Chapitre 28

Chapitre 28

Le soleil de plomb fait courber encore plus bas l’échine qu’à l’accoutumer à Gigas ce 22 juillet 1985.
Accompagné de Ptolémy Saint d’argent de la Flèche, il écoute le compte rendu des quatre mois écoulés depuis la victoire athénienne sur Yíaros.
Sévèrement dissimulé sous sa bure et son masque, Ptolémy parait moins souffrir de la chaleur que son supérieur.
Cachant ainsi à tous l’identité du fidèle messager du Pope, le Général et l’émissaire traversent le marché d’Honkios en échangeant d’un ton bas.

_ « … Et donc Shura et ses hommes prirent possession du Centre de la cité tandis qu’Apodis Saint de bronze de l’Oiseau de Paradis faisait diversion contre Baucis Alcide de la Biche de Cérynie à l’Est.
_ Brave Saint que cet Apodis. Le plan du Grand Pope lors de la fausse attaque de la Journée Sainte aura permis de le ramener dans le rang, se félicite Gigas.
_ En effet. Le lendemain matin, Aldebaran et le reste de nos cohortes assirent nos positions dans le Centre, obligeant Hébé et ses trois derniers Alcides à se retrancher dans son temple, le Parthénos. Des deux cents soldats athéniens conduits là-bas, la centaine ayant survécu s’installa partout dans les villages afin de remplacer la garde hébéïenne dont l’armée a été décimée. C’est là que vinrent prendre la relève quatre autres chevaliers de bronze.
_ Oui. La victoire acquise, le Grand Pope a préféré ramener auprès de lui ses forces. Shura, Aldebaran et Babel rentrèrent. Anikeï de Cassiopée, Carina de la Carène du Navire, Lena de la Boussole et, enfin, Taishi du Toucan vinrent compléter les équipes de Philémon du Lièvre et d’Apodis. Tout cela sous ton ½il avisé.
_ Absolument. Bien que lorsque l’heure de mon départ fut ensuite venue, Taishi n’était toujours pas parvenu à accomplir la mission pour laquelle le Pope l’a investi. Notre Grand Pope m’avait confié dans le courrier qui accompagnait l’arrivée de ces Saints de bronze que Taishi doit remettre à Hébé le bandeau prélevé sur le défunt Iphiclès Alcide du Lion de Némée et lui délivrer un message.
_ Atteindre Hébé n’est pas chose aisée. Ce que vous avez accompli sur l’île en si peu de temps est déjà miraculeux.
_ Pour cela nous avons pu compter sur la grande expérience de Lena et Apodis. Leur pratique des guerres passées en Egypte et en Inde et les leçons apprises auprès de Saints d’or lors de ces évènements ont facilité les négociations avec les Hébéïens.
_ La main mise athénienne plutôt tu veux dire, pouffe de rire Gigas ?!
_ La sagesse d’Hébé aura permis à Shura de vite obtenir sa réédition, tempère Ptolémy en souriant sous son masque. Elle a accepté la prise politique de l’île par Athéna en échange de la vie sauve du peuple hébéïen composé d’un millier d’habitants. Ainsi Shura n’eut pas de difficulté à déléguer à Apodis et Lena. Ils soumirent au peuple la reconstruction du port au Sud de l’île qui fut le théâtre des premiers affrontements sur Yíaros. Ainsi, en se montrant obéissant, les travailleurs reçurent des sacres afin de relancer le commerce sur l’île. Notre monnaie a instauré rapidement un climat de paix, en rétablissant un système de rémunération basé sur le mérite et surtout la possibilité pour le peuple affamé de vite pouvoir être à nouveau livré en vivres. Car en attendant, afin de soumettre par la faim le peuple, les rares récoltes étaient réquisitionnés par les athéniens. Nous les stockions dans le temple d’Héraclès où nos Saints ont établi leur quartier général après avoir chassé les représentants religieux.
_ Gouverner par la faim mais apporter rapidement la solution pour ne pas priver le peuple et éviter une insurrection désespérée fut bienvenue.
_ A raison de deux repas par jours, le peuple finit par trouver cela raisonnable. Il se déplaçait donc jusqu’à ce temple pour le rationnement. Et, nourri, contesta moins le couvre-feu qui interdit à quiconque de sortir de chez lui la nuit tombée, sous peine d’être immédiatement exécuté.
_ La raison d’un côté et la fermeté de l’autre, cette gouvernance mesurée a donc permis de vite se mettre le peuple dans la poche donc ?
_ Pas exactement non. Malgré l’investissement à la réfection du port, le civisme lors des rationnements et le respect apparent des règles de couvre-feu, de nombreux sabotages témoignant de la révolte du peuple hébéïen. Ces rébellions masquées continuent encore de mobiliser fortement l’armée athénienne en cette période d’occupation.
_ Ça n’est qu’une question de temps. L’éducation et l’instruction militaire sont désormais données en mixité dans l’ancien temple dédié aux femmes, le temple d’Héra, par des prêtres athéniens.
_ Oui, les responsables religieux hébéïens ont tous été remis à la vie civile et ont été ensuite mis à mort sur les places publiques après que nous ayons fabriqué de fausses tentatives de soulèvement afin qu’ils servent d’exemple pour les autres Hébéïens…
_ … et afin de faire disparaitre toute source d’une doctrine hébéïenne, précise Gigas. Sauf le Grand Cardinal Acis… »

Ignorant les liens qui unissent leur Grand Pope à Acis, sauveur de Saga et Kanon durant leur enfance, Gigas est interrompu dans sa conversation par un marchand qui insiste pour lui offrir une corbeille de fruit.
Alors que sa garde rapprochée se dépêche d’encercler le bougre, Ptolémy recule d’un pas pour se détacher rapidement de toute esclandre.
Heureusement, l’homme neutralisé est rapidement relâché après que Gigas d’un mouvement de main ne calme ses soldats tous porteurs de sa marque, un crâne monté d’un reptile tatoué sur la peau.
Ainsi, une fois la foule ramenée à ses occupations, Ptolémy réapparait au détour d’un stand auprès de Gigas qui déguste une grappe de raisin.

_ « … Tout à fait, reprend le Saint d’argent. Le Grand Pope a été très clair à ce sujet. Pour une raison que nous ignorons, il a insisté pour que nous veillons à ce que l’intégrité d’Acis soit respectée. Et cela nous fit grand bien finalement. Car sur demande de Lena et validation d’Hébé, sa sagesse permit à Acis de raisonner bon nombre de villageois belliqueux et ainsi leur garantir la vie sauve.
_ On ne peut pas en dire autant de l’autre cardinale. Celle qui régissait les Hébéïennes, ricane Gigas.
_ Non, déplore plus respectueusement Ptolémy. Elle préféra se suicider lorsque son temple fut investi et pillé par la milice athénienne.
_ Cela nous donna déjà l’occasion de nous épargner un coup de glaive.
_ Surtout que nos soldats ont beaucoup à faire. Sous la joute du Caporal Pullo, second derrière les Saints de bronze, les garçons hébéïens en âge de porter l’épée ont bien été contraints de suivre une éducation militaire, afin de constituer une nouvelle armée pour la défense de cette île au nom d’Athéna ainsi que d’Hébé lorsque celle-ci aura recouvert ses esprits et reconnue notre suprématie.
_ Dans l’attente, qu’elle pourrisse avec ses derniers fidèles dans son temple, conclut Gigas. »


Justement, depuis son temple, le Parthénos, imprenable jusqu’à maintenant, sonne la cloche annonçant l’heure du déjeuner.
Repliée sur Yíaros en compagnie des quinze derniers soldats de son armée qui veillent sur les issues de son palais, Hébé passe ses journées à regarder en direction des villages par les lucarnes laissées volontairement dans la roche pour permettre à l’éclat du jour d’y passer.

Soudain, la Déesse de la Jeunesse entend grincer les lourdes portes en bois massif du palais.
Dans ses hauts escarpins roses, elle court à vive allure en direction de l’entrée qui s’entrouvre sous la surveillance des quinze gardes.
Sa longue robe de satin rose pâle vogue dans les airs, tant elle se presse de trouver ses gens qui pénètrent dans l’enceinte hautement surveillée. Elle garde sa main gauche pressée contre sa poitrine, afin que son collier de perle ne virevolte dans l’élan de sa course.
Arrivée aux abords de l’entrée principale, elle découvre deux paysans et leurs b½ufs qui tirent un chariot.
Un soldat finit de les fouiller et s’agenouille devant ¼dipe qui veille au grain : « Seigneur ¼dipe, il s’agit bien des fermiers qui ravitaillent continuellement notre palais de vivres sur ordre des forces athéniennes. »
L’Alcide des Oiseaux du Lac Stymphale hoche la tête, afin de donner son approbation à son interlocuteur. Celui-ci ordonne aussitôt à ses pairs : « Videz le chariot et amenez les vivres en cuisine aux serviteurs de notre majesté ! Vite ! »

Subitement, les talons d’Hébé résonnent sur les dalles marbrées du palais et attire l’attention de tous les protagonistes qui s’accroupissent immédiatement.
Hébé s’empresse de relever les deux paysans en les prenant chacun par la main. Son cosmos les enveloppe instantanément et leur réchauffe le c½ur : « Je vous en prie, hommes de mon peuple, ne vous baissez pas devant moi lorsque je reste cachée dans ce temple, alors que mon rôle est de vous protéger. Dîtes-moi comment se déroulent vos vies dans la cité ? Les Athéniens sont-ils justes ? Manquez-vous de quelque chose ? Laissez vos c½urs me parler. »
Un seul paysan ose répondre à sa majesté. Il baisse les yeux et parle doucement : « La seule chose qui nous manque est notre liberté. Les débuts ont été difficiles mais plus nous nous montrons dociles et moins nous avons faim. Les Athéniens sont durs mais leurs sergents, les Saints de bronze, sont plus justes et compréhensifs. Néanmoins, aucun de nos maux ne doit être aussi douloureux que le vôtre de nous savoir soumis Majesté. Les nôtres en ont conscience et acceptent leur destin en ne se souciant que de vous. »
Quelques larmes roulent sur les joues de la déité où tombent quelques mèches de ses courts cheveux blonds : « Dîtes à mon peuple que mon âme est meurtrie à l’idée de devoir me cacher et que… et que… »
La malheureuse ne peut finir de prononcer ses doléances que le chagrin l’envahit. Elle s’effondre à genoux, visage contre terre, en sanglot.
Les soldats font évacuer les deux campagnards en ouvrant le moins possible les portes principales, devant lesquelles attendent en ligne l’escorte athénienne des deux hommes.


Plus bas, dans la cité, dans une des chambres du temple d’Héraclès, Anikeï, l’ancien élève d’Albior et ami de Shun, se tient droit debout contre un jeune habitant de l’île qu’il a plaqué contre le mur et avec lequel il partage quelques caresses affectives.
Pendant qu’Anikeï exalte, le rideau qui fait office de porte, est écarté par une jeune femme au visage dissimulé sous un masque havane, vêtue d’un pull blanc couvert d’épaulettes en cuirs et d’une jupe marron.
En recoiffant ses cheveux blonds aux reflets bruns, Carina déclare : « Anikeï ! Apodis et Lena ont été suffisamment clairs à ce sujet. Corrompre les habitants en leur promettant double ration n’est pas approprié à notre statut ! »
Anikeï libère le bel homme à qui il baise rapidement la bouche avant de lui dire : « Pars maintenant. Quitte ce temple. Nous nous reverrons demain. »
L’Ukrainien attend que son amant soit sorti pour répondre à Carina : « Carina, mon amie, hormis surveiller ce peuple quasi-discipliné et nous entraîner, nous n’avons rien à faire sur cette île. Cela fait quatre mois que nous sommes là…
_ Et nous risquons d’y rester encore longtemps. Alors tâche de ne pas salir l’image que nous sommes censés véhiculer ! »
Au moment où elle quitte la pièce, Anikeï lui annonce : « Tu devrais essayer pourtant. Ça te détendrait je t’assure.
_ Mon c½ur est ailleurs.
_ Il est mort Carina. Tu l’as lu de tes yeux. »
Le Saint de Cassiopée fait allusion au courrier reçu par un messager du Sanctuaire et écrit par Hyoga.
Ne sachant où trouver son amie Carina partie de Sibérie, l’apprenti Saint du Cygne a confié un courrier à un messager du Sanctuaire venu apporter une lettre au Seigneur Crystal écrite par Lena.
Dans celle-ci, il annonçait le sacrifice d’Isaac qui essaya de sauver son camarade lorsqu’il fut emporté par les courants marins en voulant voir sa mère.
Depuis, Carina n’arrive pas à faire le deuil d’Isaac qu’elle aime encore profondément.
La Russe rétorque : « Est-ce une raison pour entacher sa mémoire ? »
Une voix roque retentit depuis le couloir et les ramène à la raison. Il s’agit du mature Taishi, enfant de la fondation Kido et ancien élève à Oran en compagnie de Jabu. Devenu Saint du Toucan, il rappelle souvent ses camarades dans le droit chemin : « Allons ! Est-ce normal que nos soldats ne soient accompagnés d’aucun chevalier pour distribuer les vivres. Le rationnement est le moment propice aux écarts de conduites du peuple tout comme le couvre-feu. Vous devriez pourtant le savoir ! »
Anikeï sourit puis rejoint leurs : « Taishi mon ami, tu as raison. Comme toujours. »
Une fois seul avec Carina, le Japonais au menton carré et aux petits yeux noirs est vêtu de sa Cloth rouge et bleue. Il décrispe son visage fermé pour afficher une mine moins froide.
_ « Carina, sache que si tu en as besoin, je suis à tes côtés.
_ Ça ira Taishi. J’ai déjà Lena pour me confier. Elle a été mon professeur durant toutes ces années, je n’ai aucun secret pour elle. D’ailleurs je vais la rejoindre.
_ Elle est dans la forêt à l’Est de l’île en compagnie du caporal Pullo qui instruit aux armes les jeunes Hébéïens. Elle s’entraîne en compagnie de nos soldats.
_ Et Philémon et Apodis ?
_ Philémon fait une ronde dans les villages. Apodis est sur la côte Sud avec nos hommes. Il aide les Hébéïens à reconstruire le port. »


Pendant ce temps, au Canada, dans la région de Nunavut, au sein de la ville d’Arviat, Bian et sa petite amie sont attablés dans une auberge locale.
Ils partagent leur repas en compagnie d’un homme au visage creusé, au teint pâle et aux petits yeux sombres et sournois.
L’inconnu se tient voûté et rie aux anges en compagnie du couple. L’atmosphère est détendue et les spécialités semblent au goût des camarades. L’énigmatique jeune homme de vingt ans ne parvient pas à dissimuler sa laideur. Lorsqu’il rigole à gorge déployée, il dévoile ses dents pointues et mal entretenues.
Pourtant, cela ne coupe pas l’appétit de Bian qui apprécie la compagnie de ce Portugais d’un mètre soixante-huit. Contrairement à Dolly qui s’ennuie à mourir. Elle remonte sans cesse son maillot rouge qui offre un aperçu agréable à l’invité qui ne s’interdit pas d’admirer sa poitrine rebondie.

Tout à coup, depuis l’intérieur, on entend le claquement d’une portière de voiture que reconnaissent aussitôt Bian et Dolly.
_ « Ah… Vasiliás vient d’arriver, annonce Bian ! »
A cet instant, Dolly semble revivre enfin. Elle applique ses mains sur ses longs cheveux blonds pour s’assurer d’être présentable.
L’ignoble convive le remarque d’un coup d’½il en coin et observe l’entrée du fameux Vasiliás, resplendissant dans son costume blanc aux rayures et à la chemise grise, le cou à peine serré par sa cravate blanche.
Ses belles dents alignées offrent un sourire à la table des trois clients. Elles brillent presque autant que les diamants qu’il porte à chacune de ses oreilles et sont aussi claires que ses yeux bleus aux éclats verts.
Son allure faussement négligée, donnée par sa barbe de deux jours, aussi longue que ses cheveux d’à peine trois millimètres de hauteur, offre un charme fou à cet homme d’affaire sur lequel toutes les femmes de l’auberge se retournent.
Bian se lève de sa chaise pour accueillir Vasiliás qui lui serre fermement la main. Il baise les joues de Dolly sans lui prêter davantage attention, ce qui suffit toutefois à la jeune femme qui sourit timidement après le salut de l’Américain.
_ « Vasiliás, je tiens à te présenter mon ami Kassa, annonce Bian. »
Vasiliás tend sa main à Kassa qu’il fixe droit dans les yeux : « C’est donc toi le fameux Kassa dont Bian me parle si souvent. 
_ Je pourrai en dire tout autant de toi, répond d’un regard perfide Kassa. Cela fait des mois que Bian me vante tes mérites.
_ Hélas mes affaires à Miami nécessitent ma présence et je fais régulièrement la navette entre ici et la Floride ces dernières semaines. »

La propriétaire du restaurant reconnaît l’habitué qu’est Vasiliás et lui apporte un verre de vodka sans même lui demander quel plat il prendrait avec ça.
_ « Et qu’est-ce qui t’a amené dans ce coin perdu du Canada, poursuit Kassa pendant ce temps ?
_ Le besoin de me ressourcer au calme, botte en touche Vasiliás qui se sait fugitif aux yeux du Sanctuaire. Et toi ?
_ Je fuis la moquerie, le fixe avec insistance Kassa. Comme je l’ai déjà expliqué à Bian et comme tu peux le voir, je ne suis pas à ton image un modèle de perfection avec mon physique immonde et mes loques défraîchies. Au Portugal, d’où je viens, j’ai depuis mon enfance été martyrisé et moqué. Je suis venu chercher ici le calme loin du regard des gens.
_ Etonnant, fronce aussitôt les sourcils Vasiliás. Qu’un homme disposant d’une si grande cosmo énergie soit incapable de lutter contre l’intolérance d’autrui… »
Démasqué par cet ancien apprenti chevalier qui ne tourne pas autour du pot, Kassa perd tous ses moyens l’espace d’une seconde, il décroche son regard de celui de Vasiliás et est pris d’une suée inattendue.
_ « Je t’ai déjà expliqué Vasiliás que la frustration et l’endurcissement de Kassa lui ont permis de développer un potentiel dont il n’avait même pas idée, le couvre immédiatement Bian au grand dam de Vasiliás …
_ … effectivement ! Et lorsque j’ai compris comment me servir de cette énergie, j’ai appris de moi-même à l’apprivoiser et à la développer, surenchérit Kassa sauvé par la réactivité du Canadien. C’est ce qu’on appelle… »
En ch½ur, Vasiliás et Bian accompagnent la fin de phrase de Kassa à voix basse : « le cosmos ! »

A cet instant, à une table proche, deux hommes font un scandale.
L’alcool aidant, ils se permettent d’insulter la serveuse et de manquer de respect envers les propriétaires du restaurant avant de partir sans payer en promettant qu’ils reviendront se venger.
Cet excès de colère laisse la table de Bian bien dubitative.
_ « Quelle bande d’imbéciles, peste Bian.
_ Tu m’ôtes les mots de la bouche, colère Vasiliás. C’est contre cette mauvaise graine que j’espère un jour réussir à lutter.
_ Ce germe du mal est présent dans chacun des hommes, souffle dépité Bian. Il faudrait tous les supprimer.
_ Eliminer la race humaine est une solution extrême. Je suis convaincu qu'en assurant au monde la présence de chevaliers et qu'en leur imposant des lois strictes et semblables pour tous, quel que soit le pays ou la classe sociale de chacun, le monde se porterait mieux, assure Vasiliás.
_ Qu'en penses-tu Kassa, mesure Bian ? »
Resté en retrait, masquant sa satisfaction devant les propos du futur Marina, Kassa argumente subtilement en faveur de son prochain compagnon : « Et bien... Je ne voudrais pas dire de bêtises, mais il me semble que les propos de Bian sont les plus fondés. De tout temps, de toute époque, les hommes ont manifesté leur nature maléfique et cela sous tous les régimes politiques possibles. Ce n'est pas les lois qu'il faut changer, il faut changer les hommes. »
Vasiliás s’emporte immédiatement : « Tu proposes donc d'exterminer l'humanité toute entière toi aussi ?! »
Bian s'interpose : « Pas nécessairement ! Prend Poséidon pas exemple. Il ne souhaite pas anéantir la race humaine pour de bon, il souhaite purifier la Terre par les eaux. Les rares survivants deviendront ainsi fidèles et obéissants envers les dieux, comme cela devrait être le cas aujourd'hui. C'est la fuite des hommes vers d'autres croyances ou même l'abandon pur et simple de la foi qui poussent les dieux dans leurs derniers retranchements. Les hommes ne respectent plus rien, ni les divinités ni la terre qu'elles leurs ont confié. »
Kassa voile sa grande satisfaction en se contentant juste d’approuver d’un hochement de tête.

Le repas s’achève dans le calme, malgré les défis incessants que se lancent Vasiliás et Kassa du regard.
L’attention du Général de Poséidon est également posée sur Dolly qui depuis l’arrivée de Vasiliás n’a guère d’autre activité que de l’admirer.

Une fois le repas terminé, Bian choisit d’aller s’entraîner.
Kassa, lui, choisit de profiter des quelques lueurs du soleil automnale pour se promener seul dans la rue.
Vasiliás accepte la proposition de Dolly de la déposer chez eux, où Bian et lui partagent le même toit, avant de se rendre au dispensaire où travaille Ariel, sa petite amie et s½ur de Bian.


Au même moment, sous la Méditerranée, loin dessous les abysses, dans le sanctuaire sous-marin, à l’intérieur d’une pièce lumineuse de trois mètres carrés, au sol de marbre clair et aux murs de rochers blancs rectangulaires parfaitement taillés, un homme à l’opulente chevelure marine remue sur son lit en banc de pierre.
Kanon est perturbé dans son sommeil…

Flashback
1er septembre 1973.
Un homme aux cheveux à peine plus clair que lui et au physique similaire l’affrontait.
Saga Saint d’or des Gémeaux corrigeait son frère pour ses propos inopportuns.
Kanon lui avait soumis l’idée d’assassiner Athéna qui venait de renaître sur cette planète.
Déjà tourmenté par son secret depuis des semaines, celui qui le tiraillait au plus profond de son être, se revoyant assassiner Arlès, le jeune frère de Shion, puis ce dernier, Saga ne put supporter d’avantage les paroles démoniaques de son jumeau et choisit de l’enfermer au Cap Sounion.
A l’intérieur de cette prison de métal où il fut projeté par l’Another Dimension de son frère, Kanon l’implorait d’ouvrir les yeux.
_ « Saga, sors-moi de là ! Tu veux tuer ton propre frère ?
_ Kanon, tu pourras sortir de cette cellule, uniquement si c’est la volonté des dieux. Tu y resteras tant que le mal qui t’habite ne sera pas lavé… Jusqu’à ce qu’Athéna te pardonne. »
Kanon paniqua en voyant la mer monter et son frère quitter les lieux : « Sa… Saga… Les hommes comme toi s’appellent des hypocrites ! Ne pense pas pouvoir cacher indéfiniment le mal qu’il y a en toi ! Quel mal y a-t-il à ce qu’un homme puissant veuille conquérir ce dont il a envie ? Quel mal y a-t-il à utiliser la force que les dieux t’ont donné ? Saga… Je continuerai à te rappeler la fascination du Mal ! Saga, ta véritable personnalité c’est le Mal ! »
Avant de n’être plus qu’un point à l’horizon, Saga fut profondément ébranlé par une telle annonce en ce jour où il allait succomber aux tentations du malin.

Ensuite, Kanon essaya à maintes reprises de briser ces barreaux de métal fait d’orichalque.
En vain.
Il n’y avait aucun moyen de rompre ces tiges.
Tandis que la roche au-dessus de sa tête était trop lourde et l’aurait écrasé s’il avait essayé de la briser.
Son frère réussit à l’y précipiter grâce à l’Another Dimension, néanmoins, sans l’aide de quelqu’un maîtrisant le temps et l’espace, il lui était impossible de s’échapper.

Près de dix jours s’écoulèrent où lors de chaque marée haute la geôle de Kanon était inondée par l’eau.
Autant de jours où il erra entre la vie et la mort.
Il profitait de quelques instants de lucidité pour mettre au point une tactique similaire à celle de Saga. Elle consisterait à maîtriser l’espace et le temps afin de pouvoir fuir cette cellule. Mais le temps lui manquait. Souvent les eaux revenaient à la charge.
Heureusement, chaque fois qu’il se voyait mourir, un cosmos d’une intensité infinie et rempli d’une grande sérénité le sauvait.
Et, dès qu’il s’en sortait, il jurait de sortir d’ici et de tuer Athéna, sans réaliser qu’elle était celle qui le maintenait sauf.

Puis un jour, avant qu’il ne parvienne à achever sa technique du Golden Triangle, répondant à ses promesses hostiles, une lumière l’interpella du fond de la prison.
Il parvint à briser ce faux mur d’une faible épaisseur, pour découvrir dans cette nouvelle pièce, le trident de Poséidon scellé par Athéna.
Le temps aidant, les pouvoirs du sceau étaient estompés et, Kanon, de sa seule force, réussit à libérer l’arme de l’Empereur des mers.
Immédiatement, le jumeau de Saga fut aspiré dans les profondeurs sous-marines. La pression de l’eau lui comprima les organes et le manque d’oxygène lui fit perdre connaissances…
Flashback

Des pas résonnent dans les couloirs avoisinant la pièce où repose l’homme au sommeil agité.
Des soldats couverts d’armures en forme d’écailles approchent.
Ils arrivent à hauteur de la chambre sans porte où repose leur général.
Le plus grand d’entre eux ôte timidement son heaume et avance d’un pas timoré jusqu’à son seuil.
Là, il découvre leur chef à tous, allongé sur le dos, enroulé dans sa cape bleue marine, son imposante chevelure de même couleur dissimule son visage.
Le Marina tourne progressivement sa tête en direction d’une stèle sur laquelle resplendie la Scale du Général au repos, une monumentale armure en forme de Dragon des Mers.
Ayant tout tenté jusqu’ici pour ne pas réveiller brusquement le Général, le soldat espère désormais le sortir de son sommeil en se raclant la gorge. Tandis qu’il approche sa main de sa bouche, le souffle de son supérieur le fait frémir : « Que se passe-t-il soldat ? Ton cosmos transpire l’inquiétude depuis des kilomètres à la ronde. »
Surpris que le maître des lieux en l’absence de Poséidon l’ait ressenti venir malgré son repos, le Marina s’agenouille et baisse la tête en tremblotant : « U… u… Une révélation mon Seigneur. Le… Le temple de Poséidon… Une lumière scintillante vient de l’intérieur… »
Kanon se redresse en recoiffant par la même occasion ses cheveux : « Bien. Alors cela signifie que le dernier Général a été reconnu par sa Scale. Celui que nous observons depuis des mois est enfin prêt. Il sera temps bientôt d’accueillir le Cheval des Mers. »
Kanon se relève et couvre ses vêtements miteux de sa cape majestueuse afin de les cacher à ses hommes : « Réunissez les autres Généraux, je dois m’entretenir avec eux. »


A la surface, au Sud de l’île d’Yíaros, Apodis, torse nu, dans son pantalon couleur marine et ses sandales nouées autour de ses chevilles, participe à la réfection du port.
La peau dégageant une odeur de soufre provoquée par le soleil qui lui chauffe la peau, il soulève facilement dans ses bras d’épais arbres que les ouvriers peinent à guider en s’y mettant par dizaines.
Silencieux et austère depuis la victoire, inconsolable depuis le meurtre de son fils et de sa mère, Apodis n’en reste pas moins courageux et juste envers les innocents.
C’est pourquoi il se montre brave avec les travailleurs qui méritent leurs sacres pour s’accorder un minimum de confort maintenant que la juridiction du Sanctuaire est souveraine.
Ces travaux estivaux lui permettent de se vider l’esprit afin de s’appliquer à la reconstruction d’un port dont il a fait lui-même redessiné les plans.
Son acharnement et son entêtement à offrir ses services aux villageois ont convaincus certains soldats athéniens de faire de même.
Malgré son manque de sympathie à l’égard du peuple, Apodis est certainement l’Athénien que les Hébéïens apprennent le plus à apprécier.
Néanmoins, malgré son acharnement, rien ne permet à Apodis de chasser ses souvenirs du passé.
Dans la routine de ses travaux, il revit la fin de la bataille de 1979 contre Arès, lorsqu’il venait de libérer le Sanctuaire de deux Berserkers et que seul le front droit de l’armée athénienne, était encore sous la menace des Arèsiens…

Flashback
Les hommes qui formaient les rangs sur les lignes latérales droites du champ de bataille restaient les seuls à être encore aux prises avec les Arèsiens.
Bien que le Sanctuaire semblait avoir repris le contrôle de la bataille, Arès était déterminé à réaliser le plus gros carnage possible pour que sa défaire ne soit pas vaine.
Sur ce flan en souffrance, Apodis remarqua que du haut de son cheval d’ébène, le dernier Berserker et sa cohorte y dominaient les débats.
Il était temps pour Apodis d’utiliser le savoir que lui avait légué Pajaros, le Wing Jikan No Yoyu.
Les étendards d’Arès et les immenses catapultes tombés au sol ou consumés par les flammes des torches athéniennes n’affichaient plus aucun signe de menace.
Seulement, il restait ce Berserker qui méritait de ne pas être pris à la légère.

Au Centre, dans le camp des Athéniens désormais numériquement dominants, Apodis portait sous chaque bras Pullo et Cliff qu’il confia à un des gardes : « Soldat, puis-je te confier ces deux hommes ? Leur survie dépend de toi ! »
L’homme n’hésita pas face à un Saint de bronze : « Bien Sergent ! »
Après avoir été nommé ainsi, Apodis sentit en lui une grande fierté. Lui, le jeune freluquet qui traînait des pieds il y a encore quelques heures, devenait une figure aussi importante que Circinus du Compas qu’il voyait au loin en difficulté contre Antiochos, le dernier Berserker, et ses hommes.

Apodis rejoignit les troupes de Circinus en se débarrassant des Arèsiens qui se dressaient sur son passage.
Le Saint de bronze du Compas constata que l’armure que portait son ami Pajaros il y a encore quelques minutes était désormais sous l’égide d’un nouveau chevalier : « Tu tombes bien Saint ! Je ne m’attendais pas à ce que l’armure de l’Oiseau de Paradis trouve aussi vite un nouveau porteur ! Ton aide va nous être précieuse. Un messager m’a prévenu que notre armée avait remporté la victoire au Nord du domaine et que le Grand Pope avait fait dépêcher les Saints encore debout là-bas pour nous prêter main forte. En attendant, nous devons empêcher la troupe de ce Berserker de rallier les leurs qui sont encore plus haut à l’Ouest, sinon nous pourrions compter de nombreuses pertes. »
Effectivement, les troupes du Berserker étaient encore fort nombreuses et vaillantes. Elles étaient déterminées à faire le plus gros massacre possible dans ce dernier baroud d’honneur.

Du haut de son cheval, Antiochos parvenait sans peine à canaliser l’énergie cosmique provoquée par les attaques de Circinus.
Circinus allait faire une énième tentative lorsque Apodis se mit sur son chemin.
_ « Que fais-tu chevalier ? Aurais-tu perdu la raison ? Par désespoir de cause tu aurais choisi de nous trahir !
_ Ne dîtes pas de sottises Saint du Compas. Je tiens juste à éviter que vous ne gaspilliez votre énergie à rien. Jusqu’ici il a réussi à bloquer votre arcane ! »
Une voix féminine confirma alors les propos du Saint débutant.
La jeune femme portait une armure d’argent avec un Aigle en guise de diadème.
Son visage était dissimulé mais sa voix était claire et impérative.
Marin pointa du doigt Apodis : « Ce Saint de bronze a raison ! Ce serait te fatiguer pour rien Circinus. Le Pope m’a fait venir depuis les remparts du Nord pour vous aider, alors écoutez-moi bien. Saint de bronze, penses-tu être en mesure de me frayer un passage jusqu’à ce guerrier ? Circinus, ne maîtrisant que des attaques psychiques, m’accompagnera face au Berserker pour le neutraliser. »
Aussitôt Apodis vit l’occasion d’utiliser l’énergie conférée par Pajaros, grâce au Battement d’Ailes Majestueux de l’Oiseau de Paradis, le Wing Jikan No Yoyû.
Le nouveau chevalier se mit alors en tête des troupes, pour ne pas embarquer le moindre des siens dans la tempête qu’il allait provoquer.
Trop fougueux, il se prépara sans la moindre discrétion et Antiochos Berserker maîtrisant le feu, projeta une comète de lave en sa direction.
Stupéfait, Apodis ne put l’esquiver, heureusement Marin se dressa bras croisés devant lui pour faire écran avec son corps : « Ne t’inquiète pas. Je veillerai sur toi. Sois plus prudent à l’avenir ! »
Outré d’entendre une si jolie voix se vouer à être son ange gardien, Apodis décréta que c’était plutôt à lui de couvrir Marin. Il se remit de ses émotions en déblayant le passage jusqu’à Antiochos. Ses bras s’écartèrent et lorsqu’il ferma les yeux, il l’aperçut, Pajaros, l’ancien Saint de bronze de l’Oiseau de Paradis. Il sentait à travers son armure qu’il l’accompagnait, le guidait, dans l’utilisation de son arcane.
Antiochos devina la tentative. Il descendit de sa monture et colla sa tête contre celle de son cheval. Il lui prononça quelques mots à l’oreille puis l’animal parti au trot, s’effaçant dans la foule.
Antiochos était prêt. Il savait que Marine protégerait Apodis jusqu’au bout et que ses hommes allaient être condamnés par ce que préparait le Saint de bronze. Le mieux qu’il fallut faire pour lui était de rassembler ses dernières forces. Le combat qu’il allait mener serait décisif pour les siens comme pour les Athéniens.
Apodis ouvrit ses yeux et balança ses bras en avant comme un battement d’ailes, ressentant cette sensation de puissance propre à tous les guerriers qui maîtrisent le cosmos : « Wing Jikan No Yoyû ! »
Immédiatement, une puissante bourrasque souleva les corps face à Apodis, les déchirant dans les airs, brisant les armes ainsi que les roches alentours.
Seul Antiochos restait fixé au sol, autour de lui retombait un monceau de cadavres arèsiens.
Les râles de douleur ennemis n’impressionnaient pas Apodis, au contraire, il en était satisfait car il se remémorait les paroles d’Orphée avant que celui-ci ne se jette dans la bataille…

Le Saint de la Lyre évoquait cette femme, Eurydice.
Il tenait à la protéger, tout comme Apodis tenait maintenant à protéger celle qui lui avait accroché ce ruban autour du poignet, Netsuai.
Grâce à son geste, Apodis comprit que plus jamais il ne perdrait son opiniâtreté.
La haine, la violence, il a ça dans le sang, son père les lui a transmises. Mais au-delà de Frontinus, il y avait sa mère. Il réalisa qu’il était un mélange de bonté et de fureur, il avait tellement canalisé ses émotions jusqu’ici, renfermé dans une profonde frustration, que libérer un tel potentiel destructeur était en tout point réjouissant.
Il s’était retrouvé, il avait retrouvé sa personnalité de poète, d’homme inspiré car il avait trouvé sa muse, Netsuai.
Tout comme Orphée, il était devenu un être d’exception, en plus du talent, il avait un devoir.

Cette prise de conscience réchauffa davantage son âme. De façon encore plus puissante que le cosmos laissé par Pajaros. Apodis perçu alors la chaleur d’une femme, d’une déesse. Athéna l’avait reconnu parmi les siens, il en était persuadé.

Les rangs d’Antiochos furent grandement diminués, ce dernier désarçonné.
Désormais, Apodis menait les soldats contre ceux restants, animé d’une folle volonté de vaincre.
Il laissa ainsi le champ libre à Marine.
Elle se présenta face à Antiochos en compagnie de Circinus.
Antiochos était à genou, les mains ouvertes vers le ciel. Il semblait prier. Son casque était tombé à côté de lui et sa longue épée était plantée dans le sol.
Il paraissait être le plus jeune des Berserkers. Son visage était ferme. Il paraissait intouchable malgré la posture dans laquelle l’avait mis Apodis.
Ses cheveux forts blonds, en batailles, lui donnaient vraiment un aspect juvénile.
Il était de taille moyenne et plutôt bien bâti.
Sa Nightmare ne présentait aucune trace de lutte, comme si jusqu’ici il avait vaincu tous ses adversaires sans jamais être inquiété.
Leur imposant un profond respect, Marin et Circinus attendirent que le Berserker finisse sa prière. Ce dernier n’oublia pas de les remercier quelques secondes plus tard en réajustant son casque : « Vous êtes des soldats bons, Saints d’Athéna… »
Sa voix était douce et posée : « Vous estimez votre ennemi et je saurai m’en rappeler. Depuis la nuit des temps on vous présente comme des faiseurs de miracles. C’est donc un immense honneur de lever l’épée contre vous. J’espère être moi-même capable d’accomplir des miracles, choses qui ne sont propres qu’à nos maîtres, les dieux. J’implorais à l’instant mon maître, Arès, de faire de mes flammes celles qui le guideront à la victoire. Enfin… Je parle, je parle et j’en oublie les présentations… Je suis Antiochos Berserker maîtrisant le feu. On me présente comme étant le plus puissant des chevaliers d’Arès, je préfère être estimé comme le plus juste. C’est pour cette raison que je vous prie de bien vouloir cesser cette lutte inutile et d’offrir vos vies en sacrifice à Notre Seigneur. »
Circinus afficha un rictus : « Alors toi ! Alors qu’Apodis t’as mis au pas… Tu ne manques pas de culot ! Je vais te faire ravaler tes belles paroles ! Funerary Torments ! »
Circinus colla ses mains contre ses tempes et semblait entrer par télépathie dans l’esprit d’Antiochos.
Le Berserker ramassa alors son épée et dessina avec un cercle de feu.
Par l’incandescence de ses flammes, il créa un bouclier cosmique autour de lui : « Tu es bien ridicule d’essayer de m’atteindre avec cette technique, alors que depuis tout à l’heure je parviens à la contrer ! Si tu n’es pas capable de passer à autre chose, je te conseille tout de suite de m’offrir ta vie. Nous gagnerons du temps. »
Circinus serra les dents de rage.
Contre les conseils de Marin, il se lança à corps perdus sur Antiochos.

Rapide et fluide, le jeune homme esquiva les coups de poings et de pieds du vieux Saint de bronze.
Marin ne se résolvant pas à perdre inutilement un allié, elle se joignit à Circinus.
Antiochos était bien trop doué pour être alarmé, il commença à riposter.
Marin faisait face à merveille mais Circinus subissait à chaque fois les coups de son adversaire. Le Berserker comprit vite comment se défaire de lui. Pour cela, il lui fallait déjà écarter Marin. Il pointa sa lame vers elle : « Ignited Needles ! »
Les Aiguilles Enflammées vinrent transpercer Marin qui retomba à quelques mètres sur le ventre sans avoir eu le temps de réagir. Puis, d’un revers de main, Antiochos abattit son épée chargée de cosmos sur le flanc de Circinus. La collision fut si forte que l’armure se fissura et la lame pénétra de quelques centimètres la chair de Circinus : « Tu as bien de la chance que ton corps soit couvert par ta Cloth. Malheureusement ce n’est pas le cas de ta gorge ! Je vais la transpercer immédiatement et venger la mort de mes hommes. »
Il posa la lame sur le cou de Circinus et appuya tout doucement.
D’abord piqué par la pointe d’acier, la gorge saigna.
Antiochos allait appuyer davantage sans compter sur le retour triomphant de Marin : « Ryu Sei Ken ! »
Les Météores le rossèrent de toute part, entamant même sa Nightmare.
Sans fléchir, Antiochos fit face avec calme : « Tu as pu te relever après que mon épée t’ait envoyé ses Aiguilles Enflammées ! Tu m’épates ! »
Marin se mit en garde. Bien qu’elle soit agile, elle ne pouvait rien faire contre la lame du Berserker d’Arès qui la manipulait à merveille. Il finit par lui écorcher les deux cuisses pour la faire chanceler.
Antiochos l’accula contre une roche et poursuivit son discours : « Il parait qu’Athéna hait les armes et qu’elle n’autorise que ses soldats à en porter. Le corps d’un homme maîtrisant sa cosmo énergie n’a rien à craindre d’une arme, qu’elle soit à feu ou tranchante. Une arme devient dangereuse uniquement lorsqu’elle est portée par un autre guerrier ayant une emprise sur son cosmos. Voici pourquoi ma lame gorgée de cosmo énergie peut entamer n’importe quelle surface comme vos armures, qu’elles soient de bronze ou d’argent ! »
Il pointa son épée vers le ciel en la maintenant avec ses deux mains. Ses pupilles s’illuminèrent : « Voici la plus puissante technique armée de mon épée ! Fire Sword ! »
L’épée s’enflamma et fondit sur Marine, impuissante…
Apodis surgit alors devant l’Epée de Feu et déclencha à nouveau son arcane : « Wing Jikan No Yoyû ! »
Positionné juste devant le Berserker, Apodis réussit à créer un vent si puissant qu’il souleva son athlétique adversaire du sol et l’envoya dans les cieux, lacéré par la tempête.
Apodis se retourna ensuite devant Marine et du coin de l’½il, pour la rassurer, il annonça : « C’est à ton tour de ne plus t’inquiéter. C’est moi qui veillerai sur toi désormais ! »

Non loin de là, le corps d’Antiochos retombait en direction du sol.
Celui-ci, conservant son calme habituel, effectua un déhancher dans les airs pour se réceptionner sur ses jambes. Il pointa sa lame en direction d’Apodis : « Alors voici celui qui a mis à mal Evhémère et Diodoros et qui a pris le loisir de terrasser bon nombre de mes hommes. »
Apodis se tenait fièrement en entamant un magnifique jeu de jambes.
_ « Le Wing Jikan No Yoyû m’a pris par surprise. Je t’ai déjà vu l’utiliser contre mes hommes et je saurai le contrer maintenant. Quant à cette technique invoquée contre Diodoros, le Frantic Fury, il te faut concentrer un maximum d’énergie, ce qui prend du temps et ce que tu as pu faire car Diodoros te sous-estimait. Sache que ce n’est pas mon cas. Mais même si ma victoire est certaine, je te voue une profonde considération je te l’assure.
_ Peu importe que tu puisses contrer mes techniques ou non ! Mon but est de détruire cette épée. Moi aussi je t’ai observé et sans ton arme tu n’es rien !
_ Je te mets au défi d’essayer ! »
L’épée découpait le vent et s’agitait dans la direction du chevalier d’Athéna sans que jamais il ne se fasse avoir.
Pourtant, il lui était impossible de contre-attaquer tant la garde adverse était parfaite. L’endurance lui manquait alors qu’Antiochos paraissait en pleine possession de ses moyens.
Il remarqua qu’Apodis peinait à maintenir sa vive allure : « L’oisillon que tu es est sorti trop tôt de son nid. Je vais lui transpercer les ailes avec mes Aiguilles Enflammées ! Ignited Needles ! »
Des centaines d’aiguilles enflammées jaillirent de son épée, pour transpercer de part en part le chevalier.
Impuissant, Apodis sentit d’innombrables piqures dévorer sa chair, passant même à travers son armure.
Il retomba non loin de Marine.

Derrière Antiochos, Circinus rassemblait ses dernières forces pour les sauver tous les deux.
Antiochos fit mine de ne pas le percevoir.
Il leva son épée au ciel et invoqua sa toute puissance : « Fire Sword ! »
Alors qu’il abaissait l’épée dans la direction d’Apodis et de Marine, il pivota en arrière et la pointa finalement sur Circinus qui fut pris par surprise.
Une boule de flamme vint emporter Circinus.
Au milieu du foyer, un semblant de lamelles tranchantes entama sa peau pour laisser le feu s’y engouffrer.
Antiochos dirigeait sa sphère de feu, semblable à un soleil, grâce à la pointe de son épée.
Il leva son soleil vers le ciel.
A cet instant, au beau milieu de la nuit, le champ de bataille fut illuminé comme si l’assaut se déroulait de jour.
Enfin, Antiochos ferma les yeux et la boule de feu explosa, laissant retomber Circinus, le corps calciné et sectionné de toute part, à des lieues d’ici.
Marine et Apodis, épuisés, furent incapables de faire le moindre mouvement.
Le Saint d’argent de l’Aigle venait de lutter elle aussi au Nord et n’était donc pas en pleine possession de ses moyens.
_ « Voici donc deux oiseaux ne pouvant prendre leur envol après avoir eu les ailes consumées, commençait à savourer Antiochos… »
Quand, inopinément, le cor du Sanctuaire l’interrompit.

A l’Ouest, la victoire d’Orphée et des Athéniens était totale.
Les troupes remontaient jusqu’à Antiochos et le peu d’hommes qu’il lui restait.
La tendance changea, les soldats d’Arès étaient enfin encerclés et en infériorité numérique.
Pour la première fois, Antiochos semblait troublé. Il était pressé d’en finir : « J’ai l’impression qu’il faut que ce soit moi qui me débarrasse de votre lieutenant. Le Saint de la Lyre aura été déterminant dans cette bataille. Il n’y a rien à voir avec vos faibles cosmos. Je vais vous écraser avant de me défaire de lui ! »

Apodis se dressa devant Marine pour agir tel un bouclier humain et protéger sa supérieure. Son initiative ne fut pas nécessaire puisque déjà Orphée avait choisi de les rallier sur le flanc droit avant même qu’Antiochos n’exécute le moindre mouvement.
_ « Pourquoi ne pas entamer tout de suite notre combat Berserker ?
_ Voilà une proposition qui me convient, fut ravi Antiochos. Je vais trancher les cordes de ta lyre avec mon épée de feu. »
Il se retourna brusquement pour menacer Orphée de sa lame, mais le Saint d’argent s’était déjà volatilisé.
Antiochos tournait anxieusement la tête pour trouver où était passé le lieutenant.
Il le découvrit trop tard puisque Orphée arriva par les airs et frappa du poing la clavicule gauche d’Antiochos.
L’onde de choc produite fut si grande qu’elle s’élargit sur le long du bras gauche d’Antiochos.
La Nightmare protégeant cette zone éclata.
Ses veines se gonflèrent de sang et finirent par exploser.
Les tendons et les nerfs lâchèrent.
Son bras pendit le long de son corps.
Orphée s’apprêtait déjà à donner le coup de grâce : « Stringer Fine ! »
En jouant quelques notes, les cordes de sa lyre se jetèrent sur Antiochos pour le faire prisonnier.
Toutefois, avec son seul bras droit, le blondinet brandit son épée et la fit tournoyer devant lui pour laisser les cordes s’enrouler autour de sa lame.
Une fois que cela fut fait, il tira son épée au ciel, ses yeux s’enflammèrent : « Ne crois pas avoir gagné si vite. Maintenant tu es à ma merci : Fire Sword ! »
L’incandescence de la lame enflamma les cordes.
Le feu remonta jusqu’à la lyre d’Orphée pour le frapper.
Les flammèches, une fois arrivées à sa hauteur, devinrent un énorme brasier qui forma un soleil qu’Antiochos leva à nouveau pour le faire imploser dans le ciel.
Orphée retomba, à demi conscient, devant Marin et Apodis.
Sa lyre, démunie de cordes, réduites en cendres, chuta au beau milieu d’un attroupement qui mêlait soldats athéniens et arèsiens.

En regardant autour de lui, Apodis voyait que les zones de combats diminuaient.
Alors qu’au commencement de la bataille, les deux camps occupés des hectares entiers, maintenant ils ne couvraient que quelques mètres ici et là.
Les zones abandonnées étaient devenues des charniers, desquels ressortaient quelques rescapés qui venaient réintégrer le combat pour y mourir. D’autres, allongés, gémissaient, ils avaient les membres sectionnés, les os brisés ou encore les corps bloqués sous les décombres.
Dans ces zones semblables à des nécropoles, on ne distinguait même plus qui appartenait à quel camp. Tous les soldats étaient égaux face à la mort…

Une mort à laquelle Orphée ne voulut pas se soumettre.
Il se redressa uniquement pour couvrir Marin et Apodis, face au Berserker qui n’avait plus qu’à lui trancher la tête pour crier victoire.
Antiochos prit une impulsion avec son seul bras droit et destinait le crâne d’Orphée comme point de chute de sa terrible épée.
Trop épuisé pour réagir, Orphée ne vit pas qu’avec un tel emportement Antiochos avait abandonné sa garde.
Apodis puisa dans ses dernières forces et se manifesta devant le Saint d’argent.
Antiochos invoqua son arcane : « Fire Swo… »
Complètement démuni, Antiochos ne put que ressentir l’ambleur des dégâts. Apodis le cognait en plein thorax avec son Battement d’Ailes Majestueux : « Wing Jikan No Yoyû ! »
L’élan d’Antiochos, fit abattre lourdement son épée contre la colonne vertébrale d’Apodis, entamant légèrement son armure.
Antiochos, lui, fut soulevé une fois de plus du sol. Mais cette fois-ci sa Nightmare fut complètement brisée au niveau de la zone ventrale, arrachant même ses vêtements.

Epuisé, Orphée observa le corps d’Antiochos retomber à hauteur de la brèche faite dans les murailles du Sanctuaire, là où attendait le cheval ébène du Berserker.
Orphée balbutia en se relevant : « Le Berserker… Il ne doit pas s’enfuir… »
En boitant, il traversa le dernier attroupement, où la bataille commençait à prendre des allures de victoire pour l’armée athénienne.
Il ramassa sa lyre au passage en esquivant les haches. Les épées. Les flèches. En fracassant ses adversaires en brisant du revers de la main leur nuque. En délogeant leur c½ur par la force de ses poings…
Apodis releva Marine et suivit son lieutenant en l’imitant face à l’ennemi.
Lorsqu’ils sortirent de la foule, ils observèrent Antiochos, le ventre profondément écorché par le vent violent d’Apodis, le bras gauche ensanglanté et le visage épuisé.
Malgré tout, Antiochos voulait se relever en prenant appui avec sa main droite sur la selle de sa monture. Il se parlait à lui-même : « Ma famille… Cette terre était la leur… Ils ont été massacrés par la folie des hommes car Athéna n’a pas su atténuer leurs bêtises. Maître Arès doit gagner cette bataille pour faire couler le sang impur de ces hommes abjects et recréer un monde nouveau… Je… Je dois me relever… Pour ma famille… »

En titubant, Apodis approchait le cheval qui s’agitait et s’inquiétait pour son maître.
Le Saint de l’Oiseau de Paradis lui caressa la tête et le fixait dans les yeux pour lui communiquer toute sa compassion.
Il ne restait plus qu’une corde qui pendouillait sur la lyre d’Orphée.
En la caressant de sa main avec son cosmos bienfaisant, le chevalier d’argent la fit s’agrandir pour qu’enfin sa lyre en soit totalement recouverte.
L’instrument était comme neuf.
Antiochos était enfin debout, se tenant sur une jambe.
Son genou droit avait dû se briser en retombant au sol après l’arcane d’Apodis. Il avait la bouche tellement ensanglantée que les dents de ce beau blond n’étaient plus visibles, ni même son regard de braise tellement il peinait à ouvrir les yeux.
Antiochos lâcha la selle de son cheval.
Apodis s’en saisit pour reculer l’animal du lieu où son maître allait tenter le tout pour le tout.
Antiochos pleurait adressa à son fidèle destrier qui rechignait à suivre le Saint d’Athéna : « Allons Sinir, toi, moi fidèle compagnon, calme-toi. Remercie plutôt ce glorieux chevalier de bien vouloir veiller sur toi. Je n’ai jamais autant douté de moi tu sais, c’est pour cette raison que je te prie de bien vouloir rentrer auprès de notre maître Arès si jamais je devais périr dans ce combat… »
Soudain, il toussa du sang, il commença à vaciller… Juste avant de tomber il se reprit : « Lieutenant Orphée de la Lyre ! Il n’y a pas que mon épée qui soit brûlante ! L’espoir qui fait battre mon c½ur peut être encore plus chaud que n’importe quelle source lumineuse sur cette terre. »
Le corps d’Antiochos devint étincelant.
De petites flammèches commencèrent à surgir de son corps.
Il était volontairement entré dans un état de combustion.
On le vit serrer fort la mâchoire pour ne pas laisser s’échapper la douleur.
Son cosmos accroissait de façon démesurée.
_ « Puisque nous sommes condamnés à la défaite, alors je vais devenir moi-même un soleil pour brûler ce qu’il reste de ce champ de bataille et faire subir au Sanctuaire les plus lourdes pertes humaines qu’il a connu… »
Les flammes qui jaillissaient de son corps se mêlèrent aux effluves de son cosmos pour former un astre : « Human Torch ! »
Dès lors, l’énergie produite par sa sphère de feu agit comme un aimant et commença à attirer vers lui les objets les plus légers.
Suivirent quelques cadavres alentours.
Apodis, Marin et Orphée durent se faire lourds sur leurs appuis pour ne pas être embarqués.
Orphée prit donc les devants : « Berserker, ta cause est noble mais contraire à la nôtre. Tu souhaites imposer ta paix et ramener les hommes à la raison, en brisant ce qu’Athéna a protégé depuis des millénaires, des vies. Aujourd’hui tes hommes s’écroulent tandis que les nôtres se relèvent. La victoire est acquise en notre faveur. Je n’ai pas l’intention de te laisser détruire tout cela. Je sens que ton corps et ton c½ur souffrent. Je vais donc les apaiser en jouant de ma lyre. Tu vas sombrer dans un profond sommeil. Les notes que je te destine vont soulager ton esprit et ainsi ralentir les battements de ton c½ur à tel point qu’elles annihileront totalement tes flammes. »
Antiochos voyait ses membres se désintégrer sous la chaleur de son attaque.
D’abord ses mains et ses jambes.
Son esprit n’allait plus faire qu’un avec cette technique. Orphée devait faire vite.
Une douce sérénade retentit donc dans les airs.
Elle parut comme un doux appel au calme.
Néanmoins, pour Antiochos, elle représenta une réelle contrainte puisqu’elle amoindrit l’étendue de sa lumière.
Son soleil commença à se réduire en un vulgaire feu de bois, alors que son corps refroidit.
Peu à peu, la boule de feu laissa apparaître un homme brûlé au troisième degré.
Lévitant par l’émanation de son énergie, Antiochos regagnait doucement le sol.
N’ayant plus ni bras ni jambes, déjà calcinées, l’amenuisement de son cosmos le fit reposer étendu à terre. Incapable de la moindre réaction.
Tout le derme était lésé.
Il n’avait plus de cheveux.
Sur son visage on ne pouvait plus distinguer ses yeux, de sa bouche, de son nez ou de ses oreilles.
Sa peau était noire, carbonisée.
Ses expirations s’apparentèrent davantage à des gémissements de la douleur.
Sa tentative a coupé court au moment le plus technique. Le plus pointilleux. Là où il devait se débarrasser de son corps de chair afin que son cosmos ne fasse qu’un avec la sphère de flammes.
Orphée n’interrompit pas sa sérénade pour autant.
Bienveillant, il espérait abréger au plus vite de telles souffrances. Il murmura graduellement : « Death Trip Serenade. »
Dès lors, la douleur ne sembla plus préoccuper Antiochos. Des larmes coulèrent le long des joues d’Orphée tandis que Sinir, le cheval du Berserker, s’approcha de son maître agonisant. Sans même pouvoir regarder sa monture une dernière fois, Antiochos lui fit ses adieux : « Je compte sur toi Sinir pour transmettre mon message… merci pour toutes ses chevauchés que nous avons réalisé ensemble mon fidèle compagnon… »
Orphée cessa de jouer : « C’est terminé, Antiochos Berserker d’Arès vient de rendre son dernier souffle. Mon requiem l’a accompagné dans la mort en l’aidant à faire abstraction de la douleur. »
Sinir fit quelques cabrioles en hennissant, comme s’il rendait hommage à son cavalier.

Apodis aida Marin à se tenir droite et observa en sa compagnie l’étendue des dégâts.
Il devait rester une bonne centaine d’Athéniens. Ils aidaient les blessés à tenir bon, ou terrassaient les derniers soldats d’Arès qui se traînaient au sol pour fuir.
Orphée gagna une des tourelles jointes aux remparts qui tenait encore debout.
Du haut de celle-ci, il prit une forte aspiration : « Soldats, Saints, mes frères ! Le soleil ne tardera pas à se lever d’une couleur rougeâtre une fois encore. Vous portez sur votre corps le sang de nos compagnons ainsi que celui de nos ennemis. Nous avons tenu le Sanctuaire tandis que nos Saints d’or affrontent Cronos ! Je ne sais comment vous remercier d’avoir tenu aussi longtemps, alors que la situation fut plus d’une fois critique. Athéna a béni vos vies. Soyez-en fier ! »
Tous les hommes levèrent leurs bras en l’air en hurlant : « Gloire à Athéna ! »

Après cette rapide scène de liesse, comme tous les soldats, Apodis aida les blessés.
Un à un, au bénéfice du lever du jour, les prêtres mandatés par le Pope ainsi que les villageois bénévoles vinrent rapatrier les estropiés dans leurs villages et soigner les multiples plaies qui couvraient leurs corps.
Les ferrailleurs et les forgerons suivirent. Ils chargeaient leurs mules de casques, boucliers et pièces d’armure des soldats sur ordre d’Orphée. Rien ne devait être négligé et ces métaux, à nouveau travaillés, formeraient quelques semaines plus tard, les nouvelles armes de l’armée athénienne.

Apodis soulevait des centaines de cadavres pour les identifier.
Les rescapés entassaient ceux des forces d’Arès au milieu d’un gigantesque brasier alimenté par leurs catapultes, béliers et autres armes en bois. Tandis que des charrettes transportaient les malheureux du camp d’Athéna, afin qu’ils soient identifiés auprès de leur famille pour ceux qui en avaient une.
C’est avec joie qu’Apodis remarqua Klaus, le grand représentant des prêtres en personne, prodiguer des élixirs à Cliff et Pullo. Ces camarades avaient survécu.
Le jeune chevalier se précipita vers eux et ôta le casque de sa Cloth pour converser en attendant qu’ils soient ramenés dans les temples. Ces prieurés, disséminés partout dans le domaine, peuvent servir au quotidien de dispensaires. En tant de guerre, ils deviennent de véritables hôpitaux.
Enfin, quelqu’un vint soulever leurs brancards pour les conduire jusqu’au village en ruines de Paesco, aménagé pour l’occasion en un grand centre de soin sous des tonnelles dressées par des villageois comme cela devait être le cas dans les villages des frontières du Nord où la bataille s’était aussi achevée.

Au niveau des murailles, Apodis aperçut quelques soldats encercler Sinir.
L’animal refusait de se laisser monter.
Apodis ramassa son casque et atteignit la cohorte pour les sommer d’arrêter.
Un autre soldat commençait à ramasser la triste dépouille d’Antiochos.
Apodis comprit alors le comportement de Sinir : « Lâchez cet homme. Il est la cause du tourment de ce cheval. »
Apodis caressa alors la crinière de Sinir et agrippa son harnais pour le faire avancer jusqu’à son maître. Enfin, il chargea le cadavre d’Antiochos sur Sinir et d’une tape sur sa croupe, le laissa partir au galop avant qu’il ne disparaisse dans un nuage brumeux.
Apodis se plut à croire que Sinir avait retrouvé le chemin qui conduisait à l’Aréopage, temple d’Arès où le dieu aurait offert des funérailles dignes pour Antiochos.
_ « Tu as un grand c½ur Saint de bronze, l’interpella Marin en fine observatrice. Quel est ton nom ?
_ Je me nomme Apodis, fils de Fronti… »
Apodis reprit la fin de sa phrase en fixant ses jambes comme au garde à vous : « Je suis Apodis, fils de Mujakis et Saint de bronze de l’Oiseau de Paradis. »
Elle tendit alors sa main vers lui et serra la sienne chaleureusement : « C’est avec un immense plaisir que moi, Marin de l’Aigle, j’ai combattu à tes côtés. »
Marin soutenait Circinus sous le bras. Circinus félicita à son tour son nouvel allier : « Tu as été épatant jeune guerrier. Je suis convaincu que Pajaros est mort le sourire aux lèvres en sachant qu’un brave garçon comme toi allait prendre sa relève. »

Arrivée du village, la belle Eurydice courut jusqu’à Orphée et lui sauta dans les bras.
Ce romantique spectacle réchauffa le c½ur de tous.
Apodis s’approcha d’eux, d’un pas beaucoup plus décidé que lors de leur première rencontre.
_ « Alors voici celui qui m’a sauvé de l’épée de flamme, le flatta Orphée. Tu as donc retrouvé l’inspiration suffisante pour déployer tes ailes, jeune poète. »
Apodis sourit fièrement et, sans se retourner, perçut la présence de Netsuai : « Vous ne me prendrez pas par surprise cette fois jolie demoiselle au ruban de soie. »
Malgré ses nombreux hématomes au visage, Apodis se tourna pour lui offrir un charmant sourire. Il tendit son poignet gauche et défit sa Cloth pour montrer à la jeune s½ur d’Eurydice le tissu qu’elle lui avait enroulé avant la bataille.
Les regards des deux jeunes enfants s’entremêlèrent et dégagèrent un sentiment mêlant affection et remerciement.
Orphée se défit de l’étreinte d’Eurydice avec tendresse et annonça à Apodis : « Nous devons remonter auprès du Pope. Tous les Saints ayant participé à la bataille doivent s’agenouiller devant lui et lui rapporter les faits marquants. Tu dois me suivre et te présenter à lui comme étant son nouveau Saint de bronze ! »
Flashback

Inopinément, un Hébéïen fait chuter du matériel et sort Apodis de ses songes : « Bateau en vue ! »
Le Saint de bronze soupire, ses souvenirs sont ceux d’une époque désormais perdue…
Last Edit: 25 February 2023 à 16h32 by Kodeni

Author Topic: Chapitre 28  (Read 23226 times)

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Offline Kodeni

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NEWS

Cette version du chapitre 28 est une version rééditée de la publication originale du 3 avril 2012.
Bonne relecture aux lecteurs les plus fidèles, et bonne découverte pour les nouveaux.