les éclairs sortaient de Makhaon par tous ses orifices. Ses oreilles, son nez, sa bouche et même ses yeux libéraient des gerbes de foudre, tandis que la Glory éclatait de part en part, ne supportant plus la pression exercée.
Enfin, dans un dernier râle, les souffrances de Makhaon prirent fin. Son corps céda et implosa, ne laissant plus que Toma seul au milieu d’un nuage de fumée.
Quand le calme regagna les lieux, Toma avança jusqu’à Artémis. Les quatre Anges passèrent devant la Déesse de la Lune, mais aucun n’osa se dresser contre l’homme.
Il s’inclina devant Artémis : « Si mes capacités n’ont pas réussi à vous convaincre que suis digne de vous, alors laissez-moi souffrir ici seul davantage de votre absence. »
A cela, Artémis resta sans réaction. Elle ne décrocha son regard hautain, que lorsqu’elle choisit de lui tourner le dos et de disparaître comme elle était venue, en compagnie de ses quatre sujets.
Seul, à genoux, Ikaros restait serein, il savait qu’il avait conquis l’Olympienne.

1983 - Toma était assis, en tailleur, au milieu de la surface où il avait tant brillé.
Il ne pensait plus à la soif, à la faim, à la douleur ou au chagrin. Il n’était pas impatient non plus. Il savait que le jour arriverait.
Et il arriva. Artémis réapparut avec ses quatre Anges. Toma se leva, les quatre s’agenouillèrent. Il l’avait compris, Artémis l’avait reconnu.
Elle se contenta de lui dire : « Suis-moi. »
Il s’exécuta et lévita hors de la Prison de l’Olympe. Il survola les vertes contrées où le peuple Olympien vivait paisiblement. Il suivait la trace du cosmos qu’Artémis avait laissé derrière elle avant de disparaître. Autour de lui, ailes déployées, Antilokhos, Mériones, Odysseus et Theseus l’escortaient.
Ils arrivèrent devant onze temples positionnés au pied du Mont Olympe. Immédiatement, le Japonais leva les yeux en direction du sommet qu’il ne pouvait distinguer de là où il était. « Zeus, admirait-il… »
Il suivit les quatre Anges qu’il devinait désormais à son service et arriva devant un temple gardé par des jeunes filles, les Satellites. Toutes armées d’un arc et de flèches, elles portaient un serre-tête en forme d'oreilles de lapin et semblaient être commandées par une Satellite à la protection plus sombre et à la forme plus reptilienne, La Scoumoune.
Il les survola avant de pénétrer dans le palais aux pierres froides et aux colonnes grecques qui soutenaient des voûtes sur lesquelles étaient gravés des croissants de lune.
Autour d’eux, des serviteurs, Olympiens et Olympiennes, s’affairaient à nettoyer les lieux et à prier sans cesse au beau milieu des allées sous les ordres de Callisto qui sermonnait à l’occasion un jeune garçon nommé Lytus.
La protection de Callisto était semblable à celle de La Scoumoune, néanmoins, à sa façon de le dévisager, il apparut aussitôt à Toma qu’elle était extrêmement retorse.
Au détour de quelques couloirs, ils passèrent devant la salle impériale où, d’ordinaire, trône la déesse sur une grande ouverture à ciel ouvert qui laisse apercevoir sur un pan béant de l’Hyperdimension la lune.
Sur le flanc, de la pièce, les Anges cessèrent et d’un mouvement de tête, Theseus fit comprendre à Toma qu’il devait poursuivre seul derrière la porte dressée devait lui.
Il l’ouvrit sans ménagement et fut saisi par la chaleur qui s’échappait des vapeurs d’eau de la salle des thermes.
Même dans la salle d’eau, l’empreinte lunaire rendait l’atmosphère lugubre.
Néanmoins, cela ne dérangeait guère l’homme qui cherchait parmi la brume une quelconque silhouette.
Celle qu’il vit l’ensorcela.
Au beau milieu d’un bassin, le visage ruisselant, entièrement vêtue, Artémis avait de l’eau jusqu’à la nuque. Ses vêtements blancs lui collaient à la peau et laissaient transparaître ses formes gracieuses.
Toma était admiratif. Il fallut que des servantes viennent lui attraper les bras, afin de le guider dans le bassin pour qu’il reprenne ses esprits.
Il descendit progressivement dans l’eau chaude, jusqu’à ce que l’onde couvre ses épaules.
A mesure qu’il avançait, les servantes lui ôtaient ses vieilles frusques, afin qu’il puisse tremper auprès de sa déesse dans le plus simple appareil.
D’autres lui frottaient le corps en prenant soin de s’attarder sur chaque partie de son intimité, afin de nettoyer cette apparence devenue si athlétique. Ses cheveux mouillés, une fois lavés, passaient devant ses yeux, mais ne l’empêchaient pas de voir Artémis venir jusqu’à lui.
Elle lui passa ses mains mouillées devant son visage, pour lui dégager la vue et laissa perler quelques gouttes qui roulèrent jusqu’à ses lèvres. Toma restait immobile à admirer celle qui lui permettrait de s’élever au rang de dieu.
Délicatement, très lentement, les mains d’Artémis descendirent jusque dans son cou, caressèrent ses pectoraux puis s’écartèrent sur ses épaules pour descendre le long de ses bras et lui tenir fermement ses mains : « Ikaros. Tu es diffèrent. Tu seras sous ma protection. Tu es le seul humain que j’ai choisi. »
Après cela, les sujets d’Artémis vinrent chercher de nouveau Toma pour le sortir et le sécher. Elles l’habillèrent d’un pantalon jaune pâle comme les guêtres qu’elles lui passèrent le long des bras. Elles couvrirent son torse d’un long voile blanc qu’elles ceinturèrent à la taille pour former une jupette sur le haut de ses cuisses. Elles lassèrent ses chevilles de spartiates tout en plongeant chaque fois dans ses beaux yeux bleus. Ikaros ne laissait personne indiffèrent.

Après l’avoir nourri de nectar et d’ambroisie en l’invitant à prendre place sur les couches qui entourent la sienne, Artémis fit un simple signe de la main pour que ses quatre Anges qui gardaient la salle fassent venir sur un plateau une armure resplendissante.
_ « Mais c’est…
_ Une Glory. Ta Glory. »
Il se leva aussitôt et se précipita sur elle pour la détailler. Elle se défit de son socle lorsqu’il essaya de la toucher et se laissa couvrir par celle-ci.
Avec fierté, il se tourna en direction d’Artémis pour la saluer en s’agenouillant.
Seulement, elle fronçait ses sourcils.
Elle cueillit une fois encore son visage : « Malgré cette tenue, en te regardant, j’ai toujours l’impression de voir un humain.
_ Alors changez-moi ce visage. Rendez-moi divin à vos yeux. »
Elle passa ses mains sur le diadème de la Glory qui coiffait ses cheveux roux comme le fait toute Glory. Celui-ci vint dans ses mains et épousa une autre forme. Elle ajusta affectueusement ce qui est devenu un loup : « Maintenant tu es Ikaros. L’Ange qui commandera l’armée de la Déesse de la Lune pour l’Olympe. »

1985 - Droit, le visage dressé vers les sommets, seul sur sa plateforme où il est resté vivre, Ikaros était pensif.
L’obscurité naissante annonçait l’arrivée d’Artémis qu’il salua en s’agenouillant comme il en avait l’habitude.
La voix pleine de dépit, il prononça à peine : « Venez-vous me chercher pour passer la journée à vos côtés avant de me ramener ici une fois encore ? »
Elle s’empressa de venir lui plaquer sa tête contre sa douce poitrine : « Tu deviens chaque jour plus fort, plus proche de ton but. Un jour viendra où une mission te sera confiée. Elle sera alors l’occasion pour toi de t’affirmer aux yeux de tous. De faire de toi un Olympien à part entière. Alors, seulement, tu seras autorisé à quitter cette prison, pour d’autres circonstances que celles qui t’autorisent uniquement à m’accompagner. »
Flashback

Toma dresse son poing vers le ciel et fait virevolter ses éclairs : « Oui, ce jour viendra. Et je leur montrerai à tous que je suis un dieu. »


Au Libéria, le vent soulève la poussière de Bomi Hills qui couvre le sol et voile la vision des deux Saints de bronze.
Le visage dégoulinant d’hémoglobine, Nachi lutte contre ses doutes pour faire face à un Voskos qui fait craquer ses poignets d’impatience : « Bon, il semble que tu sois plus généreux que je ne l’aurai cru. Tu vas m’offrir un peu de divertissement finalement. »
A peine une demie seconde s’écoule après la fin de sa phrase, que le Saint du Bouvier cogne de plein fouet la poitrine du Loup.
Projeté plus loin, Nachi passe sa main contre sa Cloth qui protège son torse comme pour la remercier d’être toujours en vie. « Quelle force brute. J’ai l’impression qu’un troupeau tout entier vient de me piétiner, ressent-il. »
Néanmoins, il se relève avec le sourire, faisant grimacer le colosse : « Mon premier coup t’aurait-il fait perdre la tête pour que tu sois amusé malgré la situation ? Dans ce cas, je vais abréger tes souffrances en t’achevant d’un unique coup. Le Piétinement Sauvage va te remettre les idées en place ! Katapatisi Agria ! »
De son poing titanesque, Voskos libère toute sa force.
Nachi observe la masse d’énergie se diriger contre lui, en grimaçant. Il plisse les yeux comme pour appréhender la douleur et n’arrive pas à avaler sa salive, tant la crainte de souffrir le gagne. Mais il en est convaincu : « Je dois surmonter ma peur. »
Face au cosmos dévastateur, il écarte grand les bras et se laisse heurter de plein fouet.

Le vent résultant de l’onde de choc soulève un rideau de fumée qui cache la vue de Voskos, l’empêchant d’apprécier jusqu’où il a projeté son adversaire.
Cependant, la voix de Nachi l’informe des intentions de ce dernier : « Le meilleur moyen de vaincre sa peur, c’est d’y faire face, encore et encore, en l’endurant. Je surmonterai les pires souffrances, jusqu’à ce que je devienne inflexible face à ma peur. »
Le chevalier se libère du rideau poussiéreux et arbore son visage égratigné, avec une confiance de plus en plus grandissante.
Voskos fronce ses sourcils : « Ça alors ! Tu as encaissé sans broncher et tu es encore debout !
_ Je suis doué. J’ai du talent. Et je suis résistant. J’ai même repris l’entraînement depuis des semaines. Toutefois, ma peur est un handicap. Mais je vais la chasser de mon esprit grâce à toi. Tu vas être mon exorciseur ! »
Le Japonais surprend d’un déplacement agile le Grec. Il lui décoche une gauche en plein estomac. Le second direct est bloqué par le buffle qui le tire vers l’avant de son bras droit et le cogne entre les omoplates de son énorme poing gauche. Nachi s’échoue à terre. Il redresse à peine son buste qu’une reprise de volée du pied de Voskos l’envoie s’encastrer dans une roche à proximité.
La brute charge le Loup de tout son poids, mais Nachi parvient à le bloquer en fixant fermement ses jambes au sol. Il riposte d’un direct dans la poitrine, puis saisit Voskos par son énorme cou et le balance par-dessus lui. La violence de l’impact est telle que la roche contre laquelle le Bouvier s’écrase se brise.
Il sort des décombres furieux. Il perd son sang froid et s’élance à nouveau. Cette fois-ci Nachi esquive une droite, en effectuant un salto arrière. Il pivote la tête de gauche à droite, puis de bas en haut pour éviter les enchaînements de Voskos.
Malgré toute la puissance invoquée par le Bouvier, le Loup parvient même à bloquer sa dernière droite et à le corriger d’une gauche. Le géant retombe sur le dos, le nez brisé.
Malgré la douleur, il n’est pas prêt à renoncer : « Je vais t’apprendre à jouer le malin avec moi. Encaisse donc mon arcane avec tout ce qu’il me reste de puissance : Katapatisi Agria ! »
Le cosmos libéré par le Bouvier, prend la forme d’un troupeau de bovins qui se précipite sur un loup esseulé. Pourtant, l’animal solitaire parvient à ralentir la troupe, l’onde de choc s’estompe entre les mains de Nachi.
_ « C’est impossible, un être aussi faible ne peut stopper une telle puissance à mains nues !
_ Rien n’est impossible pour un chevalier. Une même attaque ne marche jamais deux fois contre un Saint averti. »
Stupéfait, Voskos recule d’un pas mais se ressaisit, il refuse de renoncer : « Non ! Même si le Piétinement Sauvage n’a plus le moindre effet, la force de mes membres réussira à te faire taire. »
Ebranlé par la détermination de Nachi, Voskos lâche sa garde et se jette de tout son poids.
Le Loup effectue une cabriole pour passer au-dessus de son ennemi et pour le frapper dans le dos : « Dead Howling. »
Malgré la simplicité du geste, le coup de poing de Nachi est si rapide qu’il fend l’air à la vitesse du son en prenant la forme de griffes tranchantes. La vitesse crée un si puissant impact que la protection dorsale de Voskos se brise dans un éclat de sang. La brute s’écroule dans un râle à l’intonation fort grave.
Nachi ne perd pas sa garde pour autant : « Relève-toi, j’ai bien compris qu’il en fallait plus pour t’abattre. »
Malgré la douleur, Voskos s’exécute en grommelant de rage.
Lorsqu’il fait face de nouveau au Japonais, il est stupéfait par l’émanation de son cosmos. L’effluve cosmique dessine derrière lui un loup qui hurle à la mort.
De nouveau, le Bouvier recule d’un pas. Néanmoins, il ne parvient pas à se ressaisir cette fois.
_ « J’ai l’impression que les rôles se sont inversés. Désormais c’est toi qui es pris de peur.
_ Fadaises !
_ Vois la vérité en face. Tu es à bout de force et j’ai retenu volontairement mon coup pour ne pas t’achever. J’ai pris l’avantage. Non seulement martialement, mais aussi et surtout psychologiquement. Le cosmos de mon maître qui habite cette armure, m’a rappelé à quel point il était impératif que je surmonte mes craintes. Rajoute à cela mes dernières semaines d’entraînement, et tu te retrouves face à un Saint de bronze confirmé. Renonce à présent et rentre au Sanctuaire.
_ Jamais ! La justice est de mon côté, même si je suis à bout de force, Athéna m’apportera la victoire. »
L’expression de Nachi gagne en maturité et en clairvoyance : « N’as-tu donc pas compris ? A l’heure actuelle mes compagnons affrontent au Japon des Saints d’argent et ils sont victorieux. J’ai refusé de voir la vérité jusqu’à présent, mais celle qui est à l’origine de notre union au Japon ne peut-être autre qu’Athéna. Saori Kido est Athéna. Sans quoi nous serions morts depuis longtemps. Je ne sais pas ce qui se trame au Sanctuaire, mais malgré le traitement qui nous a été réservé durant notre enfance, Mitsumasa Kido et sa petite fille n’ont pas organisé tout cela pour rien. »
Voskos s’époumone : « Je ne comprends rien à ce que tu racontes ! Cela dit, une chose est sûre, tu vas mourir prestement ! Katapatisi Agria !
_ Désolé. Adieu chevalier. Dead Howling ! »
Les lames tranchantes du Hurlement Mortel de Nachi annihilent progressivement le Piétinement Sauvage de Voskos puis lui transpercent le c½ur. Le visage dur et ombrageux du Grec se fige instantanément, perdant toute vigueur à mesure que son corps s’échoue comme un poids mort dans la poussière du sol libérien.
Sans le moindre regret, pris d’une fulgurante confiance en lui, Nachi serre le poing : « Maître, merci pour tout. Bientôt je retournerai auprès d’Athéna. Et alors, je n’aurai plus peur d’être ce que je suis. J’ai surmonté les traumas laissés par Ikki. Comme Seiya et les autres, moi aussi je peux devenir un Saint accompli grâce à vous. »
A des milliers de kilomètres de là, en Grèce, au Sanctuaire, loin de se soucier du sort des Saints de bronze renégat à l’heure actuelle, Deathmask est en plein spleen.
L’air nauséabond de la quatrième maison n’émeut en aucun cas son propriétaire.
D’ordinaire fier des masques de mort qui ornent son temple du sol au plafond, jusqu’à déborder sur le champ latéral de la demeure qui relie le passage secret des douze palais, il n’en éprouve aujourd’hui qu’une profonde amertume.
Assis sur les marches qui débouchent sur le passage secret, couvert de sa Cloth, il se décide à s’exercer à quelques acrobaties pour se délier les muscles.
« Depuis que je suis assigné à résidence par le Grand Pope, j’en ai les muscles endoloris, songe-t-il… »
Néanmoins, ses déplacements restent lents et sans convictions.
« Lilith… Rien ne va plus depuis que tu n’es plus dans vie… Que faisais-tu… Que faisais-tu auprès d’Aphrodite, se tourmente-t-il… »
Soudain, ses sens l’alertent : « Une cosmo énergie descend depuis la maison du Lion ! »
Il lève la tête vers les marches du passage secret et reconnaît une jeune brune aux reflets châtains.
Sa ceinture dorée enserre sa taille et permet de faire ressortir de sa longue robe immaculée ses formes généreuses.
_ « Ah ! C’est encore toi ! Cela faisait longtemps, souffle le Cancer !
_ Crois pas non plus que ça me fasse plaisir de te voir sale crabe, rétorque effrontément la servante aux yeux verts ! »
Elle progresse sans même le considérer davantage.
Deathmask se dresse alors en travers de sa route : « Minute la domestique ! Montre-moi ton autorisation de passage !
_ Comme si tu n’avais pas l’habitude de me voir aller et venir à Honkios, pour assurer comme mes semblables les provisions pour sa Majesté Athéna, soupire-t-elle en balançant la tablette sur laquelle est accrochée la missive ! »
Le Saint d’or s’en empare sans ménagement et reconnaît le sceau du Pope, bien qu’il ne doutât pas un instant de l’y trouver.
Il lui rend avec dédain et s’amuse à faire tourbillonner avec son autre main un halo violacé : « Par la présente sa Majesté le Grand Pope autorise Erda, à traverser les douze maisons ce 3 décembre 1986 afin de rapporter l’approvisionnement nécessaire aux bons soins d’Athéna et de ses servantes. »
La susnommée lui arrache la tablette des mains, sans répondre à cette première provocation, la lueur lugubre ravivant l’espace d’un instant un holocauste, au milieu duquel elle figure impuissante.
Tandis qu’elle poursuit son chemin en direction de la maison des Gémeaux, Deathmask lui fait marquer le pas en disant : « Approvisionner Athéna et ses bonnes… J’imagine que tu n’auras pas trop de charges… Vous ne devez plus être très nombreuses… »
Spontanément, elle se retourne et libère de son poing une fournaise : « Greatest Eruption ! »
D’un hochement de tête, le Saint esquive sans mal la rafale de feu tandis que le poing d’Erda frôle son visage.
Il profite de l’instant pour la saisir par le creux de son dos et la plaquer contre son torse.
Le geste inattendu laisse l’aspirante Saintia interdite, tandis que ses joues s’empourprent.
_ « C’est bien ce que je me disais, tu es plus forte que la dernière fois ! D’ailleurs, depuis cette époque, tu as mis ton corps à rude épreuve, constate-t-il en glissant les doigts de son autre bras le long de son biceps droit décoré d’un bracelet doré ! »
D’abord incroyablement sensible au geste provocateur mais tendre de son contradicteur, les raisons qui l’ont poussé à redoubler d’efforts lui reviennent à l’esprit.
Aussitôt, elle se défait de l’étreinte : « En effet, je me suis jurée de devenir Saintia pour avoir l’honneur d’approcher un jour Athéna et lui demander… Lui demander pourquoi elle garde dans ses rangs une pourriture telle que toi. 
_ Je pourrai te faire exécuter pour insubordination tu sais. Je pourrai même le faire moi-même, sans qu’on m’en tienne rigueur. Après tout, qui en a à faire d’une pauvre domestique. Néanmoins, pour m’avoir brûlé un cheveu, je te laisse la vie sauve. »
En colère et impuissante, dépitée d’être encore bien trop loin du niveau pour prétendre rivaliser, Erda reprend malgré elle les règles de bienséances indispensables à son rôle d’assistante d’Athéna.
Elle tourne le dos à Deathmask et poursuit sa route.
Alors qu’il l’observe s’éloigner, le bourreau perd peu à peu son sourire provocateur. Refusant de remettre en question ses principes, il peste en silence : « Foutue gamine… Si tu parviens à accéder au statut que tu souhaites, alors la réalité des champs de bataille te fera réaliser que parfois, nous n’avons pas le choix. Alors seulement là, tu comprendras… »
Last Edit: 23 November 2020 à 10h41 by Kodeni

Author Topic: Chapitre 60  (Read 2882 times)

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