Chapitre 25
Au Canada, dans la région de Nunavut, contrastant avec le paysage reculé et glacial, un véhicule motorisé roule à toute vitesse sur les routes gelées de la ville d’Arviat.
La voiture rouge, modèle sport, quitte la petite communauté Inuit d’environ mille huit cent habitants qui représente quatre-vingt pour cent de la région de Nunavut.
Le bolide sort de la ville et fonce à toute vitesse à l’Est, en direction de la baie de Baffin.
Reliée à l’Océan Atlantique par le détroit de Davis, au Sud-Est, et à l’Océan Arctique par plusieurs passes, à l'Ouest et au Nord, la baie n’est navigable que trois mois dans l’année, car des masses de glaces flottantes et des icebergs dominent ce cadre magnifique.
En quelques minutes, le conducteur atteint une anse au milieu de laquelle il reconnaît un Canadien aux cheveux longs, épais et gris.
Loin des yeux innocents, l’autochtone croise ses bras et plie doucement ses genoux.
Derrière lui, les calottes glaciaires se brisent tandis qu’un effluve orangé émane de son corps.
Plus haut, sur la berge, une demoiselle aux longs cheveux blonds observe son petit ami s’exercer.
Malgré la température fort basse, ses jambes ne sont habillées que de ses longues bottes rouges qui remontent jusqu’au haut de ses cuisses, tandis que sa courte jupe en jean ne la réchauffe pas davantage. Son manteau de fourrure n’est même pas fermé et laisse sa forte poitrine être arborée dans ce maillot rouge décolleté qui ne descend pas plus bas que son nombril.
Le chauffeur sort enfin de son automobile, dont il ferme soigneusement la porte, pour ne pas ébranler la concentration du Canadien et ne pas attirer l’attention de la jeune femme.
Il porte un costume blanc avec de fines rayures argentées, des chaussures blanches et brillantes, une chemise gris métallisé et une cravate à peine serrée du même coloris que son uniforme. Ainsi, il est libéré de son col trop serré et laisse apparaître quelques griffes tatouées dans son cou. Son visage aux traits fins porte une barbe de deux jours aussi courte que ses cheveux qui couvrent d’à peine trois millimètres son crâne rasé.
Les quelques rayons du soleil qui se reflètent en ce 7 mars 1985 sur les glaces canadiennes font briller deux petits diamants que porte l’élégant observateur à chacune de ses oreilles ainsi que ses beaux yeux bleus qui scrutent les mouvements de l’inconnu.
Il sort de la poche de son pantalon une montre-gousset qu’il remonte par la même occasion.
Fixant les aiguilles de longues secondes comme pour constater que le temps s’est écoulé vite depuis son absence ici, il pense alors : « Il semble que Bian ait développé encore davantage son God Breath en mon absence. »
A l’instant où le dénommé Bian écarte les bras pour dégager son arcane, l’automobiliste apparaît devant lui et appose sa main juste devant la poitrine du futur Marina pour aspirer son Souffle Divin en prononçant calmement : « Temporal Weakness ! »
Dans la paume de main du distingué jeune homme semble s’ouvrir une dimension qui se referme aussitôt une fois le cosmos de Bian atténué.
Le Canadien revient à lui et reconnaît son ami qu’il sert immédiatement dans ses bras : « Vasiliás ! Tu es revenu ! »
Le fameux Vasiliás se défait en douceur de l’étreinte de son camarade pour ne pas froisser son bel habit : « Oui, j’ai repris les affaires à Miami en Floride, là d’où je viens, après le décès de mon grand-père. J’ai beau avoir nommé un directeur délégué, il fallait tout de même que je me présente pour finaliser une transaction. »
Depuis la berge, la frivole petite amie de Bian interpelle leur camarade en faisant de grands signes de bras ce que ne peut s’empêcher de constater Bian : « Il me semble que Dolly soit également très heureuse de ton retour. »
Ne prêtant guère attention à Dolly au physique pourtant si gratifiant, Vasiliás répond à son ami par un sourire sincère.
_ « J’espère recevoir le même accueil de ta s½ur.
_ Tu lui as beaucoup manqué tu sais. Cependant, malgré ton mois d’absence, ta Faille Temporelle est toujours aussi impressionnante.
_ C’est bien ça le souci. Ma technique n’évolue pas. Je dispose d’autres arcanes dévastateurs que j’améliore de jour en jour, pourtant je stagne avec le Temporal Weakness. Ton Souffle Divin n’en est pas moins incroyable.
_ Il faut dire que mon ami Kassa m’aide beaucoup à travailler cette technique.
_ Kassa… C’est bien l’homme qui est arrivé du Portugal il y a quelques mois et que tu dois me présenter depuis n’est-ce pas ?
_ Tout à fait. Mais comme à chaque fois tu préfères t’entraîner lorsque tu es ici, je n’ai jamais pu organiser votre rencontre. Tu verras, il a conscience de ce qu’est la cosmo énergie. Il a comme moi appris à la développer seul mais n’en dégage qu’une force limitée.
_ Ça tombe bien, mieux vaut être prudent avec le cosmos, on ne sait jamais qui en détient la force. En parlant de ça je comptais m’exercer ! »
Bian ramasse un manteau de fourrure crème qu’il ajuste au-dessus de son pantalon et de son maillot pourpre : « Tu pourras toujours reprendre demain. Là j’en ai assez fait pour aujourd’hui. Rentrons maintenant. »
Vasiliás grimace en regardant à nouveau l’heure sur sa montre. Lui qui trouve qu’il reste du temps pour s’entraîner, il finit par abdiquer en rangeant le bijou dans sa poche de pantalon.
Il taquine son ami en lui pointant du doigt sa sublime voiture.
_ « Attention à ne pas salir mes sièges avec tes vieilles frusques.
_ Je ne comprends toujours pas pourquoi tu utilises cet engin, alors que tu peux te déplacer bien plus vite tout seul. »
Vasiliás fixe avec intensité son ami droit dans les yeux et prend un air grave : « Je te l’ai déjà dit. Pour rien au monde nous ne devons être repérés. Notre présence et nos forces dépassent l’entendement humain. N’oublie pas ce que je t’ai enseigné, tu sais que je suis en sursis. On me cherche. Le Sanctuaire ne me laissera jamais en paix. »
En disant cela, Vasiliás frémit et fait le tour de lui-même avant de grimper dans son véhicule : « Rentrons au chalet à présent… »
Les deux amis regagnent le véhicule, laissant Dolly s’installer sur les genoux de Bian bien qu’elle continue à dévorer Vasiliás des yeux.
Ce magnifique exemple de réussite sociale émerveille la jeune femme qui se remémore l’époque de leur rencontre…
Flashback
Décembre 1976 - Arrivé au Canada en étant enfant, Vasiliás n’avait ni lieu où dormir ni argent pour se nourrir. Mal fagoté, n’ayant sur lui de valeur que sa montre-gousset, il semblait apeuré et méfiant.
Petite fille, Dolly le voyait régulièrement survivre en se dissimulant dans des ruelles où il se nourrissait dans les poubelles.
Alors que Bian et sa s½ur aînée, Ariel, deux orphelins, trainaient aussi les rues, Vasiliás fut interpellé par la présence de Bian qui dégageait inconsciemment une énergie intérieure que Vasiliás savait ressentir, le cosmos.
Dès lors persuadé que les personnes à sa recherche l’avaient retrouvé, Vasiliás engagea un combat contre l’autochtone de deux ans son cadet.
Les déclarations d’Ariel qui supplièrent Vasiliás de croire en leur innocence le ramenèrent à la raison.
Bian n’était qu’un enfant avec un talent inné pour la maîtrise de la cosmo énergie comme Vasiliás l’était lui-même.
Bian et sa s½ur cherchaient un refuge et s’entraidaient, tandis que Vasiliás, lui, était seul.
Il choisit d’aider Bian à devenir quelqu’un de plus fort en lui enseignant ce que lui-même avait appris. Ainsi, il pourrait toujours protéger sa s½ur. En échange, Ariel dut accepter d’aider Vasiliás à reprendre contact avec sa famille en Floride dont il avait été arraché deux ans auparavant.
Les années défilèrent et Dolly s’approcha petit à petit du trio qui devint vite un quatuor.
Secrètement attiré par Vasiliás, elle ne réussit qu’à accrocher le c½ur de Bian dont elle s’est finalement satisfaite.
Vasiliás et Bian, eux, s’entraînaient à longueur de journée sur les rives gelées de la baie de Baffin.
Pendant ce temps, Ariel partit aux Etats-Unis pour découvrir l’histoire de Vasiliás…
Flashback
Dolly sort de ses songes lorsque Bian vient lui baiser doucement le cou.
Ils abandonnent Vasiliás durant leurs embrassades.
Seul, l’élégant jeune homme ressasse le passé, deux ans avant les souvenirs de Dolly…
Flashback
2 juin 1974 - Le soleil brûlait la peau d’un Vasiliás jeune garçon. Il ne comprenait pas pourquoi il devait accomplir ces exercices physiques que l’homme responsable de son rapt lui avait ordonné de réaliser.
Le fameux kidnappeur était habillé de la même manière que la majorité des soldats qui veillaient dans ce domaine. Dans de vieux vêtements jaunâtres recouverts de cuirasses aux tibias et aux avant-bras, ses cheveux kaki couverts d’un casque plutôt usagé, le ravisseur était agenouillé devant un homme.
Cet inconnu observait s’exercer avec intérêt l’enfant.
Il était couvert d’une protection marine et grise, à vue d’½il une armure de bronze qui recouvrait sa tenue océan et s’accordait à merveille à ses yeux azurs ainsi qu’à sa longue chevelure qui frôlait le sol.
Il fut rejoint par Saga, dans le rôle du Grand Pope Shion qu’il avait usurpé quelques mois auparavant, était recouvert de sa longue robe blanche, de son magnifique collier et de son casque en or.
Le Saint de bronze courba aussitôt l’échine tandis que le kidnappeur de Vasiliás s’écrasait encore plus bas que précédemment.
Malgré l’atmosphère étouffante, le représentant d’Athéna ne semblait pas souffrir de la chaleur.
Le pauvre enfant, lui, sentait comme une odeur de soufre sur sa peau brûlée, tandis que ses petites mains souffraient de l’incandescence de la roche qui était prête à éclater sous la pression solaire.
L’oxygène était difficilement respirable tant la poussière environnante se soulevait au fur et à mesure que la cosmo énergie du Grand Pope s’élevait.
Dissimulé sous un masque violet, le Grand Pope incendiait le soldat.
_ « Tu es coupable d’un crime d’une importance capitale ! Enlever un enfant de l’amour de ses parents uniquement parce qu’il est prédisposé à un cosmos important est interdit par Athéna en personne ! Seuls les orphelins peuvent être retirés du monde contemporain !
_ Pardonnez-moi majesté, répondit l’infiltré dans le monde contemporain. Je pensais qu’il était préjudiciable pour le Sanctuaire et pour Athéna de se priver d’un tel élément… »
Le chevalier à l’armure marine avait un visage sournois et affichait toujours depuis son arrivée un sourire en coin. Il observait le souverain interrompre son sujet d’une voix grondante : « Silence ! S’il était vraiment destiné à la chevalerie alors il serait venu de lui-même lorsqu’il aurait été plus vieux ! »
Le ton impérial du Pope retentit dans ces environs désertiques du Sud du domaine sacré.
Face à tant de prestance, l’enfant qui allait sur ses huit ans en cette année 1974 cessa ses efforts et observa le maître des lieux en s’asseyant bras croisés.
Le soldat glissa sa tête jusqu’aux pieds de son seigneur et dirigea ses mains vers la robe de celui-ci pour essayer de la soulever et de les lui baiser.
Le Pope s’écarta instantanément et lui somma de se reprendre : « Un peu de tenue ! Ce n’est pas en implorant mon pardon que nous résoudrons ce problème. »
Le malheureux suggéra alors : « Je peux très bien me rendre de nouveau à Miami où j’étais en mission. J’assurai là-bas la correspondance avec le Sanctuaire pour veiller sur le monde alentour avant qu’un autre soldat ne me relève. Je connais les Etats-Unis comme ma poche et l’état de Floride encore plus. Je peux très bien ramener cet enfant à ses parents incognito ! »
Le Grand Pope réfléchit un instant tandis que le chevalier qui l’accompagnait fixait avec insistance l’enfant.
Ce frêle garçonnet aux cheveux mi-longs, bouclés, châtains, coiffés d’un serre-tête noir et vêtu d’un survêtement blanc encrassé par la poussière et le sable du Sanctuaire observait avec admiration le monumental Pope au charisme imposant.
Lorsque ce dernier prit une décision, il déclara fermement au Saint de bronze observateur : « Cet enfant en a déjà trop vu, n’est-ce pas Klok ? »
Le chevalier au corps svelte et au regard perçant, tenant sa main gauche en appui contre sa hanche tandis que son bras droit était tendu le long de son corps, affirma : « Evidemment. Même si nous ne sommes qu’à la frontière entre le monde moderne et le Sanctuaire, juste à l’approche du village de Rodorio qui fait office de rempart au Sud de notre domaine, nous ne pouvons pas prendre le risque de laisser cet enfant retourner chez lui. Soit il entrera dans la garde athénienne en devenant soldat ou chevalier, soit il mourra. »
L’annonce de son sort ne fit pas frémir l’enfant. Les bras résolument croisés, il fixait avec détermination, presque défi, le Grand Pope.
Cela convainquit Saga : « Klok Saint de bronze de l’Horloge, tu es un des sergents du Sud de notre domaine. Je te charge de découvrir qu’elle est la constellation protectrice de cet enfant et d’assurer sa formation. »
Le regard profond de Klok se figea dans les yeux de l’enfant pendant qu’il assurait : « A vos ordres majesté, je ferai de lui un être invincible… »
Flashback
Les mains sur le volant, la victime du rapt, aujourd’hui le crâne rasé et la carrure plus imposante, est un des rares déserteurs du Sanctuaire encore en vie…
Toujours dans le monde moderne, à Athènes, en Grèce, des flashs et du brouhaha animent la colline de l’Aréopage situé à l’Ouest d’Athènes.
Plus qu’un énorme monolithe de marbre gris bleu, ce lieu touristique qui domine l’agora d’Athènes accueille sur les plates-formes de son sommet des centaines de curieux venus découvrir ce qu’il reste du tribunal de la Grèce antique.
Un peu partout sur les flancs et le sommet de la colline, les creux de la roche sont les seuls vestiges des bâtiments antiques.
Malgré le vent frais du mois de mars, le soleil réchauffe les visiteurs qui, s’ils ne sont pas en maillot, portent de légers gilets.
Cette belle journée de fin d’hiver attire beaucoup de monde hors de chez eux tout comme la richissime Ksénia, amie de Saori Kido.
A l’approche de ses dix-sept printemps, elle a choisi de faire une visite en Grèce, aux frais de son riche homme d’affaires de père souvent en voyage.
La météo est propice à ce que la demoiselle se découvre et dévoile ses formes gracieuses.
Ses longs cheveux bruns tombent en quelques mèches dans son cou et sur sa généreuse poitrine à peine cachée par sa robe violette sans bretelle. Des petits rubans violets se mêlent derrière sa tête à ses cheveux et font ressortir le maquillage qui habille ses lèvres pulpeuses. Le petit c½ur rose, tatoué sur sa pommette gauche, s’accorde à merveille avec ses yeux topaze, enjolivés par de fins sourcils.
La vénusté s’avance sur le flanc droit du site, sans se soucier des regards remplis de convoitise qui se posent sur elle.
Elle stoppe sa marche lorsqu’elle distingue un groupe de touristes posé contre l’immense roche souriant au flash photographique qui vient de les saisir.
La jolie Russe reste en retrait de longues minutes durant lesquelles elle s’assure qu’elle n’est plus épiée et que les environs se désertent.
C’est seulement lorsque le calme et l’absence de quiconque reviennent que Ksénia s’engage à l’endroit même où l’attroupement s’appuyait.
Une dernière fois, elle pivote sur elle-même s’assurant de sa solitude en ce lieu.
Puis passe sa main à travers la roche pour vérifier la qualité de ce pont cosmique permettant aux êtres doués d’un cosmos plus ou moins maîtrisé de s’aventurer dans le domaine d’Arès…
Pendant ce temps, la voiture de Vasiliás roule au pas dans la petite ville canadienne d’Arviat.
Ici, les enfants ne prêtent pas attention aux dangers de la circulation.
Malgré le dialogue que cherche à instaurer Bian, Vasiliás est absorbé par une bataille de neige entre des enfants d’à peine dix ans qui ne se soucie guère du véhicule de sport qu’on ne croise pourtant jamais en ces lieux reculés.
Il se revoit au même âge, loin d’ici…
Flashback
Hiver 1974 - Il faisait très froid en Grèce, bien plus froid qu’à l’accoutumé.
Même les chevaliers les plus robustes craignaient cette température et, hormis ceux en faction avec leurs gardes, ils restaient à l’intérieur de leurs chaumières où le feu d’une cheminée et les bras d’un être aimant étaient plus appréciables.
Pourtant, le survêtement blanc remplacé par de vieilles frusques de même couleur, ses bras couverts de bandelettes de papiers, ses chevilles lacérées par le cuir de ses spartiates, ses bouclettes noyées par la pluie de grêle qui venait de s’abattre, le garçonnet qu’était Vasiliás concentrait dans son poing l’étendue de son savoir acquis depuis seulement quelques mois.
Au beau milieu de la place principale du village de Rodorio, désertique en cette journée glacée, il se préparait à créer la surprise auprès de son professeur.
Lorsqu’il vit autour de son poignet une lueur dorée irradier, il se lança sur Klok, son mentor, protégé par sa Cloth.
Ce Néerlandais d’un mètre soixante-quinze bougeait ses soixante-quatre kilos à son gré afin de déstabiliser son élève qui cherchait maintenant à le toucher à distance.
Après un effort de concentration extraordinaire, l’apprenti parvint à décocher un coup proche de la vitesse du son qui frôla in extremis son professeur.
Le chevalier ne tarda pas à riposter, il fonça sur son disciple.
Vasiliás mit trop de temps à se ressaisir après l’effort qu’il venait de faire et se trouva sans défense au moment du face à face.
Klok ne perdit pas une seconde et le frappa de tout son cosmos. Bras ouverts, à l’approche du torse de celui-ci, sa douce voix retentit : « Inversie Tijd ! »
Le corps de l’enfant se tétanisa instantanément pendant que Klok passa derrière lui.
Klok ralentit et, sans même se retourner vers son élève, quitta la place principale pour regagner sa chaumière en lui faisant une nouvelle fois la leçon : « Encore une fois tu n’arrives pas à mêler action et concentration. Tu es à nouveau victime de mon Inversion du Temps. Ton corps et ton organisme subissent un retour en arrière dans le temps et ne supportent pas l’évolution de ceux-ci par rapport à ce qu’ils devraient être lorsque tu n’es qu’un bambin. Heureusement, je t’ai appris à devenir suffisamment résistant pour que tu survives à cela. Lorsque tu auras recouvert toutes tes forces, tu iras chasser pour rapporter le dîner. »
Soudain, les pas du chevalier stoppèrent leur marche.
Sous ses pieds la roche givrée étincelait comme de l’or. De cette plaque lumineuse, mais aussi du ciel, jaillirent tout autour du Saint des plumes blanches, longues et larges telles des plumes d’ange.
Le mentor comprit enfin : « Cette technique à laquelle il s’essaie depuis des semaines, les Plumes Célestes, il y est arrivé… Vasiliás a réussi… »
A cet instant, l’enfant se redressa en pleurant tant la souffrance intérieure de contrer l’arcane de Klok était insoutenable.
Avec une rage folle de vaincre il hurla si fort que toutes les maisons alentours à la place principale de Rodorio l’entendirent : « Byakûjin ! »
Tous les villageois se mirent aux lucarnes de leurs maisonnettes et découvrirent un nuage de plumes écorcher Klok durant une fraction de secondes.
C’est seulement lorsque Vasiliás retomba à genoux que les plumes se dissipèrent au gré du vent.
Le souffle court, les yeux à peine ouverts, Vasiliás observait son professeur qui se tenait dans la même position que lui.
Pour la première fois depuis son arrivée, son maître lui sourit…
Le soir venu, tandis que l’atmosphère s’était radoucie grâce à une pluie fine qui tombait depuis quelques heures, Vasiliás resta assis contre la façade d’une maison.
Son postérieur baignait dans l’eau boueuse tandis qu’il était trempé jusqu’aux os.
Le calme régnait dans Rodorio.
Ce petit bourg du Sud du Sanctuaire est le plus distant du Centre du Sanctuaire et de la ville d’Honkios.
Il est si éloigné que certaines personnes disent de lui qu’il ne fait pas parti du Sanctuaire.
Rodorio est le seul village frontalier dénudé de remparts après que ceux-ci furent renversés par l’armée d’Hadès il y a plus de deux-cent ans.
Pour les soldats et les chevaliers les moins expérimentés, il s’agit de l’endroit le plus facile pour accéder au Sanctuaire car les conditions climatiques qu’il faut franchir sont les moins difficiles par rapports à celles qui encerclent le reste du domaine.
Les monts sont moins élevés, les roches moins sablonneuses et la route plus courte vers le monde contemporain.
Cependant Rodorio n’en reste pas moins un lieu inaccessible pour les humains n’ayant pas connaissance de ce qu’est la cosmo énergie.
C’était dans ce village calme, où la présence militaire n’en était pourtant pas moindre due à l’absence d’obstacles en cas d’invasion ennemie, que Vasiliás avait été conduit et dont il n’était jamais sorti.
Son regard était perdu, son esprit ailleurs.
Il regardait sur son bras nu, un tatouage qui lui avait été fait à l’intérieur de l’avant-bras droit à son arrivée, dans le même style que celui de son maître.
Il s’agit de son année de naissance en chiffre romain inscrit en verticale, le chiffre un commençant juste en dessous du coude et le chiffre six de l’année mille-neuf-cent-soixante-six finissant juste avant le poignet.
Son professeur, spécialiste des cycles temporels, avait fait faire ce tatouage pour rappeler à son disciple que de tout temps les chevaliers ont protégé cette planète et que l’année de sa naissance apportera au monde un nouveau cycle de paix.
Au départ, tout cela n’était que du charabia pour ce jeune humain qui souffrait de l’absence de ceux qu’il aimait et dont il était loin. Il devait renoncer à les retrouver un jour, ne pensant qu’à son rôle de chevalier. Du moins, s’il parvenait à atteindre ce stade.
Quand il réussit en quelques semaines à embraser son cosmos, Vasiliás fit briller dans le ciel une constellation sur le chemin de l’astre solaire, celle du Lion. Klok le mit immédiatement en garde contre les autres aspirants à cette armure car il s’agissait d’une des douze plus puissantes. Et les autres prétendants n’en n’étaient pas moins tendres. Oui, il lui faudrait devenir un des hommes les plus redoutés de cette planète, un Saint d’or.
Cependant, Vasiliás y vit aussitôt l’espoir d’être au-delà de ce statut, il ambitionna aussitôt d’être aussi adoré et remarquable que leur maître à tous, le Grand Pope.
Lorsqu’il ne s’affairait pas à déployer sa cosmo énergie, Vasiliás apprenait de Klok l’histoire de la chevalerie. Il retint plus que tout parmi les légendes et les récits contés, la fonction de Pope et le fait que seul un Saint d’or pouvait lui succéder. Cette mission revenait au chevalier doté du corps, de l’esprit et du c½ur les plus purs.
Depuis qu’il l’avait vu et qu’il apprit son rôle, Vasiliás ne rêvait que d’une chose, devenir ce représentant d’Athéna pour assurer avec les pleins pouvoirs la paix et la prospérité d’une planète où aujourd’hui beaucoup d’hommes vivent dans l’inégalité.
Idéaliste et utopique, il n’en était pas moins radical.
Sa solitude et la découverte de son potentiel lui ont valu plus d’une fois d’être repris par ses semblables.
En effet, si ses actes de violences parurent justifiés quand il s’agissait de défendre des opprimés, de se débarrasser de gardes usants de leurs droits pour considérer des villageois comme des esclaves, sa conception de la justice fut jugée trop radicale puisqu’il ne laissait aucune chance à ses adversaires.
Au-delà de la radicalité, c’est le jugement qu’il administrait aux manquements moraux comme l’irrespect envers autrui, le harcèlement moral d’un garde envers un villageois, l’humiliation, qui le rendit menaçant aux yeux d’autrui.
Tout manque de civisme était, aux yeux de Vasiliás, bon à être éradiqué. Il rêvait d’un monde libre fait d’amour et de paix mais d’un monde propre où il exterminerait lui-même le mal à la racine.
Durant ces instants où il laissait son esprit vagabonder, lui permettant de se voir devenir ce qu’il ambitionnait, Vasiliás se voyait tel le symbole de sa constellation, un roi au c½ur de lion…
Soudain, des claquements de pas dans les larges flaques d’eau firent sortir le jeune Vasiliás de ses rêves de pouvoir.
Une petite fille se couvrant la tête d’une cape rouge courait à toute allure pour se mettre à l’abri.
Habillée d’une longue robe violette, cette enfant d’à peine deux ans de moins que Vasiliás passa sans lui prêter attention.
Encore plus surpris de voir ce joli visage pour la première fois dans ce bourg où il connut tout le monde en à peine une semaine, Vasiliás fut étonné qu’une fille si jeune soit dehors par cette averse et à cette heure.
Il se redressa aussitôt et lui courut après.
Malgré ses jambes lourdes après les exercices effectués à longueur de journée, Vasiliás rattrapa l’enfant en peu de secondes.
Il lui saisit le bras et le tira vers lui pour la faire pivoter et lui permettre de découvrir son magnifique visage : « Qui… Qui es-tu ? »
La timide enfant ne répondit pas, elle avait le visage incliné vers le sol tandis que ses bras maigres tenaient au-dessus de sa tête la toge gorgée de pluie.
De ses doigts froids et écorchés, Vasiliás souleva le menton de la belle en réitérant : « Qui es-tu ? »
Elle posa enfin ses yeux vers l’inquisiteur en remontant du sol jusqu’à son torse. Sans même s’arrêter sur le visage de l’Américain, la jeune fille s’attarda sur le côté gauche du cou de Vasiliás d’où sortaient trois griffes de son maillot. Avec un accent slave fort prononcé, elle lui demanda avec beaucoup de curiosité : « Que t’est-il arrivé ? »
Vasiliás comprit aussitôt qu’elle faisait allusion à son tatouage : « Ce n’est rien.... Je suis apprenti chevalier, précisa-t-il en indiquant un autre tatouage sur son avant-bras droit. Lorsque mon maître m’a pris sous son aile, il a fait tatouer sur mon bras l’année de ma naissance en m’affirmant que celle-ci marquerait par mon rôle de chevalier l’avenir du monde. Alors j’ai choisi d’en faire d’autres pour refléter également ce que je suis. »
La petite fille n’avait pas détaché les yeux du tatouage de Vasiliás et n’avait même pas encore regardé à quoi ressemblait le garçon aux cheveux mi-longs et aux yeux bleus aux reflets verts.
Vasiliás, lui, avait remarqué à quel point l’enfant était belle, ses fins sourcils donnaient à ses yeux topaze un regard envoûtant, ses cheveux bruns descendaient en de fines mèches sur ses épaules et étaient coiffés de deux fleurs sur le dessus de son crâne. Ce qui marqua le plus son attention c’était le petit tatouage en forme de c½ur rose juste sous le coin de l’½il gauche de la fillette. Vasiliás constata d’un ton crédule : « Toi aussi tu en as un. »
Toutefois, elle restait focalisée, sur celui qui était gravé sur le cou de Vasiliás : « Que signifie-t-il alors ? »
Les soldats et chevaliers qui peuplent le Sanctuaire venant des quatre coins du monde, Vasiliás avait entendu bien des accents jusqu’à aujourd’hui. Cependant, c’était la première fois qu’il découvrait l’accent slave et le charme de la petite Russe ne le laissa pas insensible.
Il retira son maillot blanc décrassé par la pluie et présenta son torse athlétique qui n’était guère le même que celui des garçons de son âge.
Les griffes descendaient le long du cou et passaient derrière sa clavicule pour enfin descendre dans son dos où était dessiné une couronne, vieille, fissurée, entourée de lierre et sur laquelle on pouvait lire une phrase en latin : « Post Tenebras Spero Lucem. »
Vasiliás la traduisit : « Après les ténèbres j’espère la lumière. »
En entendant cela, la demoiselle leva enfin les yeux vers Vasiliás. Elle laissa tomber sa cape sur le sol et se présenta en tendant la main : « Je suis Ksénia. »
Vasiliás, en véritable gentleman, saisit la main de Ksénia et déposa un genou à terre avant de la baiser avec délicatesse : « Enchanté de faire ta connaissance. Je suis Vasiliás. »
La petite fille, charmée, demeurait curieuse.
_ « Pourquoi les ténèbres ?
_ Parce que depuis tout petit je peux les entendre grâce à mon cosmos. Je peux entendre les prières des gens qui souffrent et implorent un monde meilleur. Mon maître dit que je suis doté d’un don inné, que je peux m’adapter à toutes les situations et surpasser tous mes adversaires. Il est convaincu que c’est parce que je suis né avec ce géni pour le combat que mon cosmos est devenu celui d’un messie.
_ Ton destin est donc de supporter les maux de ce monde n’est-ce pas ?
_ C’est pour cela que j’espère la lumière. L’éclat doré du Lion qui influe mon cosmos doit me permettre de veiller au bonheur des hommes.
_ Il te faudra être plus qu’un lion, il te faudra être un roi ! »
En annonçant cela, comme si elle lisait dans les pensées de Vasiliás, le vent souffla sur la cape rouge de Ksénia.
Le tissu s’étendit. Plus qu’une cape, le voile parut être en réalité un étendard. Etait brodé dessus au fil noir, un lion rugissant, les pattes enroulées de ronces, des cornes d’ivoires sortant de ses coudes et de derrière ses genoux, déployant dans son dos des ailes d’anges. Il ouvrait grand sa gueule pour présenter ses crocs aiguisés, portant sur son visage la trace de combats sous la forme d’une cicatrice passant par son ½il droit.
Le tonnerre retentit soudain et les battements de c½ur de Vasiliás s’accélérèrent.
Il était captivé par ce dessin, ce que remarqua Ksénia.
_ « Je te la laisse si tu veux.
_ Et toi ? Comment vas-tu rentrer ? D’où viens-tu ?
_ " Je me suis simplement perdue mais je ne désespère pas de retrouver mon chemin. »
Elle commença à sautiller et à prendre la direction du Sud du village, vers une des sorties du Sanctuaire.
Vasiliás l’interpella alors qu’elle était désormais bien loin : « Attend ! Te reverrais-je un jour ? »
Elle revint toute souriante jusqu’à lui et lui déposa un tendre baiser sur les lèvres : « Nous nous retrouverons, bien évidemment. Un roi dispose toujours de ses sujets ! »
Puis elle disparut à l’horizon, mais pas des rêves de Vasiliás qui espéra depuis la retrouver chaque jour…
Flashback
Soudain, des hurlements viennent aux oreilles de Vasiliás qui revient au présent.
Au bout d’une ruelle enneigée, une vieille femme crie de toutes ses forces et se débat du mieux qu’elle peut.
Vasiliás freine brusquement et sort de son véhicule sans dire mot à Bian et à Dolly.
Il court jusqu’à l’origine de ces appels de détresse et découvre trois jeunes individus tabassant une vieille dame pour la dépouiller de son sac et de ses bijoux.
Témoin d’une telle violence, Vasiliás s’emporte aussitôt, les os de ses mains craquent tellement ses doigts sont contractés, ses dents sont si resserrées que sa mâchoire lui dessine un visage plus carré, ses sourcils se froncent et son regard s’assombrit.
Un premier malfaiteur, grand et mince, encagoulé, remarque l’approche de l’homme d’affaires au pas de course et alerte ses comparses : « Regardez qui voilà ! Il doit avoir plus de pognons que la vieille celui-là ! »
Un de ses complices, grand, costaud et coiffé d’une casquette sort un couteau : « Il est pour moi ce toquard. Je vais lui tailler un autre costume sur mesure. »
Le colosse fait office de rempart et cache la vue à Vasiliás qui arrive devant lui.
A hauteur de la taille du voyou, Vasiliás lève la tête au ciel pour fixer droit dans les yeux l’inconscient.
Le regard de l’Américain est si dur que le géant ne peut se retenir d’avaler sa salive, un malaise le prend d’un coup.
Derrière lui, ses deux amis s’impatientent. Le dernier des voleurs plus petit que les deux autres, encapuchonné dans son épais blouson polaire, sort une arme à feu : « Il faut toujours que ce soit moi qui fasse le sale boulot ! »
Devant la ruelle, Bian arrive enfin et découvre son camarade en tête à tête avec la racaille. Connaissant celui qui l’a aidé à accroître son cosmos, il le supplie d’atténuer immédiatement sa rage : « Vasiliás ! Non ! »
Trop tard, la tête du robuste voleur, premier obstacle, vole en lambeaux qui éclaboussent ses comparses.
Vasiliás, auteur d’un bond prodigieux pour atteindre son ennemi, se réceptionne sans difficultés sur ses deux jambes et évite avec facilités les éclaboussures d’hémoglobine.
A cet instant, retentirent, une dizaine de coups de feu venant du revolver du troisième malfrat. D’un mouvement rapide de la main gauche, Vasiliás récupère chacune des balles qui lui étaient destinées. Il les compresse dans sa main de manière à former une balle de métal aussi grosse qu’une balle de golf qu’il lance à une vitesse encore plus véloce que celle du son sur le l’autre larron. Ce dernier se retrouve, sans avoir eu le temps de le voir arriver, avec un trou au beau milieu du visage à la place même de là où se trouve son nez.
Son corps sans vie s’écroule aussitôt tandis que le propriétaire de l’arme pointe encore Vasiliás en tremblant. Il vide son chargeur sur le visage de Vasiliás à mesure que celui-ci approche.
Le nez, les yeux, le crâne… toutes les balles ricochent comme si le corps du héros était composé d’un alliage indestructible.
_ « Que… Comment… Je… Je suis désolé… Je vous en prie… Je… Ah… »
Vasiliás pose sa main sur le visage du criminel et serre ses doigts de plus en plus fort.
La douleur est si atroce que le gangster s’accroupit tandis que sa chair éclate et ses os se rompent.
Le râle s’achève enfin lorsque Vasiliás ressert totalement son poing et que la face, de dessous le nez jusqu’au menton du malheureux, éclate en morceaux.
Après un tel acte de barbarie, Vasiliás tourne les yeux en direction de la personne âgée qui a perdu conscience après le mauvais traitement reçu.
Son corps, affaibli par la force du temps, a été roué de coups. Vasiliás porte dans ses bras les cent huit kilos de la victime sans le moindre mal et tourne la tête en direction de Bian : « Prends la voiture et rejoins-moi à la clinique ! »
D’un bond prodigieux, Vasiliás atteint le toit d’un immeuble situé à proximité et disparaît presque aussitôt après s’être déplacé à une vitesse hors du commun, laissant Bian souffler de dépit.
Le Canadien tourne les talons pour regagner le véhicule et Dolly avant que d’autres témoins ne remarquent le carnage dont est responsable son ami.
Pendant ce temps, en Grèce, à l’Ouest d’Athènes, sous l’Aréopage, Ksénia a traversé le monolithe.
La riche héritière et amie de Saori débouche sur un hall taillé dans la roche.
Le plafond est maintenu par d’immenses colonnes doriques, créées à partir du marbre qui composait dans le passé le tribunal où Arès fut jugé et acquitté par les dieux du meurtre d'Halirhotios, fils de Poséidon, qui avait violé sa fille à cet endroit.
Ce vestibule est éclairé par la lueur des torches qui l’entourent et qui se reflètent sur le marbre propre et brillant.
Les talons des escarpins noirs de Ksénia résonnent dans cet espace vide et propre à outrance. Pas une marque de pas, pas une trace de main sur une colonne, l’hygiène est scrupuleusement présente.
Ksénia fait le tour de la pièce en étudiant avec un ½il expert les piliers froids sur lesquels ses doigts délicats glissent.
Enfin, elle approche au milieu de la pièce où un escalier de pierre, mélange de roche et de calcaire, conduit vers un sous-sol insondable tant l’obscurité envahit cette descente dans les profondeurs terrestres.
Pourtant, la demoiselle de bonne famille n’hésite pas un seul instant et s’y engouffre, descendant les marches d’un mouvement captivant, se laissant absorber par l’obscurité de cette incursion…
Lorsque revient enfin la lumière, après des mètres d’abysse absolu, une chaleur lourde et suffocante pèse tout à coup sur elle. L’intrigante beauté débouche à nouveau sur une plateforme ressemblant au hall ovale par lequel elle est arrivée.
Cette fois-ci, face à la descente d’escalier, deux lignes enflammées dessinent un passage de chaque côté d’un tapis rouge.
Ksénia affiche avec élégance un sourire sur son visage harmonieux. Et, malgré les températures insupportables qui continuent de croitre, d’un mouvement de bras, faisant le tour de sa tête, elle fait apparaître une longue cape blanche qui l’encapuchonne et ombrage son visage.
Désormais, elle emprunte le chemin de feu qui débouche sur une grotte caverneuse étroite, aux stalactites fort basses.
La voie s’achève sous une voûte en arc de cercle.
A cet endroit, Ksénia atteint le centre de la Terre.
En effet, au fond d’un précipice, sur un îlot entouré par une route de lave, se dresse un immense temple aux hauts murs lisses.
Autour du bâtiment d’une superficie incalculable, sur le peu de terre restant entre la lave et les cloisons de ce sanctuaire, des dizaines d’hommes aux cuirasses rouges portées au-dessus de leurs vêtements orangés rapportent des tonneaux d’eau fraîche.
Le liquide s’écoule tel un ruisseau depuis les nappes phréatiques, en dessous desquelles ils se trouvent, et vient mourir dans la lave rutilante.
Ksénia prononce alors d’un air enjoué avec son accent slave : « L’Aréopage, ce qu’il reste du domaine d’Arès le Dieu de la Guerre. »
Elle réalise un bond prodigieux que personne ne lui aurait soupçonné jusqu’à présent et atterrit devant la bâtisse ressemblant à un cône dont la pointe vient s’encastrer dans le faux plafond à côté des concrétions de la grotte.
Les gardes arèsiens ne prêtent guère attention à la présence de l’intruse qui ouvre grand une palissade ornée de cornes de buffles sur toute sa surface et faisant office d’entrée…
Au même moment, la nuit tombe sur Yíaros.
A mesure que le navire d’Apodis entre par le canal formé au Nord Est grâce au chemin de la rivière, le Saint de l’Oiseau de Paradis est pressé d’en découdre.
Le souvenir du corps inanimé de son fils baignant dans le sang de sa mère, focalise son attention.
Remonté à bloc comme ses hommes, sa soif de vengeance n’a aucune idée de ce qui se trame au Centre de l’île…
Là-bas, les villageois n’arrivent pas à trouver sommeil.
Depuis leurs logis où ils sont restés enfermés, ils entendent la garde hébéïenne courir sans cesse dans tous les sens.
L’armée est dépassée par les évènements, l’intrusion des ennemis dans le Sud de l’île annonce des jours obscurs pour la population qui craint les représailles après les évènements catastrophiques de la Journée Sainte au Sanctuaire d’Athéna.
Pourtant, au milieu de la cité, dans le temple réservé aux femmes, le temple d’Héra, un conseil de guerre semble se dessiner.
Les prêtresses soignent une demoiselle qui se tient debout dans une chambre du temple.
Elles nettoient son corps sale et blessé qui se dresse nu devant elles.
La queue de cheval de leur patiente est défaite et ses longs cheveux blonds lui sont peignés sous les yeux de la déesse Hébé en personne.
Autour de la pièce, Juventas et d’autres prêtresses observent la scène et dévisagent plus particulièrement la jolie blonde qui baisse ses beaux yeux bleus honteux en direction du sol marbré.
Subitement, les talons des escarpins rose pâle d’Hébé résonnent dans la pièce à mesure qu’elle s’avance de cette captive qu’elle guette avec pertinence.
Hébé attrape une serviette pliée dans un panier amené par une servante et essuie elle-même les quelques gouttes d’eau qui roule dans le creux de la frêle poitrine de cette demoiselle confuse. La voix mélodieuse d’Hébé lui apprend d’un ton monocorde : « Le Saint de bronze de la Colombe, ton amie Naïra, est morte durant votre combat contre Baucis… »
La déesse dirige sa main en direction de Baucis située dans le fond de la salle, à peine remise des blessures infligées par Philémon du Lièvre.
La torride Alcide a sa Cloth fissurée de toute part et a réajusté un nouveau masque de femme chevalier sur son visage après que Philémon lui ait brisé le sien.
La prisonnière tourne légèrement la tête pour distinguer l’Alcide de la Biche de Cérynie qui l’a mise hors de combat quelques heures plus tôt.
Hébé poursuit : « … C’est elle qui mènera la prochaine mission dans le Nord Est de l’île. Elle tient à prendre sa revanche après qu’elle ait perdu le Sud contre les Athéniens lors de votre débarquement. »
Juventas des Juments de Diomède, fidèle guerrière d’Hébé, veuve du brave Iphiclès du Lion de Némée, intervient pour s’assurer une dernière fois que la détenue ne ment pas.
Elle pointe du doigt en direction du sol l’armure d’argent abîmée et retirée du corps de la captive. Le masque fissuré de Yakamoz ainsi que ses vêtements arrachés jonchent le sol et permettent à Juventas de pointer la soumission de la Saint : « Si ce que tu nous as dit est exact, s’il n’y a réellement que cinquante soldats et un Saint qui tentent de s’introduire dans le Nord Est de la cité, alors tu auras respecté ton serment auprès d’Hébé et tu seras reconnue comme servante de notre déesse, toi, celle qui a choisi de renoncer à ton rang de chevalier d’Athéna et d’entrer au service de l’amour et de la justice sous le flambeau d’Hébé, toi, Yakamoz de la Grue qui a fait v½u de fidélité envers notre déité à l’intérieur même de ce temple sacré… »
Au Canada, dans la région de Nunavut, contrastant avec le paysage reculé et glacial, un véhicule motorisé roule à toute vitesse sur les routes gelées de la ville d’Arviat.
La voiture rouge, modèle sport, quitte la petite communauté Inuit d’environ mille huit cent habitants qui représente quatre-vingt pour cent de la région de Nunavut.
Le bolide sort de la ville et fonce à toute vitesse à l’Est, en direction de la baie de Baffin.
Reliée à l’Océan Atlantique par le détroit de Davis, au Sud-Est, et à l’Océan Arctique par plusieurs passes, à l'Ouest et au Nord, la baie n’est navigable que trois mois dans l’année, car des masses de glaces flottantes et des icebergs dominent ce cadre magnifique.
En quelques minutes, le conducteur atteint une anse au milieu de laquelle il reconnaît un Canadien aux cheveux longs, épais et gris.
Loin des yeux innocents, l’autochtone croise ses bras et plie doucement ses genoux.
Derrière lui, les calottes glaciaires se brisent tandis qu’un effluve orangé émane de son corps.
Plus haut, sur la berge, une demoiselle aux longs cheveux blonds observe son petit ami s’exercer.
Malgré la température fort basse, ses jambes ne sont habillées que de ses longues bottes rouges qui remontent jusqu’au haut de ses cuisses, tandis que sa courte jupe en jean ne la réchauffe pas davantage. Son manteau de fourrure n’est même pas fermé et laisse sa forte poitrine être arborée dans ce maillot rouge décolleté qui ne descend pas plus bas que son nombril.
Le chauffeur sort enfin de son automobile, dont il ferme soigneusement la porte, pour ne pas ébranler la concentration du Canadien et ne pas attirer l’attention de la jeune femme.
Il porte un costume blanc avec de fines rayures argentées, des chaussures blanches et brillantes, une chemise gris métallisé et une cravate à peine serrée du même coloris que son uniforme. Ainsi, il est libéré de son col trop serré et laisse apparaître quelques griffes tatouées dans son cou. Son visage aux traits fins porte une barbe de deux jours aussi courte que ses cheveux qui couvrent d’à peine trois millimètres son crâne rasé.
Les quelques rayons du soleil qui se reflètent en ce 7 mars 1985 sur les glaces canadiennes font briller deux petits diamants que porte l’élégant observateur à chacune de ses oreilles ainsi que ses beaux yeux bleus qui scrutent les mouvements de l’inconnu.
Il sort de la poche de son pantalon une montre-gousset qu’il remonte par la même occasion.
Fixant les aiguilles de longues secondes comme pour constater que le temps s’est écoulé vite depuis son absence ici, il pense alors : « Il semble que Bian ait développé encore davantage son God Breath en mon absence. »
A l’instant où le dénommé Bian écarte les bras pour dégager son arcane, l’automobiliste apparaît devant lui et appose sa main juste devant la poitrine du futur Marina pour aspirer son Souffle Divin en prononçant calmement : « Temporal Weakness ! »
Dans la paume de main du distingué jeune homme semble s’ouvrir une dimension qui se referme aussitôt une fois le cosmos de Bian atténué.
Le Canadien revient à lui et reconnaît son ami qu’il sert immédiatement dans ses bras : « Vasiliás ! Tu es revenu ! »
Le fameux Vasiliás se défait en douceur de l’étreinte de son camarade pour ne pas froisser son bel habit : « Oui, j’ai repris les affaires à Miami en Floride, là d’où je viens, après le décès de mon grand-père. J’ai beau avoir nommé un directeur délégué, il fallait tout de même que je me présente pour finaliser une transaction. »
Depuis la berge, la frivole petite amie de Bian interpelle leur camarade en faisant de grands signes de bras ce que ne peut s’empêcher de constater Bian : « Il me semble que Dolly soit également très heureuse de ton retour. »
Ne prêtant guère attention à Dolly au physique pourtant si gratifiant, Vasiliás répond à son ami par un sourire sincère.
_ « J’espère recevoir le même accueil de ta s½ur.
_ Tu lui as beaucoup manqué tu sais. Cependant, malgré ton mois d’absence, ta Faille Temporelle est toujours aussi impressionnante.
_ C’est bien ça le souci. Ma technique n’évolue pas. Je dispose d’autres arcanes dévastateurs que j’améliore de jour en jour, pourtant je stagne avec le Temporal Weakness. Ton Souffle Divin n’en est pas moins incroyable.
_ Il faut dire que mon ami Kassa m’aide beaucoup à travailler cette technique.
_ Kassa… C’est bien l’homme qui est arrivé du Portugal il y a quelques mois et que tu dois me présenter depuis n’est-ce pas ?
_ Tout à fait. Mais comme à chaque fois tu préfères t’entraîner lorsque tu es ici, je n’ai jamais pu organiser votre rencontre. Tu verras, il a conscience de ce qu’est la cosmo énergie. Il a comme moi appris à la développer seul mais n’en dégage qu’une force limitée.
_ Ça tombe bien, mieux vaut être prudent avec le cosmos, on ne sait jamais qui en détient la force. En parlant de ça je comptais m’exercer ! »
Bian ramasse un manteau de fourrure crème qu’il ajuste au-dessus de son pantalon et de son maillot pourpre : « Tu pourras toujours reprendre demain. Là j’en ai assez fait pour aujourd’hui. Rentrons maintenant. »
Vasiliás grimace en regardant à nouveau l’heure sur sa montre. Lui qui trouve qu’il reste du temps pour s’entraîner, il finit par abdiquer en rangeant le bijou dans sa poche de pantalon.
Il taquine son ami en lui pointant du doigt sa sublime voiture.
_ « Attention à ne pas salir mes sièges avec tes vieilles frusques.
_ Je ne comprends toujours pas pourquoi tu utilises cet engin, alors que tu peux te déplacer bien plus vite tout seul. »
Vasiliás fixe avec intensité son ami droit dans les yeux et prend un air grave : « Je te l’ai déjà dit. Pour rien au monde nous ne devons être repérés. Notre présence et nos forces dépassent l’entendement humain. N’oublie pas ce que je t’ai enseigné, tu sais que je suis en sursis. On me cherche. Le Sanctuaire ne me laissera jamais en paix. »
En disant cela, Vasiliás frémit et fait le tour de lui-même avant de grimper dans son véhicule : « Rentrons au chalet à présent… »
Les deux amis regagnent le véhicule, laissant Dolly s’installer sur les genoux de Bian bien qu’elle continue à dévorer Vasiliás des yeux.
Ce magnifique exemple de réussite sociale émerveille la jeune femme qui se remémore l’époque de leur rencontre…
Flashback
Décembre 1976 - Arrivé au Canada en étant enfant, Vasiliás n’avait ni lieu où dormir ni argent pour se nourrir. Mal fagoté, n’ayant sur lui de valeur que sa montre-gousset, il semblait apeuré et méfiant.
Petite fille, Dolly le voyait régulièrement survivre en se dissimulant dans des ruelles où il se nourrissait dans les poubelles.
Alors que Bian et sa s½ur aînée, Ariel, deux orphelins, trainaient aussi les rues, Vasiliás fut interpellé par la présence de Bian qui dégageait inconsciemment une énergie intérieure que Vasiliás savait ressentir, le cosmos.
Dès lors persuadé que les personnes à sa recherche l’avaient retrouvé, Vasiliás engagea un combat contre l’autochtone de deux ans son cadet.
Les déclarations d’Ariel qui supplièrent Vasiliás de croire en leur innocence le ramenèrent à la raison.
Bian n’était qu’un enfant avec un talent inné pour la maîtrise de la cosmo énergie comme Vasiliás l’était lui-même.
Bian et sa s½ur cherchaient un refuge et s’entraidaient, tandis que Vasiliás, lui, était seul.
Il choisit d’aider Bian à devenir quelqu’un de plus fort en lui enseignant ce que lui-même avait appris. Ainsi, il pourrait toujours protéger sa s½ur. En échange, Ariel dut accepter d’aider Vasiliás à reprendre contact avec sa famille en Floride dont il avait été arraché deux ans auparavant.
Les années défilèrent et Dolly s’approcha petit à petit du trio qui devint vite un quatuor.
Secrètement attiré par Vasiliás, elle ne réussit qu’à accrocher le c½ur de Bian dont elle s’est finalement satisfaite.
Vasiliás et Bian, eux, s’entraînaient à longueur de journée sur les rives gelées de la baie de Baffin.
Pendant ce temps, Ariel partit aux Etats-Unis pour découvrir l’histoire de Vasiliás…
Flashback
Dolly sort de ses songes lorsque Bian vient lui baiser doucement le cou.
Ils abandonnent Vasiliás durant leurs embrassades.
Seul, l’élégant jeune homme ressasse le passé, deux ans avant les souvenirs de Dolly…
Flashback
2 juin 1974 - Le soleil brûlait la peau d’un Vasiliás jeune garçon. Il ne comprenait pas pourquoi il devait accomplir ces exercices physiques que l’homme responsable de son rapt lui avait ordonné de réaliser.
Le fameux kidnappeur était habillé de la même manière que la majorité des soldats qui veillaient dans ce domaine. Dans de vieux vêtements jaunâtres recouverts de cuirasses aux tibias et aux avant-bras, ses cheveux kaki couverts d’un casque plutôt usagé, le ravisseur était agenouillé devant un homme.
Cet inconnu observait s’exercer avec intérêt l’enfant.
Il était couvert d’une protection marine et grise, à vue d’½il une armure de bronze qui recouvrait sa tenue océan et s’accordait à merveille à ses yeux azurs ainsi qu’à sa longue chevelure qui frôlait le sol.
Il fut rejoint par Saga, dans le rôle du Grand Pope Shion qu’il avait usurpé quelques mois auparavant, était recouvert de sa longue robe blanche, de son magnifique collier et de son casque en or.
Le Saint de bronze courba aussitôt l’échine tandis que le kidnappeur de Vasiliás s’écrasait encore plus bas que précédemment.
Malgré l’atmosphère étouffante, le représentant d’Athéna ne semblait pas souffrir de la chaleur.
Le pauvre enfant, lui, sentait comme une odeur de soufre sur sa peau brûlée, tandis que ses petites mains souffraient de l’incandescence de la roche qui était prête à éclater sous la pression solaire.
L’oxygène était difficilement respirable tant la poussière environnante se soulevait au fur et à mesure que la cosmo énergie du Grand Pope s’élevait.
Dissimulé sous un masque violet, le Grand Pope incendiait le soldat.
_ « Tu es coupable d’un crime d’une importance capitale ! Enlever un enfant de l’amour de ses parents uniquement parce qu’il est prédisposé à un cosmos important est interdit par Athéna en personne ! Seuls les orphelins peuvent être retirés du monde contemporain !
_ Pardonnez-moi majesté, répondit l’infiltré dans le monde contemporain. Je pensais qu’il était préjudiciable pour le Sanctuaire et pour Athéna de se priver d’un tel élément… »
Le chevalier à l’armure marine avait un visage sournois et affichait toujours depuis son arrivée un sourire en coin. Il observait le souverain interrompre son sujet d’une voix grondante : « Silence ! S’il était vraiment destiné à la chevalerie alors il serait venu de lui-même lorsqu’il aurait été plus vieux ! »
Le ton impérial du Pope retentit dans ces environs désertiques du Sud du domaine sacré.
Face à tant de prestance, l’enfant qui allait sur ses huit ans en cette année 1974 cessa ses efforts et observa le maître des lieux en s’asseyant bras croisés.
Le soldat glissa sa tête jusqu’aux pieds de son seigneur et dirigea ses mains vers la robe de celui-ci pour essayer de la soulever et de les lui baiser.
Le Pope s’écarta instantanément et lui somma de se reprendre : « Un peu de tenue ! Ce n’est pas en implorant mon pardon que nous résoudrons ce problème. »
Le malheureux suggéra alors : « Je peux très bien me rendre de nouveau à Miami où j’étais en mission. J’assurai là-bas la correspondance avec le Sanctuaire pour veiller sur le monde alentour avant qu’un autre soldat ne me relève. Je connais les Etats-Unis comme ma poche et l’état de Floride encore plus. Je peux très bien ramener cet enfant à ses parents incognito ! »
Le Grand Pope réfléchit un instant tandis que le chevalier qui l’accompagnait fixait avec insistance l’enfant.
Ce frêle garçonnet aux cheveux mi-longs, bouclés, châtains, coiffés d’un serre-tête noir et vêtu d’un survêtement blanc encrassé par la poussière et le sable du Sanctuaire observait avec admiration le monumental Pope au charisme imposant.
Lorsque ce dernier prit une décision, il déclara fermement au Saint de bronze observateur : « Cet enfant en a déjà trop vu, n’est-ce pas Klok ? »
Le chevalier au corps svelte et au regard perçant, tenant sa main gauche en appui contre sa hanche tandis que son bras droit était tendu le long de son corps, affirma : « Evidemment. Même si nous ne sommes qu’à la frontière entre le monde moderne et le Sanctuaire, juste à l’approche du village de Rodorio qui fait office de rempart au Sud de notre domaine, nous ne pouvons pas prendre le risque de laisser cet enfant retourner chez lui. Soit il entrera dans la garde athénienne en devenant soldat ou chevalier, soit il mourra. »
L’annonce de son sort ne fit pas frémir l’enfant. Les bras résolument croisés, il fixait avec détermination, presque défi, le Grand Pope.
Cela convainquit Saga : « Klok Saint de bronze de l’Horloge, tu es un des sergents du Sud de notre domaine. Je te charge de découvrir qu’elle est la constellation protectrice de cet enfant et d’assurer sa formation. »
Le regard profond de Klok se figea dans les yeux de l’enfant pendant qu’il assurait : « A vos ordres majesté, je ferai de lui un être invincible… »
Flashback
Les mains sur le volant, la victime du rapt, aujourd’hui le crâne rasé et la carrure plus imposante, est un des rares déserteurs du Sanctuaire encore en vie…
Toujours dans le monde moderne, à Athènes, en Grèce, des flashs et du brouhaha animent la colline de l’Aréopage situé à l’Ouest d’Athènes.
Plus qu’un énorme monolithe de marbre gris bleu, ce lieu touristique qui domine l’agora d’Athènes accueille sur les plates-formes de son sommet des centaines de curieux venus découvrir ce qu’il reste du tribunal de la Grèce antique.
Un peu partout sur les flancs et le sommet de la colline, les creux de la roche sont les seuls vestiges des bâtiments antiques.
Malgré le vent frais du mois de mars, le soleil réchauffe les visiteurs qui, s’ils ne sont pas en maillot, portent de légers gilets.
Cette belle journée de fin d’hiver attire beaucoup de monde hors de chez eux tout comme la richissime Ksénia, amie de Saori Kido.
A l’approche de ses dix-sept printemps, elle a choisi de faire une visite en Grèce, aux frais de son riche homme d’affaires de père souvent en voyage.
La météo est propice à ce que la demoiselle se découvre et dévoile ses formes gracieuses.
Ses longs cheveux bruns tombent en quelques mèches dans son cou et sur sa généreuse poitrine à peine cachée par sa robe violette sans bretelle. Des petits rubans violets se mêlent derrière sa tête à ses cheveux et font ressortir le maquillage qui habille ses lèvres pulpeuses. Le petit c½ur rose, tatoué sur sa pommette gauche, s’accorde à merveille avec ses yeux topaze, enjolivés par de fins sourcils.
La vénusté s’avance sur le flanc droit du site, sans se soucier des regards remplis de convoitise qui se posent sur elle.
Elle stoppe sa marche lorsqu’elle distingue un groupe de touristes posé contre l’immense roche souriant au flash photographique qui vient de les saisir.
La jolie Russe reste en retrait de longues minutes durant lesquelles elle s’assure qu’elle n’est plus épiée et que les environs se désertent.
C’est seulement lorsque le calme et l’absence de quiconque reviennent que Ksénia s’engage à l’endroit même où l’attroupement s’appuyait.
Une dernière fois, elle pivote sur elle-même s’assurant de sa solitude en ce lieu.
Puis passe sa main à travers la roche pour vérifier la qualité de ce pont cosmique permettant aux êtres doués d’un cosmos plus ou moins maîtrisé de s’aventurer dans le domaine d’Arès…
Pendant ce temps, la voiture de Vasiliás roule au pas dans la petite ville canadienne d’Arviat.
Ici, les enfants ne prêtent pas attention aux dangers de la circulation.
Malgré le dialogue que cherche à instaurer Bian, Vasiliás est absorbé par une bataille de neige entre des enfants d’à peine dix ans qui ne se soucie guère du véhicule de sport qu’on ne croise pourtant jamais en ces lieux reculés.
Il se revoit au même âge, loin d’ici…
Flashback
Hiver 1974 - Il faisait très froid en Grèce, bien plus froid qu’à l’accoutumé.
Même les chevaliers les plus robustes craignaient cette température et, hormis ceux en faction avec leurs gardes, ils restaient à l’intérieur de leurs chaumières où le feu d’une cheminée et les bras d’un être aimant étaient plus appréciables.
Pourtant, le survêtement blanc remplacé par de vieilles frusques de même couleur, ses bras couverts de bandelettes de papiers, ses chevilles lacérées par le cuir de ses spartiates, ses bouclettes noyées par la pluie de grêle qui venait de s’abattre, le garçonnet qu’était Vasiliás concentrait dans son poing l’étendue de son savoir acquis depuis seulement quelques mois.
Au beau milieu de la place principale du village de Rodorio, désertique en cette journée glacée, il se préparait à créer la surprise auprès de son professeur.
Lorsqu’il vit autour de son poignet une lueur dorée irradier, il se lança sur Klok, son mentor, protégé par sa Cloth.
Ce Néerlandais d’un mètre soixante-quinze bougeait ses soixante-quatre kilos à son gré afin de déstabiliser son élève qui cherchait maintenant à le toucher à distance.
Après un effort de concentration extraordinaire, l’apprenti parvint à décocher un coup proche de la vitesse du son qui frôla in extremis son professeur.
Le chevalier ne tarda pas à riposter, il fonça sur son disciple.
Vasiliás mit trop de temps à se ressaisir après l’effort qu’il venait de faire et se trouva sans défense au moment du face à face.
Klok ne perdit pas une seconde et le frappa de tout son cosmos. Bras ouverts, à l’approche du torse de celui-ci, sa douce voix retentit : « Inversie Tijd ! »
Le corps de l’enfant se tétanisa instantanément pendant que Klok passa derrière lui.
Klok ralentit et, sans même se retourner vers son élève, quitta la place principale pour regagner sa chaumière en lui faisant une nouvelle fois la leçon : « Encore une fois tu n’arrives pas à mêler action et concentration. Tu es à nouveau victime de mon Inversion du Temps. Ton corps et ton organisme subissent un retour en arrière dans le temps et ne supportent pas l’évolution de ceux-ci par rapport à ce qu’ils devraient être lorsque tu n’es qu’un bambin. Heureusement, je t’ai appris à devenir suffisamment résistant pour que tu survives à cela. Lorsque tu auras recouvert toutes tes forces, tu iras chasser pour rapporter le dîner. »
Soudain, les pas du chevalier stoppèrent leur marche.
Sous ses pieds la roche givrée étincelait comme de l’or. De cette plaque lumineuse, mais aussi du ciel, jaillirent tout autour du Saint des plumes blanches, longues et larges telles des plumes d’ange.
Le mentor comprit enfin : « Cette technique à laquelle il s’essaie depuis des semaines, les Plumes Célestes, il y est arrivé… Vasiliás a réussi… »
A cet instant, l’enfant se redressa en pleurant tant la souffrance intérieure de contrer l’arcane de Klok était insoutenable.
Avec une rage folle de vaincre il hurla si fort que toutes les maisons alentours à la place principale de Rodorio l’entendirent : « Byakûjin ! »
Tous les villageois se mirent aux lucarnes de leurs maisonnettes et découvrirent un nuage de plumes écorcher Klok durant une fraction de secondes.
C’est seulement lorsque Vasiliás retomba à genoux que les plumes se dissipèrent au gré du vent.
Le souffle court, les yeux à peine ouverts, Vasiliás observait son professeur qui se tenait dans la même position que lui.
Pour la première fois depuis son arrivée, son maître lui sourit…
Le soir venu, tandis que l’atmosphère s’était radoucie grâce à une pluie fine qui tombait depuis quelques heures, Vasiliás resta assis contre la façade d’une maison.
Son postérieur baignait dans l’eau boueuse tandis qu’il était trempé jusqu’aux os.
Le calme régnait dans Rodorio.
Ce petit bourg du Sud du Sanctuaire est le plus distant du Centre du Sanctuaire et de la ville d’Honkios.
Il est si éloigné que certaines personnes disent de lui qu’il ne fait pas parti du Sanctuaire.
Rodorio est le seul village frontalier dénudé de remparts après que ceux-ci furent renversés par l’armée d’Hadès il y a plus de deux-cent ans.
Pour les soldats et les chevaliers les moins expérimentés, il s’agit de l’endroit le plus facile pour accéder au Sanctuaire car les conditions climatiques qu’il faut franchir sont les moins difficiles par rapports à celles qui encerclent le reste du domaine.
Les monts sont moins élevés, les roches moins sablonneuses et la route plus courte vers le monde contemporain.
Cependant Rodorio n’en reste pas moins un lieu inaccessible pour les humains n’ayant pas connaissance de ce qu’est la cosmo énergie.
C’était dans ce village calme, où la présence militaire n’en était pourtant pas moindre due à l’absence d’obstacles en cas d’invasion ennemie, que Vasiliás avait été conduit et dont il n’était jamais sorti.
Son regard était perdu, son esprit ailleurs.
Il regardait sur son bras nu, un tatouage qui lui avait été fait à l’intérieur de l’avant-bras droit à son arrivée, dans le même style que celui de son maître.
Il s’agit de son année de naissance en chiffre romain inscrit en verticale, le chiffre un commençant juste en dessous du coude et le chiffre six de l’année mille-neuf-cent-soixante-six finissant juste avant le poignet.
Son professeur, spécialiste des cycles temporels, avait fait faire ce tatouage pour rappeler à son disciple que de tout temps les chevaliers ont protégé cette planète et que l’année de sa naissance apportera au monde un nouveau cycle de paix.
Au départ, tout cela n’était que du charabia pour ce jeune humain qui souffrait de l’absence de ceux qu’il aimait et dont il était loin. Il devait renoncer à les retrouver un jour, ne pensant qu’à son rôle de chevalier. Du moins, s’il parvenait à atteindre ce stade.
Quand il réussit en quelques semaines à embraser son cosmos, Vasiliás fit briller dans le ciel une constellation sur le chemin de l’astre solaire, celle du Lion. Klok le mit immédiatement en garde contre les autres aspirants à cette armure car il s’agissait d’une des douze plus puissantes. Et les autres prétendants n’en n’étaient pas moins tendres. Oui, il lui faudrait devenir un des hommes les plus redoutés de cette planète, un Saint d’or.
Cependant, Vasiliás y vit aussitôt l’espoir d’être au-delà de ce statut, il ambitionna aussitôt d’être aussi adoré et remarquable que leur maître à tous, le Grand Pope.
Lorsqu’il ne s’affairait pas à déployer sa cosmo énergie, Vasiliás apprenait de Klok l’histoire de la chevalerie. Il retint plus que tout parmi les légendes et les récits contés, la fonction de Pope et le fait que seul un Saint d’or pouvait lui succéder. Cette mission revenait au chevalier doté du corps, de l’esprit et du c½ur les plus purs.
Depuis qu’il l’avait vu et qu’il apprit son rôle, Vasiliás ne rêvait que d’une chose, devenir ce représentant d’Athéna pour assurer avec les pleins pouvoirs la paix et la prospérité d’une planète où aujourd’hui beaucoup d’hommes vivent dans l’inégalité.
Idéaliste et utopique, il n’en était pas moins radical.
Sa solitude et la découverte de son potentiel lui ont valu plus d’une fois d’être repris par ses semblables.
En effet, si ses actes de violences parurent justifiés quand il s’agissait de défendre des opprimés, de se débarrasser de gardes usants de leurs droits pour considérer des villageois comme des esclaves, sa conception de la justice fut jugée trop radicale puisqu’il ne laissait aucune chance à ses adversaires.
Au-delà de la radicalité, c’est le jugement qu’il administrait aux manquements moraux comme l’irrespect envers autrui, le harcèlement moral d’un garde envers un villageois, l’humiliation, qui le rendit menaçant aux yeux d’autrui.
Tout manque de civisme était, aux yeux de Vasiliás, bon à être éradiqué. Il rêvait d’un monde libre fait d’amour et de paix mais d’un monde propre où il exterminerait lui-même le mal à la racine.
Durant ces instants où il laissait son esprit vagabonder, lui permettant de se voir devenir ce qu’il ambitionnait, Vasiliás se voyait tel le symbole de sa constellation, un roi au c½ur de lion…
Soudain, des claquements de pas dans les larges flaques d’eau firent sortir le jeune Vasiliás de ses rêves de pouvoir.
Une petite fille se couvrant la tête d’une cape rouge courait à toute allure pour se mettre à l’abri.
Habillée d’une longue robe violette, cette enfant d’à peine deux ans de moins que Vasiliás passa sans lui prêter attention.
Encore plus surpris de voir ce joli visage pour la première fois dans ce bourg où il connut tout le monde en à peine une semaine, Vasiliás fut étonné qu’une fille si jeune soit dehors par cette averse et à cette heure.
Il se redressa aussitôt et lui courut après.
Malgré ses jambes lourdes après les exercices effectués à longueur de journée, Vasiliás rattrapa l’enfant en peu de secondes.
Il lui saisit le bras et le tira vers lui pour la faire pivoter et lui permettre de découvrir son magnifique visage : « Qui… Qui es-tu ? »
La timide enfant ne répondit pas, elle avait le visage incliné vers le sol tandis que ses bras maigres tenaient au-dessus de sa tête la toge gorgée de pluie.
De ses doigts froids et écorchés, Vasiliás souleva le menton de la belle en réitérant : « Qui es-tu ? »
Elle posa enfin ses yeux vers l’inquisiteur en remontant du sol jusqu’à son torse. Sans même s’arrêter sur le visage de l’Américain, la jeune fille s’attarda sur le côté gauche du cou de Vasiliás d’où sortaient trois griffes de son maillot. Avec un accent slave fort prononcé, elle lui demanda avec beaucoup de curiosité : « Que t’est-il arrivé ? »
Vasiliás comprit aussitôt qu’elle faisait allusion à son tatouage : « Ce n’est rien.... Je suis apprenti chevalier, précisa-t-il en indiquant un autre tatouage sur son avant-bras droit. Lorsque mon maître m’a pris sous son aile, il a fait tatouer sur mon bras l’année de ma naissance en m’affirmant que celle-ci marquerait par mon rôle de chevalier l’avenir du monde. Alors j’ai choisi d’en faire d’autres pour refléter également ce que je suis. »
La petite fille n’avait pas détaché les yeux du tatouage de Vasiliás et n’avait même pas encore regardé à quoi ressemblait le garçon aux cheveux mi-longs et aux yeux bleus aux reflets verts.
Vasiliás, lui, avait remarqué à quel point l’enfant était belle, ses fins sourcils donnaient à ses yeux topaze un regard envoûtant, ses cheveux bruns descendaient en de fines mèches sur ses épaules et étaient coiffés de deux fleurs sur le dessus de son crâne. Ce qui marqua le plus son attention c’était le petit tatouage en forme de c½ur rose juste sous le coin de l’½il gauche de la fillette. Vasiliás constata d’un ton crédule : « Toi aussi tu en as un. »
Toutefois, elle restait focalisée, sur celui qui était gravé sur le cou de Vasiliás : « Que signifie-t-il alors ? »
Les soldats et chevaliers qui peuplent le Sanctuaire venant des quatre coins du monde, Vasiliás avait entendu bien des accents jusqu’à aujourd’hui. Cependant, c’était la première fois qu’il découvrait l’accent slave et le charme de la petite Russe ne le laissa pas insensible.
Il retira son maillot blanc décrassé par la pluie et présenta son torse athlétique qui n’était guère le même que celui des garçons de son âge.
Les griffes descendaient le long du cou et passaient derrière sa clavicule pour enfin descendre dans son dos où était dessiné une couronne, vieille, fissurée, entourée de lierre et sur laquelle on pouvait lire une phrase en latin : « Post Tenebras Spero Lucem. »
Vasiliás la traduisit : « Après les ténèbres j’espère la lumière. »
En entendant cela, la demoiselle leva enfin les yeux vers Vasiliás. Elle laissa tomber sa cape sur le sol et se présenta en tendant la main : « Je suis Ksénia. »
Vasiliás, en véritable gentleman, saisit la main de Ksénia et déposa un genou à terre avant de la baiser avec délicatesse : « Enchanté de faire ta connaissance. Je suis Vasiliás. »
La petite fille, charmée, demeurait curieuse.
_ « Pourquoi les ténèbres ?
_ Parce que depuis tout petit je peux les entendre grâce à mon cosmos. Je peux entendre les prières des gens qui souffrent et implorent un monde meilleur. Mon maître dit que je suis doté d’un don inné, que je peux m’adapter à toutes les situations et surpasser tous mes adversaires. Il est convaincu que c’est parce que je suis né avec ce géni pour le combat que mon cosmos est devenu celui d’un messie.
_ Ton destin est donc de supporter les maux de ce monde n’est-ce pas ?
_ C’est pour cela que j’espère la lumière. L’éclat doré du Lion qui influe mon cosmos doit me permettre de veiller au bonheur des hommes.
_ Il te faudra être plus qu’un lion, il te faudra être un roi ! »
En annonçant cela, comme si elle lisait dans les pensées de Vasiliás, le vent souffla sur la cape rouge de Ksénia.
Le tissu s’étendit. Plus qu’une cape, le voile parut être en réalité un étendard. Etait brodé dessus au fil noir, un lion rugissant, les pattes enroulées de ronces, des cornes d’ivoires sortant de ses coudes et de derrière ses genoux, déployant dans son dos des ailes d’anges. Il ouvrait grand sa gueule pour présenter ses crocs aiguisés, portant sur son visage la trace de combats sous la forme d’une cicatrice passant par son ½il droit.
Le tonnerre retentit soudain et les battements de c½ur de Vasiliás s’accélérèrent.
Il était captivé par ce dessin, ce que remarqua Ksénia.
_ « Je te la laisse si tu veux.
_ Et toi ? Comment vas-tu rentrer ? D’où viens-tu ?
_ " Je me suis simplement perdue mais je ne désespère pas de retrouver mon chemin. »
Elle commença à sautiller et à prendre la direction du Sud du village, vers une des sorties du Sanctuaire.
Vasiliás l’interpella alors qu’elle était désormais bien loin : « Attend ! Te reverrais-je un jour ? »
Elle revint toute souriante jusqu’à lui et lui déposa un tendre baiser sur les lèvres : « Nous nous retrouverons, bien évidemment. Un roi dispose toujours de ses sujets ! »
Puis elle disparut à l’horizon, mais pas des rêves de Vasiliás qui espéra depuis la retrouver chaque jour…
Flashback
Soudain, des hurlements viennent aux oreilles de Vasiliás qui revient au présent.
Au bout d’une ruelle enneigée, une vieille femme crie de toutes ses forces et se débat du mieux qu’elle peut.
Vasiliás freine brusquement et sort de son véhicule sans dire mot à Bian et à Dolly.
Il court jusqu’à l’origine de ces appels de détresse et découvre trois jeunes individus tabassant une vieille dame pour la dépouiller de son sac et de ses bijoux.
Témoin d’une telle violence, Vasiliás s’emporte aussitôt, les os de ses mains craquent tellement ses doigts sont contractés, ses dents sont si resserrées que sa mâchoire lui dessine un visage plus carré, ses sourcils se froncent et son regard s’assombrit.
Un premier malfaiteur, grand et mince, encagoulé, remarque l’approche de l’homme d’affaires au pas de course et alerte ses comparses : « Regardez qui voilà ! Il doit avoir plus de pognons que la vieille celui-là ! »
Un de ses complices, grand, costaud et coiffé d’une casquette sort un couteau : « Il est pour moi ce toquard. Je vais lui tailler un autre costume sur mesure. »
Le colosse fait office de rempart et cache la vue à Vasiliás qui arrive devant lui.
A hauteur de la taille du voyou, Vasiliás lève la tête au ciel pour fixer droit dans les yeux l’inconscient.
Le regard de l’Américain est si dur que le géant ne peut se retenir d’avaler sa salive, un malaise le prend d’un coup.
Derrière lui, ses deux amis s’impatientent. Le dernier des voleurs plus petit que les deux autres, encapuchonné dans son épais blouson polaire, sort une arme à feu : « Il faut toujours que ce soit moi qui fasse le sale boulot ! »
Devant la ruelle, Bian arrive enfin et découvre son camarade en tête à tête avec la racaille. Connaissant celui qui l’a aidé à accroître son cosmos, il le supplie d’atténuer immédiatement sa rage : « Vasiliás ! Non ! »
Trop tard, la tête du robuste voleur, premier obstacle, vole en lambeaux qui éclaboussent ses comparses.
Vasiliás, auteur d’un bond prodigieux pour atteindre son ennemi, se réceptionne sans difficultés sur ses deux jambes et évite avec facilités les éclaboussures d’hémoglobine.
A cet instant, retentirent, une dizaine de coups de feu venant du revolver du troisième malfrat. D’un mouvement rapide de la main gauche, Vasiliás récupère chacune des balles qui lui étaient destinées. Il les compresse dans sa main de manière à former une balle de métal aussi grosse qu’une balle de golf qu’il lance à une vitesse encore plus véloce que celle du son sur le l’autre larron. Ce dernier se retrouve, sans avoir eu le temps de le voir arriver, avec un trou au beau milieu du visage à la place même de là où se trouve son nez.
Son corps sans vie s’écroule aussitôt tandis que le propriétaire de l’arme pointe encore Vasiliás en tremblant. Il vide son chargeur sur le visage de Vasiliás à mesure que celui-ci approche.
Le nez, les yeux, le crâne… toutes les balles ricochent comme si le corps du héros était composé d’un alliage indestructible.
_ « Que… Comment… Je… Je suis désolé… Je vous en prie… Je… Ah… »
Vasiliás pose sa main sur le visage du criminel et serre ses doigts de plus en plus fort.
La douleur est si atroce que le gangster s’accroupit tandis que sa chair éclate et ses os se rompent.
Le râle s’achève enfin lorsque Vasiliás ressert totalement son poing et que la face, de dessous le nez jusqu’au menton du malheureux, éclate en morceaux.
Après un tel acte de barbarie, Vasiliás tourne les yeux en direction de la personne âgée qui a perdu conscience après le mauvais traitement reçu.
Son corps, affaibli par la force du temps, a été roué de coups. Vasiliás porte dans ses bras les cent huit kilos de la victime sans le moindre mal et tourne la tête en direction de Bian : « Prends la voiture et rejoins-moi à la clinique ! »
D’un bond prodigieux, Vasiliás atteint le toit d’un immeuble situé à proximité et disparaît presque aussitôt après s’être déplacé à une vitesse hors du commun, laissant Bian souffler de dépit.
Le Canadien tourne les talons pour regagner le véhicule et Dolly avant que d’autres témoins ne remarquent le carnage dont est responsable son ami.
Pendant ce temps, en Grèce, à l’Ouest d’Athènes, sous l’Aréopage, Ksénia a traversé le monolithe.
La riche héritière et amie de Saori débouche sur un hall taillé dans la roche.
Le plafond est maintenu par d’immenses colonnes doriques, créées à partir du marbre qui composait dans le passé le tribunal où Arès fut jugé et acquitté par les dieux du meurtre d'Halirhotios, fils de Poséidon, qui avait violé sa fille à cet endroit.
Ce vestibule est éclairé par la lueur des torches qui l’entourent et qui se reflètent sur le marbre propre et brillant.
Les talons des escarpins noirs de Ksénia résonnent dans cet espace vide et propre à outrance. Pas une marque de pas, pas une trace de main sur une colonne, l’hygiène est scrupuleusement présente.
Ksénia fait le tour de la pièce en étudiant avec un ½il expert les piliers froids sur lesquels ses doigts délicats glissent.
Enfin, elle approche au milieu de la pièce où un escalier de pierre, mélange de roche et de calcaire, conduit vers un sous-sol insondable tant l’obscurité envahit cette descente dans les profondeurs terrestres.
Pourtant, la demoiselle de bonne famille n’hésite pas un seul instant et s’y engouffre, descendant les marches d’un mouvement captivant, se laissant absorber par l’obscurité de cette incursion…
Lorsque revient enfin la lumière, après des mètres d’abysse absolu, une chaleur lourde et suffocante pèse tout à coup sur elle. L’intrigante beauté débouche à nouveau sur une plateforme ressemblant au hall ovale par lequel elle est arrivée.
Cette fois-ci, face à la descente d’escalier, deux lignes enflammées dessinent un passage de chaque côté d’un tapis rouge.
Ksénia affiche avec élégance un sourire sur son visage harmonieux. Et, malgré les températures insupportables qui continuent de croitre, d’un mouvement de bras, faisant le tour de sa tête, elle fait apparaître une longue cape blanche qui l’encapuchonne et ombrage son visage.
Désormais, elle emprunte le chemin de feu qui débouche sur une grotte caverneuse étroite, aux stalactites fort basses.
La voie s’achève sous une voûte en arc de cercle.
A cet endroit, Ksénia atteint le centre de la Terre.
En effet, au fond d’un précipice, sur un îlot entouré par une route de lave, se dresse un immense temple aux hauts murs lisses.
Autour du bâtiment d’une superficie incalculable, sur le peu de terre restant entre la lave et les cloisons de ce sanctuaire, des dizaines d’hommes aux cuirasses rouges portées au-dessus de leurs vêtements orangés rapportent des tonneaux d’eau fraîche.
Le liquide s’écoule tel un ruisseau depuis les nappes phréatiques, en dessous desquelles ils se trouvent, et vient mourir dans la lave rutilante.
Ksénia prononce alors d’un air enjoué avec son accent slave : « L’Aréopage, ce qu’il reste du domaine d’Arès le Dieu de la Guerre. »
Elle réalise un bond prodigieux que personne ne lui aurait soupçonné jusqu’à présent et atterrit devant la bâtisse ressemblant à un cône dont la pointe vient s’encastrer dans le faux plafond à côté des concrétions de la grotte.
Les gardes arèsiens ne prêtent guère attention à la présence de l’intruse qui ouvre grand une palissade ornée de cornes de buffles sur toute sa surface et faisant office d’entrée…
Au même moment, la nuit tombe sur Yíaros.
A mesure que le navire d’Apodis entre par le canal formé au Nord Est grâce au chemin de la rivière, le Saint de l’Oiseau de Paradis est pressé d’en découdre.
Le souvenir du corps inanimé de son fils baignant dans le sang de sa mère, focalise son attention.
Remonté à bloc comme ses hommes, sa soif de vengeance n’a aucune idée de ce qui se trame au Centre de l’île…
Là-bas, les villageois n’arrivent pas à trouver sommeil.
Depuis leurs logis où ils sont restés enfermés, ils entendent la garde hébéïenne courir sans cesse dans tous les sens.
L’armée est dépassée par les évènements, l’intrusion des ennemis dans le Sud de l’île annonce des jours obscurs pour la population qui craint les représailles après les évènements catastrophiques de la Journée Sainte au Sanctuaire d’Athéna.
Pourtant, au milieu de la cité, dans le temple réservé aux femmes, le temple d’Héra, un conseil de guerre semble se dessiner.
Les prêtresses soignent une demoiselle qui se tient debout dans une chambre du temple.
Elles nettoient son corps sale et blessé qui se dresse nu devant elles.
La queue de cheval de leur patiente est défaite et ses longs cheveux blonds lui sont peignés sous les yeux de la déesse Hébé en personne.
Autour de la pièce, Juventas et d’autres prêtresses observent la scène et dévisagent plus particulièrement la jolie blonde qui baisse ses beaux yeux bleus honteux en direction du sol marbré.
Subitement, les talons des escarpins rose pâle d’Hébé résonnent dans la pièce à mesure qu’elle s’avance de cette captive qu’elle guette avec pertinence.
Hébé attrape une serviette pliée dans un panier amené par une servante et essuie elle-même les quelques gouttes d’eau qui roule dans le creux de la frêle poitrine de cette demoiselle confuse. La voix mélodieuse d’Hébé lui apprend d’un ton monocorde : « Le Saint de bronze de la Colombe, ton amie Naïra, est morte durant votre combat contre Baucis… »
La déesse dirige sa main en direction de Baucis située dans le fond de la salle, à peine remise des blessures infligées par Philémon du Lièvre.
La torride Alcide a sa Cloth fissurée de toute part et a réajusté un nouveau masque de femme chevalier sur son visage après que Philémon lui ait brisé le sien.
La prisonnière tourne légèrement la tête pour distinguer l’Alcide de la Biche de Cérynie qui l’a mise hors de combat quelques heures plus tôt.
Hébé poursuit : « … C’est elle qui mènera la prochaine mission dans le Nord Est de l’île. Elle tient à prendre sa revanche après qu’elle ait perdu le Sud contre les Athéniens lors de votre débarquement. »
Juventas des Juments de Diomède, fidèle guerrière d’Hébé, veuve du brave Iphiclès du Lion de Némée, intervient pour s’assurer une dernière fois que la détenue ne ment pas.
Elle pointe du doigt en direction du sol l’armure d’argent abîmée et retirée du corps de la captive. Le masque fissuré de Yakamoz ainsi que ses vêtements arrachés jonchent le sol et permettent à Juventas de pointer la soumission de la Saint : « Si ce que tu nous as dit est exact, s’il n’y a réellement que cinquante soldats et un Saint qui tentent de s’introduire dans le Nord Est de la cité, alors tu auras respecté ton serment auprès d’Hébé et tu seras reconnue comme servante de notre déesse, toi, celle qui a choisi de renoncer à ton rang de chevalier d’Athéna et d’entrer au service de l’amour et de la justice sous le flambeau d’Hébé, toi, Yakamoz de la Grue qui a fait v½u de fidélité envers notre déité à l’intérieur même de ce temple sacré… »
Last Edit: 30 April 2022 à 18h24 by Kodeni