Chapitre 24
7 mars 1985.
Le premier acte s’achève sur Yíaros.
La victoire athénienne au Sud de l’île garde tout de même un goût amer. La disparition de Yakamoz ainsi que l’annonce du décès de Naïra qui a succombé aux blessures infligées par Baucis entachent cette première incursion.
L’atmosphère se rafraichit, le soleil tombe de plus en plus et la journée s’achève.
Au loin, proche du détroit, Shura somme à ses hommes de ne pas emprunter le chenal. Il a réajusté son casque sur sa tête après qu’avec du fil et une aiguille un soldat lui ait recousu le crâne.
Les Athéniens, après avoir positionné quelques sentinelles dans les montagnes, déblayent la côte.
Ils regroupent près de soixante cadavres hébéïens avec, dans le lot, l’Alcide Androgée.
Une bonne autre vingtaine de dépouilles n’a pas été retrouvée. Elles furent soit brûlées, soit ensevelies par les nombreuses avalanches.
Tandis que certains montent plusieurs tentes sur les flancs gauche et droit, d’autres creusent une fosse dans laquelle les morts sont lancés et brûlés.
La petite trentaine d’Athéniens décédés a droit aux honneurs du bûcher avec des sacres sur les yeux pour le passeur des enfers, alors que les religieux officient une cérémonie funèbre.
Aldebaran rejoint Shura en compagnie de Babel et Ptolémy qui sont désormais revenus à eux. Philémon a dans ses bras le corps de Naïra.
Shura comprend : « Voici donc notre première perte. Elle était chevalier. Avait-elle des camarades particuliers parmi les nôtres ? »
Ptolémy, pour une fois dépourvu de sa soutane et de son masque, restés sur le bateau, répond à son supérieur : « Seigneur Shura, elle était très appréciée de nos gardes au domaine sacré. Elle vivait dans la ville d’Honkios et participait à maintenir l’ordre à mes côtés dans la ville principale de notre cité. Le Seigneur Aiolia lui a sauvé la vie lors de l’invasion hébéïenne durant la Journée Sainte.
_ Dans ce cas Ptolémy, fidèle scribe de notre Grand Pope, tu rédigeras un billet à notre majesté pour l’informer de son décès et présenter nos condoléances au chevalier du Lion qui a été son sauveur. Dis-lui qu’elle s’est battue courageusement pour Athéna et qu’elle est décédée avec les honneurs. »
Ptolémy incline légèrement sa tête pour saluer la décision. Aldebaran annonce à Shura : « Ils ont enlevé Yakamoz. Ils souhaitent certainement faire des prisonniers pour les interroger ou les monnayer contre notre retrait de l’île. »
Shura sourit : « Enlever nos Saints n’est pas la meilleure façon d’obtenir des informations. Chacun sait que les chevaliers préfèrent mourir, plutôt que de trahir les leur. Nous, nous serons plus malins qu’eux, dans la mesure où nous ne perdrons pas de temps à interroger des captifs. Nos prêtres ont déjà effectué ici de nombreux pèlerinages et les lieux leur sont connus. »
Shura n’a pas l’air de se soucier du sort réservé à Yakamoz, celle avec qui il a passé d’agréables instants avant de débarquer sur l’île.
Aldebaran se retourne vers le Saint de bronze et les deux Saints d’argent : « Vous pouvez disposer maintenant chevaliers. Soignez-vos plaies, laissez vos armures reprendre des forces dans leurs Pandora Box et reposez-vous. Cette nuit, lorsqu’Apodis et ses hommes auront débarqué, nous commencerons à investir l’île. »
Les trois hommes quittent leurs deux supérieurs, Philémon rumine la disparition de Yakamoz pour laquelle il se sent responsable, Babel ne décolère pas de s’être fait avoir par Baucis pendant que Ptolémy, papyrus et plume en main, a déjà regagné le navire et a réendossé ses vêtements qui voilent son identité.
Les deux Saints d’or marchent le bord de l’eau et observent les bateaux hébéïens sombrer un à un.
_ « Les hommes installent le camp, commente Shura. Je leur ai demandé de ne pas se positionner trop près des montagnes pour éviter les attaques surprises ou les catastrophes provoquées par une explosion cosmique inattendue. Pour le moment je n’ai fait envoyer aucun éclaireur de l’autre côté du détroit. Je préfère que nos hommes se reposent durant la soirée. Nous attaquerons pendant la nuit. Une troupe de quinze soldats reste en permanence avec l’équipage pour veiller sur notre navire.
_ Sous mes ordres les soldats coulent leurs bâtiments afin d’éviter toute fuite de la part d’Hébé. Ils n’ont trouvé aucune nourriture dans les cales et les réserves. Il faudra attendre que les bateaux marchands arrivent sans quoi nos réserves s’épuiseront très vite. »
Shura tapote amicalement sur la Cloth d’Aldebaran au niveau de l’estomac : « Cette nuit Apodis avancera déjà vers le Parthénos et nous nous commencerons à envahir leur cité. Nous serons bientôt maîtres de leur domaine, ne te soucie donc pas de la nourriture, tu mangeras un festin demain ! »
Aldebaran rigole amicalement et fixe la lune qui devient de plus en plus visible en murmurant : « Apodis, soit prudent… »
Pendant ce temps, au Sanctuaire, la quatrième maison du zodiaque est vide.
La chambre du propriétaire est inoccupée.
Seules les catacombes sont animées.
Depuis la veille, Deathmask n’a de cesse de retrouver sa prisonnière.
Lilith, comme il l’a baptisé, se montre docile. Chaque fois qu’il lui amène son repas, il reste avec elle à l’observer et à lui caresser le corps de ses mains fermes.
Ce soir encore, il la fixe d’un ½il concupiscent, alors qu’elle se jette grossièrement sur la nourriture, n’utilisant aucun couvert et s’essuyant la bouche à l’aide de ses bras.
Elle porte sur elle le pantalon craqué et le maillot usé que lui a donné Deathmask. Ses beaux cheveux lilas sont salis par la boue qui couvre le parterre miteux de la geôle. Ses grands yeux océans sont inexpressifs. Elle a perdu toute trace d’élégance, toute bienséance. La seule chose qui permet de faire valoir l’éducation qu’elle a reçue est sa faculté à lire les écrits que lui laisse Deathmask. Chaque fois qu’il descend, il lui laisse des pages de son recueil où il évoque son enfance.
Maintenant qu’elle a fini de manger, elle approche du plateau où scintille une chandelle, seule source de lumière dans ces ténèbres. Elle examine l’écriture de Deathmask et reprend ainsi sa bibliographie là où il lui avait laissé.
Deathmask part s’accroupir au fond de la pièce, il étudie les mouvements de Lilith.
Il est soudain stupéfait lorsqu’il voit rouler sur son visage des larmes.
Elle est émue pour son agresseur, celui qui a tué son amie prêtresse et qui l’a enlevé après que le Grand Pope les ait violées.
Le Cancer en est persuadé, cette demoiselle a le c½ur pur.
Il rampe pour s’agenouiller à ses côtés et, d’une mine affectée, il lui essuie les joues de ses mains rêches. Sans réaliser l’importance de son geste, elle enroule ses bras autour de son cou et vient lui baiser les lèvres.
Surpris, le Saint d’or se défait de l’étreinte de sa prisonnière.
Il se relève brutalement et hurle : « Qu’as-tu fais ?! »
Lilith ne répond pas. Comme on lui a appris, elle ne dit mot si la parole ne lui est pas donnée : « Parle ! Qu’as-tu fait ?! »
Après des mois de silence, sa douce voix est enrouée : « J’ai cru vous faire plaisir en vous témoignant mon respect. »
Deathmask est perdu.
Il se prend la tête dans les mains et bascule le tout en avant puis en arrière pendant quelques secondes…
Il revient à lui et la pointe rageusement du doigt : « Tu mens ! Tu profites de ce que tu as lu pour essayer de m’avoir !
_ C’est faux maître. J’ai…
_ Silence ! Tu resteras enfermée ici sans manger ni boire jusqu’à ce que ma colère se dissipe ! »
Il referme la porte avec rage et quitte le sous-sol de sa demeure…
Les heures se sont vite écoulées depuis que les Athéniens ont posé leur camp sur la côte Sud de l’île d’Yíaros.
La nuit est entamée depuis quelques minutes maintenant.
En mer Egée, à l’approche de l’embranchement entre le Nord et l’Est de l’île, le navire d’Apodis progresse toutes torches éteintes pour ne pas se faire repérer.
Le Saint de bronze de l’Oiseau de Paradis ajuste son heaume sur son crâne.
Son regard est redevenu froid, sa haine envers les Hébéïens reprend de plus belle maintenant que son armée approche de la côte.
Cliff, un des fidèles soldats et amis d’Apodis, a eu raison. Les vents ont été suffisamment favorables pour qu’ils débarquent plus vite que prévu.
Apodis se concentre, afin de déceler si une quelconque menace les attend.
Lui viennent alors à l’esprit les bribes de sa première guerre…
Flashback
Printemps 1979 - Sur le champ de bataille à l’Ouest du Sanctuaire, Apodis venait d’être mis au sol par un Arèsien qui pointait son javelot vers sa gorge.
Attendant la mort avec impatience, Apodis sentit des gouttes de sang couler sur son visage. Néanmoins, cela ne le faisait pas souffrir : « Suis-je déjà mort sans m’en rendre compte ? »
Il ouvrit les yeux pour voir à quoi ressemblait le paradis.
Celui-ci était bien loin de ressembler à ce à quoi il aspirait.
Une nuit tombée.
Des râles tout autour de lui.
Des cliquetis d’armes qui s’entrechoquaient.
Couchés à ses côtés, des cadavres arèsiens et athéniens. Certains éclairant les environs grâce à la combustion des torches qui tombèrent sur eux lors de leurs chutes.
Cela lui parut évident, ça n’était pas le paradis.
Toujours éclaboussé par ce sang qui le couvrait de plus en plus, Apodis reconnut son opposant penché devant lui, sa gorge taillée.
Aux alentours, seul contre dix, Cliff protégeait son ami : « Ca va aller Apodis ! Il ne reste plus que nous. Nous ne devons pas reculer. Nous devons maintenir nos positions jusqu’à ce que les troupes qui occupent les flancs aient gagné la muraille. »
Apodis était navré. Le paradis était encore loin, son camarade venait de l’empêcher de mourir et se retrouvait en position difficile, en ayant cru bien faire pour lui.
Sans bouclier, le plastron endommagé par de violents chocs et démuni de casque, Cliff tenait fièrement sur ses jambes amochées, brandissant son épée fissurée après les télescopages qu’elle avait subie.
En tournant autour d’Apodis pour le défendre des adversaires venant de gauche, de droite, de devant et de derrière, il bloquait les coups de glaive, esquivait les javelots et utilisait son corps comme cuirasse pour encaisser les flèches. Il tranchait les membres de ses antagonistes, entaillait leur corps, transperçait leurs points vitaux.
Le Grec le regardait, sans comprendre pourquoi il luttait vainement.
Cliff devait attendre qu’Apodis se relève pour le seconder, cependant il n’en avait pas l’envie, pas le cran.
Irrémédiablement, les blessures commencèrent à se faire trop nombreuses pour l’Italien.
Son corps trop lourd.
Bien qu’à genoux, il continuait à se battre, à abriter Apodis de son être.
Les autres trépassaient mais lui tenait bon.
En face, chez les Arèsiens, c’était l’incompréhension.
Les rangs athéniens du centre fatiguaient.
La progression sur les ailes était longue à venir.
Il ne restait plus que quelques guerriers d’Athéna encore debout, au beau milieu du terrain gagné par les hommes d’Arès.
Parmi les athéniens, Cliff donnait du fil à retordre.
Couché sur le dos, Apodis discerna une majestueuse monture sombre, accourir vers eux.
Son regard se hissa jusqu’au cavalier et fut ébloui par l’éclat de la lune sur sa gemme d’améthyste. Un Berserker rejoignait ses hommes.
Sous son casque, de longs cheveux couleur prune tombaient jusqu’à ses épaules.
Il était grand d’au moins un mètre-quatre-vingt, tout en muscle. Ses yeux jaune canari auraient pu éclairer les environs tant ils étaient perçants.
D’une voix calme, il déclara : « Allons donc guerriers d’Arès, n’êtes-vous pas capable de vous débarrasser de deux ridicules soldats alors que leur ligne a été depuis longtemps écrasée ? Il faut que ce soit moi, Diodoros Berserker du Vent qui les réduise en pièces ! »
Sans dégainer son arme rattachée à sa Nightmare, Diodoros avança jusqu’à Cliff qui essaya de l’empaler. Diodoros arrêta l’épée à main nue : « Ton mouvement est trop lent, trop faible, pour m’inquiéter. »
Il empoigna le cou de Cliff et le souleva du sol en le serrant. Cliff commença à manquer d’air.
Diodoros sourit perfidement : « Qu’est ce qui te donnera la mort ? Le manque de souffle ou bien la rupture des os de ton cou ? Dans les deux cas ça sera une mort douloureuse je peux te le garant… »
Diodoros n’acheva pas sa phrase.
Expédiée depuis des lieux d’ici, une décharge cosmique s’abattit dans son dos et fendilla sa Nightmare tout en le faisant chanceler.
Enragé, Diodoros se retourna et découvrit Pullo, le dernier survivant de la garnison avec Cliff et Apodis. Il maintenait lui aussi sa position, seul contre un millier depuis tout à l’heure. Le corps aussi meurtri que Cliff, il défia Diodoros du regard : « Depuis tout à l’heure tes hommes ne parviennent pas à me faire tomber alors que je suis désarmé. J’espère trouver un adversaire à ma taille. Laisse ces deux enfants pour affronter quelqu’un qui te donnera du fil à retordre. »
Diodoros pouffa de rire : « Du fil à retordre ! J’aimerai voir ça. »
Il ordonna aux légions alentours de lui laisser Pullo ainsi que Cliff et Apodis afin qu’elles continuent leur avancée.
Pullo, en boitant, arriva à hauteur de Diodoros. Il s’inclina pour esquiver une droite et cogna le Berserker d’une droite puis d’une gauche dans les côtes. Enfin, il lui décocha un uppercut.
Rien de tout cela ne fit chanceler le Berserker.
Ce dernier, répondit d’un simple coup de tête.
Simple en apparence...
Mais en réalité trop puissant pour Pullo.
Sa tête fut balancer puissamment en arrière quand son nez éclata.
Néanmoins, le caporal resta fermement sur ses jambes.
A cheval, un autre Berserker gagna le combat.
Plus petit que Diodoros, il était également plus fort.
Une énorme barbe blanche empêchait de distinguer la forme de son visage déjà dissimulé par un heaume à cornes de buffle. Il interrogea son camarade : « Diodoros, de simples soldats te mettent dans tous ces états ! Plus haut, les lignes d’Athéna tiennent encore sous l’égide d’un sergent nommé Pajaros Saint de bronze de l’Oiseau de Paradis. Notre armée butte contre car il tient ses rangs à merveille. Moi, Evhémère Berserker de la Matière, je pars de ce pas le combattre. J’aurais aimé que tu viennes me prêter main forte. Ce vieux chevalier est coriace semble-t-il. Alors cesse donc de jouer ! »
Diodoros esquivait chaque coup de Pullo, déstabilisé par son hémorragie au nez.
D’un coup de pied tourné, il le fit tomber en arrière.
Pullo se releva en passant son bras devant son visage pour essuyer son sang.
_ « Je pense ne plus en avoir pour très longtemps. Evhémère, pourquoi ne demandes-tu pas de l’aide aux autres ?
_ Ennius et Nicator luttent tous les deux contre leur lieutenant Orphée de la Lyre qui a vaincu à lui seul des centaines de soldats. La tâche semble ardue. Je pense qu’Antiochos viendra à leur rencontre une fois la situation stabilisée sur l’aile droite. »
Diodoros, tout en martelant Pullo de coups s’étonne : « Personne ne protège le front gauche ?
_ L’avancée athénienne a été ralentie. Il n’y a rien à craindre, nos soldats suffisent. »
Evhémère reprit sa course vers le Nord pour atteindre les lignes qui tenaient encore.
Pullo, adossé contre une ruine, encaissait sans broncher. Il était réduit à un sac de sable. Incapable de la moindre réaction. Plus mort que vif.
Cliff puisait en lui des forces pour se relever.
Apodis tremblait, il était pâle, il avait si peur, si honte.
Dans un dernier élan Pullo envoya un crochet en pleine mâchoire du Berserker, Cliff suivit et frappa Diodoros en plein dos avec une hache.
Chanceux de porter son armure, la Nightmare du Vent, le Berserker se retourna indemne en extrayant sa lame de son fourreau. Il retira la hache plantée dans sa Nightmare et empala son épée en plein abdomen de Cliff démuni. Le pauvre essaya d’avancer malgré l’arme qui perforait son ventre. Diodoros l’enfonça davantage jusqu’à temps que Cliff tomba à genoux. A sa merci, Diodoros fit tournoyer la hache utilisée auparavant par Cliff par-dessus sa tête avant de la diriger avec plaisir en direction du cou tout frêle du Sicilien qui se vidait de son sang.
Pullo, n’ayant plus rien dans les bras, s’engagea l’épaule en avant dans les reins de Diodoros afin de le faire basculer et ainsi sauver son élève.
Diodoros retomba à quatre pattes.
Impétueux, il s’employa à balayer Pullo pour de bon.
Ses yeux d’un jaune profond s’élargirent, pendant qu’il collait ses bras contre son corps et ouvrait les paumes de ses mains vers le ciel. Dans ses deux paumes vinrent se formèrent deux sphères d’air agitées. En rejoignant ses mains, les deux sphères formèrent un cyclone. Son regard se braqua sur Pullo et il proféra le nom de sa technique : « Obitadashii Storm ! »
La Tempête Incommensurable débarrassa Diodoros de Pullo qui retomba non loin d’Apodis, le corps totalement lacéré par les puissants courants d’air…
Flashback
De retour au présent, Apodis regarde Pullo qui est maintenant à son service.
Celui-ci a bien vieilli depuis et porte encore les stigmates de cette bataille, comme par exemple sa cécité.
Il s’en veut encore mais garde espoir, en le sachant à ses côtés…
Plus loin, au Centre de l’île, beaucoup de femmes et d’enfants apprennent la mort de leurs proches après la déroute hébéïenne au Sud dans l’après-midi.
Le moral du peuple est au plus bas.
Rares sont les gardes encore présents pour veiller sur les habitants qui peuplent la cité.
L’ordre est maintenant tenu par les religieux qui connaissent à peine les bases de l’instruction militaire.
A l’intérieur du temple d’Héraclès et du temple d’Héra, prêtres et prêtresses officient des cérémonies funéraires en l’honneur des récentes victimes et consolent les familles.
Plus haut, dans le palais impérial, le Parthénos, une réunion de crise est présidée par Hébé.
La magnifique déesse, entourée de Juventas et d’¼dipe, s’entretient avec les deux cardinaux des temples ainsi qu’avec les riches familles de la cité. Un d’entre eux scande : « … il n’y a qu’une Alcide plus morte que vive et une trentaine de soldats mal en point qui sont revenus sur les cents hommes et deux chevaliers envoyés ! Dîtes-moi comment faire pour garder notre calme ? »
Un second renchérit : « Les Athéniens tiennent le port. Le rapport de nos survivants fait état de près de cent-cinquante soldats et de sept Saints débarqués, avec parmi eux des Saints d’or. »
La voix d’¼dipe retentit dans la salle d’audience du temple d’Hébé pour atténuer les propos tenus par le noble : « Eux aussi ont subi des pertes. Des soldats sont morts et un Saint de bronze a perdu la vie. Nous avons également capturé un Saint d’argent. »
Le premier intervenant s’exclame : « Magnifique ! Une prisonnière qui peut mettre à mal nos hommes et s’infiltrer jusqu’à sa majesté Hébé a été conduite ici ! Encore un plan ingénieux de sa Seigneurie Baucis de la Biche de Cérynie. »
Hébé tente d’atténuer les peurs de son peuple. Sa prise de parole fait reculer d’un pas les sujets les plus véhéments : « Il est vrai que les démarches de Baucis ont échoué mais elle n’est pas responsable de tous nos maux ! »
Sans manquer de respect à leur altesse, les patriciens n’en démordent pas. Tout en courbant l’échine, ils poursuivent : « Les dépositions de nos soldats font état d’à peine une trentaine de pertes chez les soldats athéniens et d’une vingtaine de blessés. »
Un troisième bourgeois réagit : « Il nous faut immédiatement profiter du fait, qu’ils soient acculés sur le port pour les repousser. Ils tiennent là un lieu essentiel à notre survie. Nos terres sont peu cultivables et le commerce extérieur est notre seule ressource. S’ils bloquent nos échanges le peuple mourra affamé et les hommes n’auront plus qu’à rendre les armes. »
Acis, le grand cardinal du temple des prêtres sort de son silence. Celui qui a secouru des années auparavant les jeunes Saga et Kanon fronce ses sourcils grenat tandis que ses cheveux orange coiffés en brosse s’agitent en même temps qu’il lève les bras au ciel : « Notre prisonnière a parlé ! La menace la plus imminente ne vient pas du Sud mais du passage de la rivière entre les montagnes du Nord et la forêt de l’Est ! »
Le premier aristocrate doute : « Qui nous dit qu’il ne s’agit pas d’un piège ? »
Acis surprend l’assemblée. Celle-ci est autant stupéfaite que la réaction de Yakamoz est impromptue : « Parce qu’elle a juré fidélité à Hébé devant sa statue dans le temple d’Héra où nous la retenons prisonnière ! "
L’assistance est abasourdie. Cette annonce surprenante fait soulever Hébé de son trône : « Acis ! Grand cardinal du temple d’Héraclès ! Conduis-moi immédiatement à cette femme chevalier qui est notre prisonnière ! »
A des centaines de kilomètres de là, au Sanctuaire, dans la quatrième maison du zodiaque, Lilith repense à l’ensemble des pages que lui a laissé Deathmask depuis qu’il l’a internée ici au milieu de rats et de cadavres en putréfaction.
Après avoir découvert son histoire, elle culpabilise d’ignorer le sort qu’il lui a réservé et de s’apitoyer plutôt sur celui de son bourreau.
Elle n’arrive toujours pas à comprendre son geste de tout à l’heure.
Elle l’a embrassé non pas par respect, elle lui a menti, elle s’est menti à elle-même.
_ « Comment avouer que je lui témoigne de l’affection ? A un monstre pareil, s’indigne-t-elle ?! »
Mais, déjà, elle regrette : « Il ne m’accordera plus jamais sa confiance désormais qu’il croit que je me joue de lui. »
Plus que de savoir qu’il va la laisser mourir de faim et de soif, c’est savoir qu’il ne lui donnera plus jamais l’occasion de découvrir ses mémoires qui la chagrine…
Quand, tout à coup, la porte en béton armé de sa geôle s’ouvre doucement.
Rongée de remords, la douce demoiselle discerne, grâce au scintillement de la chandelle qu’il porte, le chevalier du Cancer.
Deathmask pénètre dans la pièce.
Il est méconnaissable.
Blême, les yeux noyés de chagrin, il ne semble pas non plus s’etre remis de l’affection soudain que lui a témoigné Lilith : « Tu as voulu me blesser tout à l’heure n’est-ce pas ? »
Elle s’agenouille.
_ « Je vous conjure de me croire Maître, ce n’était pas mon intention.
_ Tu l’as lu pourtant ! Tu sais ce que représente pour moi ce genre d’échange ! Les seules personnes à m’avoir embrassé sont ces gens abjects que furent ma tante et mon oncle. !
_ Oui, ils vous ont recueillis en Sicile lorsque vous n’aviez qu’une demie-dizaine d’année après la mort de vos parents.
_ En effet, à l’approche de mon cinquième anniversaire, mon père découvrit les infidélités de ma mère. Fou de rage, il la massacra sous mes yeux encore innocents. Je fus confié à ma tante, Lilith, et à son mari qui revenait de Grèce après y avoir vécu durant des années. Cet homme, Cancro, était chevalier d’or du Cancer. Il était revenu sur sa terre natale après avoir laissé durant des années sa femme en Sicile. Dès mon arrivée chez lui, dans une chaumière isolée sur le Mont Etna, Cancro ne voyait en moi qu’un enfant misérable et chétif, comme en est peuplé le monde en dehors du Sanctuaire. Il voulait que je devienne un homme digne. A la hauteur de sa renommée. Capable d’être reconnu parmi les plus grands. Et c’est par la force, qu’il espérait me rendre ainsi. Un soir où je rentrais en rampant d’un terrible duel que nous avions échangé auparavant, je les ai surpris tous les deux, nus, en plein acte charnel. C’était violent. Intense. Ça ne ressemblait en rien à de l’amour… C’est elle qui me découvrit en premier. Lilith vint nue jusqu’à moi pour me relever et m’amener jusqu’au lit où Cancro me défiait du regard. Elle me coucha sur leurs draps gris, sales et puants en me déshabillant pour qu’ils puissent me violer tous les deux. Depuis, chaque soir, en rentrant de l’entraînement, ce calvaire était devenu coutumier. Inférieur à ce vieux chevalier d’or, moi le petit garçon qui commençait à peine à découvrir le cosmos, je devins le sous-fifre d’un diable. Ma rage et ma colère me rendirent ambitieux. Les dieux que vénéraient mes parents étaient des songes que les mortels se sont inventés pour se détourner des vrais dieux. Je l’ai compris durant mon apprentissage. J’ai aussi compris que seuls des gens comme Cancro et Lilith, qui étaient plus forts, réussissaient à imposer leurs lois. Dès lors, je choisis de devenir l’homme le plus puissant de la planète pour faire triompher ma justice. Je quittais fréquemment la cabane de Cancro situé sur le Mont Etna, puis descendais aux villages situés plus bas, pour tester ma force contre les hommes les plus craints des environs. Très vite mon niveau surpassa le leur et mon cosmos devint bientôt supérieur à celui de Cancro qui continuait à m’entraîner et, le soir venu, à me récompenser à sa façon. Un jour où il sortit du grenier de sa cabane une lourde caisse en métal couverte d’un drap noir, je compris qu’il s’agissait là de la clé de la reconnaissance et de la consécration. Il espérait la réendosser à nouveau, avant de se rendre au Sanctuaire pour une mission que venait de lui confier un messager du domaine sacré. Face à cette aubaine d’être reconnu par le Sanctuaire comme successeur de ce monstre, je défiai aussitôt Cancro de me tuer, sans quoi je lui prendrai cette armure à laquelle je m’étais moi-même destiné. L’armure d’or du Cancer ! La constellation avec laquelle je rentrais en harmonie lorsque s’accroissait ma cosmo énergie ! Je fus aisément vainqueur lors de notre combat. Affrontement durant lequel je sentis mes forces s’amplifier de façon exponentielle.
Mais au moment où je m’apprêtais à lui ôter la vie, il se jeta sur mes lèvres pour me voler un baiser avant de mourir. Un long baiser semblable à ceux que ma tante et lui avaient l’habitude de me prendre lorsqu’ils abusaient de moi. Cet acte est depuis scellé en moi, en me transmettant son armure, il m’a transmis son sadisme. J’ai commis mes premiers meurtres en me vengeant d’eux…
_ C’est donc pour cela que vous avez réagi ainsi lorsque je vous ai embrassé. Vous craignez la signification d’un baiser. Selon moi, un baiser doit être échangé entre deux êtres éprouvant un amour réciproque.
_ Comment pourrais-tu aimer un monstre tel que moi ?
_ Il n’y a que vous qui vous considérez ainsi.
_ Depuis mon enfance je suis un assassin. Je tue sans crainte et sans remord.
_ Vos premiers meurtres n’étaient que justice. Vous avez triomphé des fléaux qui ont fait de vous leur chose. Les autres ce n’étaient que pour rétablir la vérité, pour faire triompher Athéna. »
L’Italien essuie ses yeux gonflés par le chagrin. Il se reprend.
_ « Tu te cherches des raisons de me pardonner !
_ Aucun pardon ne peut effacer le traitement que j’ai reçu. Seules la compréhension et la compassion, peuvent me permettre d’accepter l’homme tiraillé que vous êtes et tolérer le sort que vous me réservez.
_ M’accepter ! Tu acceptes ce que je suis ? »
La belle demoiselle passe sa main dans son cou pour démêler les cheveux qui s’y trouvent et ainsi dégager sa chair. Gorge tendue en avant, les yeux fermés, elle annonce : « Je suis prête maintenant chevalier. Prenez ma vie si telle est votre mission initiale, si celle-ci peut soulager votre âme, en apaisant votre soif de vice insufflée par vos proches. »
Le Saint la dévisage longtemps pour finalement lui serrer la gorge de façon brutale.
Il la soulève et approche son visage du sien tandis qu’elle manque de souffle.
Lilith ne se débat pas.
Saga prêtresse d’Athéna, elle applique la bienveillance qu’on lui a instruit.
Quelle que soit la finalité, satisfaite d’avoir répondu à l’amour de son prochain, elle sourit en avouant d’une voix atténuée : « Je suis heureuse Maître de mourir maintenant que je sais que vous n’êtes pas responsable du fléau qui vous ronge. »
En entendant cela, Deathmask lâche aussitôt son emprise et laisse le corps tout frêle retomber sur le sol argileux.
Dans son regard se mêlent colère et détresse.
Finalement, c’est de la compassion qui lui vient lorsqu’il s’accroupit devant elle pour la soulever dans ses bras.
Quasi-inconsciente, Lilith ne comprend pas ce que fait Deathmask qui la sort de sa prison…
Au même moment, en mer Egée, dans le silence le plus complet, les derniers coups de rames du navire d’Apodis sont donnés pour approcher l’embranchement entre le Nord et l’Est de l’île d’Yíaros.
Le canal qui relie la rivière à la mer est suffisamment large pour permettre au navire de s’aventurer dans l’île comme l’ont assuré les prêtres athéniens qui connaissent bien Yíaros.
Apodis ordonne au chef de l’équipage de prendre ce chemin pendant que de chaque côté de la coque, les cinquante soldats débarquent sur la berge pour assurer la protection du navire.
Cliff se positionne dans les rangs sur le pont, en compagnie des autres soldats qui distinguent parfaitement la terre qui est en vue.
Apodis reconnaît le même éclat volontaire dans les yeux de Cliff que celui qui l’animait lorsqu’ils affrontaient les Arèsiens…
Flashback
Apodis était désolé en voyant lourdement tomber le corps de Pullo après qu’il ait été repoussé par le Berserker.
Devant eux, le reste des soldats d’Arès avançait non sans observer le combat mené par Ennius et Nicator, deux Berserkers, contre Orphée, toujours debout, le visage à peine égratigné.
Ennius, un bel homme aux cheveux mi-longs, roses, titubait, tandis que Nicator, grand, mince aux yeux fort ouverts et aux dents pointues était ligaturé par les cordes de la lyre.
Orphée regarda derrière lui et constata qu’il restait peu d’hommes avant que le village de Paesco puisse être atteint. Il toisa ses deux adversaires qui lui donnaient du fil à retordre : « Il est maintenant temps d’en finir ! »
Ennius se préparait à la riposte alors que Nicator, prisonnier des cordes, essayait de se débattre.
Orphée s’en prit d’abord à Nicator : « Tu ne pourras pas sortir de mon piège, ton corps va finir en morceaux après que ta Nightmare soit brisée par la restriction de mes cordes ! Stringer Fine ! »
Orphée n’eut pas tort, en quelques mouvements de doigts sur son instrument, les cordes séquestrèrent si fort Nicator que son armure se craquela et son corps fût écorché de toute part. Complètement défiguré, le cadavre retomba lourdement au sol, laissant Ennius seul face au Saint.
Ennius rassembla ses forces en ses poings. Trop épuisé par les nombreux assauts qu’il avait reçus jusqu’ici, il ne vit pas Orphée foncer sur lui.
Le Saint d’argent prouva que son accessoire n’était pas la seule chose redoutable chez lui puisqu’il le prit par la main gauche afin d’amener avec élan son corps meurtri vers lui pour lui enfoncer son genou dans l’estomac avec rage.
Ennius, courbé de douleur, crachait son sang et n’eut pas le temps de comprendre la suite de l’enchaînement d’Orphée qui le frappa avec le plat du pied en plein visage.
Après un tel choc il fut aisé d’entendre à des lieux d’ici les os d’Ennius se rompre.
Le corps inanimé d’Ennius vint rebondir sur le sol poussiéreux.
Le Berserker ne se releva pas, il succomba à ses blessures.
Les forces alentours choisirent de venger les deux guerriers d’Arès.
Seul contre cent, épuisé après son âpre combat, Orphée préféra utiliser la manière forte. Non sans mal il rassembla ses forces : « Allez-y ! Approchez tous ! Encore quelques pas et vous trouverez la mort que vous méritez tant ! »
Les Arèsiens entourèrent Orphée.
Il essuya quelques coups sans broncher jusqu’à ce qu’un glaive s’abatte sur lui.
C’est le moment qu’il choisit pour déclencher son attaque et atteindre un maximum de victimes : « Appréciez donc votre requiem ! Stringer Nocturne ! »
Les notes jouées produisirent une sorte de foudre qui vint balayer tous les hommes qui foncèrent sur lui ainsi que les derniers qui parvinrent à entrer dans le domaine sacré.
A lui seul il élimina au moins deux dixièmes des ennemis depuis le début de la lutte.
Il fit alors le tour de lui-même en se tenant les hanches de douleurs après son rugueux combat contre deux Berserkers.
Il constata que Circinus avait gagné les troupes sur le front droit pour les aider à lutter contre Antiochos Berserker de la Force Brute.
Les hommes de l’aile gauche, eux, étaient bien en difficulté, comme au loin où les lignes au centre furent bien entamées.
Considérant que la victoire serait leur s’il parvenait à gagner sur les flancs, Orphée choisit alors d’aller relever la gauche qui était la zone la plus critique…
Au centre, couché sur le dos, Apodis regardait Pullo s’étouffer en avalant son propre sang.
La Tempête Incommensurable de Diodoros l’avait tellement choqué qu’il n’avait plus la force de recracher sa bile.
Cliff, sur les rotules, à demi-conscient, devenait livide après que des flots de sang se soient déversés de ses plaies.
Diodoros marchait d’un pas résolu vers lui.
Pullo tourna la tête vers Apodis. Le jeune Grec ne reconnut même pas ses yeux. Les rafales de vent provoquées par Diodoros les lui avaient perforés. Cela ne l’empêcha pas de sentir la présence de son élève. La bouche ensanglantée il s’adressa à lui : « Apodis… Apodis… Prends ton épée… Sauve Cliff… »
Totalement misérable, Apodis rampait discrètement jusqu’à lui : « Je suis désolé Caporal, je ne peux pas… »
Pullo chercha à lui tenir la main malgré ses blessures. Ses plaies s’agrandirent davantage toutefois il ne semblait plus craindre la douleur. Il tenait à transmettre un message : « Je t’ai entendu expliquer à Cliff l’autre soir pourquoi tu te bats aujourd’hui… Tu… Tu espères trouver en la mort une délivrance… un honneur… Mais je ne comprends pas… Quel honneur peut-on avoir, lorsqu’on se résigne à voir nos frères mourir, alors qu’ils se sacrifient pour nous ? »
Plus haut des bruits sourds retentirent, l’armée d’Arès reculait petit à petit grâce à la détermination des dernières lignes du centre menées par un Saint de bronze.
Ce Saint était vêtu d’une armure d’un rouge vif. Son casque était semblable à un large diadème le protégeant du front jusqu’aux oreilles et formant un bec de couleur orangé qui descendait jusqu’à hauteur du nez. On admirait donc sa chevelure couleur rouille sans pour autant découvrir son visage puisqu’il était parfaitement dissimulé par son heaume qui s’arrêtait une fois la colonne nasale recouverte.
Les épaulettes semblables à un plumage fait de bronze subissaient un dégradé de couleur pour aboutir à un blanc pur en leurs extrémités. Elles ne faisant qu’un avec le plastron écarlate qui couvrait toute la surface pectorale.
Ses bras étaient couverts d’une simple protection qui descendait jusqu’à ses mains pour prendre à chaque bout de doigts une forme aiguisée semblable à des serres.
Une gemme orangée ornait le centre de sa ceinture et était entourée par de petites ailes déployées de la même couleur.
Ses genouillères étaient en forme de losange tandis que les jambières bénéficiaient également d’ailettes au niveau des chevilles.
Le Saint en question était Pajaros de l’Oiseau de Paradis.
Il menait un combat acharné contre un des trois derniers Berserkers. Evhémère de la Matière.
Une collision retentit dans le ciel et non loin de Pullo vint s’écraser Pajaros qui se releva péniblement.
Evhémère ne constata même pas que ses hommes reculaient face à la détermination des soldats du Sanctuaire.
Il était trop attaché à vaincre Pajaros qui lui donnait bien du mal.
Pullo sentait que le combat de Pajaros était son dernier car le cosmos du Saint de bronze de l’Oiseau de Paradis communiquait un état de sacrifice. Il tentait désespéramment de relancer Apodis : « … Apodis… personne ne t’a jamais considéré comme un pleutre à part toi-même. C’est ton comportement qui a fait de toi ce que tu es aujourd’hui ! »
Pajaros menait un rude corps à corps contre le pesant Evhémère qui le plaqua au sol et le matraqua de coups de poings.
Pour se défaire du poids du Berserker qui se posa sur lui, Pajaros réunit ses mains face au visage du glouton et y fit exploser son cosmos.
Aveuglé par le coup, Evhémère était à la merci de Pajaros.
Toutefois, Pajaros remarqua en priorité le danger qui guettait Cliff.
Au lieu d’anéantir Evhémère, Pajaros concentra un amas de cosmos en son poing et le jeta contre la Nightmare de Diodoros du Vent qui s’amusait en bousculant l’amorphe soldat.
Evhémère reprit ses esprits et, en joignant ses deux mains, il cogna Pajaros en pleine colonne vertébrale.
Diodoros, furieux, choisit alors enfin de rejoindre Evhémère pour achever le Saint de bronze…
De son côté, Pullo poursuivit : « Toi, le poète qui a besoin d’être émerveillé pour être fort, regarde donc Cliff et nos pairs mourir côte-à-côte pour une cause qu’ils partagent… »
Diodoros espéra donner le coup de grâce à Pajaros, accroupit après la charge d’Evhémère.
Pajaros en effectuant une figure acrobatique, se redressa et tapa avec ses jambes Diodoros sous les genoux pour le faire chuter. Puis en prenant appui avec ses mains sur le sol, il vint, d’une reprise de volée, cogner la tête de Diodoros qui s’écrasa contre une ruine, le casque de sa Nightmare en miettes…
Pullo, captait l’intensité des échanges : « … Observe Pajaros concentrer sa cosmo énergie et prendre son envol… Ne sont-ce pas là des faits qui t’inspirent… Qui te procurent une volonté nouvelle… »
Le lourd Evhémère tapota ses poings l’un contre l’autre : « Je ne supporte plus de te voir te relever ! »
Pajaros sauta en l’air et écarta les bras tel un albatros qui affiche fièrement son plumage…
Pullo ne désespérait pas de remotiver Apodis : « … Si tu aimes tant que ça ta mère, tu n’as pas le droit de mourir maintenant… »
La cosmo énergie de Pajaros créa un halo aux couleurs arc-en-ciel autour de lui…
Rien qui n’effraye Evhémère : « Je sais comment te bloquer les ailes ! Il me suffit de t’enfermer dans la matière solide la plus dominante de ce monde… "
_ « … Une fois que les Berserkers auront envahis le village de Paesco, ils auront le champ libre pour remonter jusque Honkios en écrasant les paysans, fit part de ses doléances Pullo à Apodis… »
_ « … Je vais t’emmurer vivant dans une montagne, se léchait les babines Evhémère… »
Les couleurs vivaces autour de Pajaros firent briller les étoiles de la constellation de l’Oiseau de Paradis.
Il écarta ses bras et les abattit sur Evhémère.
L’obèse colosse tapotait de plus en plus fort ses poings l’un contre l’autre jusqu’à ce qu’il en résulte un bruit sourd.
A cet instant, il tapa des deux poings sur le sol…
_ « … Ta mère se fera massacrer par ta faute Apodis. Ils la violeront, la tortureront, continua Pullo… »
Discrètement allongé à côté de Pullo, Apodis s’imaginait en larmes l’horrible scène…
_ « Wing Jikan No Yoyû, déclencha son arcane Pajaros ! »
Le Battement d’Ailes Majestueux de Pajaros créa un violent courant d’air qui se dirigea contre Evhémère…
_ « … Elle mourra en pensant que son fils n’était pas à la hauteur, s’acharna Pullo, qu’il n’a pas su la protéger… »
Apodis s’en voulut davantage.
Il écrasa dans sa main une pierre, furieux envers lui-même d’avoir causé tant de souffrance à Pullo et Cliff…
Après qu’Evhémère heurta le sol, celui-ci se mit à trembler : « Rogoku Stone ! »
_ « … Tu retrouveras alors ta mère dans un monde de ténèbres et ton père t’y maudira éternellement, prédit Pullo… »
Evhémère remarqua trop tard le souffle de l’Oiseau de Paradis qui l’embarqua en le déchirant dans les airs, arrachant de toute part les ornements de sa Nightmare comme les cornes de buffles sur son casque…
_ « … J’ai vu ta flamme Apodis. J’ai vu ton étoile briller dans le ciel lorsque tu étais déterminé à tenir le coup durant mon entraînement car tu t’étais fixé l’idée de mourir sur ce champ de bataille… »
Le contrecoup de la Prison de Pierre d’Evhémère ne se fit pas attendre.
Bientôt, sous les pieds de Pajaros, se levèrent des tonnes de terres et de blocs de pierres qui vinrent l’ensevelir en formant au beau milieu du champ de bataille une inébranlable montagne…
Apodis observait le massacre en même temps que les paroles de Pullo s’ancraient en son esprit : « C’était ton défi ! Mais sache qu’il y a un défi encore plus grand que la mort… C’est la vie ! »
Diodoros se précipitait en direction d’Evhémère qui retrouvait ses esprits : « Incroyable, le souffle produit par ce misérable était bien plus puissant que celui de mon Obitadashii Storm ! »
Evhémère se redressait en inspectant son corps : « En voilà une chance de porter une telle armure. Sans elle j’aurai été découpé en petits morceaux par sa bourrasque. »
_ « … Tout comme il existe un sentiment encore plus fort que la haine qu’on éprouve envers soi-même d’être un perdant, c’est la volonté de devenir un battant… »
La montagne dans laquelle était emprisonné Pajaros s’écroula, libérant le glorieux Saint qui venait de faire exploser son cosmos pour trouver une issue.
Les roches l’avaient tout de même fort secoué.
Malgré que l’armure fût intacte, son corps d’homme commençait à perdre trop de sang..
_ « J’ai senti ton vrai potentiel Apodis. J’ai vu tes ailes se déployer… Tel un oiseau… »
Les deux Berserkers se concertèrent.
_ « Diodoros… Ma Nightmare ne résistera pas s’il attaque une seconde fois et ton souffle n’est pas suffisant pour contrer le sien.
_ A moins que tu ne l’empêches de déclencher son attaque. Si tu remarques bien, il est obligé de concentrer son vent en direction d’un lieu précis. En me mettant derrière lui et en me concentrant le premier il jettera ses forces contre moi. Toi tu profiteras de son inattention pour le capturer dans ta Prison de Pierre à nouveau. Et c’est une fois qu’il sera immobilisé dans ta montagne que je déclencherai à pleine puissance ma technique. »
_ « Un oiseau dont le battement d’ailes était si majestueux qu’à chaque envol il laissait derrière lui un magnifique arc-en-ciel… »
Le corps de Pajaros tanguait tant il était épuisé.
Même lui en souriait nerveusement.
C’était fini.
Il le savait.
Du haut de ses quarante-huit ans, il était fier de mourir sur le champ de bataille : « … Et puis… Quelle satisfaction de voir que les lignes arrière que j’ai mené tiennent encore le coup… »
D’un rapide coup d’½il il observa les bordures extérieures qui avançaient fort bien, surtout à gauche depuis qu’Orphée les avait rejoints : « Je peux mourir en paix, ma mission est accomplie. »
C’est avec le sourire aux lèvres qu’il centralisa une dernière fois l’effluve lumineux de son cosmos pour ne faire qu’un avec lui…
Pullo avait compris que la constellation protectrice d’Apodis était la même que celle de Pajaros : « … Tu es tel un Oiseau de Paradis ! »
En entendant ces mots, Apodis fixa le ruban de soie que Netsuai avait accroché à son poignet. Le vent le fit lever en direction de Pajaros, celui qui portait l’armure bientôt sienne.
Pajaros semblait attirer vers lui tout le courage des troupes athéniennes afin que leurs âmes vinrent saluer la sienne.
Apodis vit en ce ruban de soie comme la volonté de Netsuai de joindre sa détermination à celle de Pajaros, comme si elle lui pointait du doigt l’exemple à suivre.
L’arc-en-ciel formé par son cosmos autour de Pajaros lui donnait un semblant de noblesse, de fierté et de courage, ce qui apaisait les corps et les c½urs meurtris de ses camarades.
Ce merveilleux échange souleva l’âme d’Apodis et l’aida à imaginer de grands récitals contant sa gloire.
C’est seulement en cet instant qu’il comprit que c’est le courage qui le conduirait à l’inspiration.
Alors fièrement, comme pour saluer le Sergent Pajaros, Apodis se releva afin d’étudier l’assaut final, de n’en louper aucun rebondissement, pour pouvoir rapporter plus tard la magnificence de cet homme.
Oui, il lui fallait vivre pour évoquer à sa mère comment il put sauver leur domaine en compagnie d’un fier chevalier de bronze. De quoi vexer son tyran de père.
D’un coup il sentit le dégoût qu’il éprouvait envers lui-même se transformer en haine à l’encontre de Frontinus.
Cette même rage le rendit hargneux.
Animal.
Il sentait qu’elle lui insufflait une nouvelle vie.
Qu’elle lui faisait pousser des ailes.
Au sens propre comme au figuré.
En effet, son cosmos qu’il entrevît lors de sa formation militaire émana autour de lui comme un oisillon déployant ses ailes pour la première fois de sa vie.
Alors sa cosmo énergie entra en communion avec celle de Pajaros.
Elle dévoila toute son étendue.
Une étendue dont il n’avait même pas idée.
Leurs deux auras ne firent qu’une et gagnèrent le ciel pour illuminer chaque étoile de leur constellation commune.
Pajaros qui avait remarqué la concentration de Diodoros lui fit subitement volte-face sans pour autant relâcher son attention.
Il adressa à Apodis un regard satisfait et prononça : « Athéna. Ô Sublime Déesse, je te remercie de m’offrir cette mort en me concédant l’occasion de léguer mon savoir à celui qui prendra ma relève. Merci Ô Divine Majesté… »
Diodoros fit mine de s’élancer. Pajaros, au summum de ses capacités, déclencha alors sa technique : « Wing Jikan No… »
Il n’eut pas le temps de finir de prononcer le nom de son arcane que déjà la roche d’Evhémère le fit prisonnier puisque discrètement, le Berserker venait d’abattre ses deux poings au sol : « Rogoku Stone ! »
Pajaros ne broncha pas.
La montagne se dressa fièrement une nouvelle fois au beau milieu du champ de bataille d’où Diodoros s’élança pour achever Pajaros.
Apodis était résolu à ne plus laisser succomber un héros de leur chevalerie.
Il rassembla alors toutes ses forces.
Toute son imagination.
Tous ses souvenirs… Dont l’apprentissage de techniques de combat en analysant la boxe de son père…
Il concentra toute son irascibilité à l’encontre de Frontinus pour inventer quelque chose de nouveau. De fort. Sa plus propre attaque.
Il verrouilla son regard sur Diodoros qui sautait en direction du monticule pour frapper Pajaros.
Ses yeux rouge sang s’enflammèrent et sa colère créa une aura aux couleurs vives, changeantes, comme si Pajaros lui avait laissé son arc-en-ciel avant d’être prisonnier de la pierre. Il se lança à la rencontre du bourreau en hurlant.
Lorsque Diodoros le vit, il sentit qu’Apodis représentait alors un danger bien plus grand que Pajaros. Il lui décocha donc sa puissante bourrasque : « Obitadashii Storm ! »
Les bras écartés, tels un oiseau qui fend l’air, Apodis répliqua : « Frantic Fury ! »
L’illusion réalisée par sa cosmo énergie le transforma tel un Oiseau de Paradis qui fonçait résolument bec en avant sur son adversaire.
La vitesse à laquelle il s’était catapulté sépara la tempête de Diodoros en deux s’en qu’elle puisse l’inquiéter.
Il se présenta donc face au Berserker du Vent complètement désarmé, le bec pointé pour le terrasser.
En réalité son poing droit déclencha une multitude de heurts contenant toute sa Furie Frénétique avant qu’un dernier coup surpuissant en plein ventre ne lui éclate l’intérieur de l’estomac.
Apodis retomba gracieusement sur ses pattes, en même temps que la chair laminée de Diodoros qui s’écrasa au sol, la Nightmare en poussière.
Totalement abasourdi, Evhémère se précipita vers son ami qui n’eut même plus la force de parler.
Ses yeux étaient révulsés et les chocs qu’il venait de subir en plein c½ur et en pleine tête l’avaient rendu apathique.
Evhémère, témoin de ce massacre, ne put empêcher son camarade de rendre son dernier souffle.
Ne s’en préoccupant pas, Apodis cherchait le moyen de libérer Pajaros de cette cage de pierre qui maintenait l’Oiseau de Paradis captif.
Il voyait dans le ciel quelques étoiles de leur constellation commune s’éteindre.
Des secousses venues de l’intérieur permirent à la roche de s’écrouler.
Pajaros ayant du mal à s’extraire seul des décombres, Apodis se joignit à lui pour l’en sortir. L’armure de l’Oiseau de Paradis n’avait pas une seule rayure, pourtant Pajaros était à bout de souffle. Dans les bras de son successeur, il commença à fermer les yeux.
_ « Je me suis fait avoir comme un débutant n’est-ce pas ?
_ Restez calme Seigneur Pajaros ! Ne dîtes rien ! Ne gaspillez pas vos forces chevalier, nous allons vous sauver ! »
Pajaros tout en vomissant sa bile, se mit à rigoler : « Me sauver ?! Mais voyons ! Pourquoi vouloir me sauver ? N’est-ce pas une belle mort que de succomber à ses blessures dans les bras de son successeur ? »
Apodis sourit timidement, Pajaros poursuivit : « J’ai entraîné pendant des années des apprentis. Aucun n’est jamais arrivé à rentrer en osmose avec mon armure et ma cosmo énergie comme toi tu as su le faire. Lorsque j’étais bloqué dans cette prison, j’ai ressenti la terrible force que tu as dégagée contre ce chevalier d’Arès. Tu as découvert une technique qui t’est propre. Une botte secrète ultime qu’il te faudra améliorer chaque jour. Je regrette de ne pouvoir te transmettre tout mon savoir. J’aimerai donc te conférer mon attaque. Elle est beaucoup moins meurtrière que la tienne, mais elle est très subtile… »
Il leva sa main et la tendit à Apodis pour qu’il la lui serre.
Il lui conféra toute l’énergie qu’il avait emmagasinée et qu’il n’a pu projeter contre Diodoros : « Le Wing Jikan No Yoyû. Mon cosmos t’accompagnera pour ta première utilisation de ce savoir-faire. Fais-en… Bon usage… Et… Sache que mon âme… Sera toujours auprès de toi via notre armure… »
Il commença à balbutier.
L’air ne lui venait plus et son regard se perdait dans l’horizon.
En rendant son dernier soupire, il prononça : « Il est temps de sortir de ton nid jeune oisillon… »
Après ses mots, sa main relâcha le jeune garçon.
L’armure de bronze qu’il portait sembla chanter pour lui rendre hommage et, c’est pièce par pièce, qu’elle se détacha de lui pour s’ajuster sur Apodis en faisant éclater sa cuirasse de soldat…
Cliff, couché sur le côté, la bouche grande ouverte, fixait fièrement son ami.
Pullo raclait sa gorge comme pour se donner le courage de survivre pour participer au triomphe de son élève.
Au même instant le cor de l’armée athénienne sonna.
Les lignes latérales menées par Orphée avaient regagné les murailles.
L’ennemi, dont les rangs étaient forts affaiblis, était encerclé.
Aussitôt, les lignes du centre, repoussée jusqu’ici, purent inverser la tendance.
Alors qu’ils passaient à côté d’eux pour enfoncer les rangs adverses il y a quelques heures, les Arèsiens reculèrent pour atteindre le lieu où Cliff et Pullo, les seuls survivants de la garnison d’Apodis, allongés, tinrent si longtemps leur position.
Apodis marchait résolument vers Evhémère : « La bataille n’est pas encore terminée ! »
Avec suffisance, le Berserker lança son poing contre le nouvel Oiseau de Paradis.
D’un magnifique jeu de jambe dont seul Frontinus, son père, avait le secret jusqu’ici, Apodis esquiva sans mal cette tentative.
Ce fut son tour de balancer un puissant crochet du gauche dans ce ventre grassouillet.
Le télescopage fut si spectaculaire, que toute la masse graisseuse de l’ogre s’agita.
Sa Nightmare se craquela aussitôt.
Tandis qu’Apodis évitait tous les coups avec vitesse dans une allure sublime, son adversaire, lui, était trop lent pour se défendre.
Apodis tambourinait chaque partie de son corps si fort que lorsque ses jambes furent martelées de coups, Evhémère ne put supporter son poids.
Rejoint par les athéniens, Apodis laissa l’inoffensif Berserker, devenu bien misérable, à la merci d’une dizaine de soldats qui l’achevèrent de leurs glaives.
Au centre, la victoire était assurée. Apodis prit d’un bras Cliff et de l’autre Pullo : « Allez les amis ! Nous avons presque gagné la bataille ! Les troupes du Caporal Pullo seront également de la fête ! Tenez bon ! Nous allons bientôt retrouver le Lieutenant Orphée ! »
Sur leur droite, les hommes qui formaient les rangs restaient les seuls à être encore aux prises avec les Arèsiens.
Apodis remarquait que du haut de son cheval d’ébène, le dernier Berserker et sa cohorte, dominaient les débats.
Il était temps pour Apodis d’utiliser le savoir que lui a légué Pajaros, le Wing Jikan No Yoyu…
Flashback
Le navire ralentit et sort Apodis de ses songes.
Les voici enfin arrivés aux abords de la côte, ils entrent dans l’île par le chemin de la rivière.
Apodis se dresse devant ses hommes et lève le bras en l’air, prêt à discourir…
Au Sanctuaire, la nuit est tombée depuis plusieurs heures maintenant.
Dans la quatrième maison du zodiaque, Lilith revient à elle.
La flammèche d’une bougie s’anime devant ses paupières.
Elle l’oblige à ouvrir les yeux…
Il fait presqu’aussi sombre que dans sa prison.
La seule chose qui lui permet de comprendre qu’elle ne s’y trouve plus est cette température plus agréable.
L’air est plus sain.
La couverture dans laquelle elle est enroulée sent également un parfum de printemps qu’elle n’a plus humé ces dernières semaines.
Le support sur lequel elle est couchée, un matelas, est plus confortable que le sol argileux sur lequel elle recroquevillait ses membres il y a encore quelques heures.
Autour d’elle, une grande armoire. Un bureau. Une table et une chaise. Un foyer presque éteint avec un chaudron au-dessus. Quelques amphores et un tonneau d’eau au fond de la pièce.
Le sol marbré dispose d’un bassin d’un mètre sur un mètre. Vide. Et marqué de traces de pas fraiches.
A s’y méprendre, cette pièce ressemble à celles qui composent le temple des apprenties Saintias, les prêtresses, d’où elle vient.
C’est en se redressant pour examiner davantage cette chambre qu’elle reconnaît un sceau sur chacun des meubles. Celui du Cancer.
Enfin, au fond de la pièce, contre le mur qui fait face à une belle porte en chêne massif, avachi sur une seconde chaise, endormi les bras croisés, Deathmask reste tapis dans l’obscurité.
Lilith fixe longtemps la porte de la chambre en y voyant une issue.
Elle sourit alors anxieusement puis se redresse du lit en bois pour s’en approcher sur la pointe des pieds.
Elle ne remarque pas qu’en réalité Deathmask ne dort que d’un ½il, bien décidé à la tester…
C’est une fois arrivée à quelques centimètres de la porte qu’elle plie soudainement les genoux pour étudier avec attention une caisse métallique qui se trouve au milieu de la pièce plutôt que de tenter de fuir.
Plus curieuse qu’inquiète pour son sort, ses doigts fins caressent l’or de la Pandora Box. Elle fait le tour du dessin du Cancer qui permet d’identifier l’armure qui se trouve à l’intérieur du caisson. En le frottant ainsi, elle remarque que la boîte scintille de plus en plus. La lumière illumine complètement la pièce et rend visible Deathmask qui continue de feindre son sommeil.
Trop admirative face à sa découverte, Lilith ne se retourne pas vers le chevalier qui est pourtant à l’origine de ce phénomène de communion.
Elle craint même de le réveiller de son sommeil qui semble apaisé.
Elle fait volte-face, ignorant totalement la fuite, et retourne se camoufler sous ses draps doux et chauds.
L’Italien referme à cet instant ses paupières et remue les lèvres afin de dire, sans élever la voix : « Bienvenue chez toi Lilith. »
Loin de là, le débarquement de l’équipe d’Apodis est imminent et symbolise le coup de grâce portée par les Athéniens à l’armée hébéïenne…
7 mars 1985.
Le premier acte s’achève sur Yíaros.
La victoire athénienne au Sud de l’île garde tout de même un goût amer. La disparition de Yakamoz ainsi que l’annonce du décès de Naïra qui a succombé aux blessures infligées par Baucis entachent cette première incursion.
L’atmosphère se rafraichit, le soleil tombe de plus en plus et la journée s’achève.
Au loin, proche du détroit, Shura somme à ses hommes de ne pas emprunter le chenal. Il a réajusté son casque sur sa tête après qu’avec du fil et une aiguille un soldat lui ait recousu le crâne.
Les Athéniens, après avoir positionné quelques sentinelles dans les montagnes, déblayent la côte.
Ils regroupent près de soixante cadavres hébéïens avec, dans le lot, l’Alcide Androgée.
Une bonne autre vingtaine de dépouilles n’a pas été retrouvée. Elles furent soit brûlées, soit ensevelies par les nombreuses avalanches.
Tandis que certains montent plusieurs tentes sur les flancs gauche et droit, d’autres creusent une fosse dans laquelle les morts sont lancés et brûlés.
La petite trentaine d’Athéniens décédés a droit aux honneurs du bûcher avec des sacres sur les yeux pour le passeur des enfers, alors que les religieux officient une cérémonie funèbre.
Aldebaran rejoint Shura en compagnie de Babel et Ptolémy qui sont désormais revenus à eux. Philémon a dans ses bras le corps de Naïra.
Shura comprend : « Voici donc notre première perte. Elle était chevalier. Avait-elle des camarades particuliers parmi les nôtres ? »
Ptolémy, pour une fois dépourvu de sa soutane et de son masque, restés sur le bateau, répond à son supérieur : « Seigneur Shura, elle était très appréciée de nos gardes au domaine sacré. Elle vivait dans la ville d’Honkios et participait à maintenir l’ordre à mes côtés dans la ville principale de notre cité. Le Seigneur Aiolia lui a sauvé la vie lors de l’invasion hébéïenne durant la Journée Sainte.
_ Dans ce cas Ptolémy, fidèle scribe de notre Grand Pope, tu rédigeras un billet à notre majesté pour l’informer de son décès et présenter nos condoléances au chevalier du Lion qui a été son sauveur. Dis-lui qu’elle s’est battue courageusement pour Athéna et qu’elle est décédée avec les honneurs. »
Ptolémy incline légèrement sa tête pour saluer la décision. Aldebaran annonce à Shura : « Ils ont enlevé Yakamoz. Ils souhaitent certainement faire des prisonniers pour les interroger ou les monnayer contre notre retrait de l’île. »
Shura sourit : « Enlever nos Saints n’est pas la meilleure façon d’obtenir des informations. Chacun sait que les chevaliers préfèrent mourir, plutôt que de trahir les leur. Nous, nous serons plus malins qu’eux, dans la mesure où nous ne perdrons pas de temps à interroger des captifs. Nos prêtres ont déjà effectué ici de nombreux pèlerinages et les lieux leur sont connus. »
Shura n’a pas l’air de se soucier du sort réservé à Yakamoz, celle avec qui il a passé d’agréables instants avant de débarquer sur l’île.
Aldebaran se retourne vers le Saint de bronze et les deux Saints d’argent : « Vous pouvez disposer maintenant chevaliers. Soignez-vos plaies, laissez vos armures reprendre des forces dans leurs Pandora Box et reposez-vous. Cette nuit, lorsqu’Apodis et ses hommes auront débarqué, nous commencerons à investir l’île. »
Les trois hommes quittent leurs deux supérieurs, Philémon rumine la disparition de Yakamoz pour laquelle il se sent responsable, Babel ne décolère pas de s’être fait avoir par Baucis pendant que Ptolémy, papyrus et plume en main, a déjà regagné le navire et a réendossé ses vêtements qui voilent son identité.
Les deux Saints d’or marchent le bord de l’eau et observent les bateaux hébéïens sombrer un à un.
_ « Les hommes installent le camp, commente Shura. Je leur ai demandé de ne pas se positionner trop près des montagnes pour éviter les attaques surprises ou les catastrophes provoquées par une explosion cosmique inattendue. Pour le moment je n’ai fait envoyer aucun éclaireur de l’autre côté du détroit. Je préfère que nos hommes se reposent durant la soirée. Nous attaquerons pendant la nuit. Une troupe de quinze soldats reste en permanence avec l’équipage pour veiller sur notre navire.
_ Sous mes ordres les soldats coulent leurs bâtiments afin d’éviter toute fuite de la part d’Hébé. Ils n’ont trouvé aucune nourriture dans les cales et les réserves. Il faudra attendre que les bateaux marchands arrivent sans quoi nos réserves s’épuiseront très vite. »
Shura tapote amicalement sur la Cloth d’Aldebaran au niveau de l’estomac : « Cette nuit Apodis avancera déjà vers le Parthénos et nous nous commencerons à envahir leur cité. Nous serons bientôt maîtres de leur domaine, ne te soucie donc pas de la nourriture, tu mangeras un festin demain ! »
Aldebaran rigole amicalement et fixe la lune qui devient de plus en plus visible en murmurant : « Apodis, soit prudent… »
Pendant ce temps, au Sanctuaire, la quatrième maison du zodiaque est vide.
La chambre du propriétaire est inoccupée.
Seules les catacombes sont animées.
Depuis la veille, Deathmask n’a de cesse de retrouver sa prisonnière.
Lilith, comme il l’a baptisé, se montre docile. Chaque fois qu’il lui amène son repas, il reste avec elle à l’observer et à lui caresser le corps de ses mains fermes.
Ce soir encore, il la fixe d’un ½il concupiscent, alors qu’elle se jette grossièrement sur la nourriture, n’utilisant aucun couvert et s’essuyant la bouche à l’aide de ses bras.
Elle porte sur elle le pantalon craqué et le maillot usé que lui a donné Deathmask. Ses beaux cheveux lilas sont salis par la boue qui couvre le parterre miteux de la geôle. Ses grands yeux océans sont inexpressifs. Elle a perdu toute trace d’élégance, toute bienséance. La seule chose qui permet de faire valoir l’éducation qu’elle a reçue est sa faculté à lire les écrits que lui laisse Deathmask. Chaque fois qu’il descend, il lui laisse des pages de son recueil où il évoque son enfance.
Maintenant qu’elle a fini de manger, elle approche du plateau où scintille une chandelle, seule source de lumière dans ces ténèbres. Elle examine l’écriture de Deathmask et reprend ainsi sa bibliographie là où il lui avait laissé.
Deathmask part s’accroupir au fond de la pièce, il étudie les mouvements de Lilith.
Il est soudain stupéfait lorsqu’il voit rouler sur son visage des larmes.
Elle est émue pour son agresseur, celui qui a tué son amie prêtresse et qui l’a enlevé après que le Grand Pope les ait violées.
Le Cancer en est persuadé, cette demoiselle a le c½ur pur.
Il rampe pour s’agenouiller à ses côtés et, d’une mine affectée, il lui essuie les joues de ses mains rêches. Sans réaliser l’importance de son geste, elle enroule ses bras autour de son cou et vient lui baiser les lèvres.
Surpris, le Saint d’or se défait de l’étreinte de sa prisonnière.
Il se relève brutalement et hurle : « Qu’as-tu fais ?! »
Lilith ne répond pas. Comme on lui a appris, elle ne dit mot si la parole ne lui est pas donnée : « Parle ! Qu’as-tu fait ?! »
Après des mois de silence, sa douce voix est enrouée : « J’ai cru vous faire plaisir en vous témoignant mon respect. »
Deathmask est perdu.
Il se prend la tête dans les mains et bascule le tout en avant puis en arrière pendant quelques secondes…
Il revient à lui et la pointe rageusement du doigt : « Tu mens ! Tu profites de ce que tu as lu pour essayer de m’avoir !
_ C’est faux maître. J’ai…
_ Silence ! Tu resteras enfermée ici sans manger ni boire jusqu’à ce que ma colère se dissipe ! »
Il referme la porte avec rage et quitte le sous-sol de sa demeure…
Les heures se sont vite écoulées depuis que les Athéniens ont posé leur camp sur la côte Sud de l’île d’Yíaros.
La nuit est entamée depuis quelques minutes maintenant.
En mer Egée, à l’approche de l’embranchement entre le Nord et l’Est de l’île, le navire d’Apodis progresse toutes torches éteintes pour ne pas se faire repérer.
Le Saint de bronze de l’Oiseau de Paradis ajuste son heaume sur son crâne.
Son regard est redevenu froid, sa haine envers les Hébéïens reprend de plus belle maintenant que son armée approche de la côte.
Cliff, un des fidèles soldats et amis d’Apodis, a eu raison. Les vents ont été suffisamment favorables pour qu’ils débarquent plus vite que prévu.
Apodis se concentre, afin de déceler si une quelconque menace les attend.
Lui viennent alors à l’esprit les bribes de sa première guerre…
Flashback
Printemps 1979 - Sur le champ de bataille à l’Ouest du Sanctuaire, Apodis venait d’être mis au sol par un Arèsien qui pointait son javelot vers sa gorge.
Attendant la mort avec impatience, Apodis sentit des gouttes de sang couler sur son visage. Néanmoins, cela ne le faisait pas souffrir : « Suis-je déjà mort sans m’en rendre compte ? »
Il ouvrit les yeux pour voir à quoi ressemblait le paradis.
Celui-ci était bien loin de ressembler à ce à quoi il aspirait.
Une nuit tombée.
Des râles tout autour de lui.
Des cliquetis d’armes qui s’entrechoquaient.
Couchés à ses côtés, des cadavres arèsiens et athéniens. Certains éclairant les environs grâce à la combustion des torches qui tombèrent sur eux lors de leurs chutes.
Cela lui parut évident, ça n’était pas le paradis.
Toujours éclaboussé par ce sang qui le couvrait de plus en plus, Apodis reconnut son opposant penché devant lui, sa gorge taillée.
Aux alentours, seul contre dix, Cliff protégeait son ami : « Ca va aller Apodis ! Il ne reste plus que nous. Nous ne devons pas reculer. Nous devons maintenir nos positions jusqu’à ce que les troupes qui occupent les flancs aient gagné la muraille. »
Apodis était navré. Le paradis était encore loin, son camarade venait de l’empêcher de mourir et se retrouvait en position difficile, en ayant cru bien faire pour lui.
Sans bouclier, le plastron endommagé par de violents chocs et démuni de casque, Cliff tenait fièrement sur ses jambes amochées, brandissant son épée fissurée après les télescopages qu’elle avait subie.
En tournant autour d’Apodis pour le défendre des adversaires venant de gauche, de droite, de devant et de derrière, il bloquait les coups de glaive, esquivait les javelots et utilisait son corps comme cuirasse pour encaisser les flèches. Il tranchait les membres de ses antagonistes, entaillait leur corps, transperçait leurs points vitaux.
Le Grec le regardait, sans comprendre pourquoi il luttait vainement.
Cliff devait attendre qu’Apodis se relève pour le seconder, cependant il n’en avait pas l’envie, pas le cran.
Irrémédiablement, les blessures commencèrent à se faire trop nombreuses pour l’Italien.
Son corps trop lourd.
Bien qu’à genoux, il continuait à se battre, à abriter Apodis de son être.
Les autres trépassaient mais lui tenait bon.
En face, chez les Arèsiens, c’était l’incompréhension.
Les rangs athéniens du centre fatiguaient.
La progression sur les ailes était longue à venir.
Il ne restait plus que quelques guerriers d’Athéna encore debout, au beau milieu du terrain gagné par les hommes d’Arès.
Parmi les athéniens, Cliff donnait du fil à retordre.
Couché sur le dos, Apodis discerna une majestueuse monture sombre, accourir vers eux.
Son regard se hissa jusqu’au cavalier et fut ébloui par l’éclat de la lune sur sa gemme d’améthyste. Un Berserker rejoignait ses hommes.
Sous son casque, de longs cheveux couleur prune tombaient jusqu’à ses épaules.
Il était grand d’au moins un mètre-quatre-vingt, tout en muscle. Ses yeux jaune canari auraient pu éclairer les environs tant ils étaient perçants.
D’une voix calme, il déclara : « Allons donc guerriers d’Arès, n’êtes-vous pas capable de vous débarrasser de deux ridicules soldats alors que leur ligne a été depuis longtemps écrasée ? Il faut que ce soit moi, Diodoros Berserker du Vent qui les réduise en pièces ! »
Sans dégainer son arme rattachée à sa Nightmare, Diodoros avança jusqu’à Cliff qui essaya de l’empaler. Diodoros arrêta l’épée à main nue : « Ton mouvement est trop lent, trop faible, pour m’inquiéter. »
Il empoigna le cou de Cliff et le souleva du sol en le serrant. Cliff commença à manquer d’air.
Diodoros sourit perfidement : « Qu’est ce qui te donnera la mort ? Le manque de souffle ou bien la rupture des os de ton cou ? Dans les deux cas ça sera une mort douloureuse je peux te le garant… »
Diodoros n’acheva pas sa phrase.
Expédiée depuis des lieux d’ici, une décharge cosmique s’abattit dans son dos et fendilla sa Nightmare tout en le faisant chanceler.
Enragé, Diodoros se retourna et découvrit Pullo, le dernier survivant de la garnison avec Cliff et Apodis. Il maintenait lui aussi sa position, seul contre un millier depuis tout à l’heure. Le corps aussi meurtri que Cliff, il défia Diodoros du regard : « Depuis tout à l’heure tes hommes ne parviennent pas à me faire tomber alors que je suis désarmé. J’espère trouver un adversaire à ma taille. Laisse ces deux enfants pour affronter quelqu’un qui te donnera du fil à retordre. »
Diodoros pouffa de rire : « Du fil à retordre ! J’aimerai voir ça. »
Il ordonna aux légions alentours de lui laisser Pullo ainsi que Cliff et Apodis afin qu’elles continuent leur avancée.
Pullo, en boitant, arriva à hauteur de Diodoros. Il s’inclina pour esquiver une droite et cogna le Berserker d’une droite puis d’une gauche dans les côtes. Enfin, il lui décocha un uppercut.
Rien de tout cela ne fit chanceler le Berserker.
Ce dernier, répondit d’un simple coup de tête.
Simple en apparence...
Mais en réalité trop puissant pour Pullo.
Sa tête fut balancer puissamment en arrière quand son nez éclata.
Néanmoins, le caporal resta fermement sur ses jambes.
A cheval, un autre Berserker gagna le combat.
Plus petit que Diodoros, il était également plus fort.
Une énorme barbe blanche empêchait de distinguer la forme de son visage déjà dissimulé par un heaume à cornes de buffle. Il interrogea son camarade : « Diodoros, de simples soldats te mettent dans tous ces états ! Plus haut, les lignes d’Athéna tiennent encore sous l’égide d’un sergent nommé Pajaros Saint de bronze de l’Oiseau de Paradis. Notre armée butte contre car il tient ses rangs à merveille. Moi, Evhémère Berserker de la Matière, je pars de ce pas le combattre. J’aurais aimé que tu viennes me prêter main forte. Ce vieux chevalier est coriace semble-t-il. Alors cesse donc de jouer ! »
Diodoros esquivait chaque coup de Pullo, déstabilisé par son hémorragie au nez.
D’un coup de pied tourné, il le fit tomber en arrière.
Pullo se releva en passant son bras devant son visage pour essuyer son sang.
_ « Je pense ne plus en avoir pour très longtemps. Evhémère, pourquoi ne demandes-tu pas de l’aide aux autres ?
_ Ennius et Nicator luttent tous les deux contre leur lieutenant Orphée de la Lyre qui a vaincu à lui seul des centaines de soldats. La tâche semble ardue. Je pense qu’Antiochos viendra à leur rencontre une fois la situation stabilisée sur l’aile droite. »
Diodoros, tout en martelant Pullo de coups s’étonne : « Personne ne protège le front gauche ?
_ L’avancée athénienne a été ralentie. Il n’y a rien à craindre, nos soldats suffisent. »
Evhémère reprit sa course vers le Nord pour atteindre les lignes qui tenaient encore.
Pullo, adossé contre une ruine, encaissait sans broncher. Il était réduit à un sac de sable. Incapable de la moindre réaction. Plus mort que vif.
Cliff puisait en lui des forces pour se relever.
Apodis tremblait, il était pâle, il avait si peur, si honte.
Dans un dernier élan Pullo envoya un crochet en pleine mâchoire du Berserker, Cliff suivit et frappa Diodoros en plein dos avec une hache.
Chanceux de porter son armure, la Nightmare du Vent, le Berserker se retourna indemne en extrayant sa lame de son fourreau. Il retira la hache plantée dans sa Nightmare et empala son épée en plein abdomen de Cliff démuni. Le pauvre essaya d’avancer malgré l’arme qui perforait son ventre. Diodoros l’enfonça davantage jusqu’à temps que Cliff tomba à genoux. A sa merci, Diodoros fit tournoyer la hache utilisée auparavant par Cliff par-dessus sa tête avant de la diriger avec plaisir en direction du cou tout frêle du Sicilien qui se vidait de son sang.
Pullo, n’ayant plus rien dans les bras, s’engagea l’épaule en avant dans les reins de Diodoros afin de le faire basculer et ainsi sauver son élève.
Diodoros retomba à quatre pattes.
Impétueux, il s’employa à balayer Pullo pour de bon.
Ses yeux d’un jaune profond s’élargirent, pendant qu’il collait ses bras contre son corps et ouvrait les paumes de ses mains vers le ciel. Dans ses deux paumes vinrent se formèrent deux sphères d’air agitées. En rejoignant ses mains, les deux sphères formèrent un cyclone. Son regard se braqua sur Pullo et il proféra le nom de sa technique : « Obitadashii Storm ! »
La Tempête Incommensurable débarrassa Diodoros de Pullo qui retomba non loin d’Apodis, le corps totalement lacéré par les puissants courants d’air…
Flashback
De retour au présent, Apodis regarde Pullo qui est maintenant à son service.
Celui-ci a bien vieilli depuis et porte encore les stigmates de cette bataille, comme par exemple sa cécité.
Il s’en veut encore mais garde espoir, en le sachant à ses côtés…
Plus loin, au Centre de l’île, beaucoup de femmes et d’enfants apprennent la mort de leurs proches après la déroute hébéïenne au Sud dans l’après-midi.
Le moral du peuple est au plus bas.
Rares sont les gardes encore présents pour veiller sur les habitants qui peuplent la cité.
L’ordre est maintenant tenu par les religieux qui connaissent à peine les bases de l’instruction militaire.
A l’intérieur du temple d’Héraclès et du temple d’Héra, prêtres et prêtresses officient des cérémonies funéraires en l’honneur des récentes victimes et consolent les familles.
Plus haut, dans le palais impérial, le Parthénos, une réunion de crise est présidée par Hébé.
La magnifique déesse, entourée de Juventas et d’¼dipe, s’entretient avec les deux cardinaux des temples ainsi qu’avec les riches familles de la cité. Un d’entre eux scande : « … il n’y a qu’une Alcide plus morte que vive et une trentaine de soldats mal en point qui sont revenus sur les cents hommes et deux chevaliers envoyés ! Dîtes-moi comment faire pour garder notre calme ? »
Un second renchérit : « Les Athéniens tiennent le port. Le rapport de nos survivants fait état de près de cent-cinquante soldats et de sept Saints débarqués, avec parmi eux des Saints d’or. »
La voix d’¼dipe retentit dans la salle d’audience du temple d’Hébé pour atténuer les propos tenus par le noble : « Eux aussi ont subi des pertes. Des soldats sont morts et un Saint de bronze a perdu la vie. Nous avons également capturé un Saint d’argent. »
Le premier intervenant s’exclame : « Magnifique ! Une prisonnière qui peut mettre à mal nos hommes et s’infiltrer jusqu’à sa majesté Hébé a été conduite ici ! Encore un plan ingénieux de sa Seigneurie Baucis de la Biche de Cérynie. »
Hébé tente d’atténuer les peurs de son peuple. Sa prise de parole fait reculer d’un pas les sujets les plus véhéments : « Il est vrai que les démarches de Baucis ont échoué mais elle n’est pas responsable de tous nos maux ! »
Sans manquer de respect à leur altesse, les patriciens n’en démordent pas. Tout en courbant l’échine, ils poursuivent : « Les dépositions de nos soldats font état d’à peine une trentaine de pertes chez les soldats athéniens et d’une vingtaine de blessés. »
Un troisième bourgeois réagit : « Il nous faut immédiatement profiter du fait, qu’ils soient acculés sur le port pour les repousser. Ils tiennent là un lieu essentiel à notre survie. Nos terres sont peu cultivables et le commerce extérieur est notre seule ressource. S’ils bloquent nos échanges le peuple mourra affamé et les hommes n’auront plus qu’à rendre les armes. »
Acis, le grand cardinal du temple des prêtres sort de son silence. Celui qui a secouru des années auparavant les jeunes Saga et Kanon fronce ses sourcils grenat tandis que ses cheveux orange coiffés en brosse s’agitent en même temps qu’il lève les bras au ciel : « Notre prisonnière a parlé ! La menace la plus imminente ne vient pas du Sud mais du passage de la rivière entre les montagnes du Nord et la forêt de l’Est ! »
Le premier aristocrate doute : « Qui nous dit qu’il ne s’agit pas d’un piège ? »
Acis surprend l’assemblée. Celle-ci est autant stupéfaite que la réaction de Yakamoz est impromptue : « Parce qu’elle a juré fidélité à Hébé devant sa statue dans le temple d’Héra où nous la retenons prisonnière ! "
L’assistance est abasourdie. Cette annonce surprenante fait soulever Hébé de son trône : « Acis ! Grand cardinal du temple d’Héraclès ! Conduis-moi immédiatement à cette femme chevalier qui est notre prisonnière ! »
A des centaines de kilomètres de là, au Sanctuaire, dans la quatrième maison du zodiaque, Lilith repense à l’ensemble des pages que lui a laissé Deathmask depuis qu’il l’a internée ici au milieu de rats et de cadavres en putréfaction.
Après avoir découvert son histoire, elle culpabilise d’ignorer le sort qu’il lui a réservé et de s’apitoyer plutôt sur celui de son bourreau.
Elle n’arrive toujours pas à comprendre son geste de tout à l’heure.
Elle l’a embrassé non pas par respect, elle lui a menti, elle s’est menti à elle-même.
_ « Comment avouer que je lui témoigne de l’affection ? A un monstre pareil, s’indigne-t-elle ?! »
Mais, déjà, elle regrette : « Il ne m’accordera plus jamais sa confiance désormais qu’il croit que je me joue de lui. »
Plus que de savoir qu’il va la laisser mourir de faim et de soif, c’est savoir qu’il ne lui donnera plus jamais l’occasion de découvrir ses mémoires qui la chagrine…
Quand, tout à coup, la porte en béton armé de sa geôle s’ouvre doucement.
Rongée de remords, la douce demoiselle discerne, grâce au scintillement de la chandelle qu’il porte, le chevalier du Cancer.
Deathmask pénètre dans la pièce.
Il est méconnaissable.
Blême, les yeux noyés de chagrin, il ne semble pas non plus s’etre remis de l’affection soudain que lui a témoigné Lilith : « Tu as voulu me blesser tout à l’heure n’est-ce pas ? »
Elle s’agenouille.
_ « Je vous conjure de me croire Maître, ce n’était pas mon intention.
_ Tu l’as lu pourtant ! Tu sais ce que représente pour moi ce genre d’échange ! Les seules personnes à m’avoir embrassé sont ces gens abjects que furent ma tante et mon oncle. !
_ Oui, ils vous ont recueillis en Sicile lorsque vous n’aviez qu’une demie-dizaine d’année après la mort de vos parents.
_ En effet, à l’approche de mon cinquième anniversaire, mon père découvrit les infidélités de ma mère. Fou de rage, il la massacra sous mes yeux encore innocents. Je fus confié à ma tante, Lilith, et à son mari qui revenait de Grèce après y avoir vécu durant des années. Cet homme, Cancro, était chevalier d’or du Cancer. Il était revenu sur sa terre natale après avoir laissé durant des années sa femme en Sicile. Dès mon arrivée chez lui, dans une chaumière isolée sur le Mont Etna, Cancro ne voyait en moi qu’un enfant misérable et chétif, comme en est peuplé le monde en dehors du Sanctuaire. Il voulait que je devienne un homme digne. A la hauteur de sa renommée. Capable d’être reconnu parmi les plus grands. Et c’est par la force, qu’il espérait me rendre ainsi. Un soir où je rentrais en rampant d’un terrible duel que nous avions échangé auparavant, je les ai surpris tous les deux, nus, en plein acte charnel. C’était violent. Intense. Ça ne ressemblait en rien à de l’amour… C’est elle qui me découvrit en premier. Lilith vint nue jusqu’à moi pour me relever et m’amener jusqu’au lit où Cancro me défiait du regard. Elle me coucha sur leurs draps gris, sales et puants en me déshabillant pour qu’ils puissent me violer tous les deux. Depuis, chaque soir, en rentrant de l’entraînement, ce calvaire était devenu coutumier. Inférieur à ce vieux chevalier d’or, moi le petit garçon qui commençait à peine à découvrir le cosmos, je devins le sous-fifre d’un diable. Ma rage et ma colère me rendirent ambitieux. Les dieux que vénéraient mes parents étaient des songes que les mortels se sont inventés pour se détourner des vrais dieux. Je l’ai compris durant mon apprentissage. J’ai aussi compris que seuls des gens comme Cancro et Lilith, qui étaient plus forts, réussissaient à imposer leurs lois. Dès lors, je choisis de devenir l’homme le plus puissant de la planète pour faire triompher ma justice. Je quittais fréquemment la cabane de Cancro situé sur le Mont Etna, puis descendais aux villages situés plus bas, pour tester ma force contre les hommes les plus craints des environs. Très vite mon niveau surpassa le leur et mon cosmos devint bientôt supérieur à celui de Cancro qui continuait à m’entraîner et, le soir venu, à me récompenser à sa façon. Un jour où il sortit du grenier de sa cabane une lourde caisse en métal couverte d’un drap noir, je compris qu’il s’agissait là de la clé de la reconnaissance et de la consécration. Il espérait la réendosser à nouveau, avant de se rendre au Sanctuaire pour une mission que venait de lui confier un messager du domaine sacré. Face à cette aubaine d’être reconnu par le Sanctuaire comme successeur de ce monstre, je défiai aussitôt Cancro de me tuer, sans quoi je lui prendrai cette armure à laquelle je m’étais moi-même destiné. L’armure d’or du Cancer ! La constellation avec laquelle je rentrais en harmonie lorsque s’accroissait ma cosmo énergie ! Je fus aisément vainqueur lors de notre combat. Affrontement durant lequel je sentis mes forces s’amplifier de façon exponentielle.
Mais au moment où je m’apprêtais à lui ôter la vie, il se jeta sur mes lèvres pour me voler un baiser avant de mourir. Un long baiser semblable à ceux que ma tante et lui avaient l’habitude de me prendre lorsqu’ils abusaient de moi. Cet acte est depuis scellé en moi, en me transmettant son armure, il m’a transmis son sadisme. J’ai commis mes premiers meurtres en me vengeant d’eux…
_ C’est donc pour cela que vous avez réagi ainsi lorsque je vous ai embrassé. Vous craignez la signification d’un baiser. Selon moi, un baiser doit être échangé entre deux êtres éprouvant un amour réciproque.
_ Comment pourrais-tu aimer un monstre tel que moi ?
_ Il n’y a que vous qui vous considérez ainsi.
_ Depuis mon enfance je suis un assassin. Je tue sans crainte et sans remord.
_ Vos premiers meurtres n’étaient que justice. Vous avez triomphé des fléaux qui ont fait de vous leur chose. Les autres ce n’étaient que pour rétablir la vérité, pour faire triompher Athéna. »
L’Italien essuie ses yeux gonflés par le chagrin. Il se reprend.
_ « Tu te cherches des raisons de me pardonner !
_ Aucun pardon ne peut effacer le traitement que j’ai reçu. Seules la compréhension et la compassion, peuvent me permettre d’accepter l’homme tiraillé que vous êtes et tolérer le sort que vous me réservez.
_ M’accepter ! Tu acceptes ce que je suis ? »
La belle demoiselle passe sa main dans son cou pour démêler les cheveux qui s’y trouvent et ainsi dégager sa chair. Gorge tendue en avant, les yeux fermés, elle annonce : « Je suis prête maintenant chevalier. Prenez ma vie si telle est votre mission initiale, si celle-ci peut soulager votre âme, en apaisant votre soif de vice insufflée par vos proches. »
Le Saint la dévisage longtemps pour finalement lui serrer la gorge de façon brutale.
Il la soulève et approche son visage du sien tandis qu’elle manque de souffle.
Lilith ne se débat pas.
Saga prêtresse d’Athéna, elle applique la bienveillance qu’on lui a instruit.
Quelle que soit la finalité, satisfaite d’avoir répondu à l’amour de son prochain, elle sourit en avouant d’une voix atténuée : « Je suis heureuse Maître de mourir maintenant que je sais que vous n’êtes pas responsable du fléau qui vous ronge. »
En entendant cela, Deathmask lâche aussitôt son emprise et laisse le corps tout frêle retomber sur le sol argileux.
Dans son regard se mêlent colère et détresse.
Finalement, c’est de la compassion qui lui vient lorsqu’il s’accroupit devant elle pour la soulever dans ses bras.
Quasi-inconsciente, Lilith ne comprend pas ce que fait Deathmask qui la sort de sa prison…
Au même moment, en mer Egée, dans le silence le plus complet, les derniers coups de rames du navire d’Apodis sont donnés pour approcher l’embranchement entre le Nord et l’Est de l’île d’Yíaros.
Le canal qui relie la rivière à la mer est suffisamment large pour permettre au navire de s’aventurer dans l’île comme l’ont assuré les prêtres athéniens qui connaissent bien Yíaros.
Apodis ordonne au chef de l’équipage de prendre ce chemin pendant que de chaque côté de la coque, les cinquante soldats débarquent sur la berge pour assurer la protection du navire.
Cliff se positionne dans les rangs sur le pont, en compagnie des autres soldats qui distinguent parfaitement la terre qui est en vue.
Apodis reconnaît le même éclat volontaire dans les yeux de Cliff que celui qui l’animait lorsqu’ils affrontaient les Arèsiens…
Flashback
Apodis était désolé en voyant lourdement tomber le corps de Pullo après qu’il ait été repoussé par le Berserker.
Devant eux, le reste des soldats d’Arès avançait non sans observer le combat mené par Ennius et Nicator, deux Berserkers, contre Orphée, toujours debout, le visage à peine égratigné.
Ennius, un bel homme aux cheveux mi-longs, roses, titubait, tandis que Nicator, grand, mince aux yeux fort ouverts et aux dents pointues était ligaturé par les cordes de la lyre.
Orphée regarda derrière lui et constata qu’il restait peu d’hommes avant que le village de Paesco puisse être atteint. Il toisa ses deux adversaires qui lui donnaient du fil à retordre : « Il est maintenant temps d’en finir ! »
Ennius se préparait à la riposte alors que Nicator, prisonnier des cordes, essayait de se débattre.
Orphée s’en prit d’abord à Nicator : « Tu ne pourras pas sortir de mon piège, ton corps va finir en morceaux après que ta Nightmare soit brisée par la restriction de mes cordes ! Stringer Fine ! »
Orphée n’eut pas tort, en quelques mouvements de doigts sur son instrument, les cordes séquestrèrent si fort Nicator que son armure se craquela et son corps fût écorché de toute part. Complètement défiguré, le cadavre retomba lourdement au sol, laissant Ennius seul face au Saint.
Ennius rassembla ses forces en ses poings. Trop épuisé par les nombreux assauts qu’il avait reçus jusqu’ici, il ne vit pas Orphée foncer sur lui.
Le Saint d’argent prouva que son accessoire n’était pas la seule chose redoutable chez lui puisqu’il le prit par la main gauche afin d’amener avec élan son corps meurtri vers lui pour lui enfoncer son genou dans l’estomac avec rage.
Ennius, courbé de douleur, crachait son sang et n’eut pas le temps de comprendre la suite de l’enchaînement d’Orphée qui le frappa avec le plat du pied en plein visage.
Après un tel choc il fut aisé d’entendre à des lieux d’ici les os d’Ennius se rompre.
Le corps inanimé d’Ennius vint rebondir sur le sol poussiéreux.
Le Berserker ne se releva pas, il succomba à ses blessures.
Les forces alentours choisirent de venger les deux guerriers d’Arès.
Seul contre cent, épuisé après son âpre combat, Orphée préféra utiliser la manière forte. Non sans mal il rassembla ses forces : « Allez-y ! Approchez tous ! Encore quelques pas et vous trouverez la mort que vous méritez tant ! »
Les Arèsiens entourèrent Orphée.
Il essuya quelques coups sans broncher jusqu’à ce qu’un glaive s’abatte sur lui.
C’est le moment qu’il choisit pour déclencher son attaque et atteindre un maximum de victimes : « Appréciez donc votre requiem ! Stringer Nocturne ! »
Les notes jouées produisirent une sorte de foudre qui vint balayer tous les hommes qui foncèrent sur lui ainsi que les derniers qui parvinrent à entrer dans le domaine sacré.
A lui seul il élimina au moins deux dixièmes des ennemis depuis le début de la lutte.
Il fit alors le tour de lui-même en se tenant les hanches de douleurs après son rugueux combat contre deux Berserkers.
Il constata que Circinus avait gagné les troupes sur le front droit pour les aider à lutter contre Antiochos Berserker de la Force Brute.
Les hommes de l’aile gauche, eux, étaient bien en difficulté, comme au loin où les lignes au centre furent bien entamées.
Considérant que la victoire serait leur s’il parvenait à gagner sur les flancs, Orphée choisit alors d’aller relever la gauche qui était la zone la plus critique…
Au centre, couché sur le dos, Apodis regardait Pullo s’étouffer en avalant son propre sang.
La Tempête Incommensurable de Diodoros l’avait tellement choqué qu’il n’avait plus la force de recracher sa bile.
Cliff, sur les rotules, à demi-conscient, devenait livide après que des flots de sang se soient déversés de ses plaies.
Diodoros marchait d’un pas résolu vers lui.
Pullo tourna la tête vers Apodis. Le jeune Grec ne reconnut même pas ses yeux. Les rafales de vent provoquées par Diodoros les lui avaient perforés. Cela ne l’empêcha pas de sentir la présence de son élève. La bouche ensanglantée il s’adressa à lui : « Apodis… Apodis… Prends ton épée… Sauve Cliff… »
Totalement misérable, Apodis rampait discrètement jusqu’à lui : « Je suis désolé Caporal, je ne peux pas… »
Pullo chercha à lui tenir la main malgré ses blessures. Ses plaies s’agrandirent davantage toutefois il ne semblait plus craindre la douleur. Il tenait à transmettre un message : « Je t’ai entendu expliquer à Cliff l’autre soir pourquoi tu te bats aujourd’hui… Tu… Tu espères trouver en la mort une délivrance… un honneur… Mais je ne comprends pas… Quel honneur peut-on avoir, lorsqu’on se résigne à voir nos frères mourir, alors qu’ils se sacrifient pour nous ? »
Plus haut des bruits sourds retentirent, l’armée d’Arès reculait petit à petit grâce à la détermination des dernières lignes du centre menées par un Saint de bronze.
Ce Saint était vêtu d’une armure d’un rouge vif. Son casque était semblable à un large diadème le protégeant du front jusqu’aux oreilles et formant un bec de couleur orangé qui descendait jusqu’à hauteur du nez. On admirait donc sa chevelure couleur rouille sans pour autant découvrir son visage puisqu’il était parfaitement dissimulé par son heaume qui s’arrêtait une fois la colonne nasale recouverte.
Les épaulettes semblables à un plumage fait de bronze subissaient un dégradé de couleur pour aboutir à un blanc pur en leurs extrémités. Elles ne faisant qu’un avec le plastron écarlate qui couvrait toute la surface pectorale.
Ses bras étaient couverts d’une simple protection qui descendait jusqu’à ses mains pour prendre à chaque bout de doigts une forme aiguisée semblable à des serres.
Une gemme orangée ornait le centre de sa ceinture et était entourée par de petites ailes déployées de la même couleur.
Ses genouillères étaient en forme de losange tandis que les jambières bénéficiaient également d’ailettes au niveau des chevilles.
Le Saint en question était Pajaros de l’Oiseau de Paradis.
Il menait un combat acharné contre un des trois derniers Berserkers. Evhémère de la Matière.
Une collision retentit dans le ciel et non loin de Pullo vint s’écraser Pajaros qui se releva péniblement.
Evhémère ne constata même pas que ses hommes reculaient face à la détermination des soldats du Sanctuaire.
Il était trop attaché à vaincre Pajaros qui lui donnait bien du mal.
Pullo sentait que le combat de Pajaros était son dernier car le cosmos du Saint de bronze de l’Oiseau de Paradis communiquait un état de sacrifice. Il tentait désespéramment de relancer Apodis : « … Apodis… personne ne t’a jamais considéré comme un pleutre à part toi-même. C’est ton comportement qui a fait de toi ce que tu es aujourd’hui ! »
Pajaros menait un rude corps à corps contre le pesant Evhémère qui le plaqua au sol et le matraqua de coups de poings.
Pour se défaire du poids du Berserker qui se posa sur lui, Pajaros réunit ses mains face au visage du glouton et y fit exploser son cosmos.
Aveuglé par le coup, Evhémère était à la merci de Pajaros.
Toutefois, Pajaros remarqua en priorité le danger qui guettait Cliff.
Au lieu d’anéantir Evhémère, Pajaros concentra un amas de cosmos en son poing et le jeta contre la Nightmare de Diodoros du Vent qui s’amusait en bousculant l’amorphe soldat.
Evhémère reprit ses esprits et, en joignant ses deux mains, il cogna Pajaros en pleine colonne vertébrale.
Diodoros, furieux, choisit alors enfin de rejoindre Evhémère pour achever le Saint de bronze…
De son côté, Pullo poursuivit : « Toi, le poète qui a besoin d’être émerveillé pour être fort, regarde donc Cliff et nos pairs mourir côte-à-côte pour une cause qu’ils partagent… »
Diodoros espéra donner le coup de grâce à Pajaros, accroupit après la charge d’Evhémère.
Pajaros en effectuant une figure acrobatique, se redressa et tapa avec ses jambes Diodoros sous les genoux pour le faire chuter. Puis en prenant appui avec ses mains sur le sol, il vint, d’une reprise de volée, cogner la tête de Diodoros qui s’écrasa contre une ruine, le casque de sa Nightmare en miettes…
Pullo, captait l’intensité des échanges : « … Observe Pajaros concentrer sa cosmo énergie et prendre son envol… Ne sont-ce pas là des faits qui t’inspirent… Qui te procurent une volonté nouvelle… »
Le lourd Evhémère tapota ses poings l’un contre l’autre : « Je ne supporte plus de te voir te relever ! »
Pajaros sauta en l’air et écarta les bras tel un albatros qui affiche fièrement son plumage…
Pullo ne désespérait pas de remotiver Apodis : « … Si tu aimes tant que ça ta mère, tu n’as pas le droit de mourir maintenant… »
La cosmo énergie de Pajaros créa un halo aux couleurs arc-en-ciel autour de lui…
Rien qui n’effraye Evhémère : « Je sais comment te bloquer les ailes ! Il me suffit de t’enfermer dans la matière solide la plus dominante de ce monde… "
_ « … Une fois que les Berserkers auront envahis le village de Paesco, ils auront le champ libre pour remonter jusque Honkios en écrasant les paysans, fit part de ses doléances Pullo à Apodis… »
_ « … Je vais t’emmurer vivant dans une montagne, se léchait les babines Evhémère… »
Les couleurs vivaces autour de Pajaros firent briller les étoiles de la constellation de l’Oiseau de Paradis.
Il écarta ses bras et les abattit sur Evhémère.
L’obèse colosse tapotait de plus en plus fort ses poings l’un contre l’autre jusqu’à ce qu’il en résulte un bruit sourd.
A cet instant, il tapa des deux poings sur le sol…
_ « … Ta mère se fera massacrer par ta faute Apodis. Ils la violeront, la tortureront, continua Pullo… »
Discrètement allongé à côté de Pullo, Apodis s’imaginait en larmes l’horrible scène…
_ « Wing Jikan No Yoyû, déclencha son arcane Pajaros ! »
Le Battement d’Ailes Majestueux de Pajaros créa un violent courant d’air qui se dirigea contre Evhémère…
_ « … Elle mourra en pensant que son fils n’était pas à la hauteur, s’acharna Pullo, qu’il n’a pas su la protéger… »
Apodis s’en voulut davantage.
Il écrasa dans sa main une pierre, furieux envers lui-même d’avoir causé tant de souffrance à Pullo et Cliff…
Après qu’Evhémère heurta le sol, celui-ci se mit à trembler : « Rogoku Stone ! »
_ « … Tu retrouveras alors ta mère dans un monde de ténèbres et ton père t’y maudira éternellement, prédit Pullo… »
Evhémère remarqua trop tard le souffle de l’Oiseau de Paradis qui l’embarqua en le déchirant dans les airs, arrachant de toute part les ornements de sa Nightmare comme les cornes de buffles sur son casque…
_ « … J’ai vu ta flamme Apodis. J’ai vu ton étoile briller dans le ciel lorsque tu étais déterminé à tenir le coup durant mon entraînement car tu t’étais fixé l’idée de mourir sur ce champ de bataille… »
Le contrecoup de la Prison de Pierre d’Evhémère ne se fit pas attendre.
Bientôt, sous les pieds de Pajaros, se levèrent des tonnes de terres et de blocs de pierres qui vinrent l’ensevelir en formant au beau milieu du champ de bataille une inébranlable montagne…
Apodis observait le massacre en même temps que les paroles de Pullo s’ancraient en son esprit : « C’était ton défi ! Mais sache qu’il y a un défi encore plus grand que la mort… C’est la vie ! »
Diodoros se précipitait en direction d’Evhémère qui retrouvait ses esprits : « Incroyable, le souffle produit par ce misérable était bien plus puissant que celui de mon Obitadashii Storm ! »
Evhémère se redressait en inspectant son corps : « En voilà une chance de porter une telle armure. Sans elle j’aurai été découpé en petits morceaux par sa bourrasque. »
_ « … Tout comme il existe un sentiment encore plus fort que la haine qu’on éprouve envers soi-même d’être un perdant, c’est la volonté de devenir un battant… »
La montagne dans laquelle était emprisonné Pajaros s’écroula, libérant le glorieux Saint qui venait de faire exploser son cosmos pour trouver une issue.
Les roches l’avaient tout de même fort secoué.
Malgré que l’armure fût intacte, son corps d’homme commençait à perdre trop de sang..
_ « J’ai senti ton vrai potentiel Apodis. J’ai vu tes ailes se déployer… Tel un oiseau… »
Les deux Berserkers se concertèrent.
_ « Diodoros… Ma Nightmare ne résistera pas s’il attaque une seconde fois et ton souffle n’est pas suffisant pour contrer le sien.
_ A moins que tu ne l’empêches de déclencher son attaque. Si tu remarques bien, il est obligé de concentrer son vent en direction d’un lieu précis. En me mettant derrière lui et en me concentrant le premier il jettera ses forces contre moi. Toi tu profiteras de son inattention pour le capturer dans ta Prison de Pierre à nouveau. Et c’est une fois qu’il sera immobilisé dans ta montagne que je déclencherai à pleine puissance ma technique. »
_ « Un oiseau dont le battement d’ailes était si majestueux qu’à chaque envol il laissait derrière lui un magnifique arc-en-ciel… »
Le corps de Pajaros tanguait tant il était épuisé.
Même lui en souriait nerveusement.
C’était fini.
Il le savait.
Du haut de ses quarante-huit ans, il était fier de mourir sur le champ de bataille : « … Et puis… Quelle satisfaction de voir que les lignes arrière que j’ai mené tiennent encore le coup… »
D’un rapide coup d’½il il observa les bordures extérieures qui avançaient fort bien, surtout à gauche depuis qu’Orphée les avait rejoints : « Je peux mourir en paix, ma mission est accomplie. »
C’est avec le sourire aux lèvres qu’il centralisa une dernière fois l’effluve lumineux de son cosmos pour ne faire qu’un avec lui…
Pullo avait compris que la constellation protectrice d’Apodis était la même que celle de Pajaros : « … Tu es tel un Oiseau de Paradis ! »
En entendant ces mots, Apodis fixa le ruban de soie que Netsuai avait accroché à son poignet. Le vent le fit lever en direction de Pajaros, celui qui portait l’armure bientôt sienne.
Pajaros semblait attirer vers lui tout le courage des troupes athéniennes afin que leurs âmes vinrent saluer la sienne.
Apodis vit en ce ruban de soie comme la volonté de Netsuai de joindre sa détermination à celle de Pajaros, comme si elle lui pointait du doigt l’exemple à suivre.
L’arc-en-ciel formé par son cosmos autour de Pajaros lui donnait un semblant de noblesse, de fierté et de courage, ce qui apaisait les corps et les c½urs meurtris de ses camarades.
Ce merveilleux échange souleva l’âme d’Apodis et l’aida à imaginer de grands récitals contant sa gloire.
C’est seulement en cet instant qu’il comprit que c’est le courage qui le conduirait à l’inspiration.
Alors fièrement, comme pour saluer le Sergent Pajaros, Apodis se releva afin d’étudier l’assaut final, de n’en louper aucun rebondissement, pour pouvoir rapporter plus tard la magnificence de cet homme.
Oui, il lui fallait vivre pour évoquer à sa mère comment il put sauver leur domaine en compagnie d’un fier chevalier de bronze. De quoi vexer son tyran de père.
D’un coup il sentit le dégoût qu’il éprouvait envers lui-même se transformer en haine à l’encontre de Frontinus.
Cette même rage le rendit hargneux.
Animal.
Il sentait qu’elle lui insufflait une nouvelle vie.
Qu’elle lui faisait pousser des ailes.
Au sens propre comme au figuré.
En effet, son cosmos qu’il entrevît lors de sa formation militaire émana autour de lui comme un oisillon déployant ses ailes pour la première fois de sa vie.
Alors sa cosmo énergie entra en communion avec celle de Pajaros.
Elle dévoila toute son étendue.
Une étendue dont il n’avait même pas idée.
Leurs deux auras ne firent qu’une et gagnèrent le ciel pour illuminer chaque étoile de leur constellation commune.
Pajaros qui avait remarqué la concentration de Diodoros lui fit subitement volte-face sans pour autant relâcher son attention.
Il adressa à Apodis un regard satisfait et prononça : « Athéna. Ô Sublime Déesse, je te remercie de m’offrir cette mort en me concédant l’occasion de léguer mon savoir à celui qui prendra ma relève. Merci Ô Divine Majesté… »
Diodoros fit mine de s’élancer. Pajaros, au summum de ses capacités, déclencha alors sa technique : « Wing Jikan No… »
Il n’eut pas le temps de finir de prononcer le nom de son arcane que déjà la roche d’Evhémère le fit prisonnier puisque discrètement, le Berserker venait d’abattre ses deux poings au sol : « Rogoku Stone ! »
Pajaros ne broncha pas.
La montagne se dressa fièrement une nouvelle fois au beau milieu du champ de bataille d’où Diodoros s’élança pour achever Pajaros.
Apodis était résolu à ne plus laisser succomber un héros de leur chevalerie.
Il rassembla alors toutes ses forces.
Toute son imagination.
Tous ses souvenirs… Dont l’apprentissage de techniques de combat en analysant la boxe de son père…
Il concentra toute son irascibilité à l’encontre de Frontinus pour inventer quelque chose de nouveau. De fort. Sa plus propre attaque.
Il verrouilla son regard sur Diodoros qui sautait en direction du monticule pour frapper Pajaros.
Ses yeux rouge sang s’enflammèrent et sa colère créa une aura aux couleurs vives, changeantes, comme si Pajaros lui avait laissé son arc-en-ciel avant d’être prisonnier de la pierre. Il se lança à la rencontre du bourreau en hurlant.
Lorsque Diodoros le vit, il sentit qu’Apodis représentait alors un danger bien plus grand que Pajaros. Il lui décocha donc sa puissante bourrasque : « Obitadashii Storm ! »
Les bras écartés, tels un oiseau qui fend l’air, Apodis répliqua : « Frantic Fury ! »
L’illusion réalisée par sa cosmo énergie le transforma tel un Oiseau de Paradis qui fonçait résolument bec en avant sur son adversaire.
La vitesse à laquelle il s’était catapulté sépara la tempête de Diodoros en deux s’en qu’elle puisse l’inquiéter.
Il se présenta donc face au Berserker du Vent complètement désarmé, le bec pointé pour le terrasser.
En réalité son poing droit déclencha une multitude de heurts contenant toute sa Furie Frénétique avant qu’un dernier coup surpuissant en plein ventre ne lui éclate l’intérieur de l’estomac.
Apodis retomba gracieusement sur ses pattes, en même temps que la chair laminée de Diodoros qui s’écrasa au sol, la Nightmare en poussière.
Totalement abasourdi, Evhémère se précipita vers son ami qui n’eut même plus la force de parler.
Ses yeux étaient révulsés et les chocs qu’il venait de subir en plein c½ur et en pleine tête l’avaient rendu apathique.
Evhémère, témoin de ce massacre, ne put empêcher son camarade de rendre son dernier souffle.
Ne s’en préoccupant pas, Apodis cherchait le moyen de libérer Pajaros de cette cage de pierre qui maintenait l’Oiseau de Paradis captif.
Il voyait dans le ciel quelques étoiles de leur constellation commune s’éteindre.
Des secousses venues de l’intérieur permirent à la roche de s’écrouler.
Pajaros ayant du mal à s’extraire seul des décombres, Apodis se joignit à lui pour l’en sortir. L’armure de l’Oiseau de Paradis n’avait pas une seule rayure, pourtant Pajaros était à bout de souffle. Dans les bras de son successeur, il commença à fermer les yeux.
_ « Je me suis fait avoir comme un débutant n’est-ce pas ?
_ Restez calme Seigneur Pajaros ! Ne dîtes rien ! Ne gaspillez pas vos forces chevalier, nous allons vous sauver ! »
Pajaros tout en vomissant sa bile, se mit à rigoler : « Me sauver ?! Mais voyons ! Pourquoi vouloir me sauver ? N’est-ce pas une belle mort que de succomber à ses blessures dans les bras de son successeur ? »
Apodis sourit timidement, Pajaros poursuivit : « J’ai entraîné pendant des années des apprentis. Aucun n’est jamais arrivé à rentrer en osmose avec mon armure et ma cosmo énergie comme toi tu as su le faire. Lorsque j’étais bloqué dans cette prison, j’ai ressenti la terrible force que tu as dégagée contre ce chevalier d’Arès. Tu as découvert une technique qui t’est propre. Une botte secrète ultime qu’il te faudra améliorer chaque jour. Je regrette de ne pouvoir te transmettre tout mon savoir. J’aimerai donc te conférer mon attaque. Elle est beaucoup moins meurtrière que la tienne, mais elle est très subtile… »
Il leva sa main et la tendit à Apodis pour qu’il la lui serre.
Il lui conféra toute l’énergie qu’il avait emmagasinée et qu’il n’a pu projeter contre Diodoros : « Le Wing Jikan No Yoyû. Mon cosmos t’accompagnera pour ta première utilisation de ce savoir-faire. Fais-en… Bon usage… Et… Sache que mon âme… Sera toujours auprès de toi via notre armure… »
Il commença à balbutier.
L’air ne lui venait plus et son regard se perdait dans l’horizon.
En rendant son dernier soupire, il prononça : « Il est temps de sortir de ton nid jeune oisillon… »
Après ses mots, sa main relâcha le jeune garçon.
L’armure de bronze qu’il portait sembla chanter pour lui rendre hommage et, c’est pièce par pièce, qu’elle se détacha de lui pour s’ajuster sur Apodis en faisant éclater sa cuirasse de soldat…
Cliff, couché sur le côté, la bouche grande ouverte, fixait fièrement son ami.
Pullo raclait sa gorge comme pour se donner le courage de survivre pour participer au triomphe de son élève.
Au même instant le cor de l’armée athénienne sonna.
Les lignes latérales menées par Orphée avaient regagné les murailles.
L’ennemi, dont les rangs étaient forts affaiblis, était encerclé.
Aussitôt, les lignes du centre, repoussée jusqu’ici, purent inverser la tendance.
Alors qu’ils passaient à côté d’eux pour enfoncer les rangs adverses il y a quelques heures, les Arèsiens reculèrent pour atteindre le lieu où Cliff et Pullo, les seuls survivants de la garnison d’Apodis, allongés, tinrent si longtemps leur position.
Apodis marchait résolument vers Evhémère : « La bataille n’est pas encore terminée ! »
Avec suffisance, le Berserker lança son poing contre le nouvel Oiseau de Paradis.
D’un magnifique jeu de jambe dont seul Frontinus, son père, avait le secret jusqu’ici, Apodis esquiva sans mal cette tentative.
Ce fut son tour de balancer un puissant crochet du gauche dans ce ventre grassouillet.
Le télescopage fut si spectaculaire, que toute la masse graisseuse de l’ogre s’agita.
Sa Nightmare se craquela aussitôt.
Tandis qu’Apodis évitait tous les coups avec vitesse dans une allure sublime, son adversaire, lui, était trop lent pour se défendre.
Apodis tambourinait chaque partie de son corps si fort que lorsque ses jambes furent martelées de coups, Evhémère ne put supporter son poids.
Rejoint par les athéniens, Apodis laissa l’inoffensif Berserker, devenu bien misérable, à la merci d’une dizaine de soldats qui l’achevèrent de leurs glaives.
Au centre, la victoire était assurée. Apodis prit d’un bras Cliff et de l’autre Pullo : « Allez les amis ! Nous avons presque gagné la bataille ! Les troupes du Caporal Pullo seront également de la fête ! Tenez bon ! Nous allons bientôt retrouver le Lieutenant Orphée ! »
Sur leur droite, les hommes qui formaient les rangs restaient les seuls à être encore aux prises avec les Arèsiens.
Apodis remarquait que du haut de son cheval d’ébène, le dernier Berserker et sa cohorte, dominaient les débats.
Il était temps pour Apodis d’utiliser le savoir que lui a légué Pajaros, le Wing Jikan No Yoyu…
Flashback
Le navire ralentit et sort Apodis de ses songes.
Les voici enfin arrivés aux abords de la côte, ils entrent dans l’île par le chemin de la rivière.
Apodis se dresse devant ses hommes et lève le bras en l’air, prêt à discourir…
Au Sanctuaire, la nuit est tombée depuis plusieurs heures maintenant.
Dans la quatrième maison du zodiaque, Lilith revient à elle.
La flammèche d’une bougie s’anime devant ses paupières.
Elle l’oblige à ouvrir les yeux…
Il fait presqu’aussi sombre que dans sa prison.
La seule chose qui lui permet de comprendre qu’elle ne s’y trouve plus est cette température plus agréable.
L’air est plus sain.
La couverture dans laquelle elle est enroulée sent également un parfum de printemps qu’elle n’a plus humé ces dernières semaines.
Le support sur lequel elle est couchée, un matelas, est plus confortable que le sol argileux sur lequel elle recroquevillait ses membres il y a encore quelques heures.
Autour d’elle, une grande armoire. Un bureau. Une table et une chaise. Un foyer presque éteint avec un chaudron au-dessus. Quelques amphores et un tonneau d’eau au fond de la pièce.
Le sol marbré dispose d’un bassin d’un mètre sur un mètre. Vide. Et marqué de traces de pas fraiches.
A s’y méprendre, cette pièce ressemble à celles qui composent le temple des apprenties Saintias, les prêtresses, d’où elle vient.
C’est en se redressant pour examiner davantage cette chambre qu’elle reconnaît un sceau sur chacun des meubles. Celui du Cancer.
Enfin, au fond de la pièce, contre le mur qui fait face à une belle porte en chêne massif, avachi sur une seconde chaise, endormi les bras croisés, Deathmask reste tapis dans l’obscurité.
Lilith fixe longtemps la porte de la chambre en y voyant une issue.
Elle sourit alors anxieusement puis se redresse du lit en bois pour s’en approcher sur la pointe des pieds.
Elle ne remarque pas qu’en réalité Deathmask ne dort que d’un ½il, bien décidé à la tester…
C’est une fois arrivée à quelques centimètres de la porte qu’elle plie soudainement les genoux pour étudier avec attention une caisse métallique qui se trouve au milieu de la pièce plutôt que de tenter de fuir.
Plus curieuse qu’inquiète pour son sort, ses doigts fins caressent l’or de la Pandora Box. Elle fait le tour du dessin du Cancer qui permet d’identifier l’armure qui se trouve à l’intérieur du caisson. En le frottant ainsi, elle remarque que la boîte scintille de plus en plus. La lumière illumine complètement la pièce et rend visible Deathmask qui continue de feindre son sommeil.
Trop admirative face à sa découverte, Lilith ne se retourne pas vers le chevalier qui est pourtant à l’origine de ce phénomène de communion.
Elle craint même de le réveiller de son sommeil qui semble apaisé.
Elle fait volte-face, ignorant totalement la fuite, et retourne se camoufler sous ses draps doux et chauds.
L’Italien referme à cet instant ses paupières et remue les lèvres afin de dire, sans élever la voix : « Bienvenue chez toi Lilith. »
Loin de là, le débarquement de l’équipe d’Apodis est imminent et symbolise le coup de grâce portée par les Athéniens à l’armée hébéïenne…
Modifié: 14 Février 2022 à 10h51 par Kodeni