Chapitre 34 - La prise de conscience

Un an… Un an s’écoula. Personne ne vécut cette année de la même manière, bien entendu.
Rhadamanthe et Myu continuèrent de traverser le monde à pieds, en quête de leur identité. Ils approchaient de la Chine.
A l’Aréopage, Vasiliás dressait sa nouvelle armée.
Le monde sous-marin, réunissait sa nouvelle génération de Marinas.
Deathmask achevait la formation de son jeune disciple Mei, pendant qu’Aphrodite trouvait du réconfort auprès de Lilith.
Asgard pansait ses blessures, après le passage de Rhadamanthe et le départ de Myu.
Sur Yíaros, la récession se poursuivait pour le peuple hébéïen. Taishi organisait le déicide d’Hébé. Le renouvellement des garnisons athéniennes favorisait l’arrivée de fidèles à Gigas. Philémon et Baucis vivaient en toute insouciance leur idylle, tandis que moi, je me rapprochais inexorablement de Juventas et de sa fille.
Au Japon, Saori achevait la construction de son quartier général pendant que son amie intrigante, Ksénia, effectuait de plus en plus de voyages soudains à travers le monde…



Chapitre 34 - La prise de conscience

Extrême nord de la Sibérie, Blue Graad :

5 août 1986.
En des temps mythologiques, à la fin de la première Guerre Sainte opposant Athéna à Poséidon, ce dernier vit son âme enfermée dans une urne scellée par Athéna.
La déesse de la Sagesse choisit alors de cacher le contenant dans un lieu inaccessible à l’homme, à l’extrême nord de la Sibérie.
Les chevaliers chargés de veiller sur l’héritage d’Athéna formèrent une citée qui devint bientôt un état armé, lieu militaire stratégique pour la divinité, Blue Graad.

De nos jours, l’homme contemporain n’a toujours pas idée de l’existence d’une telle légende et d’un tel lieu.
Inaccessible pour celui qui n’aurait aucune maîtrise de la cosmo énergie, l’état de Blue Graad, aujourd’hui composé de nombreuses bâtisses délabrées et ensevelies sous la neige, vit des jours difficiles sous le régime du Seigneur Piotr, descendant du souverain Unity qui fut d’une aide précieuse lors de la Guerre Sainte de 1743 contre Hadès.


Pacifiste, Piotr mène une politique de survie, dans ce lieu aux conditions climatiques cruelles.
En effet, un cataclysme sans précédent a ravagé la nation il y a plusieurs années, ne laissant qu’une cinquantaine de survivants, composant ainsi les quelques familles en mesure de garantir le futur de cette contrée légendaire.

Toutefois Piotr s’inquiète du retour annoncé de son fils banni, Alexer.
Exilé il y a cinq ans après avoir évoqué ses intentions maléfiques à l’encontre du monde, Alexer a réuni autour de lui les soldats les plus vaillants de Blue Graad, convaincus que la conquête de terres plus chaleureuses est juste.
Voici trois nuits que les soldats fidèles à Piotr repoussent les hommes d’Alexer qui attaquent des points de guets stratégiques. Piotr craint que ce combat fratricide ne cache hélas une menace plus grande, le retour de Poséidon en ce monde.
En effet, en plus d’avoir détenu autrefois l’âme du dieu, Blue Graad dispose d’un passage secret reliant la surface à Atlantis, ancien siège militaire et capitale aujourd’hui détruite, de l’empire du dieu des Mers et des Océans.

Atlantis a définitivement été ravagée lors de la Guerre Sainte de 1743, durant le réveil momentané de Poséidon face au chevalier d’or du Verseau.
La ville sous-marine, véritable cercueil de glace éternelle, n’est désormais accessible que via Blue Graad et renferme encore diverses armes dont le dieu marin avait par le passé l’utilité.


A l’intérieur du palais de Piotr, aux sols et aux murs faits de pierres de taille, une jolie demoiselle aux cheveux mi-longs, blonds et bouclés, avance d’un pas inquiet dans les couloirs.
A chaque garde croisé, elle incline légèrement sa tête pour les saluer, quand eux se courbent pour lui rendre les hommages qui lui sont dus.
Sa longue robe blanche à bretelle descend jusqu’au sol et cache ses longues jambes contrairement à sa poitrine et ses épaules à peine couvertes. Ses bras nus sont ornés de bracelets dorés aux biceps et aux poignets, tandis que quelques bagues habillent ses mains.
Arrivée devant la salle du trône de son père, la douce Natassia passe sa main dans sa nuque, pour recoiffer les cheveux qui descendent dans tout le long de son cou. Elle se racle la gorge, puis fait irruption devant le siège du souverain.
Le patriarche se frotte sa longue barbe blanche. Le visage fermé, songeur, il déclare à sa fille sans même qu’elle n’ait le temps de prononcer quoi que ce soit :
Piotr - " Oui ma fille. Je sais… "
La pauvre s’échoue à genoux et en sanglot :
Natassia - " Alors nous ne pouvons donc rien faire ? "


Loin du centre de la ville, où les chaumières faites de pierres blanchies par le givre encerclent le palais impérial, dans les ruines des maisons frontalières au désert de glace sibérien, autour d’un feu, quelques hommes gloussent en jouant aux cartes autour de verres remplis de vin chaud. D’autres s’exercent au glaive, tandis que certains jouent de leurs charmes auprès des rares femmes qui composent leurs rangs.
Vêtus d’épaisses fourrures, par-dessus leurs maillots et leurs pantalons, ils enserrent le tout grâce à leurs cuirasses métalliques qui leurs servent d’armures à l’instar des soldats du palais.

Dans le brouhaha le plus complet, un groupe de trois soldats à la carrure imposante, au physique plutôt meurtri et aux armures ébréchées, traverse les décombres d’une des demeures précairement investies.
Sans attirer particulièrement l’attention malgré leur allure peu coutumière, ils se rendent au fin fond de l’habitation, régulièrement soufflée par les courants d’air gelés. Ils vont là où la lueur des torches est bien trop lointaine pour parfaitement identifier l’homme qui se tient assis sur une paillasse recouverte de fourrures animales.

En voyant venir ses sujets, Alexer, le maître des lieux secoue le corps étendu sur la couche d’une des sujettes qui compose son équipe et la chasse :
Alexer - " Rhabille-toi à présent. J’ai à faire. "
Sans broncher, sa partenaire occasionnelle se redresse sans la moindre gêne devant les trois arrivants et ramasse ses vêtements, avant de regagner l’attroupement à l’autre bout des ruines.
Les trois soldats, observent du coin de l’½il le physique gracieux de leur concitoyenne, puis se prosternent devant Alexer toujours tapis dans l’ombre.
Soldat n°1 - " Seigneur Alexer, nous sommes parvenus à nous introduire dans le palais comme vous nous l’aviez demandé. "
Un second homme ajoute :
Soldat n°2 - " Nous avons réussi à forcer le passage jusqu’au palais. Alors que nous étions encerclés et à la merci de la garde impériale, votre père a demandé à nous rencontrer, pour connaître vos réelles intentions. "
Le troisième guerrier s’empresse de développer :
Soldat n°3 - " Nous avons déclaré qu’elles étaient toujours les mêmes qu’il y a cinq ans, lorsqu’il vous a banni et que vous demandiez votre réhabilitation auprès de lui, au rang de prince, qui vous est dû. "
Le premier des trois messagers se montre moins enthousiaste que son dernier pair :
Soldat n°1 - " Néanmoins il a décliné cette proposition et nous a renvoyé auprès de vous pour vous en faire part. "

Alexer se redresse en aspirant profondément de l’air.
Il se montre volontairement à la lumière du jour qui passe par les lucarnes de la demeure délabrées et arbore sa mine orgueilleuse. Vêtu d’un simple maillot et d’un pantalon au bleu délavé, son corps est protégé du froid par une épaisse cape de fourrure brune enroulée autour de lui.
Alexer - " Très bien. Je vois que ce vieux fou est résigné à attendre un coup d’état. Celui-ci ne va pas tarder. Si à trois soldats vous êtes parvenus à pénétrer jusque dans le château, c’est que nos multiples petits assauts répétés en des lieux stratégiques du domaine ont porté leurs fruits. Aujourd’hui les rangs de mon père s’amenuisent et il est plus faible que jamais. Depuis maintenant plusieurs semaines, je les prive d’une rencontre avec les marchands du Port du Destin de Crète en négociant au prix fort les cargaisons. Ce qui reste de son peuple va finir par mourir de faim, plutôt que de froid, alors que nous récupérons chaque jour plus d’hommes et de femmes désabusés qui quittent ses rangs pour renforcer les miens… "
Soudain, la neige et le givre qui couvrent le sol et les murs se mettent à fondre. Alexer cesse ses propos et reconnaît l’arrivée d’une jeune femme fort peu vêtue malgré les conditions climatiques.

Et pour cause, montée sur des escarpins à grands talons et habillée d’une courte robe noire, l’intruse approche d’Alexer, sans se soucier de l’esprit provocateur que sa présence peut susciter auprès des hommes du prince de Blue Graad.
L’un des partisans abandonne la table où il était assis en compagnie des siens et, sous l’influence de l’alcool et des exhortations vulgaires de ses amis, au beau milieu des sifflets à l’encontre de la belle créature, il se dresse devant elle en l’enserrant avec poigne par la taille :
L’homme - " Ah, ah, ah… Alors ma jolie, tu t’es perdu ? Tu veux venir t’amuser avec nous ? Ah, ah… "
Brusquement l’assistance s’inquiète lorsque l’air hébété du grotesque individu change radicalement en une expression de souffrance. Leurs gloussements deviennent exclamations, tandis que l’entreprenant mâle libère l’inconnue en se tenant le bras avec lequel il l’avait agrippée. Le membre se contracte pendant que ses ongles commencent à tomber. Ses doigts pourrissent puis son bras se détache de son corps.
Dans d’atroces hurlements, sous la stupeur et le dégoût des spectateurs, l’ivre personnage observe son organe fondre petit à petit sur le sol.

Sans le moindre sourcillement, la dangereuse beauté reprend son chemin jusqu’au responsable des lieux, sans plus rencontrer la moindre remarque ou le moindre obstacle, puisque chacun s’écarte en tremblant.
Alexer l’observe avancer tranquillement jusqu’à lui, en se remémorant leur rencontre…


Flashback
1980 - Une jeune femme simplement vêtue d’une légère robe blanche courait dans la citée de Blue Graad sous une tempête de neige en s’égosillant :
Natassia - " Alexer ! Attends je t’en prie. Rentre donc avec moi au palais. Père ne désire que ton bien, il faut que tu me crois. Implore son pardon et revient avec moi par pitié. "
Le jeune garçon qui portait sur son dos une urne métallique, fit volte-face :
Alexer - " Piotr m’a banni. Il refuse d’ouvrir les yeux. Ce que je lui ai dit, je ne suis pas le seul à le penser. Bientôt d’autres se rallieront à moi. Voilà pourquoi je pars avec l’armure des Blue Warriors, héritage de notre contrée. "
Natassia - " Et à quoi cela te mènera ? "
Alexer - " Au pouvoir ! Je destituerai Piotr de son trône et prendrai sa place pour offrir à notre royaume des jours plus cléments sous le soleil. "
Natassia se jette aux pieds d’Alexer pour le supplier, mais il n’en a que faire. Il la repousse sans animosité et la fixe dans les yeux :
Alexer - " Natassia, ma très chère s½ur, je ne veux que votre bonheur à toi et à notre peuple. Nous nous retrouverons bientôt. Je t’aime. "

Alexer, disparut dans les souffles blancs de neige de la tempête, laissant sa s½ur pleurer toutes les larmes de son corps.
Le jeune prince de Blue Graad, marcha durant des heures et des heures, s’efforçant à lutter contre le froid, développant ainsi de minutes en minutes, une cosmo énergie de plus en plus grande.
En allant au bout de ses limites, il parvenait à pousser un cosmos infini.
Il s’effondra maintes fois, dans l’épais manteau de coton qui couvre le sol de sa nation. Mais convaincu qu’il lui fallait poursuivre ainsi, pour devenir plus fort, il trouvait chaque fois le courage de se ressaisir.
Pire, il choisit d’ôter ses vêtements, pour exposer son torse nu aux morsures glacées du gel, afin de défier davantage la météo capricieuse.

Durant des jours, des mois, il concentra cette aura issue de son ambition, de sa haine envers son géniteur et de ce rude entraînement, pour s’approprier un arcane dévastateur, une vitesse surhumaine et une force hors du commun.

Il trouva refuge dans les habitations frontalières de la contrée, abandonnées depuis des années après un cataclysme historique.
Il se nourrissait de ses prises de chasse, buvait la neige qu’il faisait fondre par-dessus un feu qu’il devait alimenter sans cesse et passait le reste de son temps, à maîtriser seul la rançon de ses efforts.


Résolu à défendre cette cause qui lui semblait si juste, Alexer demeurait pourtant seul.
Cela faisait maintenant sept mois qu’il attendait impatiemment l’arrivée d’autres soldats qu’il pensait acquis à sa cause lorsqu’il a quitté le royaume.

Un jour, tandis que le blizzard était si intense que même Alexer avait du mal à mettre un pied devant l’autre, le jeune sibérien aux cheveux châtains commença à douter. Les forces lui manquaient, la température glaciale l’atteignait de façon croissante et son corps s’engourdissait. Sûrement était-ce dû aux doutes qui le rongeaient.

Alors qu’il était couché dans la neige, rongé par le froid, à demi conscient, les rafales et les chutes de neige, furent interrompues par une douce chaleur qui vint lui prendre le c½ur.
Ni les incertitudes ni les maux ne purent contrer ce bien-être inexplicable. Alexer sentit son corps être soulevé, comme s’il était aussi léger qu’une plume malgré ses quatre-vingt kilos.
Les yeux mi-clos, il crut voir un ange venir le chercher, pour le guider dans l’autre monde. Ce dernier était tout de blanc voilé et encapuchonné. Cependant au contact de son aura, Alexer sentit comme une sensation de réconfort, un apaisement.
Il se laissa ainsi guider et ferma les yeux pour ne pas lutter contre son ange gardien…

La nuit était tombée depuis le « voyage » d’Alexer. Il reprit ses esprits sur la couche qu’il s’était lui-même confectionné des mois auparavant.
La fourrure brune qu’il avait ôtée à un ours pour s’en faire une cape lui servait en cet instant de couverture par-dessus ses vêtements bleus.
La tête lui tournait légèrement, pendant que son feu était la seule source de lumière et de chaleur lui permettant de ne pas sombrer dans la nuit ténébreuse. Un feu qu’il lui faut néanmoins régulièrement alimenter et qui brûlait très bien sans lui depuis des heures.
Alexer bondit en tremblant, fort affaibli :
Alexer - " Qu… Qui est là ? "
Seule la cosmo énergie chaude et apaisante de son sauveur lui répondit en s’intensifiant.
Après s’être relevé trop vite de sa paillasse, Alexer commença à voir trouble, toutefois il reconnaissait le voile blanc qui dissimulait son bienfaiteur.
Alexer - " Une telle incandescence, un tel amour… Il n’y a que ma s½ur qui soit capable de me le communiquer… Natassia… Est-ce toi… Est-ce toi Natassia ? "
La voix qui répondit était féminine et portait le même accent slave que la fille de Piotr, seulement il pu la différencier au timbre de celle-ci :
Ksénia - " Natassia ! Serait-elle capable d’après toi de dégager un cosmos si puissant ? "
Rien que par l’émanation de son pouvoir, Ksénia repoussa Alexer sur sa couche où il se laissa tomber impuissant.
Alexer - " Aucune femme de Blue Graad n’est capable de dégager autant de force ! "
Ksénia - " Mon accent est peut-être trompeur. Je ne suis pas originaire de Blue Graad et disons que mon identité ne t’apportera rien de plus te permettant de réaliser tes rêves. Considère-moi comme ton ange gardien, rien de plus, rien de moins. "

Alexer eut du mal à se remettre sur pieds, il se laissa tomber à genoux :
Alexer - " Mes… Mes rêves… De quoi parles-tu ? "
Toujours dissimulée sous son voilage blanc, Ksénia détourna la réponse :
Ksénia - " J’ai seulement une question par rapport à ceci, votre rôle à vous, habitants de Blue Graad, qu’en adviendra-t-il lorsque tu auras conquis la planète. Qui y veillera ? "
Alexer - " Notre rôle ?! Atlantis ! La capitale abandonnée de l’ancien empire de Poséidon. A quoi bon y veiller ? La dernière Guerre Sainte contre Hadès de 1743 a vu la destruction de ce qu’il en restait. Voilà pourquoi je ne comprends pas l’obstination de Piotr à y faire rester son peuple qui meurt de froid alors que notre place mérite d’être mieux reconnue auprès d’Athéna. "
Ksénia commença à défaire sa capuche :
Ksénia - " Voilà qui est juste et qui me convient. "
Alexer fut aussitôt envoûté par la beauté de la jeune femme brune aux yeux topaze. Ses lèvres pulpeuses et le tatouage rose qui embellissent son divin visage réussirent à conquérir l’autochtone.
La voix du bel homme devint tremblante, tant il était confus devant tant d’élégance :
Alexer - " Malheureusement, j’ai bien l’impression que mes projets tombent à l’eau. De tous les soldats que j’ai acquis à ma cause au palais, aucun n’est venu jusqu’à moi. Je suis seul aujourd’hui. "
Ksénia laissa tomber à cet instant le voile blanc sur le sol pour dévoiler sa tenue contemporaine. Montée sur des escarpins noirs et les jambes peu couvertes par sa jupe noire, elle avançait lentement jusqu’à Alexer.
Arrivée à sa hauteur, elle s’accroupit pour venir cueillir son visage dans ses mains douces :
Ksénia - " Ne croit pas que tes actes restent vains auprès des tiens. Beaucoup sont partisans de tes ambitions. Il leur manquait simplement la garantie d’obtenir la victoire. "
Alexer leva timidement les yeux vers la russe et lui fit remarquer son emploi de l’imparfait :
Alexer - " Il leur « manquait » ? Que veux-tu dire ? "
Tout en gardant dans ses mains la mine douteuse du prince, elle se releva et l’obligea ainsi à se remettre debout.
Ksénia - " Il doutait des capacités de meneur physique que tu pouvais avoir, alors je leur ai montré… "
Elle ouvrit ses paumes de mains en direction du ciel, en invoquant dans chacune d’elle son cosmos, jusqu’à ce que celui-ci forme une sorte de miroir de feu, dans lequel Alexer put reconnaître la brume qui domine le paysage de Blue Graad.
Elle poursuivit ses explications :
Ksénia - " … Je leur ai montré les efforts de ce jeune prince qui manipulait comme jamais aucun habitant de Blue Graad ne manipula par le passé sa cosmo énergie… "
Alexer observait dans ce qui s’apparentait à une boule de cristal aux contours flamboyants les silhouettes qui apparaissaient au fur et à mesure, bravant la tempête depuis la citée impériale de Blue Graad, tandis que Ksénia ne cessait d’haranguer le futur leader :
Ksénia - " … Aujourd’hui ils choisissent d’abandonner leurs foyers, car ils croient en la victoire de ce prince qui leur offrira à eux et à leurs familles l’espoir de jours meilleurs, même si pour cela ils doivent passer pour des traîtres… "
Des larmes gondolèrent le regard d’Alexer, celui-ci commença à sourire tout en écoutant attentivement le discours de Ksénia :
Ksénia - " … Ils vont suivre ta force, à toi de les mener maintenant par des actes mais également, par un plan digne de ce nom. "
Alexer plongea aussitôt ses yeux dans ceux de Ksénia en souriant fièrement :
Alexer - " J’y arriverai ! Grâce à toi j’y arriverai, j’en suis sûr. "
Ksénia - " Prend le temps qu’il te faudra, empare-toi de Blue Graad et étend ton pouvoir sur cette planète. N’abandonne plus jamais, puise en toi toutes les motivations nécessaires, pour ne jamais te détourner du droit chemin. "
Il lui saisit les mains, faisant ainsi cesser le sortilège de la jeune slave et lui fit coller contre son c½ur :
Alexer - " J’ai trouvé ma motivation. Celle d’offrir à mon ange gardien ce monde pour lequel elle m’a redonné tant d’espoir. "
Ksénia lui sourit alors timidement et dirigea à son tour les mains du jeune homme, contre sa poitrine à peine couverte.
Intimidé par le contact de la chair, Alexer rougit et n’osa plus confronter son regard à celui de la belle enfant :
Ksénia - " Je prends cette déclaration pour un serment. Je veillerai à ce que tu l’accomplisses et t’apporte par ce geste la preuve de mon soutien le plus solennel. "
Elle libéra sa prise et Alexer retira très délicatement ses mains, en effleurant avec plaisirs les formes généreuses du divin ange.
Il pivota légèrement sur le côté pour passer derrière elle et gagner la sortie du refuge :
Alexer - " Je pars à la rencontre de mes hommes. Seras-tu encore là à mon arrivée ? "
Elle le rejoignit. Alors qu’il lui tournait le dos, elle en profita pour l’enlacer et coller sa tête contre son épaule :
Ksénia - " Profite de leur présence pour agir sur les postes de surveillance du royaume. Prouve par votre efficacité, la force de ton ambition et ainsi tu enrôleras d’autres hommes. Je reviendrais auprès de toi, lorsque tu disposeras d’une armée conséquente. "
Une fois sa déclaration faite, elle défit son étreinte et vint en face du chef des rebelles qu’elle embrassa en déposant ses lèvres au coin des siennes. Ensuite, d’un mouvement de bras, elle réajusta son voile blanc resté à terre tout autour d’elle. Puis, elle prit la direction opposée à celle qu’allait emprunter Alexer. Comme si elle ne faisait qu’une avec la neige, elle disparut à mesure qu’elle s’enfonçait à l’horizon, sans craindre ce climat rugueux.

Alexer resta de longues minutes à fixer ce qu’il croyait encore être un mirage.
Enfin, lorsqu’il revint à lui, il concentra toutes ses forces et entra en osmose parfaite avec la Pandora Box située à côté de sa paillasse pour en extraire l’armure qui y dormait depuis des centaines d’années.
Elle s’ajusta aussitôt sur lui, d’un gris bleuté, aux contours métallisés, protégeant ses jambes jusqu’au haut des cuisses, entièrement son torse et la ceinture, les avant-bras et munie de larges épaulettes.
Cette empreinte de majesté ne pourrait pas passer inaperçue, envers les hommes auprès desquels il se dirigeait à présent, ces hommes qui composeraient son armée de Blue Warriors.
Flashback


Les yeux d’Alexer, brillent comme ceux d’un enfant joyeux, lorsqu’il croise enfin le regard de Ksénia.
D’un signe de la tête, il renvoie ses trois espions et l’accueille :
Alexer - " La première fois que tu es venue à moi, ton entrée était beaucoup plus discrète. Tu étais apparue sous un voile blanc ma chère Ksénia, mon ange gardien ! "


Sur l’île d’Yíaros :

La verdure luxuriante de l’île est abreuvée d’eau en ce milieu d’été pénible.
Le vent souffle de plus en plus et la pluie ne cesse de tomber depuis une semaine.

Ces caprices de la météo n’empêchent toutefois pas les athéniens de faire leurs tours de ronde dans la citée et les fermes alentours.

Vêtu de sa Cloth rouge et orangée, Apodis laisse ses cheveux azur goutter devant ses yeux et sur ses épaulettes.
Accompagné de sa troupe dirigée par le caporal Pullo, le chevalier de bronze de l’Oiseau de Paradis est resté étrangement mué ces quatre dernières semaines. Même son ami Cliff n’a rien pu en tirer.

L’ambiance au sein des garnisons est de plus en plus terne, le curieux silence d’Apodis n’aide pas à dénouer la tension qui règne désormais.
L’augmentation de la violence envers les hébéïens et le peu de soldats suffisamment justes pour défendre les opprimés créent de vives rivalités au sein même des occupants.

Les pieds dans la boue, au beau milieu d’un bois, la troupe d’Apodis, torche en main, pour lutter contre l’obscurité instaurée par l’orage qui a éclaté tôt dans la matinée, avance jusqu’à une grange où tous les bovins semblent avoir été massacrés.
De dehors, l’équipe entend des hurlements, ce qui la pousse à presser le pas.
Ensemble, les soldats défoncent la porte et débarquent à l’intérieur de la demeure, déjà occupée par deux athéniens.
L’un pointe de son épée le père de famille, son épouse et leurs enfants, tandis que le second tient allongée la plus vieille de leurs filles, en espérant profiter d’elle et ce avec l’usage de la force.

Saisi par l’entrée surprise, le violeur lève aussitôt les mains en l’air comme pour clamer son innocence, libérant ainsi la victime qui part se réfugier dans les bras de sa famille.
Le père de famille, toujours menacé par l’arme du renégat, s’agenouille et implore Apodis : « Pitié sergent athénien, je vous en supplie, tuez-moi si vous le voulez mais laissez ma famille saine et sauve. »
Absorbé par ce spectacle macabre, Apodis revit l’espace d’une seconde l’instant où il a découvert sa mère et son fils dans sa demeure, lors de la Journée Sainte.
Partagé entre compréhension et colère, Apodis se remémore la découverte qu’il a fait un an plus tôt sur la plage, où un infiltré lui a appris les véritables coupables de la mort de sa famille.
Ne sachant qui croire, ne sachant de qui il doit se venger, hébéïen ou athénien, Apodis reste sans réaction.
C’est son caporal qui donne alors les ordres :
Pullo - " Sortez d’ici, vite ! "
La troupe d’Apodis vient liés les poings des deux agresseurs et les balance dans le sol boueux, à l’extérieur.

Là, sous une pluie battante, Apodis choisit enfin d’intervenir. Il est furieux, son regard est perdu :
Apodis - " Pourquoi ?! Pourquoi agir ainsi soldats ?! "
Les deux hommes n’osent répondre, c’est alors qu’un autre sergent s’exprime pour les deux prisonniers :
Taishi - " Parce que ce peuple est un peuple de traîtres, d’infidèles. Il n’a que ce qu’il mérite. "
Apodis - " Taishi Saint de bronze du Toucan, que de noirceur dans tes propos ! Depuis les mois que nous sommes ici, les hébéïens n’ont-ils pas réussi à te prouver leurs valeurs ? "
Taishi - " De quelles valeurs parles-tu donc sage Apodis ? S’il s’agit de la chaleur des cuisses de leurs femmes, alors ces hommes n’ont rien fait de pire que toi ! "
Apodis comprend l’allusion faite par Taishi quand à son rapprochement avec Juventas. D’un coup de sang, il envoie son poing en plein visage du japonais qui choie sur son postérieur.
Les fesses dans l’eau, vexé, l’ancien équipier de Jabu se redresse, enveloppé de toute sa cosmo énergie, prêt à riposter.
Les gardes alentours s’écartent, de peur d’être blessés dans le conflit qui se dessine devant eux.
Derrière chacun, les emblèmes de leurs constellations protectrices se dessinent. Le tonnerre gronde, la pluie fouette leur peau.

Il faut attendre l’arrivée d’Anikeï et de sa cohorte, pour calmer l’atmosphère. Le Saint de bronze de Cassiopée s’interpose entre les deux chevaliers :
Anikeï - " Etes-vous irresponsables ? J’ai senti vos cosmos en alerte et suis venu aussi vite que j’ai pu, pour vous éviter de faire une bêtise. "
L’entrée en matière du russe, calme les ardeurs des deux Saints.

Dans les troupes, les athéniens s’échangent tous un regard circonspect. Beaucoup semblent suivre le comportement de Taishi, y compris dans l’équipe d’Apodis.

Seulement, le grec n’abdique pas. Contre toute attente, il sort de son étui le glaive du soldat le plus proche, pour venir trancher d’un seul mouvement de bras la tête des deux violeurs.
Taishi grimace de colère, comme beaucoup d’autres guerriers. Apodis fait le tour de lui-même en pointant le glaive sur la foule :
Apodis - " Que cela serve d’exemple ! Tous les hommes, ici, qu’ils soient athéniens ou hébéïens, sont égaux en droit ! Je ne tolérerai pas un tel comportement, quelle qu’en soit la personne à l’origine. "

Préférant ne pas provoquer davantage de débat, Taishi se retire en soufflant d’amertume. Il est aussitôt suivi par ses hommes qui préfèrent baisser la tête que de croiser le regard d’Apodis.
Les hommes d’Anikeï repartent également, laissant leur sergent en compagnie de l’Oiseau de Paradis.
Parmi les hommes d’Apodis, beaucoup restent les yeux rivés vers le sol, comme s’ils étaient couverts de honte suite à l’attitude pacifiste d’Apodis envers les hébéïens.

Dans l’ombre, à l’orée d’un bois entourant la ferme où les athéniens sont intervenus, un mystérieux observateur, dissimulé sous un voile noir s’éclipse bien vite.

Les deux chevaliers restent l’un à côté de l’autre, sous le déluge.
Apodis - " Merci d’être intervenu… "
Anikeï - " Je t’interdis de me remercier et je t’interdis de croire que je vous ai interrompu, parce que je suis d’accord avec toi ! Par Athéna, Apodis, où as-tu la tête ? Lorsque je t’ai connu, sur cette île, tu les aurais tous exterminés. Et aujourd’hui tu exécutes deux gardes athéniens, parce qu’ils ont agi comme ces barbares d’hébéïens lorsqu’ils ont attaqué le Sanctuaire ?! Non mais, qu’est-ce qu’il t’arrive ? Lors de l’arrivée des renforts ici, tu étais pour l’ensemble de nos hommes une référence. De tous les sergents, les soldats voulaient entrer au service d’Apodis. Aujourd’hui ils te tournent le dos ! "
Apodis - " Ces hommes ne sont pas ceux que tu crois, un soldat m’a confié il y a peu, avant de mourir que… "
Anikeï - " Non, non Apodis. Je refuse d’en entendre plus. "

Le slave tourne les talons à son alter ego. Les poings serrés, grelottant, il affirme avant de partir :
Anikeï - " Tu sais que j’ai le don de prémonition. "
Le silence d’Apodis est pris pour une réponse affirmative.
Anikeï - " Apodis, je ne sais pas vers quel chemin tu t’égares, mais depuis plusieurs semaines, j’ai des visions de toi, m’ôtant la vie. "
Apodis essaie de retenir son frère d’arme :
Apodis - " Anikeï, non… "
Anikeï - " Ravise-toi Apodis. Abandonne cet étrange ressentiment, qui t’occupe actuellement. Fais quelque chose, sinon il sera trop tard. "
Le chevalier de Cassiopée laisse l’Oiseau de Paradis seul, extrêmement seul, trempé jusqu’aux os et noyé de doutes…


Plus loin, au palais d’Hébé, l’homme encapuchonné qui épiait dans le bois, rend son rapport à sa majesté, entourée de Juventas et d’¼dipe.
Le soldat, vêtu d’une armure et de vêtement bleus, appartient à ce qu’il reste de l’armée d’Hébé, c'est-à-dire quinze soldats.
L’inquiétude de Juventas est donc palpable :
Juventas - " L’avez-vous compris majesté ? La tension est à son comble, les soldats athéniens sont de plus en plus proches d’une révolte. Sans compter que notre peuple est excédé. Seul ce chevalier Apodis semble respecter les engagements pris lors des négociations pour l’occupation de notre île par le Sanctuaire. "

Plus bas, au pied de l’esplanade sur laquelle siège Hébé et ses Alcides, aux côtés du soldat agenouillé, le grand prêtre, Acis, celui qui a recueilli et élevé Saga et Kanon, réagit :
Acis - " Il est vrai majesté, que l’attitude des athéniens s’est dégradée ces dernières semaines. Désormais l’instruction militaire de nos jeunes enfants est donnée par la milice athénienne et, le moins que l’ont puisse dire, c’est que le bourrage de crâne exercé a l’effet escompté par le Sanctuaire. Vous ne disposez plus dans vos rangs, que de trois Alcides et de quinze soldats. Les vivres viennent de moins en moins au château, il faut compter sur la clandestinité de nos habitants pour apporter ici de quoi nous nourrir. Combien de temps le Sanctuaire attendra-t-il encore avant d’envoyer quelqu’un vous ôter votre vie ? D’autant plus qu’un Saint est déjà parvenu en ces lieux ! "

La jolie jeune femme blonde qu’est la divinité finie par faire taire toute tentative de révolte de son prêtre :
Hébé - " Je refuse catégoriquement de m’opposer à la volonté du Sanctuaire. Le peuple hébéïen a déjà essuyé trop de pertes pour que je le condamne par une tentative de rébellion.
Je compte sur les capacités de Juventas, ¼dipe et Baucis pour assurer ma protection. "

Acis s’offusque :
Acis - " Et Baucis, où est-elle justement ? "

La seconde d’Hébé, au masque froid et dévêtue de sa Cloth, Juventas, répond immédiatement :
Juventas - " Il s’agit de son jour de permission aujourd’hui. Comme chacun d’entre nous se voit accorder une journée à tour de rôle. "

Hébé souhaite mettre fin à tout ceci :
Hébé - " Bien, merci soldat pour ton rapport. Vous pouvez disposer à présent, je souhaite m’entretenir seule avec Acis et mes Alcides. "

Le messager ainsi que les servants prennent congés…


Extrême nord de la Sibérie, Blue Graad :

Dehors, à proximité des habitations abandonnées de Blue Graad, aux frontières du domaine, malgré une tempête de neige, le mètre quatre-vingt-quatre de l’enfant du pays ne semble pas inquiété. Pas plus que Ksénia dont l’allure plus frêle, renferme une cosmo énergie encore plus grande.

Les deux conversent à l’abri des regards, inquiets, après la démonstration de la jeune russe.
Depuis leur rencontre il y a cinq ans, Alexer retrouve enfin celle dont il est tombé éperdument amoureux. Elle est devenue une jeune femme, encore plus ravissante qu’il ne l’imaginait.
Finalement, il succombe au besoin de la toucher en prenant dans ces mains, devenues celles d’un homme, le visage angélique de la demoiselle en se congratulant :
Alexer - " Tout fonctionne comme tu l’avais prévu. Ma main mise sur le commerce avec le Sanctuaire prive le royaume de vivre et nos excursions répétées en des lieux stratégiques du domaine renforcent ma côte de popularité auprès des habitants de la citée. Mon père se prépare contre une attaque imminente et sa garde est en état d’alerte. Le stress et la faim, m’apportent de plus en plus d’adeptes. La victoire est à ma portée ! "
Tandis qu’elle se défait de l’emprise du Blue Warrior, le doux accent slave de Ksénia prend un ton bien inhabituel :
Ksénia - " Calme tes ardeurs jeune prince ! Réfléchis donc un peu pour une fois ! "
Les cheveux clairs, mi-longs, balayés par les bourrasques, Alexer reste impatient :
Alexer - " Voyons, c’est le moment ou jamais ! "
D’une voix calme, mais pas moins autoritaire pour autant, Ksénia le ramène à la raison en plaquant sa main contre la robuste poitrine du sibérien :
Ksénia - " T’ai-je déjà été de mauvais conseil ? "
Alexer baisse le ton, tout en souriant timidement au contact tactile qu’a instaurée son interlocutrice :
Alexer - " Non il est vrai. J’avais à peine onze ans à l’époque où tu es venue me trouver, alors que je venais d’être banni par mon père. Sans tes conseils avisés je n’en serai pas là aujourd’hui. Toutefois, il me tarde de devenir maître de Blue Graad et d’offrir à mon peuple la chaleur qui lui est due. "
Elle lui tourne aussitôt le dos, brisant le charme qu’elle a instauré :
Ksénia - " Cette réussite que je t’offre te monte à la tête. Chaque chose en son temps, n’oublie pas. Il est encore trop tôt pour t’assurer la victoire contre ton père. Il est préférable de décourager encore quelques mois l’armée et le peuple en réussissant des actions militaires comme je t’en ai fais entreprendre jusqu’à présent. Les forces armées de ton père sont encore nombreuses malgré tout et il vaut mieux aller de petites victoires en petites victoires plutôt que de se jeter dans la gueule du loup et rendre du baume au c½ur à tes ennemis par le biais d’une défaite cuisante. Ainsi tu prendras le temps de renforcer ton armée, pendant que les hommes de la citée abandonneront celle de Piotr. "
Alexer rattrape la main de Ksénia en constatant confus :
Alexer - " Oui, tu as raison. "
Elle regarde le jeune garçon s’agenouiller à ses pieds :
Ksénia - " Le deuxième point concerne ton projet de conquête. Tes rangs seront fortement diminués après ton coup d’état. Même sans cela, vous ne serez pas assez nombreux pour prétendre écraser le Sanctuaire. "
Alexer perd aussitôt les nerfs et se redresse, abandonnant par ce geste toute révérence :
Alexer - " Je croyais pourtant que ton but avoué était également que je renverse le Sanctuaire ! "
N’admettant pas qu’Alexer se défasse ainsi de son autorité, Ksénia hausse la voix :
Ksénia - " C’est le cas, mais il y a bien des façons intelligentes d’y parvenir ! Ton peuple n’est pas le seul, à se sacrifier pour la sauvegarde du monde. La princesse Hilda de Polaris gouverne un peuple qui subit comme toi les rudesses du climat et tout ce que cela impose. "
Alexer - " Tu proposes que je lui confesse mes projets ? "
Ksénia - " Hilda est la représentante d’Odin. Avec l’aide des Guerriers Divins, dont la force est équivalente à celle des Saints d’or, vous aurez toutes vos chances pour conquérir le monde. Le prince et la princesse des royaumes du grand nord, gouvernant main dans la main l’univers ! "
Alexer est dubitatif :
Alexer - " Cependant j’aurai aimé croire que tu veuilles justement partager cette planète avec moi, plutôt que je reste conjointement lié à Hilda. "
Ksénia entoure aussitôt de ses fins bras le cou d’Alexer et vient lui prendre un baiser suave, avant de l’apaiser :
Ksénia - " Hilda n’est qu’une étape. Gagne sa confiance et prend le temps de vous offrir un trône, avant de m’y installer à sa place. "
Convaincu, Alexer cherche à l’embrasser à son tour, avant qu’elle ne se retire en souriant avec élégance :
Ksénia - " D’abord confier à tes hommes l’attaque de la citée par petites salves, comme c’est déjà le cas. Pendant ce temps tu enrôleras Hilda. Mais ne tarde pas, le grand cataclysme, ce même phénomène qui a éradiqué la quasi-totalité de la population il y a des années, semble se répéter en notre époque. Les températures chutent davantage chaque jour, la neige devient aussi tranchante que des piques de glaces et le vent glace de plus en plus le sang. "
Puis, tout en le fixant, elle marche en arrière d’un pas léger et lent, jusqu’à ce qu’elle ait gagné assez de distance pour s’effacer dans l’horizon en laissant son image s’évaporer au gré du vent.

Alexer reste de longues minutes à fixer la dernière image qu’il a de son ange gardien, tout en embrasant sa cosmo énergie ce qui interpelle ses hommes qui sortent de leur tanière. Ensemble, ils crient en ch½ur : « Seigneur Alexer ! »
Ils sont ainsi près d’une trentaine, hommes et femmes, à venir se prosterner dehors malgré le mauvais temps.

Le maître continue de leur tourner le dos, tout en donnant les directives :
Alexer - " Je vais confier le commandement de mon armée au plus vaillant d’entre vous, pour poursuivre notre travail ici. Pendant ce temps, dix d’entre-vous m’accompagneront à Asgard pour tenter d’acheter les services d’Odin. J’ai besoin de volontaires. Au nom du succès de Blue Graad, qui veut venir avec moi ? "
Parfaitement assujettis, ils lèvent tous les bras aux cieux en hurlant : « moi ! »
Alexer reste absorbé par l’horizon, tout en affichant un rictus diabolique…


Sur l’île d’Yíaros :

Quelques serviteurs d’Hébé quittent le palais pour regagner leurs loges, suppléés par d’autres valets.
Parmi les membres qui prennent congés, l’un d’entre eux, présent il y a encore quelques minutes auprès d’Hébé, pour porter sur ses épaules d’épaisses jarres de vin et en verser dans le verre de sa bienfaitrice, s’engage discrètement dans les ruelles sombres du village le plus proche afin de sortir discrètement de la place principale et gagner une bâtisse en ruine près des champs.

A l’intérieur de celle-ci, les gouttes d’eau s’écrasent sur le sol boueux, par les nombreuses fuites qui viennent du plafond.
Une petite lumière entretenue par une torche permet de dessiner la silhouette de trois soldats athéniens, couverts de capes aux tissus rapiécés.
Les trois gaillards encerclent un homme, assis sur une chaise au bord d’une table au bois rongé par les thermites.
L’homme en question ne dévoile pas son identité au visiteur, il reste tapi dans l’ombre que lui font ses robustes gardes du corps. A sa voix roque, il est pourtant facile de le reconnaître, pour quiconque occupe les rangs athéniens :
Taishi - " Assieds-toi hébéïen. "
Peu rassuré, le serviteur avale sa salive, en se positionnant sur la chaise, à l’autre bout de la table.
Son mystérieux interlocuteur lui balance un sac de sacres.
L’homme ramasse aussitôt la bourse qu’il camoufle sous ses vêtements trempés.
Taishi - " Alors, que dois-je encore savoir ? "
Serviteur - " Le grand prêtre, Acis, connait tous les accès au château. Tous. Ca je vous l’ai déjà dis. Par contre aujourd’hui, j’ai réussi à apprendre que les trois Alcides se voient autoriser un jour de repos chacun leur tour. Or, Baucis, ne répond jamais à ses heures de garde. Je le sais car seule Juventas et seul ¼dipe protègent la déesse Hébé lorsque l’un ou l’autre a sa permission. Baucis est très courtisée par les hommes et sa majesté Hébé le sait. Par conséquent, elle l’autorise à profiter de sa jeunesse en toute insouciance. Cela a toujours été. "
Taishi - " Donc si j’ai bien compris, lorsque Juventas ou ¼dipe sont en permission, Hébé n’est protégée que d’un Alcide au lieu de deux. "
Honteusement, le cupide domestique baisse la tête et répond avec dégoût pour lui-même :
Serviteur - " C’est bien ça. "

Il est facile dans la pièce d’entendre Taishi remplir ses poumons d’air avec une certaine satisfaction.
C’est seulement lorsqu’il dégage l’oxygène qu’il a absorbé, qu’il invite l’homme à prendre congé :
Taishi - " J’en sais suffisamment désormais. Je te laisse retrouver ta liberté et profiter de cet argent que tu as honnêtement gagné. "
L’homme doute lui-même du sens du mot « honnêteté » employé par Taishi.
Tandis qu’il ouvre la vieille porte en bois qui clôt la ruine, le domestique sent une étrange douleur lui brûler les nerfs à hauteur du cou. Sa tête se détache de son corps et s’échoue dans le sol boueux.
Taishi - " Désolé esclave, mais rien ne pouvait m’assurer que tu garderais pour toi le complot que je dresse contre ta déesse. "
Il ramasse le sac de sacres qu’il a donné auparavant et le balance à ses trois soldats :
Taishi - " Tenez, partagez-vous ça. "


A l’ouest de l’île, au bord d’une falaise, de la lucarne d’une maisonnette s’échappe la lueur d’un feu de cheminée.
A l’intérieur de son logis, Baucis, étendue nue dans ses draps, découverte de son masque, observe le mètre cinquante-huit de Philémon.
Habillé d’un unique pantalon, le chevalier de bronze est absorbé par les gouttes de pluies qui s’écrasent dehors sur le sol.
Baucis - " Tu es bien pensif. Quelque chose te tracasse ? "
Perturbé par le comportement des siens auprès des hébéïens, Philémon tâche de ne pas évoquer les incidents qui l’ont amenés à rencontrer l’Alcide qui occupe sa vie.
Il se contente simplement d’offrir une mine peu rassurée, ses grands yeux bleus ne pouvant dissimuler les doutes qui l’assaillent.
Philémon - " Ce n’est rien, je dois rentrer. L’heure tourne, mon tour de garde va arriver. "

Après avoir ramassé ses affaires, il quitte la demeure de sa bien-aimée, non sans lui déposer un délicat baiser.
Toutefois, le retour au temple d’Héraclès qui sert désormais de base à l’armée athénienne, lui semble plus court qu’à l’accoutumer.
Il faut dire que ses préoccupations ne lui laissent pas l’occasion de voir le temps passer.
« Comment un peuple aussi docile envers l’envahisseur après la guerre, peut-il être de mauvaise foi ? », se demande-t-il.
« D’autant plus, Hébé n’a jamais cherché à manifester sa colère à l’encontre de l’occupation athénienne. Pourtant, elle dispose encore d’Alcides qui surclassent les Saints de bronze présents sur l’île… », poursuit-il.
Bref, autant de questions sans réponses, alors que l’évidence lui saute aux yeux.

En traversant le village principal, celui où est érigé le temple d’Héraclès, Philémon remarque que les villageois respectent le couvre-feu à mesure que la nuit tombe.
Le caporal Pullo et le reste des troupes athéniennes veillent à la mise en application de celui-ci, ils déboulent dans la rue et n’hésitent pas à arrêter les contrevenants.
Pire, les interventions se font de plus en plus répressives et il n’est pas rare ces dernières semaines de voir des hébéïens empalés par une lance athénienne pour la moindre faute.

Heureusement, ce soir il y a peu de chance de voir de tragédie se produire. La météo délicate dissuade quiconque de vouloir profiter de l’air extérieur.


A l’écart des escortes, Apodis couvert de sa Cloth de l’Oiseau de Paradis reste assis sur une statue de la déesse Hébé, abattue et écroulée en plusieurs blocs de pierre dans l’herbe d’un ancien parc entretenu par les prêtres à leur arrivée.
Sous le déluge, la tête inclinée légèrement sur le côté, les mains derrière le dos pour maintenir l’appui de son corps, il scrute à la fenêtre de leur logement les instants de tendresses partagés par une mère et son enfant. Son visage se décrispe inconsciemment et arbore un sourire quasi niais.

Philémon ne tarde pas à rejoindre son frère d’arme. Sans en demander la permission, il s’assied à côté de son compatriote et adopte la même attitude que lui :
Philémon - " Belle petite famille n’est-ce pas ? "
Apodis - " Elle me rappelle ma femme et mon fils. Ils me manquent terriblement. "
Philémon - " J’ai pourtant la nette impression que tu as repris goût à la vie ces dernières semaines. Leur présence dans ta vie ne doit pas y être étrangère. "
Le Saint du Lièvre fait allusion à la maman et sa petite fille qui ne sont autres que Juventas et sa fille.
La mine détendue d’Apodis fait office de réponse et de confesse.
Apodis - " L’Alcide des Juments de Diomède m’a rappelé l’objet de ma vie de chevalier. Quant à sa fille, tout en elle me rappelle mon petit garçon. Il aurait eu le même âge qu’elle aujourd’hui. J’ai vraiment du mal à croire qu’Athéna soit capable de vouloir instaurer à de si jeunes enfants des années d’occupation et de guerre, tel que c’est le cas aujourd’hui. "
Philémon n’a jamais douté d’Apodis et profite des confidences de celui-ci pour rajouter :
Philémon - " Volonté d’Athéna ou non, nous lui devons allégeances. Mais je t’avoue que moi aussi je suis lassé de cette dictature que nous conduisons ici. Malheureusement, mis à part Carina que je sais dans la même situation que nous, rares sont nos hommes prêts à ouvrir les yeux. Chaque jour, de nouvelles garnisons, remplies des plus virulents soldats au service du général Gigas, relèvent les moins douteuses… "



L’entourage. Oui, c’est bien notre entourage, qui nous aide à comprendre nos forces et nos faiblesses, à nous faire distinguer le bien du mal.
Tandis qu’Alexer comptait sur de fidèles soldats et sur une Ksénia manipulatrice, moi j’étais cerné. Nous étions peu à comprendre le malaise qui planait. Ils furent bien trop nombreux à l’accepter.
Malheureusement, tôt ou tard, il nous fallait agir…

Author Topic: Chapitre 34 - La prise de conscience  (Read 27646 times)

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