Chapitre 29
A l’extérieur de la petite bourgade d’Arviat, au Canada, dans la région de Nunavut, sur une route enneigée déserte, un homme atterrit depuis les airs jusqu’au parterre givré.
Il s’écrase la tête la première, le corps tuméfié et le visage ensanglanté.
Il rampe difficilement, en regardant derrière lui comme pour fuir l’animal féroce, responsable de son calvaire.
Celui-ci ne tarde pas à dévoiler son identité.
Un homme corpulent qui devance sept de ses semblables, aux cheveux longs et quasis étouffés par un casque noir, muni en son sommet d’une corne acérée, s’avance jusque sa victime.
Il est couvert d’une armure noire qui copie au détail l’armure de bronze de la Licorne et qui couvre ses vêtements sombres.
En se frottant sa grosse moustache il écrase du pied un contemporain vêtu d’un costume noir arraché.
_ « Est-ce bien ici que vit ton patron, lui réclame Ankoku Monoceros ?
_ Je vous l’ai déjà dit, notre directeur est très discret sur sa vie privée. La seule adresse que nous avons dans nos fichiers, est celle-ci, s’apitoie l’employé de bureau. »
Le chevalier noir de la Licorne lève les yeux en direction d’un homme recouvert d’une version ténébreuse de l’armure d’or des Gémeaux : « Ankoku Gemini, as-tu encore besoin de lui ? »
Le visage dissimulé sous son heaume, le Gémeaux maléfique répond d’une voix venue d’outre-tombe : « Non. N’oublions pas que nous devons rester discrets pour accomplir cette mission. Personne ne doit être capable d’identifier des chevaliers, qu’ils soient d’Athéna ou d’un autre dieu. Il en va de notre réhabilitation auprès du Sanctuaire. »
Comprenant très peu les propos de son chef, la Licorne Noire se gratte derrière la tête, secouant ainsi ses longues bouclettes qui tombent de son casque. Il regarde enfin sa victime et lui sourit bêtement : « Je n’ai pas tout compris à ce que raconte notre chef. J’ai seulement retenu qu’il fallait en finir avec toi. Alors… »
Sans même finir sa phrase, il soulève son énorme pied, qu’il abat sur le crâne du salarié de l’entreprise familiale de Vasiliás…
Observant cette scène macabre, les sept autres Ankoku Saints restent de marbre.
La Licorne, le Lynx, la Lyre, l’Aigle, l’Ophiuchus, le Sagittaire, le Scorpion et les Gémeaux… En un grondement de tonnerre, ils se dispersent aussitôt à l’orée de la ville…
Pendant ce temps, sous la Méditerranée, loin dessous les abysses, Kanon, couvert de sa Scale orangée et dorée, le visage à peine discernable sous son heaume, sort du temple dans lequel il a élu domicile en compagnie de ses pairs.
Reculé à quelques kilomètres du temple de Poséidon, établi au beau milieu d’un village d’une centaine d’habitations où résident les soldats et leurs familles, le temple des Généraux a été érigé il y a des millénaires et sert de poste de commandement aux plus puissants guerriers de Poséidon.
Aux alentours, vivent les descendants d’une poignée d’humains désignés par Poséidon à l’époque du grand déluge. Depuis la nuit des temps, ces fidèles consacrent leur temps à la perfection de ce qu’ils entreprennent. Entraînement et éveil au cosmos, prières et entretiens des cultes de leur dieu, créations d’armures et d’armes, pêche et culture d’algues dans les lagons qui se trouvent au milieu des récifs coralliens qui dominent le décor.
Derrière Kanon, le cliquetis métallique d’une Scale contre les dalles rocheuses blanches se fait entendre. Sans se retourner, Kanon reconnaît à sa cosmo énergie et au froid qui s’en dégage le Finlandais Isaac.
Arrive ensuite Io, le nouveau venu qui s’entraîne à des kilomètres de là, près du pilier du Pacifique Sud sur lequel il doit veiller, tandis que Krishna surplombe le reste des Généraux depuis une colline qui domine le village.
Thétis bondit de roches en roches, pour enfin venir se prosterner devant ses supérieurs, tandis que Kassa arrive par là où sont apparus Kanon et Isaac en ricanant. Légèrement voûté vers l’avant, le Portugais constate : « L’équipe est presque au complet n’est-ce pas ? »
Le meneur des hommes de Poséidon lui répond d’une voix grondante : « Effectivement, seul Sorrento n’est pas encore au Sanctuaire sous-marin. Il a pour mission de veiller sur la réincarnation de notre majesté, en attendant que celui-ci décide de mener nos troupes à la surface. Aujourd’hui va être un grand jour, le Cheval des Mers, notre dernier semblable, va enfin nous rejoindre. Sa Scale s’est éveillée aujourd’hui, preuve qu’il a été reconnu comme nous tous. Kassa observe cet homme depuis des mois et s’en est fait un ami à qui il transmet la passion de Poséidon… »
Le Général des Lymnades frotte sa joue blafarde avec ses longs ongles en affichant un sourire ravi.
_ « Dragon des Mers, si la Scale du Cheval des Mers a réagi, c’est qu’elle reconnaît définitivement Bian comme étant prêt à la porter.
_ « Exactement. Il est temps que tu mettes ton plan à exécution. Détache-le de cet homme au puissant cosmos qui l’accompagne et ouvre-lui les yeux sur sa destinée. »
A la surface, au Sanctuaire d’Athéna, à Noioso, un village du Sud, rares sont les animations qui permettent de se distraire.
Dans cette zone du Sanctuaire, où la population est surtout composée de vieillards, d’esclaves affranchis et d’apprentis chevaliers ou soldats devenus infirmes, le lieutenant Arachné, Saint d’argent de la Tarentule s’ennuie à mourir.
Les tavernes sont délabrées, à peine fréquentées, et les femmes qu’il y trouve sont toutes des veuves de soldats ou des femmes insatisfaites de leurs époux invalides.
La jeunesse prometteuse de cette contrée du domaine sacré fuit pour gagner Honkios, au Centre, ainsi que les villages de l’Ouest et de l’Est où le travail se trouve plus facilement.
Seule une beauté subsiste dans cette zone. Courtisée par Arachné et ses soldats, elle élève seule son fils dont personne ne connaît le géniteur.
C’est dans son village de Noioso que cette fleur vit au milieu d’une terre aride.
Dans un logis aux murs en torchis et au toit fait de planches et de paille, au sol argileux et au mobilier monté avec des matériaux récupérés des fermes avoisinantes, vit cette vénusté aux grands yeux océan et aux longs cheveux roux.
Sa peau blanche et son allure frêle lui donnent un aspect angélique. Ses petits pieds nus avancent gracieusement jusqu’à sa couche, faite de paille et couverte d’une épaisse étoffe. Elle défait sa toge blanche, afin de libérer son corps de ses vêtements qui couvrent sa petite poitrine et son intimité.
Myrrha, de son prénom, fixe avec émotion un bel homme au corps d’athlète, aux cheveux bleus teintés de reflets verts, étendu dans le plus simple appareil sur ce lit de fortune.
Ses doigts délicats viennent lui caresser ses pectoraux et dévalent délicatement ses abdominaux d’acier. L’homme au grain de beauté sous son ½il gauche, considéré comme étant le plus beau du Sanctuaire, laisse s’allonger contre lui la jeune femme…
Au Canada, à proximité des calottes glaciaires, sur la baie de Baffin, Bian s’essaie à nouveau à son arcane meurtrier.
Son Souffle Divin arrache la banquise et provoque un grondement retentissant partout dans les environs.
Cette manifestation de cosmo énergie, ne passe pas inaperçue auprès de cet homme, portant une version masculine de l’armure d’argent de l’Aigle. Cette copie sombre forme sur le corps de ce chevalier noir une cuirasse à l’apparence épaisse faisant souffrir de la comparaison son corps rachitique.
Ses yeux de rapace s’accommodent à merveille à son visage creusé où quelques mèches rosées de sa chevelure hirsute passent par-dessus son diadème orné d’un aigle au beau milieu du front.
L’Aigle Noir bondit de roches en roches en écartant dans les airs ses bras, tel un volatile arborant son plumage.
Il arrive rapidement sur les rives gelées de la baie et découvre le Canadien aux cheveux grisonnant qu’est Bian.
L’autochtone reconnaît par le physique de cet intrus ce que Vasiliás lui a toujours décrit comme étant un chevalier : « Qui es-tu chevalier ? »
D’une voix aigüe, l’Ankoku Saint ne daigne même pas répondre et présente directement ses intentions : « Vasiliás, sur ordre du Grand Pope, je suis venu t’exécuter. »
L’ami de l’Américain, comprend immédiatement que le Sanctuaire a retrouvé sa trace. Se gardant bien de dévoiler son identité, Bian se fait passer pour son camarade.
Le futur Marinas, ne réagit pas par la parole à l’annonce faite par le maléfique guerrier, il privilégie l’action.
À une vitesse surpassant celle du son, Bian surgit devant la menace que représente le guerrier à l’allure chétive et s’en défait sans perdre de temps : « God Breath ! »
En déployant ses bras devant son adversaire, Bian déclenche un souffle surpuissant qui l’emporte à plus de dix mètres du sol et le déchiquette.
L’Ankoku Saint retombe sur la banquise, face contre sol, la Cloth en morceaux et la chair en lambeau.
Bian sourit devant le cadavre et semble satisfait de sa technique : « J’ai réussi à le vaincre sans déclencher mon attaque à pleine puissance ! »
A cela, un timbre grave résonne dans l’atmosphère qui se déchire devant le Canadien pour laisser apparaître le Gémeaux Noir : « Très bien… Dans ce cas tu vas pouvoir nous faire la démonstration de tous tes talents. »
Bian lève alors les yeux et fait le tour de lui-même, pour remarquer qu’il est maintenant cerné par les sept camarades de sa victime.
Pourtant cela ne l’effraie pas, Vasiliás lui a déjà évoqué la légende des chevaliers noirs, ces renégats ayant échoués à l’accession d’une armure et ayant endossé les armures du mal à des fins personnelles.
Il se met en garde immédiatement et fixe le visage ombragé du Gémeaux Noir dont les deux faces du heaume représentent le malin contrairement à celui de la Cloth dont il est inspiré.
Durant de longues secondes, il reste ainsi, sans trembler, à écouter les rires alentours de ces sept adversaires jusqu’à ce que, soudain, la glace se brise sous ses pieds.
Agile, le futur Général exécute un saut périlleux prodigieux et atterrit sur le bloc de glace le plus proche.
De sous l’eau glaciale, apparaît l’origine de ce fracas.
Un homme grand et fin arbore un sourire en coin. Ses cheveux longs, du même bleu marin que ses vêtements, tombent jusqu’au sol. Il se montre vêtu d’une armure qui n’est en rien semblable à celle de ses acolytes.
Celle-ci marine et grise métallisée présente un éclat bien moins apocalyptique. D’ailleurs, cette distinction fait de lui le meneur de cette troupe.
Bian examine la Cloth du nouvel arrivant : « D’une grande luminosité, elle couvre uniquement les zones vitales de son porteur et non l’entièreté de son corps, pour lui laisser une liberté de mouvement essentiel à l’exécution de ses missions… Voici donc un chevalier de bronze ! »
Toutefois, ses pensées le tracassent, Vasiliás lui a pourtant certifié que les chevaliers d’Athéna et les chevaliers noirs étaient ennemis, alors que là le Saint de bronze n’est en rien hostile à eux.
Le Gémeaux Noir apporte plus de précision à ses interrogations : « Devons-nous te laisser l’honneur d’achever toi-même ton disciple, Klok Saint de bronze de l’Horloge ? Ou bien pouvons-nous venger nous-même la mort d’Ankoku Aquila ? »
A cette annonce, Bian comprend enfin que cet homme n’est autre que le Néerlandais qui a instruit Vasiliás lorsqu’il arriva au Sanctuaire.
Klok pose sa main gauche sur sa hanche et déclare : « Ce n’est pas Vasiliás ! »
Du haut d’un glacier, une magnifique jeune femme aux cheveux d’un blanc éclatant et portant une version féminine et sombre de l’armure d’or du Scorpion intervient.
_ « Cet homme a tué notre camarade en une fraction de seconde. Alors s’il n’est pas celui que nous devons exécuter, qui est-il ?
_ Je n’en sais rien Ankoku Scorpius, déplore Klok, mais il n’a pas sourcillé lorsque Ankoku Aquila l’a confondu avec Vasiliás. Il doit le connaître.
_ Peu importe, s’il s’est battu contre l’Aigle Noir, c’est qu’il a l’intention de protéger Vasiliás jusqu’à la mort. Il ne parlera pas, il ne nous est donc d’aucune utilité, décrète Ankoku Gemini. »
Une seconde jeune femme, plus imposante physiquement que le Scorpion Noir, grande et dotée d’une musculature aussi remarquable que celle de Docrates, le visage maculé de cicatrices immondes, habillée d’une copie ébène de l’armure de Shaina intervient alors.
En se déplaçant d’une vivacité encore plus grande que celle de Bian contre l’Aigle Noir, elle arrive au-dessus de lui et abat ses deux mains aux ongles longs et sales dans sa direction : « Ankoku Claw ! »
Les Griffes du Mal déchirent les vêtements de Bian et lacèrent sa peau, tout en faisant voler en éclat l’iceberg, sur lequel il a précédemment atterri.
Torse nu, ne portant plus son pantalon que comme un short, Bian essaie de ne pas sombrer dans l’eau glaciale, tandis qu’un nouveau Saint noir s’élance dans les airs au-dessus du point d’impact, pour suppléer la femme bodybuildée.
Il porte la sombre imitation de l’armure de bronze du Lynx. Tout aussi athlétique que l’Ophiucus Noir, il abat de la même façon qu’elle ses bras en direction du Canadien en mauvaise posture : « Ankoku Claw ! »
Bian reçoit de nouveau les Griffes du Mal qui découpent l’espace d’une seconde l’écume en de fins cubes d’eau et entaille plus profondément sa chair.
Bian coule au fond de l’eau.
Ne remonte alors à la surface que son hémoglobine qui drape la surface aquatique.
Le Lynx Noir se réceptionne juste à côté de l’Ophiucus Noir.
Il l’embrasse aussitôt à pleine bouche afin de partager avec elle cette victoire que ce surprenant couple vient de remporter.
Pendant ce temps, la dernière femme composant l’équipe des chevaliers noirs, protégée par une Cloth noire et féminisée de la Lyre, approche du cadavre de l’Aigle Noir. Bien qu’elle ait le crâne rasé, cela n’altère en rien à sa beauté renforcée par l’expression mélancolique qui noie ses yeux de chagrins : « Ankoku Aquila espérait plus que tout revenir en grâce aux yeux du Pope en accomplissant cette mission… »
Ankoku Gemini ajoute : « Il est vrai que sur les conseils de Jango et suite aux ordres de Guilty, j’ai abandonné mon poste de Seigneur Noir laissé au Pégase Noir et ait débauché les meilleurs d’entre vous pour être reconnu aux yeux du Grand Pope, en acceptant d’accompagner Klok le chevalier de bronze de l’Horloge. Klok nous a averti du danger que représente Vasiliás mais ayant moi-même, ainsi que certains d’entre vous, le niveau d’un chevalier d’or et après avoir suivi l’entraînement du Sanctuaire pour acquérir ces Cloths, je ne pensais pas qu’il faudrait se méfier autant de notre ennemi. »
Klok ne les rassure en rien : « En effet, cet homme disposait d’un fort potentiel, mais celui-ci n’est rien par rapport à celui de Vasiliás. Je dois avouer que faire équipe avec des chevaliers noirs ne me ravit absolument pas. Cependant les ordres du Pope sont clairs et s’il faut demander de l’aide à des renégats, plus puissants qu’un simple chevalier de bronze comme moi, pour exécuter un autre rebelle, qu’il en soit ainsi. Connaissant les capacités de Vasiliás et sachant donc qu’il nous donnera du fil à retordre, je suis ainsi tout aussi déçu que vous par la perte de votre homme. »
Ankoku Gemini lève son bras gauche vers le ciel et claque des doigts pour conclure cet entretien.
A cet instant, tous disparaissent et partent à nouveau à la recherche de Vasiliás…
Enfin seul, Bian jaillit de la nappe d’hémoglobine qui pollue la baie.
Meurtri, il s’agrippe à la banquise pour espérer s’extirper avant de mourir gelé s’il ne succombe pas avant à ses blessures…
Au même moment, sous la Méditerranée, loin dessous les abysses, le Dragon des Mers observe les coraux scintiller.
Eloigné du temple de Poséidon et de ses appartements, Kanon admire le décor maritime somptueux.
Ses pieds, chaussés de sa Scale, piétinent les nombreuses marres d’eau salée qui forment sur les roches rongées par le sel, un parterre aux formes creusées de façon inégale.
Voici maintenant douze ans qu’il vit en ce lieu.
Pourtant, malgré tous les endroits merveilleux qui lui ont été donnés de voir, qu’il s’agisse de l’île d’Yíaros ou du Sanctuaire d’Athéna, Kanon n’a de cesse d’apprécier les paysages naturels et l’architecture antique des temples du monde sous-marin.
Son état d’extase cesse lorsque soudain des rires d’enfants viennent jusqu’à lui.
Il reconnaît les exclamations de plusieurs gamins, garçons et filles, vêtus de vêtements traditionnels de la Grèce antique, comme au Sanctuaire d’Athéna, se courant les uns après les autres en spartiates ou pieds nus.
L’attroupement se rapproche du Marina et stoppe net devant lui.
Le Général, le visage ombragé par son heaume, se tient droit sans rien dire.
Les jeunes amis reculent d’un pas tremblotant en raclant leurs gorges.
La voix grave du régent du royaume en l’absence de Poséidon finit par engager la conversation : « Que faites-vous si loin de la citée ? »
Ces enfants de soldats ne savent quoi répondre.
Kanon ôte alors son casque, libérant ainsi son opulente chevelure bleu foncé et présente son visage dur aux sourcils froncés. Pourtant son ton est conciliant : « Il est interdit à quiconque n’appartenant pas à l’armée de sa Majesté Poséidon, de quitter la citée. Les vastes étendues où nous nous trouvons sont des zones d’entraînement pour les Marinas. Je ne veux plus vous voir ici. »
Les enfants hochent la tête et passent derrière Kanon, encore plus vite qu’ils ne sont arrivés jusqu’à lui, pour rentrer chez eux.
De nouveau seul, le Grec soupire. Puis, il s’adresse étrangement à un immense rocher, sur lequel tombe un filet d’eau depuis le plafond et coule comme une fontaine, une fois arrivé sur le sol : « Nous sommes enfin seuls. »
Encapuchonné, un mystérieux intrus sort de derrière le roc.
Le voile blanc qui le couvre entièrement descend jusqu’au sol humide et flotte dans les flaques.
Kanon sourit sournoisement et balance son casque sur l’intrus.
Celui-ci est correctement saisi par les bras fins, et les doigts délicats aux longs ongles, parfaitement manucurés, dévoilant ainsi un peu plus son identité.
Son mouvement écarte son manteau et présente sous celui-ci une tenue contemporaine.
Elle habille de façon sensuelle une jolie jeune femme brune, aux cheveux coiffés de quelques rubans violets et aux yeux topaze qui n’est autre que Ksénia.
Ses lèvres pulpeuses maquillées aux couleurs de ses ornements capillaires s’entrouvrent pour laisser son magnifique accent slave envoûter l’homme à l’allure impénétrable : « Je te trouve bien clément envers de simples enfants pour un homme qui complote contre les dieux. »
Elle lui renvoie son casque qu’il réceptionne en répondant : « Tu l’as dit toi-même, ce ne sont que des enfants. »
Le Marina garde son heaume sous le bras tandis qu’elle s’approche par petits pas avec un déhanché gracieux jusqu’à lui : « Tu dois être comblé désormais, ton armée va être complète. »
Elle arrive jusqu’à lui et dépose ses mains en appui sur sa cuirasse, à hauteur de l’abdomen. Ensorcelé par la beauté de celle, qu’il ne rencontre pas pour la première fois, Kanon reste plongé dans son regard : « Je vais en effet réunir auprès de moi tous les Généraux des Mers. Cependant les générations passent et le nombre d’humains fidèles à Poséidon et résidants en son royaume sous-marin s’amenuise. Aujourd’hui je déplore un nombre d’à peine cent soldats, au niveau plutôt lamentable, à peine aussi élevé qu’un Saint de bronze d’Athéna pour les plus talentueux. Le reste du peuple est composé de femmes et d’enfants encore trop jeunes pour manier les armes. »
Elle approche avec sensualité jusqu’au visage de Kanon, en se levant sur la pointe des pieds. Ses lèvres frôlent les joues du bel homme et glissent dans son cou, jusqu’à son oreille gauche dans laquelle elle susurre : « Crains-tu donc pour tes chances de succès ? »
Kanon agrippe brusquement la vénusté par les épaules, comme s’il voulait garder le dessus dans ce jeu de séduction et affiche spontanément un visage machiavélique : « Absolument pas ! Toutefois je ne tiens pas à ce qu’en une bataille nous puissions perdre trop d’hommes. »
Ksénia se défait de l’étreinte du Grec, en mouvant ses épaules comme pour lui faire remarquer que cette prise brutale n’est pas convenable.
_ « Allons, n’as-tu pas pensé à d’autres solutions que de te lancer dans une lutte sans merci contre Athéna ?
_ J’ai déjà imaginé me servir de dieux mineurs, auprès desquels j’aurai vendu la cause de Poséidon, en leur promettant de participer au partage de la Terre. Malheureusement, mon frère s’est montré bien plus intelligent que je ne l’aurai cru. Son emprise sur le Sanctuaire s’est soldée par un rappel de force des positions athéniennes dans le monde auprès de ces dits dieux.
_ Sous-traiter la guerre contre le Sanctuaire est une très bonne idée et je comprends que tu sois ennuyé par la prise de pouvoir athénienne par Saga. Néanmoins, il reste parmi les dieux, le plus puissant dieu nordique qui dispose d’une armée presque comparable au statut des douze Saints d’or et des sept Généraux des Mers.
_ Tu fais très certainement allusion au dieu Odin et à ses Guerriers Divins. Pourtant tu omets la fidélité de la famille de Polaris envers Athéna. Représentante d’Odin sur Terre depuis des millénaires, la famille de Polaris a toujours présenté un visage pacifique.
_ Il manque seulement à Hilda de bonnes raisons et un allié convaincant. Un élément déclencheur en quelque sorte. Asgard n’est pas le seul royaume du grand nord. Heureusement pour toi, je nourris quelques relations privilégiées avec Alexer de Blue Graad. A Blue Graad, le fils de l’empereur Piotr entretient de fortes ambitions de conquête. Seul il est faible mais avec les guerriers d’Odin à ses côtés, il pourra mener cette Guerre Sainte qui se révèlera être une catastrophe pour le monde.
_ Effectivement, une Guerre Sainte impliquant l’absence de prières d’Hilda provoquerait la fonte des glaces aux pôles. La terre se retrouverait sous les eaux et la planète sans autres protecteurs que Poséidon après une guerre dévastatrice entre les royaumes du grand nord et le Sanctuaire. Je pourrai alors dominer le monde au nom de Poséidon, tout en gardant à ma botte mes Marinas. »
Convaincue que son plan est infaillible, Ksénia se mordille sensuellement les lèvres en s’imaginant déjà victorieuse : « Exactement. Il ne me reste plus qu’à convaincre Alexer de s’allier à Hilda. »
Elle tourne presque aussitôt ses talons aiguilles pour prendre congés de Kanon, lorsque celui-ci la retient par le bras et la tire jusqu’à lui.
D’un ½il soupçonneux, il lui demande alors : « Ksénia, Ksénia, Ksénia… Qui es-tu donc réellement ? Depuis ma prise de fonction au sein de l’armée de Poséidon, tu t’es toujours montrée être d’excellent conseil. Tu dissimules un cosmos infiniment grand et tu profites de la vie, sur cette planète au milieu des hommes, alors que tu complotes contre eux. »
Ksénia affiche une mine friponne et un sourire magnifique qui s’accorde à ravir avec son tatouage rose présent sous son ½il gauche. Elle déclare simplement : « Je ne suis que le messager de mon maître. Une entité dont tu ne peux même pas imaginer l’existence et pour qui la domination de Poséidon sur Terre serait d’une grande utilité, que cela soit de la volonté du dieu lui-même, ou bien de celle de l’humain qui le manipule. »
Intrigué par cette jeune femme dont le nom signifie en grec, langue maternelle du jumeau de Saga, « étrangère », il essaie de lui prendre un baiser en se précipitant sur ses lèvres pulpeuses. Celle dont l’élégance frôle la perfection, recule légèrement son visage pour le distancer de celui du Marina qui se retrouve bien penaud une fois à bout de course.
C’est lorsque celui-ci constate qu’il se retrouve bêtement dans une position défavorable, qu’elle en profite pour venir lui déposer un tendre baiser sur le coin des lèvres.
La sensation de ce bref échange est si agréable que Kanon lâche instinctivement sa prise et libère le bras de Ksénia.
_ « Où vas-tu à présent ? A Blue Graad, trouver Alexer ?
_ J’ai à faire avant cela mais ne t’en fais pas, je te tiendrai informé de l’évolution de mon projet pour le grand nord. »
L’intrigante demoiselle quitte enfin le monde sous-marin en disparaissant sous la forme d’un mirage dont l’image transparaît jusqu’à se dissiper totalement au gré du vent…
Au Canada, à quelques kilomètres de là où Bian a été laissé pour mort, dans la chambre impeccablement rangée de Vasiliás, des exclamations de plaisir sont à peine contenues.
Sur le valet de chambre, est impeccablement posé son costume blanc.
De sous les draps du lit positionné au milieu de la pièce, les retrouvailles entre Vasiliás et Ariel pourraient paraitre passionnées.
Pourtant, ce n’est pas la s½ur de Bian qui en sort mais Dolly, sa petite amie.
Sa frange et ses longs cheveux blonds sont totalement défaits.
Elle pose sa tête sur le torse magnifiquement dessiné du discret homme d’affaires.
Ne prononçant pas un mot, il passe sa main sous le fin tissu qui les couvre de leur totale nudité et caresse sa belle poitrine rebondie.
Dolly apprécie grandement que Vasiliás ait enfin remarqué sa présence : « Si tu savais à quel point j’attendais ce moment. »
D’un ton blasé et inhabituel, Vasiliás s’étonne : « Ce n’était donc pas un moment d’égarement ? Et depuis tout ce temps tu étais avec Bian sans même l’aimer ? »
Sans qu’elle ne le remarque, Vasiliás se met à sourire perfidement en entendant des pas résonner dans le chalet…
En effet, une main couverte de sang ouvre délicatement et avec difficulté la porte de chambre.
De concert, Dolly répond à Vasiliás : « Bian est bien gentil, il est drôle et attentionné mais il n’a pas ta beauté et ton charisme qui font de toi un homme par… »
La vénusté n’a pas le temps de finir sa phrase, que déjà Bian surgit dans la pièce où il s’effondre, défiguré, noyant la moquette de son sang.
Souffrant mille morts dans ce corps mutilé, Bian sent maintenant son c½ur se déchirer, en découvrant son meilleur ami, son mentor, son frère, profiter du corps aux formes parfaites de sa petite amie.
Au plasma coulant de ses joues, se mêlent ses larmes qui lui rongent sa peau écorchée.
Il vient de surmonter la mort qui lui tendait les bras, pour protéger son ami et le prévenir du danger qui le guette, la surprise de le voir dans cette position, n’en est que plus insupportable.
Confuse, Dolly se recroqueville dans la couverture tandis que Vasiliás se met aussitôt debout, affichant sans complexes son physique gracieux et son intimité : « Bian… Mon ami… Ecoute… Je… »
Il s’approche petit à petit de lui, en constatant l’état physique inquiétant de ce dernier : « Mais… Qu’est-ce que… »
Puisant dans ce qui lui reste de forces, Bian décoche une puissante droite en pleine mâchoire de Vasiliás qui part s’écraser dans le mur proche duquel sont déposés ses vêtements.
Les jambes flageolantes, il déclare enfin : « Le Sanctuaire… Il t’a retrouvé… »
Vasiliás se défait du plâtre et de la brique dans lesquels il est encastré et ramasse ses vêtements. Il attend que Bian détourne son attention de lui pour sourire machiavéliquement.
Dolly approche à son tour Bian en masquant son corps de déesse avec le tissu de soie sous lequel elle vient de passer d’agréables moments : « Bian… Mon amour… »
Bian ne pose même pas les yeux dans sa direction, il se recroqueville dans un coin de la pièce : « Rhabille-toi et dégage d’ici ! »
Vasiliás finit d’enfiler sa veste avec une étonnante décontraction.
Il prend son temps avant de s’approcher de Bian pour examiner ses plaies mais celui-ci le rejette. Il le pointe du doigt et ouvre la bouche pour le congédier : « … »
Inopinément, une immense secousse empêche Bian de prononcer le moindre mot.
La maison est soufflée.
La bâtisse s’écroule sur le trio pris par surprise…
Pendant ce temps, sur Yíaros, à l’Ouest de l’île, près des montagnes qui bordent la côte, Philémon atteint les corps de fermes les plus reculés.
Il patrouille afin de veiller à ce qu’aucun habitant ne projette clandestinement de fuir la cité, ou d’y préparer un mauvais coup.
Poli, aimable et charitable, il assiste même les braves gens à traire leurs animaux, ou à soulever des ballots de paille.
Aussi, il préfère porter sa tenue d’entraînement plutôt que son armure, afin de paraître plus abordable pour les Hébéïens.
Après quelques heures, durant lesquelles il a travaillé la terre, le petit Grec quitte une famille de cultivateurs. Il les salue en faisant de grands signes de bras, souriant et affichant dans ses grands yeux bleus une profonde sympathie.
Sur le chemin du retour, après avoir défait son plastron au métal rouillé, il ôte son maillot noir sous laquelle il est torse nu et replie ses bas de pantalons pour laisser ses mollets à l’air libre.
Il s’assied sous un arbre, à l’ombre, et arrache une brindille qu’il met à sa bouche avant de s’allonger dans l’herbe touffue en espérant s’y reposer avant de rentrer.
Enfin, tout en restant couché, il demande à voix haute : « Quand comptes-tu me lâcher ? »
Philémon ouvre seulement son ½il gauche par lequel passe une longue cicatrice qui part de son front et s’achève à sa joue.
Il observe en haut de l’arbre sous lequel il se repose, la silhouette d’une femme aux courbes généreuses.
Désormais découverte, celle-ci se laisse tomber du haut des branches.
L’intruse atterrit sur ses pieds devant le chevalier aux cheveux bruns hirsutes.
Baucis Alcide la Biche de Cérynie passe ses longs cheveux lilas derrière son dos et prononce d’un air froid : « Crois-tu que ces bonnes actions auprès du peuple servent à te racheter à leurs yeux ? »
D’une voix tout à fait amicale, le chevalier du Lièvre rectifie : « Me racheter ? N’oublie pas que la coupable dans cette Guerre Sainte c’est Hébé. C’est elle qui a déclaré les hostilités, en attaquant le Sanctuaire. Je trouve juste dommage que son peuple en pâtisse. Mais j’imagine que cela n’est pas la réelle cause de ta présence à mes côtés Baucis ?! »
Habillée d’un court bustier grenat qui cache à peine sa poitrine sur-volumineuse et d’un short de la même couleur qui couvre presque ses fesses rebondies, la pulpeuse guerrière enlève son masque de femme chevalier : « Evidemment ! »
Philémon relève son buste et la dévisage avec insistance : « La fois où j’ai brisé ton masque, ton visage était maculé de sang, je n’avais pu admirer ta beauté. »
L’Alcide rougit mais n’en décolère pas pour autant.
_ « Tu sais qu’il faudra que je prenne ta vie tôt ou tard, alors pourquoi ne pas rester sur tes gardes ?
_ Parce que m’attaquer dans un tel contexte serait du suicide pour ton peuple. La population s’est rendue et le grand prêtre Acis qui la représente, a ratifié un traité de paix avec nos chevaliers d’or. Tuer un chevalier de bronze, alors qu’il est désormais un des magistrats de cette île, reviendrait à entacher ce traité et conduire au massacre les tiens. Ce n’est pas ce que tu veux et ce n’est pas ce que je veux non plus… »
Philémon s’assit les jambes croisées et achève sa phrase : « … De plus, rien ne dit que tu parviendrais à gagner contre moi, vu que lors de notre combat j’avais nettement l’avantage ! »
En entendant ces mots, le sang de Baucis ne fait qu’un tour et la voici qu’elle se jette sur le Saint qui malgré, son mètre cinquante-huit arbore une musculature impressionnante.
Il ne réagit pas et se laisse plaquer au sol tandis qu’elle prend son élan, le poing serré.
Elle abat son poing juste à côté du visage de Philémon, lui éraflant la joue et creusant un cratère dans lequel il tombe tous les deux, elle sur lui, lui toujours couché sur le dos et arborant un sourire enfantin, malgré les griffures sur son visage.
Baucis est enragée : « Qu’est-ce qui te fait rire ? »
Le Grec se retient l’espace d’une minute et plonge ses yeux bleus dans ceux de Baucis qui sont d’une couleur tout à fait semblable : « C’est la première fois qu’une femme aussi belle est allongée sur moi ! »
La Biche de Cérynie se dégage illico et part réajuster son masque, en dressant à nouveau avec rage son poing : « Comme les vôtres, nos armures sont vivantes. La mienne a nécessité énormément de mon sang et repose dans sa Pandora Box. Lorsqu’elle sera enfin régénérée je te donnerai la mort. »
Philémon continue de sourire et murmure en la voyant partir : « Pour revenir d’elle-même à la vie sans la faire réparer par un alchimiste, une armure met énormément de temps malgré le sang et sa Pandora Box. J’ai encore le temps de m’y préparer… »
Ce 22 juillet 1985, au Canada, la région de Nunavut est ébranlée.
Le sol tremble toujours dans la ville d’Arviat.
Après l’explosion qui a fait écrouler la maison où se trouvent Vasiliás, Bian et Dolly, à l’intérieur de l’immense nuage de fumée, provoqué par la chute des décombres, les Saints Noirs se camouflent des regards indiscrets du voisinage.
Les badauds tardent à sortir constater les dégâts dont il ne s’explique pas l’origine.
De sous les gravats, ressort Bian plus mort que vif, aidé par l’arrivée inopinée de Kassa : « J’ai été alerté par l’arrivée dans le secteur de cosmo énergies hostiles. Nous devons nous enfuir. »
Quelques mèches de cheveux s’échappent de sous une poutre en bois et alertent Bian : « Attends, Dolly est là-dessous… »
L’éloignant de toutes ses forces, Kassa le convainc d’abandonner sa vaine tentative.
_ « Elle est morte Bian. Il faut t’enfuir maintenant.
_ Et Vasiliás ?! »
Concomitamment, la voiture de Vasiliás regagne ce qu’il reste de son domicile et s’engage dans le nuage de cendre.
La portière s’ouvre, pour laisser apparaître la mine inquiète de l’ancien prétendant à l’armure d’or du Lion : « Mais qu’est-ce que… »
Vasiliás n’a pas le temps d’achever sa phrase que déjà, sous l’impulsion d’un cosmos ennemi, son véhicule vole en morceaux et laisse retomber au sol une carcasse métallique calcinée : « Te voilà enfin ! Il aura fallu suivre ton ami que nous avions laissé pour mort, afin que nous puissions mettre la main sur toi ! »
Dans le dos du Gémeaux Noir les silhouettes de ses six acolytes se dessinent.
_ « Mon ami ?! Qu’avez-vous fait à Bian ?! Où est-il ?! Comment se fait-il que des chevaliers noirs soient à ma recherche ?! »
Pointant du doigt sa proie, pour convaincre ses pairs de passer à l’attaque, Ankoku Gemini lance les hostilités en s’exclamant : « C’est le Sanctuaire qui nous envoie ! »
Les six compagnons d’arme du Gémeaux Noir chargent immédiatement Vasiliás qui essuie chacun des coups sans broncher.
Il est repoussé à quelques mètres en arrière, un peu plus loin dans le nuage de poussière et atterri jusqu’à Bian et Kassa.
Vasiliás remarque la présence de son ami et est ravi de le retrouver en vie : « Bian ! Comme je me suis inquiété pour toi. L’espace d’une seconde j’ai cru que… »
D’un ton rancunier, Bian le coupe en pointant du doigt le cadavre de Dolly : « Ça t’aurait bien arrangé, n’est-ce pas ? En tout cas je découvre ta vraie nature, tu t’es enfui de l’écroulement sans même chercher à la sauver. »
Vasiliás découvre la dépouille dépourvue de vêtement. Il apparait bien crédule : « Dolly ?! Mais comment est-ce possible ?! »
Resté en retrait, le sourire aux lèvres, Kassa feint d’être inquiet : « Nous devons fuir. Aussi puissant puisses-tu être Vasiliás, ces hommes sont trop nombreux pour que nous puissions en venir à bout. »
Ne parvenant pas à comprendre la ranc½ur de son ami, Vasiliás se veut bienveillant : « Tu as raison, vous allez pouvoir fuir. Moi je les retiendrai pendant que vous les sèmerez, car si je viens avec vous, ils ne vous laisseront pas repartir. Pars jusqu’au dispensaire retrouver Ariel et quitte le pays. »
Bian se défait de l’aide que lui apporte Kassa et serre le poing : « Comment peux-tu te soucier du sort d’Ariel, avec ce que tu viens de nous faire ?! Cependant, malgré tout, je ne t’abandonnerai pas, nous allons combattre ensemble, uniquement par respect pour tout ce que tu m’as appris. »
Vasiliás reste penaud : « Je ne comprends toujours pas ce que tu me reproches ? Quoi qu’il en soit je t’en conjure, quitte ce lieu. Tu es trop marqué pour résister à leur offensive. Kassa va assurer votre retraite. N’est-ce pas ? »
Kassa, satisfait de la confusion qu’il a créée entre Vasiliás et Bian, le rassure d’un hochement de tête et guide Bian…
Sa veste maintenant déchirée, Vasiliás la retire en même temps que sa cravate.
Il remonte les manches de sa chemise tout en fixant d’un regard froid l’approche de ses adversaires.
Sa chemise toujours ajustée dans son pantalon maintenant poussiéreux, il ferme les yeux pour faire le vide dans son esprit et accroît sa cosmo énergie dont l’effluve dessine derrière son signe zodiacal.
Devant lui, la troupe d’assassins avance en ligne.
Au beau milieu d’eux, juste à côté du Gémeaux Noir, le Sagittaire Noir sort son arc et pointe sa flèche maléfique en direction de Vasiliás.
Sans que Vasiliás ne rouvre les yeux, le Sagittaire Noir est pris d’un inopiné malaise.
En effet, son corps se raidit de plus en plus et des plumes d’ange venues des cieux pleuvent au-dessus de lui.
L’homme de grande taille et chauve, bouge avec difficulté sa mâchoire pour interpeller son chef : « Gémeaux Noir… J’ai… Je… »
Le Gémeaux Noir se retourne en direction de son subordonné qui ne peut désormais plus avancer.
Il lit dans ses petits yeux vert pomme, une immense crainte et comprend que Vasiliás est vraiment un être exceptionnel.
Devinant l’assaut imminent de l’Américain, il sonne la charge : « Chevaliers Noirs, à l’attaque ! »
Les cinq autres chevaliers noirs s’élancent. Au même instant Vasiliás rouvre les yeux et prononce le nom de son arcane dévastateur : « Byakûjin ! »
Les Plumes Célestes ayant déjà plu et jonchant le sol s’élèvent alors vers les cieux.
De concert avec celles qui tombent encore du ciel, elles transpercent ainsi toute la surface du corps du Sagittaire Noir.
Il demeure ainsi maintenu dans les airs par les milliers d’heurts qui le pilonnent.
Quelques secondes d’extrêmes douleurs.
Quelques secondes qui lui semblent être une éternité.
Quelques secondes durant lesquelles la douleur est si atroce que son c½ur ne parvient plus à l’encaisser.
Quelques secondes au bout desquelles Ankoku Sagittarius s’écroule en rendant son dernier souffle.
Cependant, la tornade de plume ne cesse pas pour autant.
Elle part à la poursuite des assaillants de Vasiliás.
Elle se sépare en deux.
Après avoir massacrée dans la verticalité Ankoku Sagittarius, elle se scinde en deux rafales qui traversent l’horizon.
Ainsi, elles perforent les poitrines des chevaliers noirs de la Licorne et de la Lyre.
Interdits, les trois autres Ankoku Saints stoppent leurs courses.
Le corps sans vie de la Licorne Noir tombe aux pieds de Vasiliás. Ses longs cheveux bouclés couleur cassis flottent dans le vent.
Celui de la Lyre est réceptionné par l’Américain.
En prenant la femme décédée dans ses bras, il remarque à quel point cette femme au crâne rasé était belle.
Néanmoins autre chose l’intrigue.
Freiné dans sa cours, le Lynx Noir remarque la gêne de Vasiliás et lui demande : « Est-ce le fait de tuer une femme qui te met dans cet état ? »
Vasiliás lève les yeux vers son interlocuteur et répond froidement : « Qui que soit l’adversaire d’un roi, il doit subir sa sentence sans traitement de faveur. Non, ce qui me gêne, c’est l’odeur que porte cette femme sur son corps. Elle porte la même odeur que la Licorne Noir qui gît à mes pieds. La même odeur que vous portez tous. Celle de mon maître. Klok Saint de bronze de l’Horloge. »
La voix du susnommé retentit aussitôt dans l’atmosphère : « Tes sens sont toujours aussi aguerris mon cher disciple. »
Le chevalier de bronze aux longs cheveux bleus apparaît derrière Ankoku Gemini…
Loin de là, au Sud du Sanctuaire d’Athéna, dans la chaumière de Myrrha dans le village de Noioso, des sanglots alertent la jeune femme et son amant.
L’homme au corps de rêve se redresse immédiatement et s’avance jusqu’à un berceau situé à l’opposé du logis.
Myrrha observe sa démarche et reste admirative devant ses fesses fermes et musclées : « Tu es toujours aussi beau Aphrodite ! »
Le Saint d’or du Poisson affiche un large sourire de satisfaction après ce compliment et attrape en chemin sa cape, qu’il tire puis enroule autour de sa taille, libérant ainsi l’armure d’or qu’il avait volontairement couverte, pour ne pas trop illuminer les lieux et réveiller l’enfant qui s’agite.
Aphrodite arrive devant le couffin et tend sa main devant le bambin qui fête aujourd’hui ses douze mois. Dans sa paume, son cosmos doré s’agite et forme une rose aux pétales aussi rouge que le sang. Il dépose la fleur à côté du visage du nourrisson.
_ « Et toi, tu es assurément bien plus beau que moi, Adonis…
_ Plus que d’éloges, c’est de nourriture dont ton fils a besoin en cet instant, les rejoint Myrrha !
_ Je sais que tu as peu de moyen. Je t’ai laissé un sac de sacres sur la table. Vous ne manquerez de rien Adonis et toi. Ma solde de Saint d’or est plus que suffisante pour subvenir à vos besoins.
_ Je n’aurai pas cru que tu viendrais pour ses douze mois.
_ Adonis est mon fils, il est ce que l’univers a pu concevoir de plus beau, depuis la création du monde. Ne pas le voir fréquemment me brise le c½ur tu sais Myrrha.
_ Pas d’attache, une vie libertine, les combats et ton propre intérêt, ta gloire, voilà à quoi se résume ta vie Aphrodite. Je refuse de mêler mon enfant à ce que tu ornes comme des trophées. Il n’en est pas un, il est le fruit de l’amour que j’éprouve pour toi et de la satisfaction que tu as eue, de pouvoir séduire une des femmes les plus courtisées du domaine. »
Le Suédois ne dit rien, ce constat de Myrrha, lui fait afficher un léger rictus de désappointement sur son visage.
Finalement, Aphrodite lève l’enfant et le prend dans ses bras.
L’espace d’un instant durant lequel il le couve de son cosmos, il fait cesser aussitôt ses pleurs.
Il lui murmure tendrement : « N’oublie jamais mon fils, que quoi que tu puisses penser de mon absence lorsque tu deviendras un homme, je l’ai fait dans ton intérêt. Je sais que tu deviendras beau et brave et feras oublier à ta mère le manque d’amour dont elle souffre. Je t’aime mon petit cadeau des dieux… »
Il tend enfin l’enfant à sa mère et ramasse son pantalon.
_ « Je reviendrai bientôt.
_ C’est ce que tu m’as dit il y a huit mois. »
La Cloth du Poisson se réajuste d’elle-même sur son propriétaire, hormis le casque que celui-ci prend dans ses mains pendant qu’il emprunte la sortie : « Alors considère que je reviendrai dans autant de temps… »
Arrivé dehors, il fixe son heaume sur son crâne et passe son index sous son ½il droit pour ramasser une larme.
Savoir qu’il a un enfant, qu’il ne prendra pas la peine de connaître, le chagrine.
Seulement, la vie qu’il mène n’est pas celle qui le destine à être un bon père de famille…
A l’extérieur de la petite bourgade d’Arviat, au Canada, dans la région de Nunavut, sur une route enneigée déserte, un homme atterrit depuis les airs jusqu’au parterre givré.
Il s’écrase la tête la première, le corps tuméfié et le visage ensanglanté.
Il rampe difficilement, en regardant derrière lui comme pour fuir l’animal féroce, responsable de son calvaire.
Celui-ci ne tarde pas à dévoiler son identité.
Un homme corpulent qui devance sept de ses semblables, aux cheveux longs et quasis étouffés par un casque noir, muni en son sommet d’une corne acérée, s’avance jusque sa victime.
Il est couvert d’une armure noire qui copie au détail l’armure de bronze de la Licorne et qui couvre ses vêtements sombres.
En se frottant sa grosse moustache il écrase du pied un contemporain vêtu d’un costume noir arraché.
_ « Est-ce bien ici que vit ton patron, lui réclame Ankoku Monoceros ?
_ Je vous l’ai déjà dit, notre directeur est très discret sur sa vie privée. La seule adresse que nous avons dans nos fichiers, est celle-ci, s’apitoie l’employé de bureau. »
Le chevalier noir de la Licorne lève les yeux en direction d’un homme recouvert d’une version ténébreuse de l’armure d’or des Gémeaux : « Ankoku Gemini, as-tu encore besoin de lui ? »
Le visage dissimulé sous son heaume, le Gémeaux maléfique répond d’une voix venue d’outre-tombe : « Non. N’oublions pas que nous devons rester discrets pour accomplir cette mission. Personne ne doit être capable d’identifier des chevaliers, qu’ils soient d’Athéna ou d’un autre dieu. Il en va de notre réhabilitation auprès du Sanctuaire. »
Comprenant très peu les propos de son chef, la Licorne Noire se gratte derrière la tête, secouant ainsi ses longues bouclettes qui tombent de son casque. Il regarde enfin sa victime et lui sourit bêtement : « Je n’ai pas tout compris à ce que raconte notre chef. J’ai seulement retenu qu’il fallait en finir avec toi. Alors… »
Sans même finir sa phrase, il soulève son énorme pied, qu’il abat sur le crâne du salarié de l’entreprise familiale de Vasiliás…
Observant cette scène macabre, les sept autres Ankoku Saints restent de marbre.
La Licorne, le Lynx, la Lyre, l’Aigle, l’Ophiuchus, le Sagittaire, le Scorpion et les Gémeaux… En un grondement de tonnerre, ils se dispersent aussitôt à l’orée de la ville…
Pendant ce temps, sous la Méditerranée, loin dessous les abysses, Kanon, couvert de sa Scale orangée et dorée, le visage à peine discernable sous son heaume, sort du temple dans lequel il a élu domicile en compagnie de ses pairs.
Reculé à quelques kilomètres du temple de Poséidon, établi au beau milieu d’un village d’une centaine d’habitations où résident les soldats et leurs familles, le temple des Généraux a été érigé il y a des millénaires et sert de poste de commandement aux plus puissants guerriers de Poséidon.
Aux alentours, vivent les descendants d’une poignée d’humains désignés par Poséidon à l’époque du grand déluge. Depuis la nuit des temps, ces fidèles consacrent leur temps à la perfection de ce qu’ils entreprennent. Entraînement et éveil au cosmos, prières et entretiens des cultes de leur dieu, créations d’armures et d’armes, pêche et culture d’algues dans les lagons qui se trouvent au milieu des récifs coralliens qui dominent le décor.
Derrière Kanon, le cliquetis métallique d’une Scale contre les dalles rocheuses blanches se fait entendre. Sans se retourner, Kanon reconnaît à sa cosmo énergie et au froid qui s’en dégage le Finlandais Isaac.
Arrive ensuite Io, le nouveau venu qui s’entraîne à des kilomètres de là, près du pilier du Pacifique Sud sur lequel il doit veiller, tandis que Krishna surplombe le reste des Généraux depuis une colline qui domine le village.
Thétis bondit de roches en roches, pour enfin venir se prosterner devant ses supérieurs, tandis que Kassa arrive par là où sont apparus Kanon et Isaac en ricanant. Légèrement voûté vers l’avant, le Portugais constate : « L’équipe est presque au complet n’est-ce pas ? »
Le meneur des hommes de Poséidon lui répond d’une voix grondante : « Effectivement, seul Sorrento n’est pas encore au Sanctuaire sous-marin. Il a pour mission de veiller sur la réincarnation de notre majesté, en attendant que celui-ci décide de mener nos troupes à la surface. Aujourd’hui va être un grand jour, le Cheval des Mers, notre dernier semblable, va enfin nous rejoindre. Sa Scale s’est éveillée aujourd’hui, preuve qu’il a été reconnu comme nous tous. Kassa observe cet homme depuis des mois et s’en est fait un ami à qui il transmet la passion de Poséidon… »
Le Général des Lymnades frotte sa joue blafarde avec ses longs ongles en affichant un sourire ravi.
_ « Dragon des Mers, si la Scale du Cheval des Mers a réagi, c’est qu’elle reconnaît définitivement Bian comme étant prêt à la porter.
_ « Exactement. Il est temps que tu mettes ton plan à exécution. Détache-le de cet homme au puissant cosmos qui l’accompagne et ouvre-lui les yeux sur sa destinée. »
A la surface, au Sanctuaire d’Athéna, à Noioso, un village du Sud, rares sont les animations qui permettent de se distraire.
Dans cette zone du Sanctuaire, où la population est surtout composée de vieillards, d’esclaves affranchis et d’apprentis chevaliers ou soldats devenus infirmes, le lieutenant Arachné, Saint d’argent de la Tarentule s’ennuie à mourir.
Les tavernes sont délabrées, à peine fréquentées, et les femmes qu’il y trouve sont toutes des veuves de soldats ou des femmes insatisfaites de leurs époux invalides.
La jeunesse prometteuse de cette contrée du domaine sacré fuit pour gagner Honkios, au Centre, ainsi que les villages de l’Ouest et de l’Est où le travail se trouve plus facilement.
Seule une beauté subsiste dans cette zone. Courtisée par Arachné et ses soldats, elle élève seule son fils dont personne ne connaît le géniteur.
C’est dans son village de Noioso que cette fleur vit au milieu d’une terre aride.
Dans un logis aux murs en torchis et au toit fait de planches et de paille, au sol argileux et au mobilier monté avec des matériaux récupérés des fermes avoisinantes, vit cette vénusté aux grands yeux océan et aux longs cheveux roux.
Sa peau blanche et son allure frêle lui donnent un aspect angélique. Ses petits pieds nus avancent gracieusement jusqu’à sa couche, faite de paille et couverte d’une épaisse étoffe. Elle défait sa toge blanche, afin de libérer son corps de ses vêtements qui couvrent sa petite poitrine et son intimité.
Myrrha, de son prénom, fixe avec émotion un bel homme au corps d’athlète, aux cheveux bleus teintés de reflets verts, étendu dans le plus simple appareil sur ce lit de fortune.
Ses doigts délicats viennent lui caresser ses pectoraux et dévalent délicatement ses abdominaux d’acier. L’homme au grain de beauté sous son ½il gauche, considéré comme étant le plus beau du Sanctuaire, laisse s’allonger contre lui la jeune femme…
Au Canada, à proximité des calottes glaciaires, sur la baie de Baffin, Bian s’essaie à nouveau à son arcane meurtrier.
Son Souffle Divin arrache la banquise et provoque un grondement retentissant partout dans les environs.
Cette manifestation de cosmo énergie, ne passe pas inaperçue auprès de cet homme, portant une version masculine de l’armure d’argent de l’Aigle. Cette copie sombre forme sur le corps de ce chevalier noir une cuirasse à l’apparence épaisse faisant souffrir de la comparaison son corps rachitique.
Ses yeux de rapace s’accommodent à merveille à son visage creusé où quelques mèches rosées de sa chevelure hirsute passent par-dessus son diadème orné d’un aigle au beau milieu du front.
L’Aigle Noir bondit de roches en roches en écartant dans les airs ses bras, tel un volatile arborant son plumage.
Il arrive rapidement sur les rives gelées de la baie et découvre le Canadien aux cheveux grisonnant qu’est Bian.
L’autochtone reconnaît par le physique de cet intrus ce que Vasiliás lui a toujours décrit comme étant un chevalier : « Qui es-tu chevalier ? »
D’une voix aigüe, l’Ankoku Saint ne daigne même pas répondre et présente directement ses intentions : « Vasiliás, sur ordre du Grand Pope, je suis venu t’exécuter. »
L’ami de l’Américain, comprend immédiatement que le Sanctuaire a retrouvé sa trace. Se gardant bien de dévoiler son identité, Bian se fait passer pour son camarade.
Le futur Marinas, ne réagit pas par la parole à l’annonce faite par le maléfique guerrier, il privilégie l’action.
À une vitesse surpassant celle du son, Bian surgit devant la menace que représente le guerrier à l’allure chétive et s’en défait sans perdre de temps : « God Breath ! »
En déployant ses bras devant son adversaire, Bian déclenche un souffle surpuissant qui l’emporte à plus de dix mètres du sol et le déchiquette.
L’Ankoku Saint retombe sur la banquise, face contre sol, la Cloth en morceaux et la chair en lambeau.
Bian sourit devant le cadavre et semble satisfait de sa technique : « J’ai réussi à le vaincre sans déclencher mon attaque à pleine puissance ! »
A cela, un timbre grave résonne dans l’atmosphère qui se déchire devant le Canadien pour laisser apparaître le Gémeaux Noir : « Très bien… Dans ce cas tu vas pouvoir nous faire la démonstration de tous tes talents. »
Bian lève alors les yeux et fait le tour de lui-même, pour remarquer qu’il est maintenant cerné par les sept camarades de sa victime.
Pourtant cela ne l’effraie pas, Vasiliás lui a déjà évoqué la légende des chevaliers noirs, ces renégats ayant échoués à l’accession d’une armure et ayant endossé les armures du mal à des fins personnelles.
Il se met en garde immédiatement et fixe le visage ombragé du Gémeaux Noir dont les deux faces du heaume représentent le malin contrairement à celui de la Cloth dont il est inspiré.
Durant de longues secondes, il reste ainsi, sans trembler, à écouter les rires alentours de ces sept adversaires jusqu’à ce que, soudain, la glace se brise sous ses pieds.
Agile, le futur Général exécute un saut périlleux prodigieux et atterrit sur le bloc de glace le plus proche.
De sous l’eau glaciale, apparaît l’origine de ce fracas.
Un homme grand et fin arbore un sourire en coin. Ses cheveux longs, du même bleu marin que ses vêtements, tombent jusqu’au sol. Il se montre vêtu d’une armure qui n’est en rien semblable à celle de ses acolytes.
Celle-ci marine et grise métallisée présente un éclat bien moins apocalyptique. D’ailleurs, cette distinction fait de lui le meneur de cette troupe.
Bian examine la Cloth du nouvel arrivant : « D’une grande luminosité, elle couvre uniquement les zones vitales de son porteur et non l’entièreté de son corps, pour lui laisser une liberté de mouvement essentiel à l’exécution de ses missions… Voici donc un chevalier de bronze ! »
Toutefois, ses pensées le tracassent, Vasiliás lui a pourtant certifié que les chevaliers d’Athéna et les chevaliers noirs étaient ennemis, alors que là le Saint de bronze n’est en rien hostile à eux.
Le Gémeaux Noir apporte plus de précision à ses interrogations : « Devons-nous te laisser l’honneur d’achever toi-même ton disciple, Klok Saint de bronze de l’Horloge ? Ou bien pouvons-nous venger nous-même la mort d’Ankoku Aquila ? »
A cette annonce, Bian comprend enfin que cet homme n’est autre que le Néerlandais qui a instruit Vasiliás lorsqu’il arriva au Sanctuaire.
Klok pose sa main gauche sur sa hanche et déclare : « Ce n’est pas Vasiliás ! »
Du haut d’un glacier, une magnifique jeune femme aux cheveux d’un blanc éclatant et portant une version féminine et sombre de l’armure d’or du Scorpion intervient.
_ « Cet homme a tué notre camarade en une fraction de seconde. Alors s’il n’est pas celui que nous devons exécuter, qui est-il ?
_ Je n’en sais rien Ankoku Scorpius, déplore Klok, mais il n’a pas sourcillé lorsque Ankoku Aquila l’a confondu avec Vasiliás. Il doit le connaître.
_ Peu importe, s’il s’est battu contre l’Aigle Noir, c’est qu’il a l’intention de protéger Vasiliás jusqu’à la mort. Il ne parlera pas, il ne nous est donc d’aucune utilité, décrète Ankoku Gemini. »
Une seconde jeune femme, plus imposante physiquement que le Scorpion Noir, grande et dotée d’une musculature aussi remarquable que celle de Docrates, le visage maculé de cicatrices immondes, habillée d’une copie ébène de l’armure de Shaina intervient alors.
En se déplaçant d’une vivacité encore plus grande que celle de Bian contre l’Aigle Noir, elle arrive au-dessus de lui et abat ses deux mains aux ongles longs et sales dans sa direction : « Ankoku Claw ! »
Les Griffes du Mal déchirent les vêtements de Bian et lacèrent sa peau, tout en faisant voler en éclat l’iceberg, sur lequel il a précédemment atterri.
Torse nu, ne portant plus son pantalon que comme un short, Bian essaie de ne pas sombrer dans l’eau glaciale, tandis qu’un nouveau Saint noir s’élance dans les airs au-dessus du point d’impact, pour suppléer la femme bodybuildée.
Il porte la sombre imitation de l’armure de bronze du Lynx. Tout aussi athlétique que l’Ophiucus Noir, il abat de la même façon qu’elle ses bras en direction du Canadien en mauvaise posture : « Ankoku Claw ! »
Bian reçoit de nouveau les Griffes du Mal qui découpent l’espace d’une seconde l’écume en de fins cubes d’eau et entaille plus profondément sa chair.
Bian coule au fond de l’eau.
Ne remonte alors à la surface que son hémoglobine qui drape la surface aquatique.
Le Lynx Noir se réceptionne juste à côté de l’Ophiucus Noir.
Il l’embrasse aussitôt à pleine bouche afin de partager avec elle cette victoire que ce surprenant couple vient de remporter.
Pendant ce temps, la dernière femme composant l’équipe des chevaliers noirs, protégée par une Cloth noire et féminisée de la Lyre, approche du cadavre de l’Aigle Noir. Bien qu’elle ait le crâne rasé, cela n’altère en rien à sa beauté renforcée par l’expression mélancolique qui noie ses yeux de chagrins : « Ankoku Aquila espérait plus que tout revenir en grâce aux yeux du Pope en accomplissant cette mission… »
Ankoku Gemini ajoute : « Il est vrai que sur les conseils de Jango et suite aux ordres de Guilty, j’ai abandonné mon poste de Seigneur Noir laissé au Pégase Noir et ait débauché les meilleurs d’entre vous pour être reconnu aux yeux du Grand Pope, en acceptant d’accompagner Klok le chevalier de bronze de l’Horloge. Klok nous a averti du danger que représente Vasiliás mais ayant moi-même, ainsi que certains d’entre vous, le niveau d’un chevalier d’or et après avoir suivi l’entraînement du Sanctuaire pour acquérir ces Cloths, je ne pensais pas qu’il faudrait se méfier autant de notre ennemi. »
Klok ne les rassure en rien : « En effet, cet homme disposait d’un fort potentiel, mais celui-ci n’est rien par rapport à celui de Vasiliás. Je dois avouer que faire équipe avec des chevaliers noirs ne me ravit absolument pas. Cependant les ordres du Pope sont clairs et s’il faut demander de l’aide à des renégats, plus puissants qu’un simple chevalier de bronze comme moi, pour exécuter un autre rebelle, qu’il en soit ainsi. Connaissant les capacités de Vasiliás et sachant donc qu’il nous donnera du fil à retordre, je suis ainsi tout aussi déçu que vous par la perte de votre homme. »
Ankoku Gemini lève son bras gauche vers le ciel et claque des doigts pour conclure cet entretien.
A cet instant, tous disparaissent et partent à nouveau à la recherche de Vasiliás…
Enfin seul, Bian jaillit de la nappe d’hémoglobine qui pollue la baie.
Meurtri, il s’agrippe à la banquise pour espérer s’extirper avant de mourir gelé s’il ne succombe pas avant à ses blessures…
Au même moment, sous la Méditerranée, loin dessous les abysses, le Dragon des Mers observe les coraux scintiller.
Eloigné du temple de Poséidon et de ses appartements, Kanon admire le décor maritime somptueux.
Ses pieds, chaussés de sa Scale, piétinent les nombreuses marres d’eau salée qui forment sur les roches rongées par le sel, un parterre aux formes creusées de façon inégale.
Voici maintenant douze ans qu’il vit en ce lieu.
Pourtant, malgré tous les endroits merveilleux qui lui ont été donnés de voir, qu’il s’agisse de l’île d’Yíaros ou du Sanctuaire d’Athéna, Kanon n’a de cesse d’apprécier les paysages naturels et l’architecture antique des temples du monde sous-marin.
Son état d’extase cesse lorsque soudain des rires d’enfants viennent jusqu’à lui.
Il reconnaît les exclamations de plusieurs gamins, garçons et filles, vêtus de vêtements traditionnels de la Grèce antique, comme au Sanctuaire d’Athéna, se courant les uns après les autres en spartiates ou pieds nus.
L’attroupement se rapproche du Marina et stoppe net devant lui.
Le Général, le visage ombragé par son heaume, se tient droit sans rien dire.
Les jeunes amis reculent d’un pas tremblotant en raclant leurs gorges.
La voix grave du régent du royaume en l’absence de Poséidon finit par engager la conversation : « Que faites-vous si loin de la citée ? »
Ces enfants de soldats ne savent quoi répondre.
Kanon ôte alors son casque, libérant ainsi son opulente chevelure bleu foncé et présente son visage dur aux sourcils froncés. Pourtant son ton est conciliant : « Il est interdit à quiconque n’appartenant pas à l’armée de sa Majesté Poséidon, de quitter la citée. Les vastes étendues où nous nous trouvons sont des zones d’entraînement pour les Marinas. Je ne veux plus vous voir ici. »
Les enfants hochent la tête et passent derrière Kanon, encore plus vite qu’ils ne sont arrivés jusqu’à lui, pour rentrer chez eux.
De nouveau seul, le Grec soupire. Puis, il s’adresse étrangement à un immense rocher, sur lequel tombe un filet d’eau depuis le plafond et coule comme une fontaine, une fois arrivé sur le sol : « Nous sommes enfin seuls. »
Encapuchonné, un mystérieux intrus sort de derrière le roc.
Le voile blanc qui le couvre entièrement descend jusqu’au sol humide et flotte dans les flaques.
Kanon sourit sournoisement et balance son casque sur l’intrus.
Celui-ci est correctement saisi par les bras fins, et les doigts délicats aux longs ongles, parfaitement manucurés, dévoilant ainsi un peu plus son identité.
Son mouvement écarte son manteau et présente sous celui-ci une tenue contemporaine.
Elle habille de façon sensuelle une jolie jeune femme brune, aux cheveux coiffés de quelques rubans violets et aux yeux topaze qui n’est autre que Ksénia.
Ses lèvres pulpeuses maquillées aux couleurs de ses ornements capillaires s’entrouvrent pour laisser son magnifique accent slave envoûter l’homme à l’allure impénétrable : « Je te trouve bien clément envers de simples enfants pour un homme qui complote contre les dieux. »
Elle lui renvoie son casque qu’il réceptionne en répondant : « Tu l’as dit toi-même, ce ne sont que des enfants. »
Le Marina garde son heaume sous le bras tandis qu’elle s’approche par petits pas avec un déhanché gracieux jusqu’à lui : « Tu dois être comblé désormais, ton armée va être complète. »
Elle arrive jusqu’à lui et dépose ses mains en appui sur sa cuirasse, à hauteur de l’abdomen. Ensorcelé par la beauté de celle, qu’il ne rencontre pas pour la première fois, Kanon reste plongé dans son regard : « Je vais en effet réunir auprès de moi tous les Généraux des Mers. Cependant les générations passent et le nombre d’humains fidèles à Poséidon et résidants en son royaume sous-marin s’amenuise. Aujourd’hui je déplore un nombre d’à peine cent soldats, au niveau plutôt lamentable, à peine aussi élevé qu’un Saint de bronze d’Athéna pour les plus talentueux. Le reste du peuple est composé de femmes et d’enfants encore trop jeunes pour manier les armes. »
Elle approche avec sensualité jusqu’au visage de Kanon, en se levant sur la pointe des pieds. Ses lèvres frôlent les joues du bel homme et glissent dans son cou, jusqu’à son oreille gauche dans laquelle elle susurre : « Crains-tu donc pour tes chances de succès ? »
Kanon agrippe brusquement la vénusté par les épaules, comme s’il voulait garder le dessus dans ce jeu de séduction et affiche spontanément un visage machiavélique : « Absolument pas ! Toutefois je ne tiens pas à ce qu’en une bataille nous puissions perdre trop d’hommes. »
Ksénia se défait de l’étreinte du Grec, en mouvant ses épaules comme pour lui faire remarquer que cette prise brutale n’est pas convenable.
_ « Allons, n’as-tu pas pensé à d’autres solutions que de te lancer dans une lutte sans merci contre Athéna ?
_ J’ai déjà imaginé me servir de dieux mineurs, auprès desquels j’aurai vendu la cause de Poséidon, en leur promettant de participer au partage de la Terre. Malheureusement, mon frère s’est montré bien plus intelligent que je ne l’aurai cru. Son emprise sur le Sanctuaire s’est soldée par un rappel de force des positions athéniennes dans le monde auprès de ces dits dieux.
_ Sous-traiter la guerre contre le Sanctuaire est une très bonne idée et je comprends que tu sois ennuyé par la prise de pouvoir athénienne par Saga. Néanmoins, il reste parmi les dieux, le plus puissant dieu nordique qui dispose d’une armée presque comparable au statut des douze Saints d’or et des sept Généraux des Mers.
_ Tu fais très certainement allusion au dieu Odin et à ses Guerriers Divins. Pourtant tu omets la fidélité de la famille de Polaris envers Athéna. Représentante d’Odin sur Terre depuis des millénaires, la famille de Polaris a toujours présenté un visage pacifique.
_ Il manque seulement à Hilda de bonnes raisons et un allié convaincant. Un élément déclencheur en quelque sorte. Asgard n’est pas le seul royaume du grand nord. Heureusement pour toi, je nourris quelques relations privilégiées avec Alexer de Blue Graad. A Blue Graad, le fils de l’empereur Piotr entretient de fortes ambitions de conquête. Seul il est faible mais avec les guerriers d’Odin à ses côtés, il pourra mener cette Guerre Sainte qui se révèlera être une catastrophe pour le monde.
_ Effectivement, une Guerre Sainte impliquant l’absence de prières d’Hilda provoquerait la fonte des glaces aux pôles. La terre se retrouverait sous les eaux et la planète sans autres protecteurs que Poséidon après une guerre dévastatrice entre les royaumes du grand nord et le Sanctuaire. Je pourrai alors dominer le monde au nom de Poséidon, tout en gardant à ma botte mes Marinas. »
Convaincue que son plan est infaillible, Ksénia se mordille sensuellement les lèvres en s’imaginant déjà victorieuse : « Exactement. Il ne me reste plus qu’à convaincre Alexer de s’allier à Hilda. »
Elle tourne presque aussitôt ses talons aiguilles pour prendre congés de Kanon, lorsque celui-ci la retient par le bras et la tire jusqu’à lui.
D’un ½il soupçonneux, il lui demande alors : « Ksénia, Ksénia, Ksénia… Qui es-tu donc réellement ? Depuis ma prise de fonction au sein de l’armée de Poséidon, tu t’es toujours montrée être d’excellent conseil. Tu dissimules un cosmos infiniment grand et tu profites de la vie, sur cette planète au milieu des hommes, alors que tu complotes contre eux. »
Ksénia affiche une mine friponne et un sourire magnifique qui s’accorde à ravir avec son tatouage rose présent sous son ½il gauche. Elle déclare simplement : « Je ne suis que le messager de mon maître. Une entité dont tu ne peux même pas imaginer l’existence et pour qui la domination de Poséidon sur Terre serait d’une grande utilité, que cela soit de la volonté du dieu lui-même, ou bien de celle de l’humain qui le manipule. »
Intrigué par cette jeune femme dont le nom signifie en grec, langue maternelle du jumeau de Saga, « étrangère », il essaie de lui prendre un baiser en se précipitant sur ses lèvres pulpeuses. Celle dont l’élégance frôle la perfection, recule légèrement son visage pour le distancer de celui du Marina qui se retrouve bien penaud une fois à bout de course.
C’est lorsque celui-ci constate qu’il se retrouve bêtement dans une position défavorable, qu’elle en profite pour venir lui déposer un tendre baiser sur le coin des lèvres.
La sensation de ce bref échange est si agréable que Kanon lâche instinctivement sa prise et libère le bras de Ksénia.
_ « Où vas-tu à présent ? A Blue Graad, trouver Alexer ?
_ J’ai à faire avant cela mais ne t’en fais pas, je te tiendrai informé de l’évolution de mon projet pour le grand nord. »
L’intrigante demoiselle quitte enfin le monde sous-marin en disparaissant sous la forme d’un mirage dont l’image transparaît jusqu’à se dissiper totalement au gré du vent…
Au Canada, à quelques kilomètres de là où Bian a été laissé pour mort, dans la chambre impeccablement rangée de Vasiliás, des exclamations de plaisir sont à peine contenues.
Sur le valet de chambre, est impeccablement posé son costume blanc.
De sous les draps du lit positionné au milieu de la pièce, les retrouvailles entre Vasiliás et Ariel pourraient paraitre passionnées.
Pourtant, ce n’est pas la s½ur de Bian qui en sort mais Dolly, sa petite amie.
Sa frange et ses longs cheveux blonds sont totalement défaits.
Elle pose sa tête sur le torse magnifiquement dessiné du discret homme d’affaires.
Ne prononçant pas un mot, il passe sa main sous le fin tissu qui les couvre de leur totale nudité et caresse sa belle poitrine rebondie.
Dolly apprécie grandement que Vasiliás ait enfin remarqué sa présence : « Si tu savais à quel point j’attendais ce moment. »
D’un ton blasé et inhabituel, Vasiliás s’étonne : « Ce n’était donc pas un moment d’égarement ? Et depuis tout ce temps tu étais avec Bian sans même l’aimer ? »
Sans qu’elle ne le remarque, Vasiliás se met à sourire perfidement en entendant des pas résonner dans le chalet…
En effet, une main couverte de sang ouvre délicatement et avec difficulté la porte de chambre.
De concert, Dolly répond à Vasiliás : « Bian est bien gentil, il est drôle et attentionné mais il n’a pas ta beauté et ton charisme qui font de toi un homme par… »
La vénusté n’a pas le temps de finir sa phrase, que déjà Bian surgit dans la pièce où il s’effondre, défiguré, noyant la moquette de son sang.
Souffrant mille morts dans ce corps mutilé, Bian sent maintenant son c½ur se déchirer, en découvrant son meilleur ami, son mentor, son frère, profiter du corps aux formes parfaites de sa petite amie.
Au plasma coulant de ses joues, se mêlent ses larmes qui lui rongent sa peau écorchée.
Il vient de surmonter la mort qui lui tendait les bras, pour protéger son ami et le prévenir du danger qui le guette, la surprise de le voir dans cette position, n’en est que plus insupportable.
Confuse, Dolly se recroqueville dans la couverture tandis que Vasiliás se met aussitôt debout, affichant sans complexes son physique gracieux et son intimité : « Bian… Mon ami… Ecoute… Je… »
Il s’approche petit à petit de lui, en constatant l’état physique inquiétant de ce dernier : « Mais… Qu’est-ce que… »
Puisant dans ce qui lui reste de forces, Bian décoche une puissante droite en pleine mâchoire de Vasiliás qui part s’écraser dans le mur proche duquel sont déposés ses vêtements.
Les jambes flageolantes, il déclare enfin : « Le Sanctuaire… Il t’a retrouvé… »
Vasiliás se défait du plâtre et de la brique dans lesquels il est encastré et ramasse ses vêtements. Il attend que Bian détourne son attention de lui pour sourire machiavéliquement.
Dolly approche à son tour Bian en masquant son corps de déesse avec le tissu de soie sous lequel elle vient de passer d’agréables moments : « Bian… Mon amour… »
Bian ne pose même pas les yeux dans sa direction, il se recroqueville dans un coin de la pièce : « Rhabille-toi et dégage d’ici ! »
Vasiliás finit d’enfiler sa veste avec une étonnante décontraction.
Il prend son temps avant de s’approcher de Bian pour examiner ses plaies mais celui-ci le rejette. Il le pointe du doigt et ouvre la bouche pour le congédier : « … »
Inopinément, une immense secousse empêche Bian de prononcer le moindre mot.
La maison est soufflée.
La bâtisse s’écroule sur le trio pris par surprise…
Pendant ce temps, sur Yíaros, à l’Ouest de l’île, près des montagnes qui bordent la côte, Philémon atteint les corps de fermes les plus reculés.
Il patrouille afin de veiller à ce qu’aucun habitant ne projette clandestinement de fuir la cité, ou d’y préparer un mauvais coup.
Poli, aimable et charitable, il assiste même les braves gens à traire leurs animaux, ou à soulever des ballots de paille.
Aussi, il préfère porter sa tenue d’entraînement plutôt que son armure, afin de paraître plus abordable pour les Hébéïens.
Après quelques heures, durant lesquelles il a travaillé la terre, le petit Grec quitte une famille de cultivateurs. Il les salue en faisant de grands signes de bras, souriant et affichant dans ses grands yeux bleus une profonde sympathie.
Sur le chemin du retour, après avoir défait son plastron au métal rouillé, il ôte son maillot noir sous laquelle il est torse nu et replie ses bas de pantalons pour laisser ses mollets à l’air libre.
Il s’assied sous un arbre, à l’ombre, et arrache une brindille qu’il met à sa bouche avant de s’allonger dans l’herbe touffue en espérant s’y reposer avant de rentrer.
Enfin, tout en restant couché, il demande à voix haute : « Quand comptes-tu me lâcher ? »
Philémon ouvre seulement son ½il gauche par lequel passe une longue cicatrice qui part de son front et s’achève à sa joue.
Il observe en haut de l’arbre sous lequel il se repose, la silhouette d’une femme aux courbes généreuses.
Désormais découverte, celle-ci se laisse tomber du haut des branches.
L’intruse atterrit sur ses pieds devant le chevalier aux cheveux bruns hirsutes.
Baucis Alcide la Biche de Cérynie passe ses longs cheveux lilas derrière son dos et prononce d’un air froid : « Crois-tu que ces bonnes actions auprès du peuple servent à te racheter à leurs yeux ? »
D’une voix tout à fait amicale, le chevalier du Lièvre rectifie : « Me racheter ? N’oublie pas que la coupable dans cette Guerre Sainte c’est Hébé. C’est elle qui a déclaré les hostilités, en attaquant le Sanctuaire. Je trouve juste dommage que son peuple en pâtisse. Mais j’imagine que cela n’est pas la réelle cause de ta présence à mes côtés Baucis ?! »
Habillée d’un court bustier grenat qui cache à peine sa poitrine sur-volumineuse et d’un short de la même couleur qui couvre presque ses fesses rebondies, la pulpeuse guerrière enlève son masque de femme chevalier : « Evidemment ! »
Philémon relève son buste et la dévisage avec insistance : « La fois où j’ai brisé ton masque, ton visage était maculé de sang, je n’avais pu admirer ta beauté. »
L’Alcide rougit mais n’en décolère pas pour autant.
_ « Tu sais qu’il faudra que je prenne ta vie tôt ou tard, alors pourquoi ne pas rester sur tes gardes ?
_ Parce que m’attaquer dans un tel contexte serait du suicide pour ton peuple. La population s’est rendue et le grand prêtre Acis qui la représente, a ratifié un traité de paix avec nos chevaliers d’or. Tuer un chevalier de bronze, alors qu’il est désormais un des magistrats de cette île, reviendrait à entacher ce traité et conduire au massacre les tiens. Ce n’est pas ce que tu veux et ce n’est pas ce que je veux non plus… »
Philémon s’assit les jambes croisées et achève sa phrase : « … De plus, rien ne dit que tu parviendrais à gagner contre moi, vu que lors de notre combat j’avais nettement l’avantage ! »
En entendant ces mots, le sang de Baucis ne fait qu’un tour et la voici qu’elle se jette sur le Saint qui malgré, son mètre cinquante-huit arbore une musculature impressionnante.
Il ne réagit pas et se laisse plaquer au sol tandis qu’elle prend son élan, le poing serré.
Elle abat son poing juste à côté du visage de Philémon, lui éraflant la joue et creusant un cratère dans lequel il tombe tous les deux, elle sur lui, lui toujours couché sur le dos et arborant un sourire enfantin, malgré les griffures sur son visage.
Baucis est enragée : « Qu’est-ce qui te fait rire ? »
Le Grec se retient l’espace d’une minute et plonge ses yeux bleus dans ceux de Baucis qui sont d’une couleur tout à fait semblable : « C’est la première fois qu’une femme aussi belle est allongée sur moi ! »
La Biche de Cérynie se dégage illico et part réajuster son masque, en dressant à nouveau avec rage son poing : « Comme les vôtres, nos armures sont vivantes. La mienne a nécessité énormément de mon sang et repose dans sa Pandora Box. Lorsqu’elle sera enfin régénérée je te donnerai la mort. »
Philémon continue de sourire et murmure en la voyant partir : « Pour revenir d’elle-même à la vie sans la faire réparer par un alchimiste, une armure met énormément de temps malgré le sang et sa Pandora Box. J’ai encore le temps de m’y préparer… »
Ce 22 juillet 1985, au Canada, la région de Nunavut est ébranlée.
Le sol tremble toujours dans la ville d’Arviat.
Après l’explosion qui a fait écrouler la maison où se trouvent Vasiliás, Bian et Dolly, à l’intérieur de l’immense nuage de fumée, provoqué par la chute des décombres, les Saints Noirs se camouflent des regards indiscrets du voisinage.
Les badauds tardent à sortir constater les dégâts dont il ne s’explique pas l’origine.
De sous les gravats, ressort Bian plus mort que vif, aidé par l’arrivée inopinée de Kassa : « J’ai été alerté par l’arrivée dans le secteur de cosmo énergies hostiles. Nous devons nous enfuir. »
Quelques mèches de cheveux s’échappent de sous une poutre en bois et alertent Bian : « Attends, Dolly est là-dessous… »
L’éloignant de toutes ses forces, Kassa le convainc d’abandonner sa vaine tentative.
_ « Elle est morte Bian. Il faut t’enfuir maintenant.
_ Et Vasiliás ?! »
Concomitamment, la voiture de Vasiliás regagne ce qu’il reste de son domicile et s’engage dans le nuage de cendre.
La portière s’ouvre, pour laisser apparaître la mine inquiète de l’ancien prétendant à l’armure d’or du Lion : « Mais qu’est-ce que… »
Vasiliás n’a pas le temps d’achever sa phrase que déjà, sous l’impulsion d’un cosmos ennemi, son véhicule vole en morceaux et laisse retomber au sol une carcasse métallique calcinée : « Te voilà enfin ! Il aura fallu suivre ton ami que nous avions laissé pour mort, afin que nous puissions mettre la main sur toi ! »
Dans le dos du Gémeaux Noir les silhouettes de ses six acolytes se dessinent.
_ « Mon ami ?! Qu’avez-vous fait à Bian ?! Où est-il ?! Comment se fait-il que des chevaliers noirs soient à ma recherche ?! »
Pointant du doigt sa proie, pour convaincre ses pairs de passer à l’attaque, Ankoku Gemini lance les hostilités en s’exclamant : « C’est le Sanctuaire qui nous envoie ! »
Les six compagnons d’arme du Gémeaux Noir chargent immédiatement Vasiliás qui essuie chacun des coups sans broncher.
Il est repoussé à quelques mètres en arrière, un peu plus loin dans le nuage de poussière et atterri jusqu’à Bian et Kassa.
Vasiliás remarque la présence de son ami et est ravi de le retrouver en vie : « Bian ! Comme je me suis inquiété pour toi. L’espace d’une seconde j’ai cru que… »
D’un ton rancunier, Bian le coupe en pointant du doigt le cadavre de Dolly : « Ça t’aurait bien arrangé, n’est-ce pas ? En tout cas je découvre ta vraie nature, tu t’es enfui de l’écroulement sans même chercher à la sauver. »
Vasiliás découvre la dépouille dépourvue de vêtement. Il apparait bien crédule : « Dolly ?! Mais comment est-ce possible ?! »
Resté en retrait, le sourire aux lèvres, Kassa feint d’être inquiet : « Nous devons fuir. Aussi puissant puisses-tu être Vasiliás, ces hommes sont trop nombreux pour que nous puissions en venir à bout. »
Ne parvenant pas à comprendre la ranc½ur de son ami, Vasiliás se veut bienveillant : « Tu as raison, vous allez pouvoir fuir. Moi je les retiendrai pendant que vous les sèmerez, car si je viens avec vous, ils ne vous laisseront pas repartir. Pars jusqu’au dispensaire retrouver Ariel et quitte le pays. »
Bian se défait de l’aide que lui apporte Kassa et serre le poing : « Comment peux-tu te soucier du sort d’Ariel, avec ce que tu viens de nous faire ?! Cependant, malgré tout, je ne t’abandonnerai pas, nous allons combattre ensemble, uniquement par respect pour tout ce que tu m’as appris. »
Vasiliás reste penaud : « Je ne comprends toujours pas ce que tu me reproches ? Quoi qu’il en soit je t’en conjure, quitte ce lieu. Tu es trop marqué pour résister à leur offensive. Kassa va assurer votre retraite. N’est-ce pas ? »
Kassa, satisfait de la confusion qu’il a créée entre Vasiliás et Bian, le rassure d’un hochement de tête et guide Bian…
Sa veste maintenant déchirée, Vasiliás la retire en même temps que sa cravate.
Il remonte les manches de sa chemise tout en fixant d’un regard froid l’approche de ses adversaires.
Sa chemise toujours ajustée dans son pantalon maintenant poussiéreux, il ferme les yeux pour faire le vide dans son esprit et accroît sa cosmo énergie dont l’effluve dessine derrière son signe zodiacal.
Devant lui, la troupe d’assassins avance en ligne.
Au beau milieu d’eux, juste à côté du Gémeaux Noir, le Sagittaire Noir sort son arc et pointe sa flèche maléfique en direction de Vasiliás.
Sans que Vasiliás ne rouvre les yeux, le Sagittaire Noir est pris d’un inopiné malaise.
En effet, son corps se raidit de plus en plus et des plumes d’ange venues des cieux pleuvent au-dessus de lui.
L’homme de grande taille et chauve, bouge avec difficulté sa mâchoire pour interpeller son chef : « Gémeaux Noir… J’ai… Je… »
Le Gémeaux Noir se retourne en direction de son subordonné qui ne peut désormais plus avancer.
Il lit dans ses petits yeux vert pomme, une immense crainte et comprend que Vasiliás est vraiment un être exceptionnel.
Devinant l’assaut imminent de l’Américain, il sonne la charge : « Chevaliers Noirs, à l’attaque ! »
Les cinq autres chevaliers noirs s’élancent. Au même instant Vasiliás rouvre les yeux et prononce le nom de son arcane dévastateur : « Byakûjin ! »
Les Plumes Célestes ayant déjà plu et jonchant le sol s’élèvent alors vers les cieux.
De concert avec celles qui tombent encore du ciel, elles transpercent ainsi toute la surface du corps du Sagittaire Noir.
Il demeure ainsi maintenu dans les airs par les milliers d’heurts qui le pilonnent.
Quelques secondes d’extrêmes douleurs.
Quelques secondes qui lui semblent être une éternité.
Quelques secondes durant lesquelles la douleur est si atroce que son c½ur ne parvient plus à l’encaisser.
Quelques secondes au bout desquelles Ankoku Sagittarius s’écroule en rendant son dernier souffle.
Cependant, la tornade de plume ne cesse pas pour autant.
Elle part à la poursuite des assaillants de Vasiliás.
Elle se sépare en deux.
Après avoir massacrée dans la verticalité Ankoku Sagittarius, elle se scinde en deux rafales qui traversent l’horizon.
Ainsi, elles perforent les poitrines des chevaliers noirs de la Licorne et de la Lyre.
Interdits, les trois autres Ankoku Saints stoppent leurs courses.
Le corps sans vie de la Licorne Noir tombe aux pieds de Vasiliás. Ses longs cheveux bouclés couleur cassis flottent dans le vent.
Celui de la Lyre est réceptionné par l’Américain.
En prenant la femme décédée dans ses bras, il remarque à quel point cette femme au crâne rasé était belle.
Néanmoins autre chose l’intrigue.
Freiné dans sa cours, le Lynx Noir remarque la gêne de Vasiliás et lui demande : « Est-ce le fait de tuer une femme qui te met dans cet état ? »
Vasiliás lève les yeux vers son interlocuteur et répond froidement : « Qui que soit l’adversaire d’un roi, il doit subir sa sentence sans traitement de faveur. Non, ce qui me gêne, c’est l’odeur que porte cette femme sur son corps. Elle porte la même odeur que la Licorne Noir qui gît à mes pieds. La même odeur que vous portez tous. Celle de mon maître. Klok Saint de bronze de l’Horloge. »
La voix du susnommé retentit aussitôt dans l’atmosphère : « Tes sens sont toujours aussi aguerris mon cher disciple. »
Le chevalier de bronze aux longs cheveux bleus apparaît derrière Ankoku Gemini…
Loin de là, au Sud du Sanctuaire d’Athéna, dans la chaumière de Myrrha dans le village de Noioso, des sanglots alertent la jeune femme et son amant.
L’homme au corps de rêve se redresse immédiatement et s’avance jusqu’à un berceau situé à l’opposé du logis.
Myrrha observe sa démarche et reste admirative devant ses fesses fermes et musclées : « Tu es toujours aussi beau Aphrodite ! »
Le Saint d’or du Poisson affiche un large sourire de satisfaction après ce compliment et attrape en chemin sa cape, qu’il tire puis enroule autour de sa taille, libérant ainsi l’armure d’or qu’il avait volontairement couverte, pour ne pas trop illuminer les lieux et réveiller l’enfant qui s’agite.
Aphrodite arrive devant le couffin et tend sa main devant le bambin qui fête aujourd’hui ses douze mois. Dans sa paume, son cosmos doré s’agite et forme une rose aux pétales aussi rouge que le sang. Il dépose la fleur à côté du visage du nourrisson.
_ « Et toi, tu es assurément bien plus beau que moi, Adonis…
_ Plus que d’éloges, c’est de nourriture dont ton fils a besoin en cet instant, les rejoint Myrrha !
_ Je sais que tu as peu de moyen. Je t’ai laissé un sac de sacres sur la table. Vous ne manquerez de rien Adonis et toi. Ma solde de Saint d’or est plus que suffisante pour subvenir à vos besoins.
_ Je n’aurai pas cru que tu viendrais pour ses douze mois.
_ Adonis est mon fils, il est ce que l’univers a pu concevoir de plus beau, depuis la création du monde. Ne pas le voir fréquemment me brise le c½ur tu sais Myrrha.
_ Pas d’attache, une vie libertine, les combats et ton propre intérêt, ta gloire, voilà à quoi se résume ta vie Aphrodite. Je refuse de mêler mon enfant à ce que tu ornes comme des trophées. Il n’en est pas un, il est le fruit de l’amour que j’éprouve pour toi et de la satisfaction que tu as eue, de pouvoir séduire une des femmes les plus courtisées du domaine. »
Le Suédois ne dit rien, ce constat de Myrrha, lui fait afficher un léger rictus de désappointement sur son visage.
Finalement, Aphrodite lève l’enfant et le prend dans ses bras.
L’espace d’un instant durant lequel il le couve de son cosmos, il fait cesser aussitôt ses pleurs.
Il lui murmure tendrement : « N’oublie jamais mon fils, que quoi que tu puisses penser de mon absence lorsque tu deviendras un homme, je l’ai fait dans ton intérêt. Je sais que tu deviendras beau et brave et feras oublier à ta mère le manque d’amour dont elle souffre. Je t’aime mon petit cadeau des dieux… »
Il tend enfin l’enfant à sa mère et ramasse son pantalon.
_ « Je reviendrai bientôt.
_ C’est ce que tu m’as dit il y a huit mois. »
La Cloth du Poisson se réajuste d’elle-même sur son propriétaire, hormis le casque que celui-ci prend dans ses mains pendant qu’il emprunte la sortie : « Alors considère que je reviendrai dans autant de temps… »
Arrivé dehors, il fixe son heaume sur son crâne et passe son index sous son ½il droit pour ramasser une larme.
Savoir qu’il a un enfant, qu’il ne prendra pas la peine de connaître, le chagrine.
Seulement, la vie qu’il mène n’est pas celle qui le destine à être un bon père de famille…
Last Edit: 19 November 2023 à 14h19 by Kodeni