Chapitre 22

Chapitre 22
 
En mer Egée, au Sud Est d’Yíaros, les dauphins suivent le bâtiment sur lequel a embarqué Apodis.
Tandis que le navire de Shura et Aldebaran est tout proche du rivage, le repas du midi est servi ce 7 mars 1985 à l’équipe d’Apodis qui vogue à l’abris des regards des Hébéïens.
Le Saint de bronze de l’Oiseau de Paradis passe en revue les hommes laissés à sa disposition.
Connaissant déjà quatorze d’entre eux puisqu’ils composent son habituelle troupe, il s’attarde surtout sur les visages qui lui sont inconnus.
En compagnie de Pullo, son caporal, il n’y va pas par de grands discours.
Juste des paroles échangées pour faire connaissance, des révérences solennelles et parfois même de l’aide pour nettoyer les armes.
Pullo, malgré son infirmité, lui qui est devenu aveugle lors d’un combat, peut deviner la compassion que son supérieur a pour ses hommes.
Pullo le rejoint et lui demande alors d’un ton émotif : « Te souviens-tu Apodis de notre première rencontre ? »
Apodis se retourne et déclare d’une voix inquiète : « Que t’arrive-t-il Pullo ? Je ne te connaissais pas si nostalgique ! »
Le robuste caporal est soucieux : « Je me disais que six ans ont passé depuis, j’ai survécu de peu à la bataille contre Arès mais aujourd’hui, maintenant que je suis plus proche de la cinquantaine que de la quarantaine, j’ai l’impression que ce combat sera mon dernier. »
Le moral de Pullo affecte le groupe qui écoute attentivement. Apodis le secoue avec fermenté : « Que dis-tu là Pullo ? C’est toi qui m’as appris à devenir un homme, à ne pas être défaitiste, je t’interdis de sous-entendre que tu vas mourir ! »
Pullo écarte amicalement Apodis du bras en riant à pleins poumons : « Voyons Sergent, j’essayais simplement de vous faire comprendre qu’il était temps que je prenne la retraite que m’a déjà accordé le Grand Pope ! »
Subitement, tout le monde se met à rire. Volontairement, Pullo participe à détendre les guerriers avant le long combat qui les attend.
Si tout le monde en profite, les paroles de Pullo rappellent de vagues souvenirs à Apodis…

Flashback
Les semaines du printemps 1979 défilaient sans qu’Apodis ne prennent le temps de sortir de chez lui afin de profiter de l’atmosphère printanière.
Après sa rencontre avec Orphée, il était resté cloîtré. Il devait être un des seuls fils du Sanctuaire à n’avoir pas encore été baigné par les rayons du soleil.
La peau blafarde, Apodis grommelait à chaque fois que sa mère l’invitait à sortir : « Non, je reste ici ! Je laisse le soleil aux autres, plus joyeux, plus courageux, plus aimés et plus respectés que moi. Je préfère rester dans l’obscurité. Je n’en attends rien. Contrairement à la lumière qui illumine les pensées de choses bienfaisantes, les ténèbres soulagent les c½urs déjà meurtris car ils n’espèrent rien de l’ébène. »
Pourtant, c’est un de ces jours où il voyait tout en noir que le destin bascula pour lui.
Le Sanctuaire vivait dernièrement des évènements bien néfastes, les Titans de Cronos mobilisaient les plus valeureux chevaliers du Sanctuaires, les Saints d’or.
Certains Saints s’étaient même déjà rendus dans le Labyrinthe de Cronos, son sanctuaire.
Rajouté à cela, Arès Dieu de la Guerre, réincarné depuis bientôt trente ans sur Terre, nourrissait depuis des rêves de conquête.
 
La divinité belliqueuse attendait depuis longtemps de prendre sa revanche. Victime de cuisantes humiliations par le passé, il vivait paisiblement dans son repère situé sous les vestiges de l’Aréopage.
En effet, sous la colline à l’Ouest d’Athènes où se tiennent encore les ruines de ce tribunal de la Grèce antique, d’immenses galeries débouchant sur un royaume souterrain furent creusées, lors de la création de l’édifice.
Au-dessous d’un lieu rempli de touristes inconscients du danger qui les entourait, l’Aréopage devenait le fief d’un vaste complot.
Né de parents humains, Mars, jeune Grec brutal, comprit dès son enfance qu’il était doté de pouvoirs dépassant l’entendement humain, un cosmos divin. Très vite, il défia l’autorité parentale et massacra à l’âge de treize ans sa famille avant de fuir Athènes. Alors qu’il se cachait après son acte de barbarie, il prit le chemin de l’Aréopage où il se sentit subitement guidé. Explorant les vestiges de ce lieu dont la mythologie rapporte qu’ici fut acquitté Arès qui avait vengé le viol de sa fille Alcippé, Mars gravit ce qui aujourd’hui est un énorme monolithe gris bleu, veiné de rouge.
A cette hauteur, il chercha désespérément un lieu où il pourrait se cacher.
Soudain, il sentit une force l’attirer comme un aimant, il descendit la colline à toute allure et arriva sur le flanc droit de celle-ci qui ne ressemblait à rien d’autre qu’au bloc de pierre que tout le monde pouvait voir. Pourtant, il était toujours guidé par cette énergie cosmique qui le poussait à traverser ce rocher. Il se laissa aspirer à l’intérieur de celui-ci et se retrouva dans les souterrains de l’Aréopage. Seuls les êtres maîtrisant le cosmos pouvaient traverser ce pont cosmique et investir le lieu où il éveilla sa conscience divine.
Depuis, Arès concentrait son esprit à la recherche des pires criminels qui peuplaient la Terre et qui avaient des qualités leurs permettant d’entrevoir le cosmos. Il forma lui-même ses Berserkers qui enseignèrent à leur tour aux soldats l’art du combat.
Se découvrant une qualité qui lui manquait dans le passé, Arès étudiait patiemment le moment opportun pour prendre sa revanche sur l’histoire. Il savait les Saints d’or mobilisés par le retour de Cronos et que, quoi qu’il arrive, les deux ressortiraient affaiblis de cette Guerre Sainte, il n’aurait donc aucune difficulté à les achever. L’heure était venue.
 
Alors qu’en plein midi à Honkios, dans sa maison, Apodis somnolait en position f½tale sur sa couche, l’agitation de soldats et de villageois le tira des bras de Morphée.
La porte de sa maison s’ouvrit et une des mauvaises fréquentations de son père Frontinus débarqua pour les alerter : « Frontinus mon brave, c’est horrible, une armée toute entière a assailli l’Ouest du Sanctuaire ! »
Frontinus qui dégustait la soupe que sa femme Mujakis lui avait préparé leva les yeux.
_ « Nos Saints d’or affrontent actuellement l’armée de Cronos. Serait-il possible que ce soit eux ?
_ Non ! Les partisans de Cronos portent des protections couleur d’ébène alors que, ceux qui viennent de passer à l’offensive sont vêtus d’orange et portent des cuirasses rouges ! »
Mujakis se mêla de la conversation et posa le torchon avec lequel elle nettoyait la table : « Après les nombreuses catastrophes qui se sont déroulées dans le monde, l’alerte avait déjà été donnée. Le retour sur Terre de créatures mythologiques ainsi que les précédentes tentatives d’invasion des guerriers de Cronos ont dispersé bon nombre de nos forces armées et… »
Ignorant tous les deux la présence de la triste épouse, les deux comparses quittèrent la demeure pour chercher de plus amples réponses à leurs questions. Ils laissèrent la femme battue sans qu’elle ne pût objecter ce manque de considération, sous l’½il craintif d’Apodis qui épiait au coin de la porte de sa chambrette.
 
Dans l’après-midi, sous le sol tremblant des premiers éclats de cosmos d’une nouvelle guerre qui frappait à l’Ouest, des troupes athéniennes recensaient les demeures du domaine.
Des gardes du Sanctuaire frappèrent à la porte de chez Frontinus.
Lorsque la mère d’Apodis laissa un des hommes entrer, celui-ci prit une posture droite, ôta son casque et déroula un papyrus qu’il lut à voix haute : « Sur ordre de Notre Majesté le Grand Pope et par la volonté de la déesse Athéna, une incorporation se fera dans la ville d’Honkios ainsi que dans tous les villages du domaine. Les hommes en âge de porter un glaive, qu’ils reçoivent une formation militaire ou non, sont appelés à nous suivre immédiatement. Les femmes désireuses de servir Athéna au combat sont également conviées à intégrer le camp des femmes chevaliers. C’est pourquoi nous, soldats athéniens, nous avons ordre de conduire le jeune Apodis, fils de Frontinus, né en l’an 1967 et inscrit comme vivant dans le registre civil des prêtres d’Athéna, afin de lui faire suivre une instruction militaire. »
Apodis, toujours couché dans sa chambrette, remarqua par le jour de ses volets en bois que des dizaines de guerriers avaient investi les demeures voisines pour rassembler les autres enfants.
Les yeux d’Apodis se chargèrent de larmes et il traîna les pieds.
Mujakis le serra fort contre elle en répétant un nombre incalculable de fois : « Ne t’en fais pas, ça va aller mon fils. Je t’aime, ça va aller… »
Après trois longues minutes d’attention maternelle, l’officier arracha l’enfant des mains de sa mère et le conduisit dehors où le soleil lui roussit immédiatement son teint pâle.
Il était dans les rangs avec quelques autres garçons plus ou moins âgés que lui.
Il fit encore longtemps signe à sa mère restée sur le seuil de la maison et qui essuyait ses yeux avec ses mains craquelées par son travail dans les champs.
 
Apodis se retrouva dans une garnison menée par un homme d’une quarantaine d’années.
Sa peau était sale et ses petits yeux bruns étaient de la même couleur que sa fine barbe mal rasée. Ce coriace Pullo, était réputé pour avoir mené de nombreuses légions aux fronts même lorsque les situations étaient désespérées. Il en revint souvent seul, victorieux et couvert du sang de ses ennemis. Né sous la constellation du Scorpion, il ne fut jamais suffisamment doué, pour prétendre un jour devenir le porteur d’une Cloth, revenue à un certain Milo. Alors, comme les nombreux apprentis qui ne devinrent ni Saints, ni mercenaires, il se rangea dans la garde d’Athéna où il devint un caporal, soit le grade donné juste en dessous de celui attribué aux Saints de bronze et aux mercenaires qui sont des sergents.
Le caporal Pullo accueillit donc dans un des nombreux camps situés à l’extérieur d’Honkios la promotion d’Apodis, composée de trente-trois hommes âgés de dix à quarante-trois ans.
 
Aligné avec les autres, Apodis se tenait comme une larve, les épaules tombantes et les joues rougies par les larmes à peine séchées.
Pullo présenta la situation : « Le Sanctuaire est entré en guerre contre un nouveau dieu cette nuit. L’ennemi semble bien plus important qu’un vulgaire dieu mineur, comme nous en avons écrasé ces dernières années. Il est parvenu à forcer les murailles de l’Ouest et encercle les autres remparts du Sanctuaire. Nos Saints d’or sont déjà occupés contre un autre dieu. L’état d’urgence a donc été décrété. Tous les hommes capables de faire face à l’adversaire ont été rassemblés. Certains d’entre vous s’entraînent déjà dans le but d’obtenir une armure de Saint. Pour ceux-là, sachez que votre entraînement est actuellement suspendu. Dans les jours qui viennent vous allez apprendre à tenir les armes, à comprendre les stratégies militaires et surtout à savoir tenir les rangs. Plus vite vous serez formés, plus vite vous serez victorieux et plus vite vous reprendrez vos activités ou mieux, accéderez au statut de Saint après avoir prouvé votre valeur ! Je me nomme Pullo ! J’ai combattu avec les plus grands. J’ai été transpercé par des flèches, j’ai été fait prisonnier, on m’a torturé, j’ai tué, j’ai versé mon sang un nombre incalculable de fois et aujourd’hui je suis prêt à le refaire avec plaisir. Je suis un passionné, je ne crains pas la mort et ce que j’aime le plus, c’est me retrouver avec une petite bande de débutants comme vous ! La guerre forge le caractère et avec moi les règles sont simples ! Pas de larmes, pas de fuyards, juste du sang ! Les déserteurs c’est moi qui les tue.
Vous allez en baver, vous allez supplier la mort de vous prendre, vous allez me haïr pour au final mourir à mes côtés au nom de votre déesse. Vous avez une semaine pour vous endurcir. Juste une toute petite semaine avant qu’on ne vous envoie sur le champ de bataille en cas d’alerte… »
 
Apodis était amorphe, il constatait avec chagrin l’annonce de son instructeur : « Une semaine pour être prêt ! C’est de la folie. Si le but de son intervention était de nous préparer et de nous donner du baume au c½ur au nom d’Athéna, pour ma part c’est surtout l’occasion de pouvoir mourir avec un peu d’honneur. Une sorte de mission suicide qui redorerait mon image contrairement à celle de poltron qui me collait jusqu’ici. Mort sur le champ de bataille, voilà ce qu’on pourra dire de moi… »
 
Pullo poursuivit son discours : « Bien ! Passons aux choses sérieuses ! Nous attaquons tout de suite. Retirez tous vos vêtements et tenez-vous droit ! »
Sur les trente-trois à avoir été regroupé, vingt-cinq suivaient, ou avaient déjà suivi, une formation pour devenir Saint ou simple soldat. Parmi eux, certains adultes avaient abandonné l’instruction militaire pour se pencher sur une activité artisanale. Les vingt-cinq obéirent immédiatement et ôtèrent tous leurs vêtements, sachant ce qui les attendait s’ils faisaient défaut.
Apodis et sept autres furent les seuls à ne pas avoir le cran de le faire, ne sachant pas où cela allait les mener.
D’un signe de la main Pullo fit avancer deux soldats l’accompagnant.
Les hommes prirent les dénudés et les amenèrent dans un atelier.
Les huit autres élèves restèrent ahuris, mous et pantois face à Pullo.
 
Les deux acolytes de Pullo ressortirent quelques minutes plus tard avec les autres vêtus aux couleurs de la garde, portant casque, épée, bouclier et autres protections.
Pullo toisait les huit faibles du regard : « De bons soldats obéissent sans rechigner aux ordres de leur caporal. Mes hommes vont donc poursuivre la formation de ceux-là pendant que vous, vous allez découvrir ce qu’obéir aux ordres du caporal Pullo signifie ! »
Son petit air mesquin changea subitement, il ordonna violemment : « A poil maintenant bande de lavettes ! »
Ils se regardèrent tous les huit pour savoir lequel oserait le faire en premier.
Un courageux ne tarda pas et, sans rechigner, retira tous ses vêtements. Une fois nu comme un ver, ce blondinet se tint droit, les bras le long du corps et cria fièrement : « Bien Caporal Pullo ! »
Maintenant qu’un premier avait fait le pas, sans davantage se concerter, les autres, Apodis inclus, agirent de la même façon, certains non sans bougonner ou sangloter, en prononçant avec moins d’entrain que le téméraire Cliff : « Bien caporal Pullo. »
Un seul n’obéit pas.
Il se mit à tomber à terre en suppliant Pullo d’arrêter ce calvaire. C’était psychologiquement déjà trop dur pour lui, il avait peur de ce que le caporal lui réservait pour la suite.
Pullo avança jusque lui et lui releva la tête doucement. D’un ton mielleux il fit mine de prendre son désarroi en considération : « D’accord. Tu n’es pas taillé pour ça. Je sais ce qui te conviendra le mieux. »
Il fit signe de la main pour appeler un de ses deux camarades. Celui-ci prononça à l’autre : « Tiens en voilà déjà un qui n’ira pas plus loin ! »
L’autre pouffa de rire : « Il en faut toujours un pour servir d’exemple. »
Le soldat se précipita sur lui et le tira au milieu des vingt-cinq qui portaient déjà pilum.
Pullo s’écria : « Montrez-lui ce qu’on fait aux plaintifs ! »
Puis il fixa les sept restants : « Quant à vous, observez ce qui lui arrive ! Cet homme a désormais son destin tout tracé au sein de la chevalerie d’Athéna. Il a refusé d’obéir aux ordres d’un caporal. Il est soit promis à la peine de mort, soit promis à ça… »
 
Le pauvre était bousculé parmi les vingt-cinq qui lui arrachaient ses vêtements.
L’un d’eux l’immobilisa pendant que les autres s’amusèrent à le fesser ou à lui uriner dessus. Le bizutage au sein de l’armée la plus destructrice au monde, était vraiment très dur.
Excepté le mystérieux Cliff, Apodis et les autres tremblaient d’effroi devant un tel spectacle. Les vingt-cinq soldats prenaient plaisir à être si cruels, ils étaient déjà des machines de guerres.
Apodis et les autres furent loin d’imaginer que ces vingt-cinq avaient tous reçus pareil traitement avant d’être acceptés par leurs frères d’armes lorsqu’ils entrèrent dans leur premier service.
Pullo évoqua l’avenir qui attendait la victime : « Désormais il nous suivra en campagne, c’est lui et les autres de son espèce qui prépareront la soupe pendant que nous serons sur le front. C’est lui qui affûtera nos épées, qui nettoiera nos sandales, qui soignera nos plaies et qui vous sucera la queue quand vos femmes vous manqueront… Au départ il me maudira. Au fil des années il comprendra que même si son rôle est minime, il reste essentiel pour nous et avec quelques années d’expériences, il sera fier de son grade et se sera fait une place respectable auprès des nouveaux qui l’accompagneront… »
La cruauté de Pullo jumelée à celle des autres élèves convainquit Apodis dès le départ que cette semaine serait la pire de sa vie. S’il parvenait, ne serait-ce, qu’à y survivre…
 
Ils n’étaient donc plus que sept à la merci de Pullo.
Pour commencer, le caporal au crâne rasé ordonna plusieurs exercices visant à les décourager comme courir nu pendant des heures sur la piste, ramasser les déjections qui bouchaient les tristes latrines du camp, sans pouvoir se laver après…
Pour se nourrir il leur fallait lécher les restes des gamelles des vingt-cinq favoris et pour boire ils profitaient de laver le corps de Pullo, pour ingurgiter l’eau sale du tonneau dans lequel il se relaxait.
Seul Cliff semblait s’acclimater sans soucis. Ce n’était pas un semblant de fayotage, non, cet étranger était vraiment heureux de pouvoir être réquisitionné.
 
Après les deux terribles premiers jours, ils commencèrent les exercices physiques. Des tractions à ne plus en pouvoir, porter des poids jusqu’à s’en rompre les ligaments…
Apodis accomplissait tout ce qui lui était demandé en ne pensant qu’à l’avenir dont il rêvait, être transpercé par une épée, en plein c½ur sur le champ de bataille.
Il ne sentait plus ses bras ni ses jambes qui étaient gonflés à bloc. Il ne trouvait pas le sommeil tant les douleurs abdominales étaient atroces. Sa peau, avant de brunir, pelait après toutes les rougeurs provoquées par la chaleur. Son corps, à cause du soleil, puait le souffre et la transpiration.
 
Enfin, ils purent rejoindre l’autre groupe qui n’était maintenant composé plus que de vingt-deux élèves puisque trois avaient péri, un d’une infection, le second d’épuisement et le dernier par le glaive.
Cliff et Apodis étudièrent brièvement le maniement des armes et l’élaboration des stratégies de bases qu’ils appliquaient de façon laborieuse.
Pullo ne cessait de s’égosiller sous prétexte que c’était mauvais, qu’ils étaient tous des incapables qui ne seraient jamais au point.

Le dernier jour, après une terrible séance d’exercices physiques dont il avait le secret, Pullo leur appris : « Vous êtes restés huit jours sans rien savoir du monde extérieur. Sachez donc que la bataille continue. Vous avez certainement ressenti des ondes cosmiques s’entrechoquer tandis que la terre tremblait… »
L’esprit d’Apodis ironisait, il y avait déjà bien longtemps qu’il n’avait plus à c½ur de s’éveiller au cosmos. Quant aux vibrations sur le sol, il était trop épuisé pour les ressortir lorsqu’il se voyait accorder quelques minutes de sommeil sur les dalles sablonneuses de l’arène.
Il écouta la suite : « … cela venait du front où des Saints ont ralenti des Géants et des Titans tandis que nos soldats affrontaient des gardes de Cronos à l’intérieur du domaine, à Grevena. Toutefois, la menace qui s’est introduit à l’Ouest du domaine est le fait d’un autre camp. Le Dieu de la Guerre profite de cette bataille contre Cronos pour envahir le Sanctuaire. L’Ouest contient toujours l’intrusion mais est le théâtre de nombreux affrontements. Chaque minute, les Berserkers enregistrent les arrivées de nouveaux guerriers venus de l’Aréopage, le repère d’Arès. Il déploie toutes ses forces contre nous et gagne chaque jour du terrain. Si les Berserkers viennent à bout des postes frontières, ils accéderont aux villages et détruiront tout ce que bon leur semble, tueront femmes et enfants pour affaiblir notre moral et nos positions. Le Grand Pope souhaite renforcer ses ailes et m’a mandaté pour conduire plusieurs troupes à la zone Ouest du domaine, dont la vôtre, afin d’accroître les effectifs qui ont subis un cinglant revers ces deux derniers jours. Nous partons demain à l’aube, nous laissons ce camp à d’autres nouveaux qui viendront eux aussi nous prêter main forte après une formation express comme vous. Je vous accorde cette nuit. Vous êtes tous originaires de la ville d’Honkios. Retrouvez-vos familles, faites l’amour à vos femmes, dîtes à vos enfants que vous les aimez, et pour les plus jeunes, remerciez vos parents de vous avoir mis au monde pour porter l’épée en l’honneur d’Athéna. Profitez-en, cette nuit sera la dernière pour la plupart d’entre vous. »

Le camp se vida dans un mélange d’euphorie, pour les plus impatients d’en découdre, et de satisfaction, pour ceux qui vont pouvoir retrouver les leurs une dernière fois.
Il ne resta plus que Pullo, Apodis et Cliff.
Apodis était assis sur une des colonnes de ciment effondrée de son camp. Il observait ses compagnons repartir sur Honkios et interrogea le caporal : « Croyez-vous, Caporal Pullo, que tout le monde sera là demain à l’aube ? »
Pour la première fois, Pullo gratifia son élève d’un geste affectueux en posant sa main sur son épaule : « Les forces d’Athéna ratissent tous les villages pour trouver des recrues, nos frontières sont maintenant entourées par deux camps ennemis. Où crois-tu que les fuyards puissent aller ? Quoi qu’il arrive nous aurons bientôt rendez-vous avec la mort, alors à quoi bon l’obtenir en salissant son honneur, quand on peut la trouver dans la gloire ? »
Apodis fit la moue, convaincu qu’il n’existait pas d’autre issue pour lui en effet.
Il approcha ensuite Cliff, cet étranger d’origine sicilienne.
Le blondinet gringalet restait posé sur une pierre à frotter ses armes et ses protections métalliques en s’appliquant.
_ « Allons Cliff ! Tu ne vas tout de même pas rester ici ?
_ Je suis un étranger. Je suis arrivé au Sanctuaire il y a deux semaines. Je n’ai ni famille ni ami à Honkios. Mon petit frère travaille pour un tanneur dans le Sud du domaine. Je n’ai pas le c½ur à aller lui dire adieu… »

C’est en engageant la conversation que les deux apprentis de Pullo quittèrent le camp pour se promener dans les coins les plus malfamés d’Honkios.
En écoutant l’histoire de Cliff, Apodis se sentit misérable à côté du courageux orphelin.
_ « … il y a quelques années, le bateau de pêche conduit par mon père a sombré à cause d’un gigantesque typhon au large de la Sicile. A mon réveil, j’étais le seul survivant. Face à moi se tenait un homme ailé, vêtu de noir. J’ai d’abord cru qu’il s’agissait de l’ange de la mort venu me chercher pour retrouver les autres passagers. La tempête lévitait autour de lui, comme si elle ne pouvait pas l’atteindre. Je compris alors qu’il s’agissait de mon sauveur. Il me protégeait du monstre Typhon emprisonné au Mont Etna. Ce monstre profitait de la perte des pouvoirs des sceaux d’Athéna pour reprendre ses actes de barbaries. Le voile noir de l’ange se retira et il brandit alors un arc. Lui qui portait une armure d’or terrassa de sa flèche le géant qui partit s’abriter dans sa prison en attendant de se régénérer. Puis le guerrier disparu aussi soudainement qu’il était apparu. Ma mère ayant perdu la vie quelques années plus tôt, il ne restait plus que moi pour veiller sur mon petit frère resté en Italie. J’ai donc fait le serment de devenir aussi fort que mon père, qui a lutté jusqu’au bout contre Typhon en essayant de maintenir son bateau à flot pour sauver son équipage. Pour y parvenir, il me fallait devenir tel le héros qui me sauva de Typhon. Accompagné de mon petit frère, je menais l’enquête sur ses origines auprès d’antiquaires qui évoquèrent à de nombreuses reprises la légende des Saints d’Athéna qui vivent dans son Sanctuaire, un lieu reculé que le monde contemporain ne connaît pas et ne peut atteindre. Au fil des années, mes investigations m’ont conduit jusqu’aux frontières du Sanctuaire, que je suis parvenu à franchir non sans mal en portant à bout de bras mon petit frère. Il y a deux semaines, lorsque les gardes m’ont retrouvé, j’étais à bout de force, traîné par mon frère qui prit le relais. Le lieutenant de la frontière Est, par laquelle je suis arrivé, m’a gracié en m’autorisant à devenir un apprenti Saint. J’ai accepté et j’ai laissé mon petit frère travailler avec un tanneur du Sud du domaine sacré. Aujourd’hui, alors que la bataille fait rage, il est de mon devoir de respecter ma parole et de tenir l’épée jusqu’au bout. »
Cliff questionna à son tour Apodis, penaud face à tant de détermination et de bravoure.
_ « Et toi ? Pourquoi es-tu encore là ? Tu n’as plus de parents ?
_ Mon père ne m’a jamais porté le moindre égard. Quant à ma mère, par ma faute, elle a subi la colère de mon père. Je pense qu’être envoyé au front est la meilleure chose qui ait pu arriver. En donnant ma vie j’apaiserai sûrement la sienne. C’est pour cela que je ne veux pas la voir ce soir. Les adieux lui feraient encore plus de mal. »
Ils passèrent la majorité de la nuit dehors à discuter, sans jamais trouver le sommeil et sans se douter que Pullo les suivait avec attention, soucieux pour ses sous-officiers…
 
Cliff, débordant de sympathie et de joie de vivre, était décidé à ne pas laisser cette dernière nuit lui échapper. Maintenant qu’ils se trouvaient devant une taverne fréquentée par quelques habitants et certains esclaves, l’Italien refusait de partir sans en profiter. Il prit Apodis sous le bras : « Allons camarade ! Qu’attendons-nous pour jouir de notre dernière nuit ? »
Apodis vit sortir une femme à peine vêtue et toute décoiffée. Il comprit aussitôt de quel genre d’endroit il s’agissait.
_ « Voyons Cliff ! Ces femmes sont expérimentées et réclament des sacres, la monnaie courante du Sanctuaire, pour louer leurs corps.
_ Pas besoins de sacres ! Nous sommes des soldats et demain nous donnerons nos vies pour elles. Nous n’avons pas à les honorer par quelques pièces de monnaie. Notre seule présence sera bien suffisante pour glorifier ce taudis. »
D’une loquacité surprenante, Cliff parvint en effet à les faire grimper dans une chambre de l’auberge, en compagnie de deux femmes plus âgées d’une dizaine d’années qu’eux.
Cliff ne perdit pas de temps et se jeta sur la première, une esclave à la peau mate, aux cheveux et aux yeux macassar.
L’autre femme, à la peau et la chevelure aussi sombre que son amie, ne se différenciant d’elle qu’à l’éclat noisette de ses yeux, s’approcha du timide Apodis pour lui retirer ses vêtements…
Flashback
 
Brusquement, une explosion venue du Sud de l’île d’Yíaros sort le navire d’Apodis de son allégresse.
Le Saint de bronze de l’Oiseau de Paradis revient à lui tandis qu’un homme d’Apodis s’approche de lui.
Ce grand blond, fin et armé d’une unique épaulette métallique rejoint Apodis et Pullo : « Apodis, qu’étais-ce donc ? »
Pullo répond à la place de son Sergent : « Cliff ! Le navire de Shura est arrivé sur le port d’Yíaros. La bataille a commencé ! »


Là-bas, sur la côte Sud d’Yíaros, tous les bateaux marchands de l’île sont amarrés sur les quais comme pour en bloquer l’accès, les tonnelles des marchands sont rangées dans les entrepôts et les villageois absents.
Au loin, les soldats hébéïens distinguent les dernières charrues rapatrier les vivres non vendus vers le temple d’Héraclès et le temple d’Héra.
La côte Sud d’Yíaros est faîte de pontons et de points d’amarrage montés par les Hébéïens il y a des milliers d’années.
Véritable place ambulante, le port est le point de commerce principal de l’île, c’est ici que les bateaux déchargent dans les entrepôts les marchandises aussitôt vidées pour être vendues sur le marché qui longe toute la côte.
Pour venir jusque-là, les habitants de l’île, concentrés dans le centre de la cité, descendent par l’unique détroit qui relie l’extérieur à l’intérieur. Ce passage étroit est situé en plein milieu du port, entre les montagnes. Certains viennent en carriole, d’autres en barques, profitant du bras d’eau qu’emprunte la rivière au Sud pour se jeter dans la mer.

Aujourd’hui, au milieu des esquifs réquisitionnés et stationnés, un seul parcage a volontairement été laissé pour qu’un vaisseau puisse l’atteindre.
Telle est la stratégie de la magnifique Baucis Alcide de la Biche de Cérynie qui a volontairement abandonné le port.
Du moins c’est ce qu’elle espère faire croire puisque devant cette aire prévue au stationnement des Athéniens, cinquante des cents Hébéïens réunis pour la protection de la zone Sud sont cachés dans les entrepôts, derrières des caisses en bois laissées sur le quai et dans les deux bateaux encerclant la surface d’arrivée.
Les cinquante restants sont dispersés sur la côte, dans les édifices ou même dans des barques ou sous les pontons en attendant les ordres.

L’embarcation d’Athéna approche en toute simplicité vers le piège qui lui est tendu.

Resté en retrait sur le mont qui borde le détroit, un Alcide au visage cuirassé sous son casque qui couvre l’ensemble de son crâne, pointant deux cornes acérées vers le ciel et dissimulant ses yeux par deux globes oculaires beiges, est sceptique : « C’est trop facile… Les Saints d’Athéna ne sont pourtant pas des imbéciles, quelque chose se trame… »
Le beau Androgée du Taureau de Crète, chargé par Hébé d’épauler Baucis en cas de besoin, voit ses doutes confirmés par une explosion, celle qui a retentit jusqu’au bateau d’Apodis.

Elle vient de l’extrême gauche du port, bien loin du regroupement de Baucis.
Un immense cratère devient visible à mesure que la poussière s’éloigne.
Le gouffre a fait sombrer les bateaux avoisinants, tuant les Hébéïens dissimulés dans les environs. Il a même entamé même la base d’une montagne.
La secousse fait vibrer la mer et une immense vague vient recouvrir la côte Sud tandis qu’au sommet des montagnes, quelques avalanches entraînent neige, pierres et boue sur les versants, emportant encore d’autres soldats armés d’arcs qui attendaient l’approche des Saints.


Lorsque l’eau termine d’envahir l’immense trou et que les résidus de terre sèche et de sable sont retombés au sol, six Saints sautent les rochers qui barrent leur route pour ensuite avancer tranquillement sur la partie des quais qui n’a pas encore été ensevelie par l’avalanche.
A proximité d’eux, les quelques hébéïens disposés là se font immédiatement massacrer pendant qu’au niveau du détroit, Baucis et ses hommes sortent de leur cachette.
En tête du cortège des six Saints, Shura donne les directives : « Comme convenu leurs ailes sont à découvert, ils ont regroupé leurs forces devant le détroit qui permet d’entrer dans l’île. Aldebaran va pouvoir garantir le débarquement de notre armée, tandis que nous allons vite progresser dans l’axe pour attirer l’attention sur nous… »
Derrière lui, quelques soldats Hébéïens sont éjectés et retombent dans leurs armures bleues en miettes, les corps meurtris. En ligne, trois Saints d’argent suivis par deux Saints de bronze accompagnent le Saint d’or du Capricorne : « Yakamoz Saint d’argent de la Grue, Babel Saint d’argent du Centaure, Ptolémy Saint d’argent de la Flèche, Naïra Saint de bronze de la Colombe et Philémon Saint de bronze du Lièvre, déployez l’ensemble de vos forces pour défaire le plus grand nombre de gardes possible ! »
 
Alerte, réalisant l’échec du plan de Baucis, Androgée saute de roches en roches.
Il évite les éboulements et finit ses cabrioles juste devant la rivière qui traverse le passage. Il grommelle : « Evidemment, les Saints se déplacent au minimum à la vitesse du son ! Baucis, il ne fallait pas t’imaginer qu’ils allaient attendre qu’on attaque leur navire. Maintenant, un groupe de six Saints vont écraser nos hommes, pendant que les soldats athéniens auront le loisir de débarquer ! »
 
Devant le détroit, Baucis, dans sa tenue affriolante, un court bustier grenat pour recouvrir sa poitrine sur-volumineuse et un short de la même couleur pour mouler ses fesses rebondies, couverte de sa Cloth beige qui épouse avec sensualité son corps, est prise au dépourvue.
Sous son masque de femme chevalier, elle reste bouche-bée.
Mais l’avancée rapide des Saints la force à se ressaisir.
Elle ordonne à ses hommes de se jeter sur les six Saints tandis qu’elle tentera seule de neutraliser le navire.
Aussitôt, un soldat hébéïen souffle dans une corne et les autres le suivent en fonçant sur le flanc gauche où les Saints se frayent un passage à grand coup d’arcane et d’explosions cosmiques.
Baucis, elle, pose un genou sur le sol et croise ses bras contre sa poitrine pour accroitre son cosmos à son paroxysme. L’effluve qui se dégage de son aura dessine derrière elle une biche blessée par une flèche et devant elle l’imposant demi-dieu Héraclès.
Elle projette alors toutes ses forces contre le voilier qui approche tranquillement de la côte.

A bord de celui-ci, les Athéniens veillent l’arme au pied sur les mouvements adverses.
En apercevant cette sphère cosmique s’abattre sur eux, les hommes, militaires comme religieux, se couchent sur le pont mains sur la tête.
Heureusement, à la proue du navire, un Saint d’or veille au grain.
Il attend quelques instants que le souffle de l’Alcide soit proche, pour décroiser ses bras et dégager à son tour l’étendue de ses capacités.
Les deux champs d’énergie se télescopent au-dessus de l’eau et s’annihilent.
Baucis profère des injures tandis qu’Aldebaran adopte sa pose habituelle, serein et confiant.
Baucis choisit de réitérer son action jusqu’à ce que la voix familière d’Androgée l’en dissuade : « Laisse-moi ce Taureau d’or ! Moi Androgée du Taureau de Crète j’en fais mon affaire. »
Sans se retourner, celle qui a une réputation de femme vorace dans la cité hébéïenne identifie celui que tout le monde lui prête d’amant favori.
_ « Androgée, je t’interdis de me donner des ordres ! Je te rappelle qu’Hébé m’a confié cette mission.
_ Baucis, si tu souhaites que cette mission soit menée à bien alors je te conseille d’aller ralentir immédiatement les six chevaliers qui éliminent nos hommes. A l’heure actuelle ta stratégie n’est plus adéquate. »
Baucis serre longtemps le poing, puis, forcée de reconnaitre son échec, finit par se montrer docile.
Elle quitte les abords du détroit et part sur le flanc gauche.
 
Pendant ce temps, Androgée imite Baucis en tentant de frapper à distance le bateau, à qui il ne reste qu’une demi-dizaine de miles à parcourir pour débarquer.
Comme auparavant, Aldebaran stoppe la progression cosmique ennemie.
 
Baucis se déplace rapidement en prenant de vitesse ses hommes, afin d’engager plus vite le combat.
Toutefois, elle croise une lumière dorée…
 
Androgée s’acharne et projette encore sa cosmo énergie contre le navire.
Cette fois-ci, la sphère du Taureau de Crète n’a pas le temps de quitter la côte qu’elle est scindée en deux, laissant les deux moitiés se désintégrer dans l’atmosphère.
Androgée reconnait immédiatement la cause de cette agression, il s’agit de cette lumière dorée qu’a croisé Baucis à l’instant.
Il pivote légèrement sur sa gauche et observe un homme dont l’armure d’or est cachée sous sa cape enroulée autour de lui.
Bien que le haut du visage d’Androgée soit dissimulé sous sa Cloth beige et blanche, Shura devine aisément au sourire de celui-ci à quel point il doit charmer les femmes de cette île.
Shura lui renvoie son sourire provocateur : « Est-ce la folie qui te fait rire ? As-tu déjà perdu l’esprit en te rendant compte du fossé qui sépare nos capacités ? »
Androgée défie Shura : « Non, c’est le pari que je me lance qui m’amuse. Je me demandais combien de temps tu allais m’occuper avant que ne débarque l’autre Saint d’or ici pour que je puisse vous tuer tous les deux. »
Shura chambre à son tour : « Aldebaran et moi ?! Tu as l’ambition de vaincre deux Saints d’or ! Hum… Les Alcides ne manquent pas d’humour ! »
Androgée cherche à blesser Shura dans son orgueil : « Pourquoi pas après tout ? J’ai suivi les affrontements d’Iphiclès pendant que j’humiliais vos Saints de bronze au Sanctuaire. Iphiclès est bien parvenu à vous vaincre Aldebaran et toi ! »
Shura répond comme il le peut : « Il n’a pas réussi à nous tuer ! Et c’est lui qui est dans l’Hadès à l’heure qu’il est ! Ne t’estime pas au-dessus d’Iphiclès, c’était un guerrier d’un niveau extraordinaire. Oser te comparer à lui, est une insulte à sa mémoire ! »
Androgée cherche à gagner du temps : « Il est évident que le niveau du Lion de Némée était hors du commun. Néanmoins, j’aimerai m’assurer que tu connais bien la légende du Taureau de Crète… »
Shura qui connait la mythologie grecque sur le bout des doigts énumère rapidement le mythe.
_ « Le Taureau de Crète est l’animal pour lequel la reine Pasiphaé, femme du roi Minos, éprouva un désir contre nature. Ensuite Poséidon rendit furieux l’animal qui ravagea le pays avant d’être capturé par Héraclès.
_ Exact, c’est Poséidon qui inspira à la reine son désir. Une inspiration qui est l’origine de ma force. Elle me permet de lutter contre quiconque. »
Shura brandit son bras droit devant lui et se jette sur son adversaire : « C’est ce que nous allons voir, assez parlé ! Excalibur ! »
A la vitesse de la lumière, Shura frappe du tranchant de la main droite Androgée qui riposte avec sa jambe : « Prophetic Horn ! »
Deux épées semblent s’entrechoquer.
Shura est projeté en arrière.
Il se ressaisit et ne dit pas son dernier mot. Avec le bras droit, puis le gauche, les jambes aussi, il déclenche des coups affutés.
Pourtant, il est chaque fois paré par Androgée qui utilise ses membres comme le fait Shura, le repoussant chaque fois un peu plus fort.
Cette fois-ci Shura s’écrase sur le béton juste au bord de l’eau, arrachant ainsi sa cape. Un filet de sang s’écoule de sa bouche : « Impossible, la seule arme capable de contrer Excalibur est… Excalibur elle-même ! »
Androgée avance les mains sur les hanches : « Tu as enfin compris Shura. Les Cornes Prophétiques me permettent d’assimiler les techniques de mon adversaire, en même temps qu’il les exécute. Voilà en quoi consiste mon inspiration. Le Prophetic Horn est mon seul arcane, mais en représente finalement autant qu’il existe de techniques de combat dans le monde. A chaque utilisation, le Prophetic Horn s’approprie ton coup, le perfectionnant et le rendant plus puissant qu’il ne l’était à la base. Tu ne peux pas me vaincre… »
Obstiné, Shura entame alors un corps à corps tranchant.
Une droite de l’Alcide balafre la joue de Shura.
En riposte, Shura perce l’armure d’Androgée d’un coup du pied gauche dans le flanc droit. Androgée entaille la cuisse de Shura, en répondant d’un coup de poing à la jambe.
Shura rétorque du tranchant de la main contre le casque de l’Alcide qui se fend.
Le casque tombe en deux parties sur le sol et délivre la légère chevelure marine ainsi que les yeux océans du bel Alcide d’entre lesquels s’écoule l’hémoglobine.
Touché au front, Androgée recule de quelques pas, laissant Shura frapper à nouveau du plat du pied contre le thorax, émiettant ainsi son plastron.
Le Capricorne essaie de conserver son avantage en adressant à nouveau Excalibur en direction de la tête, pour cette fois-ci entamer le crâne du Taureau de Crète.
Toutefois, Androgée contre le bras gauche de Shura avec sa jambe droite et, tout en effectuant une retournée acrobatique avec ses jambes, cisaille avec son pied gauche Shura en pleine épaule droite, fissurant la Cloth dorée.
Shura sent que l’os s’est démis après le choc et que ses chairs sont profondément incisées. L’Espagnol se tient le bras droit avec douleur tandis qu’une nouvelle épée, chargée de tout le cosmos de l’Alcide, plus puissante que celles qu’il a reçues jusque-là, s’abat sur lui : « Prophetic Horn ! »
Shura n’a pas le temps d’esquiver l’attaque lancée à la vitesse de la lumière. Il n’est plus assez vivace pour cela. Le casque encaisse la percussion de cette copie d’Excalibur.
Androgée, encore en position d’attaque, observe attentivement l’endroit où le coup a été porté.
Le casque est rayé par une ligne qui parcoure tout le dessus du crâne. Cette ligne se creuse subitement, fendant le heaume sous un flot de sang qui résulte de la plaie crânienne de Shura…
 
Sur le flanc gauche, les cinq Saints ont déjà avalé de nombreux kilomètres en affrontant en corps à corps les soldats armés de dagues.
Désormais, c’est Baucis qui leur donne du fil à retordre.
Pendant qu’elle les épuise, les soldats en profitent pour les ralentir.
Naïra et Yakamoz sont déjà hors de combat, leurs armures sont réduites en morceau par les assauts répétés de Baucis. Seuls leurs masques ébréchés tiennent encore sur leurs corps ecchymosés.
Babel du Centaure et Philémon du Lièvre repoussent les gardes tandis que Ptolémy vient de cogner Baucis qui recule en se cramponnant l’estomac : « Selon la légende, Héraclès a réussi à capturer la Biche de Cérynie après l’avoir blessée d’une flèche. Tel le légendaire héros, je serai celui capable de vaincre l’animal aux sabots d’airain ! Encaisse encore une fois mes Flèches Fantômes ! Fantom Arrow ! »
Une pluie de Flèches Fantômes s’abat sur Baucis. Elle replie son bras gauche contre sa poitrine et tend son bras droit vers Ptolémy : « Hum… Tu veux me chasser comme l’a fait Héraclès ! Dommage pour toi, je suis la seule à posséder les puissantes flèches d’Héraclès ! Héraclès Hunting Arrow ! »
Un déluge de flèches illusoires, concentrées de cosmo énergie bloque toutes celles de Ptolémy et martèle le Saint d’argent d’une centaine d’impacts sur tout son corps.
Alors qu’il retombe en arrière, une dernière flèche, cette fois-ci réelle se dirige vers lui pour l’achever.
Babel surgit devant son camarade et utilise à son tour sa botte secrète : « Fotia Roufihtra ! »
Une boule enflammée consume la flèche et balaye Baucis qui est emportée à l’intérieur d’un entrepôt maintenant devenu la proie des flammes.


Babel relève aussitôt le corps de Ptolémy, inconscient, tandis que Philémon Saint de bronze du Lièvre protège des Hébéïens les corps de Naïra et Yakamoz toujours évanouies.
Cependant, le nombre croissant de ses adversaires ralentit fortement le Saint de bronze, d’autant plus que derrière eux, certains qu’ils ont mis hors de combat puisent dans leurs ressources pour reprendre la bataille.
De plus, l’incendie provoqué par Babel s’étend rapidement et épuise tout le monde hormis le Centaure.
_ « Seigneur Babel, je commence à faiblir. Moi, Philémon du Lièvre, ai beau utiliser mon arcane et ma super vitesse, ils sont de plus en plus nombreux et mes réserves diminuent ! »
L’incendie devient un véritable brasier et s’attaque au ponton sur lequel Philémon est acculé par l’ennemi.
Babel est tracassé : « Ce n’est pas normal, l’incendie est trop violent, il se disperse trop par rapport à l’énergie que j’ai dégagé ! Quelqu’un situé au centre du brasier doit l’alimenter encore ! »
Babel prend Ptolémy sur son épaule et approche de Philémon en dressant son poing de feu tel un lance-flammes sur ses adversaires : « Philémon, protège les corps de Naïra et Yakamoz. Il ne faut pas… »
Babel n’a pas le temps de finir sa phrase qu’il est frappé en plein dos par une rafale qui soulève son corps.
Le Centaure lâche immédiatement Ptolémy pour se libérer plus facilement de cette masse d’air qui tourne en spirales.
A l’intérieur de celle-ci, des grains de sable par millions tournoient à la vitesse de la lumière et viennent effriter la peau de Babel et corroder sa Cloth.
Inopinément, Baucis sort du bâtiment dans lequel elle a été rejetée et accroit la force destructrice de ce Tourbillon de Sable grâce à ses deux mains : « Sand Swirl ! »
A mesure que ses forces l’abandonnent, Babel comprend maintenant pourquoi le brasier s’est retourné contre eux. L’Alcide s’est servie des courants d’air qu’elle crée pour souffler les flammes en arc-de-cercle. Maintenant, ils sont prisonniers.
Les mouvements circulaires s’accélèrent sous l’impulsion de Baucis, déchirant la chair et endommageant l’armure du Saint d’argent…
Quand, brusquement, la tempête est stoppée nette sous l’impulsion d’un autre souffle atmosphérique de sens contraire.
 
Le corps de Babel, soulevé à plus de dix mètres du sol, retombe lourdement sur le ponton aux planches léchées par le feu, fracassant la plateforme et achevant sa chute dans l’eau…


Baucis cherche le responsable d’un tel renversement de situation et distingue un chevalier de petite taille autour duquel retombe le corps d’une dizaine de soldat hébéïens.
L’Alcide aux formes pulpeuses, fixe avec mépris ce minus aux cheveux bruns hirsutes, au teint brunit par le soleil et marqué d’une longue cicatrice, partant de son front et finissant sur sa joue en passant par son ½il gauche. Malgré les circonstances, il affiche une mine joyeuse tandis que ses grands yeux bleus sont braqués sur elle. Baucis le questionne alors.
_ « Comment as-tu réussi à contrer si facilement mon Tourbillon de Sable ?
_ La Biche de Cérynie à la vitesse et l’agilité légendaires ! Je me suis souvenu des qualités de cet animal et j’ai compris qu’il avait les mêmes attributs que moi, Philémon Saint de bronze du Lièvre. Pour exécuter nos arcanes, nous les concentrons de la même façon. Nous tournoyons autour d’une surface à une vitesse folle, pour former un cyclone que l’on dirige ensuite entre nos mains. »
Baucis ouvre ses mains vers le ciel et s’exclame : « Nous sommes tous les deux enfermés dans ce cercle de feu. Les Saints du Centaure, de la Flèche, de la Grue et de la Colombe sont également bloqués avec nous. De mes soldats, il ne reste que leurs cadavres. J’ai donc tout le loisir de décupler ma cosmo énergie à son paroxysme pour me débarrasser de toi ! »
Une aura cosmique gravite tout autour du mètre cinquante-huit du Grec, laissant apparaître derrière lui un Lièvre : « Dans ce cas, je te conseille d’égaler ma vitesse. En garde ! »
 
Au centre de la côte, depuis le navire d’Aldebaran, les premiers soldats athéniens sautent sur la voie aménagée au bord de la mer ou sur les navires avoisinants qu’ils brûlent aussitôt.
Les matelots jettent l’ancre et dirigent les passerelles sur les pontons pour débarquer l’ensemble des guerriers présents sur le bâtiment.

Immédiatement, Androgée vraisemblablement victorieux de Shura, décide de se précipiter contre le débarquement mais il est retenu à la cheville par la main du Capricorne.
Shura lève les yeux vers son ennemi, le visage maculé de sang : « Attends ! Notre combat ne fait que commencer. »

Aldebaran débarque à son tour.
Il bondit jusqu’à l’immense incendie où sont enfermés Ptolémy et les autres et dégage son cosmos qui souffle sur le foyer.

Des cents Hébéïens réunis sur la côte pour affronter les cent-cinquante Athéniens du navire, il n’en reste déjà plus qu’une trentaine.
Androgée se libère de la prise de Shura et constate la catastrophe.
Il faut que les hommes qui le peuvent se replient sans quoi il n’y aura pas d’Hébéïens pour témoigner de ce massacre…
Modifié: 26 Décembre 2021 à 12h10 par Kodeni

Auteur Sujet: Chapitre 22  (Lu 9066 fois)

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Cette version du chapitre 22 est une version rééditée de la publication originale du 27 aout 2011.
Bonne relecture aux lecteurs les plus fidèles, et bonne découverte pour les nouveaux.