Chapitre 53 - L’Aigle

Au Japon, l’apprentissage était dur pour Seiya et ses amis. Shiryu avait perdu la vue contre Algol, Saori venait d’être enlevée par Jamian, Seiya se retrouvait avec elle au fond d’un ravin le bras cassé et victime d’un traumatisme crânien.
A Jamir, cela faisait une semaine que Nicol, Mei, Yulij et Médée suivaient les préceptes de Mû.
A Asgard, Bud, Alberich et Mime rentraient en héros.
Pendant que Marine et moi étions coincés.



Chapitre 53 - L’Aigle

Quelque part sur la Mer Egée : 

19 octobre 1986.
Le vent souffle violemment sur une embarcation de fortune. Celle-ci est secouée par les vagues.
La mer agitée ne rassure pas l’un des deux occupants. Apodis tient avec acharnement les lanières de l’urne dans laquelle est enfermée son armure. Ses cheveux bleus sont noyés par l’écume : « Je dois t’avouer que j’aurai espéré une traversée plus calme. »
La jeune femme qui accompagne Apodis tient elle aussi sa propre urne : « Nous n’avons pas d’autres choix. Tout autour de Yíaros, les navires du Sanctuaire bloquent les liaisons avec l’extérieur. Nous déplacer dans les airs en bondissant depuis la côte nous aurait été fatal. Nous aurions été à la merci d’une riposte. »
Apodis pointe du doigt la direction de l’île d’Hébé : « Parce que tu penses qu’une petite barque va passer inaperçue au milieu de tous les bâtiments remplis de soldats ? »
Marine - " Non plus. Mais ça nous a permis d’approcher jusqu’ici sans nous faire repérer. Il nous faudra finir la traversée à la nage à partir d’ici. "
Malmené par les bourrasques, Apodis s’exclame : « Comment ?! »
Marine - " Oui, à partir d’ici nous sommes à la portée de leurs longues-vues. Nous devons passer par-dessous la mer pour arriver jusqu’à l’île. "

Marine joint la parole aux actes et endosse sa Pandora Box pour se jeter dans l’eau. Avant de l’imiter, Apodis confesse : « J’étais persuadé dès le départ que tu me conduirais dans une aventure impossible ! »


Au royaume d’Asgard : 

Le sourire qui se dessine sur les lèvres des trois hommes est représentatif de la joie de chacun de mettre fin à ce voyage exténuant. Syd, Alberich et Mime rentrent enfin de Blue Graad.

Ayant ressenti leur cosmos en approche, Hilda a fait préparer un cortège pour venir à leur rencontre dès la route de cristal, là où Seiya affrontera Thor dans quelques mois.
Les soldats relâchent les chiens de traîneau pour les soulager et amènent des chevaux aux trois héros, car c’est bien ainsi qu’ils sont considérés.

Hilda s’approche d’eux sur son grand cheval blanc, les obligeant à attendre un peu avant de grimper sur leurs montures.
Ils effectuent une révérence fort prononcée que leur renvoie la prêtresse d’une mine complice :
Hilda - " Félicitations guerriers d’Asgard. Vous êtes parvenus à sauver Blue Graad et à ramener Alexer sur le droit chemin. Mais trêve de bavardages, vous devez être exténués. Je vais vous faire raccompagner jusqu’à chez vous pour vous reposer avant le grand banquet que j’officierai ce soir en votre honneur. "
Syd et Mime s’échangent un regard coopératif, Alberich, lui, montre toutes ses dents en se sentant enfin considéré comme il se doit.


En traversant les hordes de villageois qu’ils rencontrent en remontant jusqu’au Walhalla, Syd salue chaleureusement son ami Thor, tandis que Mime joue quelques notes de sa lyre pour satisfaire davantage les adulateurs. Alberich, lui, ne cesse de lever le poing haut en l’air, afin que les acclamations de la foule flattent encore et encore son ego.
Les retrouvailles entre Siegfried et Syd se font bien plus solennelles que celles avec Thor, mais non moins joyeuses. Avec toute la politesse qui lui est connue, Mime incline à peine la tête devant l’ange gardien d’Hilda sur le parvis du palais, tandis qu’Alberich profite de passer à proximité de lui pour lui souffler du coin des lèvres : « Tu vois mon cher Siegfried, je serai toi je surveillerai ma place, je pourrai prendre goût à être considéré comme tu l’es habituellement, en héros. »
Siegfried se contente de lui lancer un regard sombre, tout en conservant son calme pour ne pas gâcher la fête.
Une attitude que Syd imite en voyant arriver devant lui la Princesse Freiya de Polaris accompagnée de ces amis, Hagen de Merak et, surtout, Bedra de Edel.
Freiya et Bedra effectuent une révérence en l’honneur du brave, alors que Hagen se contente de pencher la tête non sans respect comme l’a fait auparavant Mime envers Siegfried.
Une fois les usages réalisés, Bedra ne tient plus de se jeter dans les bras de son futur époux. Syd accepte l’étreinte avec une certaine retenue. Il n’a pas oublié que sa promise trouve aussi du réconfort dans les bras de son frère lorsqu’il n’est pas là.

Mime vient taper sur l’épaule de son équipier : « C’est là que nos chemins se séparent. Tu as bien mérité un peu de repos. »
Syd - " Ce fut un plaisir de faire équipe avec toi. "
Le trio se sépare aussitôt, prêt à se réunir une dernière fois au festin prévu ce soir en leur honneur.


En Grèce, sur l’île d’Yíaros : 

Au sud de l’île, dans le port réfectionné après l’invasion du Sanctuaire il y a un an et demi, les pontons sont déserts.
L’embargo instauré par le Sanctuaire et l’isolement de l’île qui en découle a fait cesser toute activité maritime pour le sanctuaire d’Hébé.

A bout de force et de souffle, Marine et Apodis atteignent le rivage.
A peine la tête sortie de l’eau et les pieds sur le sol, le Saint de bronze de l’Oiseau de Paradis hume l’odeur si particulière de cette île, lui rappelant que c’est ici qu’il a passé des nuits paisibles après des années de tourments.

Devant eux, le reste de l’île est dissimulé par une chaîne montagneuse où il n’existe qu’un passage. Celui-ci consiste à longer le chenal qui traverse l’île du nord/est jusqu’au sud.
Apodis - " Nous devons remonter ce cours d’eau. A mon avis, une fois que nous serons entre les deux flancs des montagnes, nous aurons droit au comité d’accueil. "


Marine le suit et ne peut que donner raison à Apodis.
A peine sont-ils arrivés sur les flancs des montagnes, que surgissent une quinzaine de soldats couverts d’une armure azure par-dessus leur tunique bleu marine. Ils brandissent leurs dagues ovales en direction des intrus. Le chef de la cohorte demande : « Vous portez des Pandora Box des chevaliers d’Athéna. Déclinez votre identité ! »
Une voix emplie de sympathie retenti depuis le sommet du col montagneux. L’homme de petite taille, les cheveux bruns hirsutes, le teint brunit par le soleil et marqué par une longue cicatrice affirme à ses hommes : « Ça ira soldats ! »
Le soldat s’exécute : « Bien Seigneur Philémon Saint de bronze du Lièvre. »
Vêtu d’un plastron en métal rouillé par-dessus son maillot noir, le joyeux homme atterrit devant les étrangers. Il fronce ses épais sourcils et reconnaît de ses grands yeux bleus de vieilles connaissances : « Apodis ! Mon ami, tu es revenu ! Et accompagné, si mes souvenirs sont bons, de Marine Saint d’argent de l’Aigle n’est-ce pas ? »
Marine se contente de hocher la tête pour confirmer son identité. Pendant ce temps, le petit grec sert son compatriote dans ces bras : « Tu es sain et sauf ! Je suis tellement content. Juventas aussi sera heureuse de te retrouver. »
Apodis - " Je l’espère Philémon. Je suis également content de te voir en bonne santé. Je vois que tu as pris du galon. Tu officies dans l’armée d’Hébé désormais ? D’ailleurs, je suis surpris de voir autant de soldats. Il n’y en avait plus de vivants au moment de mon départ de l’île. "
Philémon - " Après que le Sanctuaire ait été repoussé, il fallait organiser une milice pour préparer leur retour. Beaucoup de villageois qui ont participé à la révolte se sont portés volontaires pour entrer dans les rangs. Quand aux jeunes, pendant le temps où les athéniens ont été sur l’île ils avaient été formés aux armes. J’ai donc donné un coup de pouce pour achever leur apprentissage. Par contre j’évite de porter ma Cloth ici. Ça fait mauvais genre après les tragiques événements. "

Le ton dominateur de la compagne de Philémon confirme les propos de son amant :
Baucis - " Même si nous vous savons alliés, nous préférons que vos armures ne soient portées qu’en cas de force majeure. "
Apodis reconnaît la jeune femme qui arrive dans leurs dos. Physiquement remarquable puisque sa tenue et ses formes ne laisse personne insensible, son visage est masqué tandis que sa Cloth beige épouse avec sensualité sa poitrine sur volumineuse, sa taille de guêpe et ses cuisses musclées et robustes. Un court bustier grenat habille très peu sa poitrine tandis qu’un short de la même couleur couvre à peine ses fesses rebondies.
Apodis salue la femme chevalier : « Baucis Alcide de la Biche de Cérynie. »
Elle lui renvoie le respect témoigné par Apodis en inclinant légèrement sa tête sur le côté.

Philémon demande à ses pairs : « Alors vous êtes venus vous réfugier ici ? »
Marine répond pour Apodis : « Pas vraiment. Je suis venue demander une audience auprès d’Hébé. »
Ne connaissant pas la japonaise, Baucis marche en se déhanchant jusqu’à elle. Elle la saisit de la main gauche par le menton et glisse ses doigts le long de son masque avec la main droite. Sa main descend le long de son cou et s’arrête juste au creux de sa poitrine sans que Marine n’esquisse la moindre réaction.
Baucis conclut sa provocation en déclarant à Apodis : « Si tu l’as emmené avec toi, c’est que j’imagine que tu sais ce que tu fais. »
Le grec soupire, soulagé de voir la tension redescendre. Sans savoir ce que Marine attend d’Hébé, il souffle : « Naturellement. »


Au royaume d’Asgard, au temple Walhalla : 

Enfin chez lui, dans les appartements du Walhalla, Syd peut maintenant supprimer cette fausse joie qu’il garde sur son visage.
Il défait ses vêtements usés par le voyage, puis enroule son corps d’une serviette de bain sans dire un mot à sa promise.
La blonde aux cheveux soyeux s’inquiète de cette froideur brutale : « Mon amour, tu descends aux bains ? »

Syd ne lui dévoile rien de son intention de descendre se débarbouiller dans l’immense salle de toilettes comprenant différents thermes que se partagent les aristocrates du palais.

Avant qu’il ne prenne la porte, la jeune femme aux yeux améthyste lui barre le chemin. D’une voix friponne, elle lance : « Attends, tu sais que tu as un certain charme avec ce style vagabond ? »
Provocante comme Syd l’aime d’ordinaire, le futur Guerrier Divin ne réagit pas comme l’espère Bedra. Tourmenté par la relation qu’il soupçonne entre sa fiancée et Bud, Syd froncent ses sourcils : « Tu l’as rencontré n’est-ce pas ? »
Bedra - " Pardon ?! "
Syd - " Tu sais qui il est, n’est-ce pas ? "
Bedra - " Mais de qui me parles-tu ?! "
Le visage de Syd est défiguré par la colère : « De mon frère ! »
Il présente la moitié de pendentif qu’il a ramassé à Blue Graad.
Bedra est sans voix. Elle regarde tournoyer le bijou suspendu au bout d’une chaîne.

Démasquée, elle préfère poser cette question qui lui mord les lèvres et qu’elle s’efforçait jusqu’ici de masquer par sa joie de retrouver Syd : « A-t-il a survécu ? »
Syd arrache son propre médaillon et le jette de rage sur sa promise ainsi que celui de son frère : « Alors c’est lui que tu aimes ?! »
Bedra se cache trop tard le visage, l’un des deux morceaux du bijou en forme de c½ur ricoche sur sa joue.
Elle s’effondre en sanglots, ses larmes se mêlent au sang qui s’écoule de sa plaie.

Syd est transformé, il regarde avec une certaine indifférence sa fiancée. Sa voix est sèche et autoritaire : « Réponds-moi ! C’est lui que tu aimes ?! »
Il la relève en l’empoignant par la gorge pour mieux la plaquer contre un mur.
D’un timbre abîmé, étouffée par la colère de Syd, Bedra confesse : « Je ne peux choisir lequel de vous deux je désire le plus. »
C’est seulement lorsque Syd comprend la détresse qui se lit dans les yeux de la belle, des yeux rougis par l’étreinte, marqués par le manque d’oxygène, qu’il revient à lui. Il desserre ses mains et la laisse retomber sur la moquette de sa chambre.
Tel un point mort, elle s’échoue au sol, reprenant difficilement sa respiration.

Il lui tourne le dos, refusant d’être confronté davantage à la vue de cette menteuse.
Après plusieurs expirations profondes, il reprend un ton plus habituel : « Je ne sais pas s’il a survécu. Il m’a sauvé alors que la situation était tendue. Une violente explosion s’en est suivie, c’est tout ce que je sais. »
Bedra - " Syd… Je suis… "
Syd - " Je n’arrive pas à croire que tu ais pu me faire ça. "
Bedra - " Il était… Il est tellement… Toi ! Semblables physiquement, la personnalité de l’un comblait les manques laissés par l’autre. J’aurai voulu pouvoir vous aimer dans le plaisir, sans avoir un jour à choisir… "
Il l’interrompt : « Arrête ! N’en dis pas plus ! C’est déjà suffisamment dur comme ça. »
Bedra - " Je suis désolée, je n’ai jamais voulu te blesser. Je me suis laissée partager entre mon amour pour toi et l’amitié pour lui. "
Syd - " Alors ce n’est même pas une simple attirance qui aurait juste pu servir à combler mon absence ? Tu éprouves malgré tout des sentiments pour cet homme ? "
Bedra - " Il était seul, abattu. Il a tellement manqué d’amour qu’il en voulait au monde entier. Il a tenté de se rapprocher de moi dans le but de se venger de toi. Mais tout comme au fond de toi, j’ai compris qu’il n’avait pas une âme vile. Quand je lui ai déclaré comprendre qu’il n’était pas Syd de Mizar, il m’a alors avoué son histoire. C’est un homme perdu, débordant d’affection derrière cette carapace qu’il travaille. J’ai toujours rêvé qu’un jour il puisse venir à toi pour t’apprendre son existence, pour rattraper ce temps perdu durant lequel vous auriez pu jouir d’un amour fraternel. "
Syd - " Je sais qui il est. Je l’ai su bien avant de te connaître. Je l’ai rencontré durant mon enfance et j’ai fais admettre à mes parents que notre ressemblance physique ne pouvait pas être un hasard. Alors ils m’ont avoué. Ils l’ont toujours aimé… Et moi… Moi je l’ai toujours inconsciemment aimé aussi. Seulement les lois d’Asgard sont ainsi et jamais tout cela n’aurait dû se produire. S’il a réellement survécu à Blue Graad et qu’il se présente à toi, je te conseille de me le dire. Je l’exécuterai et tu le suivras dans la tombe si je découvre que tu me mens de nouveau. "
Bedra - " Que dois-je faire à présent ? "
Syd - " Il est hors de question d’annuler notre mariage. Il en va de la fierté de nos familles. Je ne veux pas que nos noms soient traînés dans la boue à cause d’une femme infidèle. Refuse de le voir, dis-lui de fuir Asgard et qu’il ne remette jamais plus les pieds ici. Mais jamais, ô grand jamais, tu ne dois lui dire que mes parents et moi-même sommes au courant de son existence. Je préfère qu’il me haïsse plutôt qu’il cherche à affronter les lois d’Asgard qui lui ont choisi un tel destin. "
Bedra hésite un instant. Elle balbutie avec chagrin : « Qu’il en soit ainsi. »

Tandis qu’il quitte l’appartement, elle l’interpelle avec timidité : « Syd, je t’aime. »
Syd ne daigne toujours pas la dévisager : « Dans ce cas aime-moi sans me le dire. C’est trop tôt pour que je puisse te pardonner. »


En Grèce, sur l’île d’Yíaros : 

Disséminées tout autour du temple des hommes, le temple d’Héraclès, et du temple des femmes, le temple d’Héra, les habitations se sont reconstruites.
Les villageois s’entraident toujours pour restaurer les demeures des plus démunis.

Après avoir été réquisitionnés par les athéniens, les temples sont de nouveaux des lieux de culte revenus aux mains des prêtres et des prêtresses. Devant ces lieux de recueil, la verdure a poussé autour des statues hébéïennes couchées par les soldats du Sanctuaire.

Les jardins fleurissent à nouveau après avoir été des champs de terre abandonnés sur lesquels les hébéïens imprudents étaient exécutés.

Apodis sourit, ravi de cette reconstruction. Il salue chaque fois avec obligeance les villageois qui le reconnaissent.
Même du temps où il était leur ennemi, la complaisance d’Apodis à l’égard des faibles a toujours été appréciée.

Pourtant, malgré sa politesse, il cherche partout un visage connu qui lui a tant manqué, celui de Juventas.
C’est alors que la foule s’écarte pour laisser passer un chétif être qui marche par petits pas. La petite fille, bien qu’encore faible sur ses jambes, progresse d’un pas décidé vers Apodis.
Le grec a les yeux qui débordent de larmes lorsqu’il reconnaît l’enfant de Juventas pressée de se jeter dans ses bras : « Agape ! Comme tu as grandi ! »
Il la soulève et la fait tournoyer au-dessus de sa tête en riant aux éclats avec elle.
Il la présente à Marine : « Il s’agit de la fille d’Iphiclès, l’Alcide qui a donné tant de mal aux Saints d’or au Sanctuaire, et de Juventas Alcide des Juments de Diomède. Elle a deux ans. Elle est née la même année que Sperarus, mon défunt fils. »

L’intonation si chaleureuse qui lui a le plus manqué le foudroie en plein c½ur. Juventas se joint à la fête : « Elle t’a beaucoup réclamé tu sais. N’arrivant pas à dire Apodis, elle disait souvent « Apopo ». Avant d’abandonner ce nom pour « papa ». »
Apodis soulève avec fierté l’enfant de son amie et la sert chaleureusement dans ses bras.
Il reste de longues secondes émerveillé par le charme de l’Alcide pourtant masquée aux yeux de tous.
Grande, mince, à l’allure très féminine, elle est comme ses semblables, vêtues d’une tunique grenat et porte une Cloth blanche et crème. Ses cheveux couleur taupe descendent en de nombreuses pointes dans son dos et sur son front dissimulé. Sa peau mate, brunie par le soleil de Grèce, lui donne un teint éclatant.
Avec une certaine réserve, face à la foule observatrice, Apodis se cantonne d’un timide : « Je suis très heureux de te revoir. »
Sous le masque aux expressions inquiétantes de Juventas, des larmes coulent : « Moi aussi. »
Le peuple applaudit ces retrouvailles pour féliciter le retour d’un héros. Comme Philémon, il est reconnu pour avoir su se retourner contre les siens qui ½uvrent pour le mal.

Enfin, des applaudissements se poursuivent alors que tous les hébéïens ont cessé de frapper dans leurs mains.
La foule se prosterne à mesure qu’une lumière aveuglante et chaleureuse les inonde.
Apodis et Marine observe la même attitude que l’ensemble des habitants en s’inclinant devant Hébé.
Le Saint de l’Aigle détaille de bas en haut la déesse.
Ses délicats pieds, chaussés de spartiates, aux doigts fins et aux ongles parfaitement manucurés s’enfoncent sur le gazon. Les lacets de ses sandales couleur châtaigne enroulent ses minces chevilles. De ses jambes, Marine n’aperçoit que ses mollets parfaitement dessinés, ses cuisses qu’elle imagine douces et ravissantes sont tenues couvertes par une longue toge de satin, rose, épousant à merveille ses hanches et sa légère taille, agrafée à hauteur des épaules par des broches d’or, métal pur et précieux qu’on retrouve le tour de ses frêles biceps et de ses poignets. Un collier de perle descend jusqu’au creux de sa ferme poitrine pour tenir à son bout un c½ur d’or incrusté de diamants.
Ses mains menues, aux ongles vernis d’or, viennent effleurer ses petites mèches de cheveux qui lui caressent les joues. Ses courts cheveux blonds ne descendent pas plus bas que sa chétive nuque et son front est parfaitement dégagé puisqu’elle est coiffée d’une couronne en forme de feuilles de laurier trempée dans l’or. Son nez est fin, ses lèvres d’un rose innocent paraissent suaves. Ses sourcils subtilement épilés s’accordent à merveille avec ses grands yeux bleus aux couleurs du ciel lorsque celui-ci est au paroxysme de sa clarté.

Hébé - " Bon retour à toi Apodis. "
Apodis se baisse encore plus bas : « Merci de m’offrir votre hospitalité déesse Hébé. »

Devant la déesse, l’atmosphère ondule, comme si l’air venait d’être fendu.
De façon irréelle, apparaît le maître de l’illusion. Le dernier Alcide, ¼dipe des Oiseaux du Lac Stymphale. Son physique disgracieux ne fait pas sourciller Marine, pourtant elle en aurait eu le droit.
L’homme aux genoux distordus, marche lentement. Il traîne les pattes tel un animal abattu.
Le bolivien distance ainsi sa déesse de Marine qu’il ne connaît pas. Ne sachant pas parler, dénué dès la naissance de ses cinq sens, ¼dipe utilise la télépathie pour faire résonner sa voix dans l’atmosphère : « Il me semble ne jamais t’avoir rencontré. Qui es-tu pour recevoir l’insigne honneur de te présenter devant sa Majesté Hébé ? »
La japonaise se contente d’une réponse vague : « Je suis l’Aigle. »
Apodis la dévisage, surpris d’une réaction aussi floue.
Hébé plisse légèrement ses yeux. ¼dipe insiste : « Est-ce ainsi qu’on se présente ?! Veux-tu te soumettre convenablement ! »
Hébé réagit pour Marine : « Ça ira ¼dipe. Elle t’a parfaitement répondu. Elle est l’Aigle. Et elle va me suivre dans mon palais. J’aimerai m’entretenir seule avec elle. »

L’assistance reste pantoise. Marine abandonne Apodis sans la moindre explication.


Au royaume d’Asgard au temple Walhalla : 

Au Walhalla, dans la salle de réception, la fête bat son plein.
Comme à Blue Graad, Mime accompagne les musiciens d’Hilda à la lyre tandis que Syd reste attablé en compagnie de Bedra et de leurs parents en faisant mine de vivre un parfait bonheur.
Bedra a le visage enroulé par une écharpe qui remonte sur le haut de son visage, de façon à masquer sa joue blessée et son cou bleui par la marque des mains de son fiancé.

Pendant ce temps, Alberich n’a de cesse de se complaire des éloges que lui font les convives d’Hilda, à commencer par cette dernière.
Cela a pour conséquence de provoquer l’hilarité d’Hagen et le manque d’appétit de Siegfried. Les deux amis positionnés aux côtés d’Hilda et de Freiya se navrent de manière différente du comportement de leur compatriote. En observant les femmes intéressées par ce succès d’Alberich, Hagen bouscule Siegfried avec son coude : « J’ai l’impression que pour une fois il ne repartira pas seul. »
Le cynisme de Siegfried tranche avec la bonne humeur d’Hagen : « Qu’il en profite, cela ne durera probablement pas. »


A Jamir :

Le calme de la contrée himalayenne fait réagir de façon différente les apprentis de Mû.
Depuis une semaine qu’ils se sont invités chez le Saint du Bélier, ils s’exercent à leur manière pour trouver la voix du septième sens d’après la présentation que leur en a fait Mû.

Mei et Yulij espèrent le maîtriser en repoussant leurs limites en se livrant bataille sans cesse.
Nicol en ouvrant son esprit à la nature chaque jour en allant s’isoler dans la montagne.
Médée en demandant sans cesse à son époux de lui faire partager son expérience des champs de bataille et de son apprentissage auprès de Shion.

Pour la muvienne, c’est l’occasion de passer davantage de temps avec l’être aimé.
La dure réalité leur rappelle que des Guerres Saintes ont déjà éclaté ces dernières années et qu’elles n’étaient rien par rapport à celles qu’ils allaient tous les deux devoir livrer dans les mois à venir.
Régulièrement tranquilles grâce à l’entraînement de leurs convives, ils profitent de ces instants pour partager le plaisir de l’amour en oubliant pendant ces minutes leur dure mission de chevalier.
Dans une couche en osier, elle émerge progressivement de son court sommeil. La tête appuyée sur le torse magnifiquement sculpté de son mari, elle soupire : « Suis-je la seule à m’être assoupie ? »
Mû - " Je suis trop préoccupé pour trouver le repos. "
Médée - " Qu’est-ce qui te préoccupe ? "
Mû - " Toi. Chaque jour tu progresses. Et cela pour aller jouer ta vie sur les champs de bataille. Moi je suis Saint d’or. Ma mission me vaudra très certainement la mort. J’en suis conscient. Mais si tu venais à partir toi aussi dans tous les combats que nous aurons à mener, que restera-t-il de nous ? "
Médée - " La mort est-elle obligatoirement notre seule issue ? "
Mû - " Si tu vas au Sanctuaire bousculer la hiérarchie de l’usurpateur, alors oui ça sera le cas. "
Médée - " Tu me demandes alors de fermer les yeux sur ce qui se trame en ce moment. "
Mû - " Pas nécessairement. Mais ces Saints de bronze au Japon, leurs techniques se perfectionnent de combat en combat. Ils ont réussi à égaler des Saints d’argent voire à les surpasser. Je ne serai pas surpris qu’ils renversent le Sanctuaire sans que tu ais besoin d’intervenir. "
Médée - " Tu me mets sur la touche si je comprends bien. "
Mû - " Tu assisteras le Sanctuaire le temps voulu. Il y a encore bien des dangers qui le guettent. "
Médée - " Attendons de voir comment va évoluer la situation. "


En Grèce, sur l’île d’Yíaros, au centre de l’île : 

Au c½ur de l’île, là où la majorité de la population hébéïenne est regroupée, la demeure de Juventas vit de précieux instants.
Penché au-dessus du petit lit d’Agape, Apodis reste rêveur devant le visage endormi de l’enfant.
Juventas, dévêtue de sa Cloth, lui précise : « Elle ne s’était pas endormie aussi rapidement depuis ton départ. »
Apodis - " Vous m’avez terriblement manqué toutes les deux. "
Juventas ôte son masque et arbore une mine radieuse. Ses grands yeux dévorent Apodis : « Pour combien de temps es-tu là ? »
Apodis - " À vrai dire je n’en sais rien. Je ne sais pas ce que manigance Marine. Elle me paraît bien étrange. L’ordre du jour n’est plus de renverser le Sanctuaire mais de l’aider elle pour une mission bien plus importante. "
Juventas - " Dans ce cas là, si elle vient chercher l’aide d’Hébé, c’est que nous ferons certainement équipe. "
Apodis se rapproche d’elle et la serre contre sa poitrine. Malgré l’épaisse couche de muscle qui barde sa cage thoracique, Juventas peut entendre le c½ur de l’athénien cogner fort dans sa poitrine.
Apodis - " Quelle que soit mon rôle, je tiendrai ma promesse. Je te reviendrai en vie. "
Elle lève les yeux vers lui et pousse très légèrement sur la pointe de ses pieds pour hisser son mètre soixante douze au mètre soixante quinze d’Apodis.
Enfin, ils s’échangent un long baiser durant une étreinte passionnée…


Au royaume d’Asgard au temple Walhalla :

La fête à l’honneur des héros s’achève à mesure que les invités regagnent leurs appartements à l’intérieur du Walhalla ou leurs domaines tenus dans les environs du palais.

Bedra de Edel salue les derniers invités d’Hilda ainsi que cette dernière en affichant une fausse euphorie. Elle laisse seul Syd, obligé de raconter pour la énième fois les détails de son combat contre Alexer aux derniers participants au repas.


En retrouvant sa chambre, Bedra abandonne au sol l’épais foulard qui lui enroule le cou et masque sa blessure à la joue. S’ensuivent le reste de ses vêtements pour qu’enfin, d’une parfaite nudité, elle puisse se blottir dans ses draps.

N’arrivant pas à fermer l’½il, l’esprit trop ennuagé par les derniers événements, elle se met à fondre en larmes.

Soudain, depuis l’ombre laissée par le reflet de la lune sur la cheminée, une voix familière la surprend : « Je ne ressens que du chagrin dans l’univers que tu dégages. »
Bedra bondit de son lit en reconnaissant le jumeau de son futur époux. Elle vient lui tomber dans les bras et l’embrasse ardemment : « Par Odin ! Tu es vivant ! »
Bud l’enlace bien fort pour la convaincre qu’il est sain et sauf.

Malheureusement, les retrouvailles deviennent moins enjouées à mesure que Bedra comprend qu’elle est confrontée à une dure réalité. Entre son engagement envers Syd et son désir pour l’ermite, elle doit faire un choix.
Son sourire se charge brusquement d’une affliction. Les chaudes larmes qui lui viennent à nouveau surprennent Bud : « Que t’arrive-t-il ? »
Elle baisse honteusement la tête, souffrant de la décision qu’elle sait devoir prendre. Son mouvement fait remarquer à Bud les marques des mains de Syd sur le cou de l’aristocrate : « Qui… Qui t’a fais ça ?! C’est Syd ?! C’est lui n’est-ce pas ?! Il a osé ?! Et… Et ta joue ?! »
Tandis que le visage de Bud se charge d’une rage folle, Bedra le prend au vif : « Va-t-en ! »
La colère du jeune homme laisse place à l’incompréhension : « Pardon ? »
Bedra - " Tu as bien compris. Je ne veux plus te voir. "
Interloqué, il persiste : « Tu n’es pas sérieuse ? Que t’est-il arrivé ? Tu n’as pas l’air dans ton état normal… »
Bedra lui coupe la parole : « J’ai voulu vous aimer les yeux fermés, rester celle que vous désiriez tous les deux sans jamais avoir à choisir. Néanmoins, la réalité me rattrape. Aujourd’hui je suis obligée de me décider. »
Bud refuse d’abdiquer : « Alors tu privilégies l’empire que mon frère te propose à l’espoir d’un amour infini… »
Bedra se cramponne le c½ur. Elle le sent cesser de battre à mesure qu’elle ment pour le bien des deux hommes qu’elle aime : « Je choisis simplement la voix de l’amour. C’est lui que j’aime, pas toi. »
Bud reste sans voix, il tente un ultime geste vers elle qu’elle refuse en reculant d’un pas davantage décidé : « Va-t’en à présent. Et ne reviens jamais. »
Bud - " Je… Je t’ai toujours… "
Il fait la mou, remplit ses poumons d’oxygène pour retenir son chagrin puis se résout.
En baissant la tête, il prend la direction de la fenêtre par laquelle il avait l’habitude de fuir après leurs instants secrets partagés autrefois.
Un pied en appui sur le rebord de la fenêtre, prêt à prendre toute son impulsion pour quitter les lieux, Bud présente pour la première fois devant Bedra ce regard froid qui le caractérise habituellement : « Une fois de plus Syd m’a pris ce qui me revenait. Je le maudis… Oui, je le maudis du plus profond de mon être et je jure sur Odin que je reviendrai malgré ton souhait. Je reviendrai plus fort pour prendre cette place qui doit être mienne auprès de la cours d’Asgard et surtout auprès de ton c½ur. »
Sans même lui offrir un dernier regard, il disparaît dans les forêts enneigées où il a grandi.

Hagarde, la riche héritière de la famille de Edel traîne les pieds jusqu’à la fenêtre pour la fermer. Elle exécute mécaniquement les gestes nécessaires pour la clore puis s’assied au pied de son lit. Sans la moindre étincelle de vie dans son regard, elle passe doucement ses doigts sur sa joue marquée à tout jamais par son adultère. Cette cicatrice qui lui restera gâchera aussi péniblement sa beauté que les souvenirs qu’elle retiendra de ces moments passés où elle a pu aimer deux hommes et être la plus comblée des femmes.
Enfin, petit à petit, comme si l’air dégage une odeur inhabituelle, elle sent ses narines être prises d’une étonnante brûlure. Le cruel parfum de la réalité la rattrape, lui déchire son âme.
Renoncer à l’un des hommes qu’elle aime, c’est comme renoncer à une partie d’elle-même.


En Grèce, sur l’île d’Yíaros, dans le Parthénos : 

A l’intérieur du palais d’Hébé, de nombreux habitants travaillent à sa réfection. Le bâtiment a beaucoup souffert de la tentative d’assassinat perpétrée contre la Déesse de la Jeunesse.
La grande salle de réception, vidée de toute présence, autre que celle de Marine, à la demande de la maîtresse des lieux, témoigne de la violence des combats livrés ici. Le plafond est toujours ouvert par plusieurs trous faits dans la roche. Les murs sont encore couverts de sang, les tentures arrachées et le marbre au sol fissuré.

Cependant, Marine n’est guère étonnée. Elle achève ses explications en tendant le bracelet où sont marqués les symboles de Pégase et de la Chouette : « … Et c’est pourquoi j’ai besoin de votre divin cosmos pour localiser le second bracelet. Un autre cosmos divin l’a scellé et m’empêche de faire le lien entre les deux artefacts. »
Hébé - " D’après tout ce que tu m’as raconté, ce bracelet sera certainement surveillé. Il vous faudra combattre, Apodis et toi, des Anges de l’Olympe. "
Marine - " Très certainement en effet. "
Hébé - " Apodis semble disposer d’une cosmo énergie impressionnante. Bien différente de celle qu’il détenait quand il a quitté l’île la dernière fois. Mais ça ne sera pas suffisant. Si la conspiration de l’Olympe que tu m’as exposé s’avère exacte, alors il est capital que vous réussissiez cette mission. Je vais donc joindre mes forces à votre succès. "



Le 19 octobre s’achevait sur encore bien des mystères et des morts.
Au Japon, Jamian, Dante et Capella avaient péri face aux Saints de bronze.
Sur Yíaros, Marine devenait de plus en plus énigmatique. Celle qui s’était faite appeler l’Aigle devant Hébé, semblait avoir un lien privilégié avec les dieux.
J’étais loin de me douter que la dernière Guerre Sainte se jouait déjà et que j’allais en être un acteur majeur.

Author Topic: Chapitre 53 - LAigle  (Read 46108 times)

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