Chapitre 14

Chapitre 14
 
Au large de la Somalie, dans l’océan Indien, sur l’île d’Andromède se dresse au milieu d’une petite vallée aride du centre de l’île l’unique village de ces terres.
Ombragé par les hauts rochers qui l’entourent, il compte une vingtaine de maisonnettes de briques et de tuiles.
C’est là que vit le groupe d’apprentis mené par l’imposant Albior de Céphée.
 
Le Saint d’argent revient en compagnie de six apprentis du large où est amarré un navire venu du Port du Destin en Crète.
Ensemble, ils tirent une espèce de traîneau en bois, dans lequel sont empilées des jarres d’eau potable et de vin, des bocaux de miels, des épices, des cageots débordants de légumes et des carcasses de porcs salés…
 
Certains disciples, qui s’entraînent devant leurs logis rejoignent leur professeur et leurs camarades pour les à avancer le lourd véhicule dans ce sol fait de sable et de rochers.
Parmi eux, une élève au visage masqué et aux longs cheveux blonds est interpellée par Albior.
_ « Dis-moi June, où se trouve Anikeï ?
_ Il est parti s’entraîner à l’est avec Shun. »
 
Là-bas, près d’un volcan en sommeil, un beau jeune homme se tient encore poing tendu vers l’avant.
Mince, svelte dans son maillot jaune rapiécé et son pantalon blanc troué aux genoux, ce slave d’un mètre soixante-douze, le visage fin, effilé, affiche une élégance à laquelle personne sur cette île, homme comme femme, n’est resté insensible.
Ses cheveux noirs mi longs descendent avec grâce dans sa nuque. Ils lui donnent un air efféminé tout comme son ami étendu sur la roche sablonneuse.
Ce dernier, les cheveux longs et verts, essuie le filet de sang qui s’écoule de sa bouche en constatant avec bonheur : « Anikeï, tu es devenu aussi fort que notre maître Albior ! »
L’ami du Shun, originaire de la région de Kharkiv en Ukraine de l’est rétorque sèchement.
_ « De tels propos prouvent que tu es encore bien faible Shun. Tu es stupéfait par mon cosmos alors qu’il est insignifiant comparé à celui de notre professeur.
_ Pourtant tu as réussi à devenir le Saint de Cassiopée. Comme je t’envie.
_ Comme toi pour la Cloth d’Andromède, j’ai trouvé ici d’autres prétendants à l’armure de Cassiopée. Toutefois, je n’ai jamais refusé de vaincre mes adversaires, sous prétexte d’avoir peur de les blesser. Ca fait deux mois que je suis chevalier et cela devrait faire deux mois, que mes v½ux auraient déjà dû être présentés en Grèce. Au lieu de ça, je reste ici pour t’apprendre à persévérer et à te protéger des mauvais traitements de tes rivaux. »
L’Ukrainien s’accroupit devant Shun et lui prend le visage dans ses mains : « Je ne veux pas te quitter, en craignant pour ta vie. »
Shun ferme les yeux et laisse le bel homme d’un an son aîné, le serrer chaleureusement contre lui.
Anikeï pose sa main contre le maillot rose délavé du Japonais et s’aperçoit que derrière l’apparence frêle du nippon, celui-ci a développé une musculature imposante faite de pectoraux et d’abdominaux en acier trempé.
Shun se redresse et saisit la main de son ami. Il s’étonne de la douceur de la peau du slave qui a pourtant subi de nombreux heurts et brisements d’os durant son entraînement : « Il est temps pour nous de rentrer à présent. »
Une fois debout, Anikeï desserre délicatement sa main et frôle avec attention les doigts de Shun puis le regarde en souriant.
Ensemble, ils rentrent au village sous les yeux attentifs et furtifs de Reda et Spica toujours prêts à courroucer leur rival asiatique…


Pendant ce temps, au Sanctuaire, huit heures se sont déjà écoulées depuis l’arrivée d’Hébé dans le Colisée. La flamme du Sagittaire commence à brûler de toute son intensité.
C’est bientôt la fin de l’après-midi, l’air est plus doux, un vent frais refroidit même les chairs meurtries des combattants.
Néanmoins, deux chairs n’ont que faire de la température. Deathmask et ¼dipe sont allongés dans la verdure, inconscient, le teint blafard, à proximité d’Honkios, sur la colline qui surplombe le Colisée.
Leurs âmes ont quitté leurs enveloppes charnelles, pour mieux s’affronter devant le puits des âmes.
 
Dans ce lieu où les humains sont entre la vie et la mort, Deathmask observe avec plaisir les nombreuses personnes qui avancent silencieusement en direction du puits.
Il y reconnaît, grâce à leurs tenues, quelques Athéniens et de nombreux Hébéïens.
A contresens, ¼dipe marche sans difficulté, ses pieds ne traînent pas péniblement au sol comme c’est le cas dans le monde des mortels.
Son visage n’est plus figé.
De sa bouche, habituellement à demi close, ne s’écoule plus sa bave.
Ses yeux rouges, souffrant habituellement d’un strabisme profond, sont plein de fougue.
Au hochement de sa tête on devine qu’il hume l’atmosphère et qu’il écoute attentivement le moindre mouvement alentour.
D’ordinaire, sourd, muet, n’ayant plus le sens de l’odorat ni celui du toucher et quasi aveugle, ¼dipe profite pleinement de ses sens dans le pays des morts.
Les mots sortent de sa propre bouche pour venir jusqu’à Deathmask, situé à quelques mètres de lui : « T’en faut-il plus pour te convaincre ? Depuis que je suis enfant, ma condition me fait errer entre la vie et la mort. Seule ma force de caractère m’a permis de surpasser les cinq sens dont je ne dispose pas. Pour revenir des Enfers, les vrais Enfers, j’ai conservé la volonté de mon âme. C’est en flirtant entre les deux mondes que j’ai découvert les joies de la vie. Dans le royaume d’Hadès j’ai appris ce qu’on ressent lorsqu’on voit les formes, lorsqu’on entend les mouvements, lorsqu’on touche les choses, lorsqu’on respire les fleurs, lorsqu’on goutte l’eau. Mais rien ne vaut le royaume des hommes où j’ai eu, grâce au septième sens, la perception de l’amour, de la chaleur humaine. Tout cela je le vis depuis que j’ai été accepté dans le domaine d’Hébé. Ici, près du puits des âmes ainsi que dans le Meikai, j’ai compris ce à quoi ressemble le quotidien d’un homme. Auprès de ma déesse, j’ai appris ce qu’est la satisfaction de se savoir aimé pour ce qu’on est et non pour ce à quoi nous ressemblons. Athéna et le Grand Pope n’ont pas la même philosophie que la déesse Hébé. Ils représentent une menace pour les seuls êtres qui connaissent la véritable définition de l’amour. Et pour ça, quel que soit le monde dans lequel tu souhaites m’envoyer, je t’y affronterai et t’éliminerai ! »
Deathmask ignore les propos de son adversaire et se permet même de bailler.
¼dipe est offusqué : « Comment oses-tu me manquer de respect ? Je pensais les chevaliers d’Athéna plus obligeants que cela ! Tu vas payer ton comportement cavalier : Psycho Crusher ! »
Le cube chargé du cosmos de l’Alcide enferme le Saint qui, d’un revers de la main droite, fait volé en éclat l’arcane pourtant infaillible jusqu’ici.
Toujours avec sa main droite, Deathmask crispe ses doigts et balafre avec ses ongles le visage d’¼dipe.
Surpris, l’Alcide reçoit le genou gauche de Deathmask dans l’estomac.
Courbé de douleur, ¼dipe encaisse un coup de coude qui le fait choir sur le sol rocheux.
Sans pitié, le Cancer achève sa combinaison en cognant du pied, le visage du chevalier des Oiseaux du Lac Stymphale qui rebondit près du puits où glissent les esprits.
Deathmask s’approche en proclamant sa victoire : « C’est bien beau de pouvoir jouir de ses cinq sens ici, encore faut-il réussir à s’y adapter. Marcher plus vite et sentir le sol sous ses pieds c’est une chose, mais pour toi qui n’as jamais pratiqué le corps à corps, c’est inutile. »
Proche du trou, ¼dipe se redresse non sans mal.
_ « A quoi ai-je bien pu occuper mes journées passées dans le royaume des morts chevalier ?
_ Pardon ?
_ Penses-tu que je passais le temps à compter les morts pour apprendre à manipuler mes sens ? Non ! J’ai paré à toute éventualité.
_ Je vois, tu as encore un tour dans ton sac… »
Le gardien de la quatrième maison du zodiaque se jette sur l’Alcide : « … alors hâte-toi de m’en faire une démonstration, car sinon j’enverrai pourrir ton cadavre au fond de ce trou ! »
¼dipe ouvre grand sa bouche.
Sa mauvaise dentition se transforme en canines alignées faîtes de bronze.
Les ailes de sa Cloth s’agitent.
Ses ongles deviennent longs, affûtés et aussi solides que l’acier.
Tandis que semblent résonner des cris d’oiseaux, ses yeux rouges virent au sombre, ses ailes se déploient et ses bras s’écartent, sa mâchoire se déboite et un son strident provenant de sa gorge criaille : « Armageddon ! »
¼dipe se jette tel un oiseau affamé sur Deathmask lancé lui aussi à pleine puissance.
Arrivé près de son adversaire, le cosmos d’¼dipe se multiplie de manière exponentielle créant ainsi autour de lui une multitude de volatiles à l’apparence identique et aux mêmes desseins.
L’impact est sanguinolent.
Deathmask est projeté en arrière.
Il s’encastre contre un rocher, le casque arraché, le front et les joues entaillés.
Ses membres sont profondément atteints par-dessous sa Cloth rayée sur toute sa surface.
¼dipe retombe sur ses pieds, les ailes de la Cloth à nouveau raidies et le visage apaisé.
¼dipe marche jusqu’au Cancer surpris et immobile : « Les Oiseaux du Lac Stymphale sont des rapaces mangeurs d’hommes dont le bec, les serres et les ailes sont faits de métal. Saint du Cancer, tu viens de te faire dévorer par les Oiseaux du Lac Stymphale et tu as ainsi eu l’honneur de découvrir le fameux tour que je te réservais. Maintenant, je vais t’ôter la vie en te précipitant dans le puits des âmes afin que ton esprit ne réintègre pas ton corps et que ma victoire soit… »
Le visage disgracieux d’¼dipe se crispe brusquement, il se tient le crâne : « Que… Quoi… Je perçois une agression sur mon enveloppe charnelle depuis la colline d’où nous venons Deathmask et moi-même… Nous n’étions que deux, les autres sont vaincus… Qui… Ce froid… Cette glace… »
L’esprit d’¼dipe quitte les alentours du puits des âmes dans le but de réintégrer son enveloppe charnelle, laissant seule l’âme inconsciente du Cancer…
 
 
Sur l’île d’Andromède, Shun et Anikeï ont regagné le camp d’entraînement où les disciples descendent les provisions du traîneau.
Tous viennent les placer dans un cabanon situé contre la maison du maître.
Certains profitent de cette journée de repos pour perfectionner leurs techniques, jouer aux osselets, tenter de s’enfuir en marchandant leur voyage avec le commandant du navire venu de Crète, ou s’échanger des regards libidineux et concupiscents comme c’est souvent le cas entre les camarades féminines de June et d’autres élèves.
 
Grâce à sa ténacité, June est la seule apprentie femme chevalier à ne pas avoir perdu son masque.
De plus, ce ne sont pas les avances de Reda et Spica qui lui font perdre la tête.
Bien qu’ils soient, après Anikeï les deux disciples les plus talentueux, les deux complices n’inspirent pas la sympathie et sont loin de faire l’unanimité au sein de la communauté, contrairement à Shun que tout le monde apprécie pour sa disponibilité et son charme.
 
D’ailleurs, le futur Andromède est encore l’objet d’une discussion entre les deux Saints de cette île, Albior et Anikeï.
A son retour au camp, Albior a demandé à Anikeï de le suivre accompagné de sa Pandora Box.
Ils approchent tous les deux le rivage et plus précisément le point d’ancrage du bateau grec.
Anikeï ne peut couvrir ses yeux du soleil, chaque bras tenant les lanières du caisson métallique de sa Cloth.
 Il ne distingue pas l’embarcation, pourtant son incroyable don de prémonition lui fait déclarer : « Il est temps que je gagne le Sanctuaire n’est-ce pas ? »
Tout en continuant à avancer, Albior lui confirme : « Comme tous les mois, un vaisseau venu de Crète et nous servant de relais avec le Sanctuaire nous a ravitaillé. A son bord attend Edward, un messager du domaine sacré mandaté par le Grand Pope. Maintenant que tu es chevalier, il t’appelle au service d’Athéna pour mener tes premières missions. »
Arrivés près des rochers, là où le fond insondable permet au navire de jeter l’ancre sans craindre de fendre sa coque, les deux Saints s’assoient un instant.
Ils profitent du choc des vagues sur la côte, afin de recevoir sous forme de brume l’eau de l’Océan Indien.
L’Ukrainien remarque les membres de l’équipage descendre des caissons métalliques semblables aux Pandora Box des Saints. Sous les ordres d’un homme, qu’il identifie grâce à sa tenue à un soldat du Sanctuaire, les matelots descendent les caisses sur le bord de la falaise.
Ces boites sont lisses, aucune constellation ni aucun symbole ne sont gravés dessus.
Sans même qu’il n’ait à poser de questions, Albior apporte à Anikeï les réponses qu’il attend.
_ « Ce soldat est venu avec une ordonnance du Général des armées du Sanctuaire. Celui-ci exige que dans tous les camps d’entraînement annexé par le Sanctuaire dans le monde, les hommes ayant échoués à l’obtention d’une armure sacrée, mais dont les capacités dépassent celles d’un soldat lambda soient récompensés par une protection de substitution. Ces mercenaires vont donc porter les armures de Saül. Saül est le meilleur forgeron du Sanctuaire, il utilise de l’orichalque et du gammanium, ingrédients indispensables à la création des Cloths d’Athéna. Il ne lui manque que la poussière d’étoile et les compétences du peuple de Mû pour rendre ses armures vivantes, hormis cela, les armures des mercenaires sont quasiment aussi solides que de vraies Cloths. Parmi tes amis, certains ne pourront pas devenir Saints, mais feront de parfaits mercenaires pour l’armée d’Athéna. J’ai donc choisi de laisser ces armures ici et je viendrai au fur et à mesure avec un élève que je destine mercenaire lorsqu’il sera temps pour lui de le devenir. Je ne souhaite pas leur apprendre qu’il existe des armures capables de palier à leur échec, cela pourrait être une raison pour quelques disciples de ménager leurs efforts.
_ Nommer des mercenaires au service d’Athéna est une excellente façon de les récompenser pour les efforts fournis ces dernières années. J’aurai moi-même pu devenir un mercenaire si jamais ma Cloth n’avait pas été libérée. Mais l’heure est maintenant venue pour moi.
_ Rebecca de Cassiopée… Elle était le professeur des femmes chevaliers au Sanctuaire. J’ai été très attristé d’apprendre qu’elle n’avait pas survécu à la Guerre Sainte contre Eris l’an dernier. Néanmoins, avant même d’apprendre sa perte, j’avais signifié au Sanctuaire que parmi mes apprentis je disposais d’un élément né sous la constellation de Cassiopée et disposant de toutes les qualités pour devenir Saint. Et je suis ravi que tu sois devenu le successeur de Rebecca. Quand je vois l’affliction qu’exprime ton visage à l’idée de quitter l’île et nos camarades, je me dis que tu étais vraiment destiné à devenir Saint de Cassiopée. Fidèle à ta constellation, tu es comme Cassiopée, reine d'Ethiopie, qui avait prétendu surpasser en beauté les Néréides. Pour la punir de cette impudence, Poséidon avait exigé qu'elle lui sacrifie sa fille, Andromède.
_ Dois-je comprendre qu’il me faut abandonner Shun à son destin ?
_ Il est Andromède. Si je suis dur avec lui c’est parce qu’il n’est pas le seul prétendant à l’armure. Reda et Spica sont aussi nés sous cette constellation.
_ Shun est bien plus puissant qu’eux, mes pressentiments qui avertissent d’un évènement futur sont formels à ce sujet, il possède des capacités illimitées.
_ Anikeï, il est vrai que tu possèdes un don magnifique, que tu apprends à maîtriser depuis ton arrivée sur cette île mais ne laisse pas tes intuitions te…
_ Je vous en prie maître, je suis persuadé que vous l’avez ressenti vous aussi. Lorsqu’il essuie les coups, Shun développe une force incommensurable. Il ne s’agit pas là d’un cosmos mais plutôt d’une essence, comme si sa peine face à la violence humaine faisait de lui, un dieu navré de la haine qu’éprouvent les hommes entre eux.
_ Il est vrai que Shun dispose d’un potentiel incroyable, mais de là à le comparer à un dieu… Je pense que tu as encore beaucoup à apprendre, sur la perception de tes sens jeune chevalier.
_ Vous avez raison maître, j’espère me tromper, car je vois dans l’avenir son cosmos se charger d’une noirceur extrême, comme si un autre côté de sa personne souhaitait réellement déchainer sa fureur. Aujourd’hui c’est comme s’il étouffe une vraie personnalité maléfique avec son caractère candide. »
Albior sourit devant la crainte du Saint de Cassiopée et est loin de se douter que son ancien élève est proche de la vérité : « Je connais l’étendue de son potentiel. Pourtant il se refuse à l’employer. Le couver comme tu fais ne l’aidera pas à remédier à cette tare. Il est temps pour lui de relever la tête sans quoi Reda et Spica finiront par se montrer plus dignes que lui de porter l’armure de bronze. »
Pas un souffle de vent ne vient balayer les longs cheveux blonds d’Albior.
Seule l’écume des vagues vient rafraichir la peau des deux Saints.
Le chevalier de bronze de Cassiopée tend la main à son professeur : « Je comprends. J’accepte d’embarquer à bord de ce bateau et vous jure d’accomplir mon devoir de Saint comme il se doit. Merci pour tout maître. »
Albior le fixe avec fierté : « Ce fut un plaisir que de t’avoir comme élève. »
 
 
En Grèce, au Sanctuaire, devant la maison du Bélier, la tension est à son paroxysme entre Aiolia Saint d’or du Lion et Enée Alcide de la Capture de Cerbère.
Pris d’un regain de vitalité, Enée a repris un net avantage sur le chevalier d’Athéna qui est en bien mauvaise posture.
Les deux guerriers s’apprêtent à jeter leurs dernières forces dans cet ultime assaut.
Aiolia garde espoir : « Je me lance dans l’inconnu. Il n’a encore jamais utilisé son arcane suprême contre moi, je ne peux donc jauger l’impact que ce coup aura. Néanmoins, quelle que puisse être la force de ses éclairs, je me dois de me surpasser comme j’en ai été capable contre les Titans. En utilisant le Lightning Plasma à pleine puissance, je peux créer moi aussi un effet de surprise, puisque j’ai gardé cette technique en réserve jusque maintenant. »
Toujours sur les rotules, Aiolia est transcendé par un nuage électrique alors que la tempête qui s’est soulevée dans les environs de la maison du Bélier a pour effet de déployer la furie et la cosmo énergie d’Enée.

Inopinément, un rapide courant d’air souffle dans le dos d’Aiolia.
Derrière lui apparaît le héros Hébéïen, Iphiclès.
La torpeur atmosphérique provoquée par la concentration des deux rivaux ne l’altère en rien.
Au contraire, Iphiclès avance au milieu de ce champ de bataille sans le moindre mal malgré les stigmates de son combat contre Shura.
Il gravit les dernières marches pour arriver aux côtés d’Enée, devant le temple du Bélier, laissant Aiolia sans voix.
Iphiclès avance calmement et vient frotter de ses doigts une des colonnes faisant l’entrée de la demeure : « Voici donc à quoi ressemblent, les légendaires et infranchissables douze palais du zodiaque… »
Il se retourne vers son frère d’arme toujours au summum de ses capacités : « Enée, tout comme Iolaos tu sembles proche de la victoire, je vais donc te laisser achever ce Saint d’or. Tu me rejoindras à la maison suivante. »

Iphiclès pénètre aussitôt la demeure du Bélier.
Aiolia se laisse distraire : « Non ! Attend ! Tu ne passeras pas cette demeure sans m’avoir affronté ! »
Enée profite de l’inattention du Lion : « Trop tard chevalier ! Il est pour toi venu l’heure de mourir ! Tu vas subir les éclairs de l’enfer, le Tonnerre des Ténèbres… »
L’orage provoqué par Enée fait jaillir la foudre qui s’abat sur son corps.
L’effluve cosmique laisse apparaître derrière lui un chien à trois têtes et aux crocs rougis par le sang de ses victimes.
Son cosmos développé à son paroxysme, il attend que le tonnerre gronde une dernière fois et projette tout ce qui lui reste : « Dark Thunder ! »
Un ouragan chargé d’éclairs noirs s’abat sur un Aiolia pensif : « Cet homme qui part jusque chez Aldebaran n’a rien à voir avec les autres Alcides. Même s’il semble exténué par un précédent combat, il n’est pas difficile de savoir qu’il lui reste encore beaucoup de ressources. Mon ami Aldebaran va avoir besoin d’aide. Je ne peux pas donner tout ce que j’ai, comme je l’avais prévu. Je ne suis plus le premier rempart à présent. Si cet Alcide a atteint la maison du Taureau, il peut laisser la porte ouverte à d’autres soldats. »
Prêt à déclencher son Plasma Foudroyant, Aiolia se ravise et riposte par son, désormais habituel pour Enée, Lightning Bolt.
Les deux charges cosmiques s’entrechoquent et luttent sous l’horloge zodiacale sur laquelle la flamme du Sagittaire est désormais bien entamée…
 
 
Dans la maison du Taureau, Iphiclès s’aventure déjà.
Epuisant son cosmos pour ne pas perdre de temps, il a franchi la maison du Bélier puis monté les marches suivantes à la vitesse de la lumière.
A mesure que ses yeux s’habituent à la pénombre, il perçoit la silhouette d’un colossal chevalier d’or, debout, les bras croisés.

Le propriétaire des lieux ne tarde pas à engager les hostilités.
_ « Je suis étonné que tu n’ais pas emprunté le passage secret comme l’ont fait tes audacieux soldats !
_ Crois-moi chevalier, je leur avais pourtant défendu. Je suis un guerrier loyal et jamais je n’aurai souhaité que mes hommes salissent la mémoire de nos ancêtres. Nous connaissons l’existence du passage grâce aux légendes, relatant les nombreuses batailles menées d’une main commune par Hébé et Athéna pour la défense de notre planète. Nous sommes l’un des rares peuple à connaître l’existence de ce chemin. Chemin dont de nombreux Athéniens ignorent l’existence. Le Sanctuaire n’a aucun secret pour nous, pour autant nous n’avons pas profité de cela pour vous trahir.
_ Tiens donc ! Alors lorsque je vois depuis mon temple des villages partir en fumée et que je perçois des vies innocentes s’éteindre tu vas m’affirmer qu’il ne s’agit pas là d’une trahison ?
_ Il s’agit d’un complot chevalier. Je ne te demande pas de me croire car je sais que nous allons engager un terrible duel, je souhaite juste t’apprendre que nous n’en voulons pas à la vie de ta déesse. Nous venons simplement solliciter sa bienveillance. Pour qu’elle réalise que ses nombreuses batailles orchestrées partout dans le monde font de nombreux innocents et jouent sur l’équilibre de la paix. De nombreuses guerres civiles ont désormais éclatées et les Saints d’Athéna n’interviennent plus. Ils sont trop occupés à écraser des dieux mineurs, alors que ces royaumes sont depuis longtemps annexés par l’autorité sacrée de votre déesse. Il est dit que personne n’a rencontré Athéna hormis votre Pope. Cette déité pourtant si proche des hommes s’est-elle découvert un égo trop démesuré, pour avoir renié ses fonctions ? »
Aldebaran ne dit rien, sa mâchoire se crispe.
Iphiclès n’a pas totalement tort, pourtant Aldebaran a voué sa vie à Athéna et il reste persuadé que de tels agissements, ne peuvent être que pour le bien de l’ensemble des peuples de cette planète.
Iphiclès se résigne : « Je vois… Quoi que je dise, tu camperas sur tes positions. »
Alors Iphiclès se jette aussitôt pied en avant, espérant fracturer le genou du Taureau.
Aldebaran évite sans mal en pivotant sur le côté tout en décroisant ses bras.
C’est ainsi, qu’en tournoyant sur lui-même, il écarte son massif poing droit, serré, et le dirige en plein visage de l’Alcide cogné en pleine pommette.
Aldebaran joint dans la foulée ses deux poings et percute Iphiclès derrière la nuque.
L’Alcide s’écrase contre un pilier.
Les séquelles de son combat contre Shura l’ont considérablement affaibli.
Au niveau de l’épaule gauche, sous sa Cloth fissurée, son membre est entaillé.
L’armure, percée du pectoral droit jusqu’à la hanche gauche, laisse apparaître sa chair à vif tandis que sa tunique grenat est imprégnée de son sang.
A l’hémoglobine qui coule de sa pommette ouverte par Aldebaran, se joint celle issue des plaies de son front.
Cependant, il se redresse en prenant appui sur le pilier.
Aldebaran sent que le cosmos de son adversaire est loin d’être aussi diminué que l’est son corps.
_ « Je n’ai pas de temps à perdre, si le corps à corps me désavantage, alors tu périras sous les griffes du Lion de Némée… »
Comme s’il invoque une Athéna Exclamation, l’Alcide joint ses deux poignets et dégage de ses dix doigts un faisceau lumineux projetant ainsi la patte du Lion de Némée dessiné par son cosmos contre le robuste Taureau.
Aldebaran regroupe ses bras devant son visage et pose un genou au sol pour se recroqueviller.
Dans un cri de violence, comme pour se donner du courage, il encaisse sans broncher l’arcane en accroissant sa cosmo énergie.
Le Lion se heurte au Taureau qui charge à son tour.
Sorti indemne du précédent échange, Aldebaran se redresse, les bras en avant et annonce vigoureusement : « Great Horn ! »
Iphiclès prend bien appui sur ses jambes et garde ses poignets joints et ouverts en direction de son adversaire.
Son enveloppe cosmique est bien plus intense qu’à l’accoutumée, ses muscles se contractent et ses yeux sont révulsés afin qu’il enchaine un second arcane : « Tornado Claw ! »
La Tornade de Griffes d’Iphiclès et la Corne du Taureau se confrontent donnant naissance à un virulent cyclone qui balaye les deux adversaires.
L’onde de choc les envoie s’encastrer dans des sens opposés contre les murs de l’immense palais…
 
 
Devant la maison du Bélier, Aiolia et Enée sont également concernés par une autre tempête.
Un orage électrique dans lequel aucun ne prend l’avantage.
La répercussion du mélange des deux assauts est si oppressante que la Cloth d’Aiolia, réputée indestructible comme toutes les armures d’or, commence à s’ébrécher aux épaules et sur les avant-bras.
L’Alcide, lui, voit ses épaulettes, couvertes chacune par une énorme tête du Cerbère, s’effriter petit à petit tout comme sa ceinture et ses jambières. Sa tunique grenat commence à s’arracher à de multiples endroits.
 
Voilà de nombreuses minutes que les deux hommes, bras tendus vers l’avant projettent le meilleur d’eux-mêmes.
Et voici quelques secondes qu’Enée s’avance en direction d’Aiolia, toujours accroupit au sol, ne pouvant concentrer ses forces que dans son unique bras gauche, le droit ayant été cassé auparavant.
Aiolia est à la peine, ses veines gonflent et son sang s’écoule de plus en plus de ses plaies.
La sphère d’énergie d’Enée frôle désormais la main d’Aiolia.
Enée continue d’approcher et, alors que trois mètres les séparent, il crie victoire : « C’est fini maintenant, la victoire est acquise, mon Tonnerre des Ténèbres a eu raison de toi. »
Bien que le cosmos d’Enée commence à engourdir les doigts du Lion, Aiolia reste serein : « C’est là que tu te trompes, à cette portée tu vas encaisser à pleine puissance mon Plasma Foudroyant ! »
Grâce à un effort surhumain, en s’égosillant de douleur, Aiolia contracte son bras droit, pourtant fracturé et y réunit ce qui lui restait vraiment d’énergie : « Lightning Plasma ! »
Les rayons lumineux foudroient à la vitesse de la lumière le grand et svelte Alcide.
Sa Cloth se désagrège.
Sa peau bientôt, dépourvue de protection, les vêtements arrachés, se craquèlent.
Ses membres se contorsionnent tandis que son Dark Thunder s’évapore dans l’atmosphère…
 
Aiolia, le bras droit tremblant, le gauche redescendant le long de son corps, ferme les yeux.
Essoufflé, il laisse son visage s’écraser contre le sol. Il s’en veut terriblement : « Son Dark Thunder a été plus terrible à supporter que je ne l’aurai imaginé. Je pensais pouvoir m’économiser encore un peu pour rejoindre Aldebaran. Je n’aurai pas dû sous-estimer mon adversaire. Pardonne-moi Aldebaran, il va falloir faire sans moi… »
 
Le corps d’Enée retombe tête la première sur le parvis de la maison du Bélier.
Son visage est enfin apaisé, son souffle est court et, bien que sa mâchoire soit fracturée, il prononce avec difficulté : « Incroyable, tu n’as déployé qu’une infime partie de tes réserves pour résister si longtemps à mon Tonnerre des Ténèbres ! Tu as réussi à trouver le courage de riposter avec ton bras cassé ! Félicitations chevalier ! Je regrette de t’avoir rencontré dans de telles circonstances et de devoir ajouter mon nom à la liste de mes frères défunts… »
Le regard perdu, les pupilles brisées, le dernier souffle rendu, Enée décède après avoir longtemps malmené un des plus vaillants chevaliers d’Athéna…
 
 
Au large de la Somalie, dans l’océan Indien, sur l’île d’Andromède, le vaisseau grec a depuis levé l’ancre.
Il disparaît à l’horizon sous le regard attentif d’Albior Saint d’argent de Céphée qui perçoit, en plus de la présence d’Anikeï sur le bateau, celle de trois autres apprentis qui ont réussi à négocier leur traversée avec le commandant.
Albior se doute bien du destin qui leur est réservé : ouvriers sur ce navire, revendus à des marchands d’esclaves du Sanctuaire ou, pour les plus chanceux, la mort.
Attristé par l’aveu de faiblesse de ses hommes, il fait volte-face pour regagner le camp où l’agitation est à son comble.

En effet, un attroupement s’est formé autour de deux hommes, l’un aux cheveux rose bonbon, l’autre aux cheveux d’un bleu vif, fixant Shun à l’allure plus chétive.
Ce dernier, allongé sur le sol fait de roche et de sable devenus incandescents suite à l’impact du soleil, retient ses larmes.
Ses vieilles frusques trouées gisent sur le sol qui lui brûle la chair.
Ses yeux sont remplis d’incompréhension à l’égard de ses bourreaux, Reda et Spica.
Les deux apprentis le maltraitent sans qu’aucun de leur camarade n’ose intervenir pour le secourir.
Reda réajuste un bandeau blanc dans ses cheveux rose et affiche un sourire malsain : « Alors la lavette, tu vas finir par avouer ce que tu as fait à Anikeï tout à l’heure durant votre absence ? »
Son complice ajoute d’un ton méprisant : « Baisse donc ton pantalon Reda, il sera peut-être plus bavard devant ce genre de chose ! »
Reda approuve l’idée de Spica et laisse tomber son vêtement jusqu’à ses genoux.
Sans la moindre pudeur, il urine sur le Japonais.
Spica est amusé par le traitement qu’inflige Reda à l’asiatique : « Allez Shun, tu vois bien que nous ne sommes pas des monstres, rien de tel pour te rafraîchir la peau. »
Shun se couvre le visage du mieux qu’il peut mais ne réagit pas, il grimace lorsque le liquide organique de Reda entre en contact avec ses plaies, lui torréfiant davantage l’épiderme.
Prise au vif par ce terrible spectacle, June s’indigne.
Alertée par cet avilissement, elle écarte du bras les autres témoins et tente d’intervenir.
Spica, l’air suffisant, vient saisir June et la plaque au sol afin qu’elle laisse Reda poursuivre l’humiliation.
Ce garçon, grand et sec, excité par cette mortification, s’avance vers Shun.
Malgré la souffrance, Shun n’implore pas le pardon, il cherche simplement dans le regard de son bourreau, comme s’il voulait lire son âme, la raison d’un tel acharnement.
Reda insiste : « Allez Shun, montre-toi aussi délicat avec moi que tu l’es avec Anikeï. »
Shun, affirme timidement : « Anikeï est mon ami, uniquement mon ami… »
Spica, étendu sur June, pose sa main sur le masque de celle-ci en déclarant : « Anikeï est fort. Toi tu n’es qu’un faible et les faibles se laissent faire par les forts. La preuve, June est tout à moi. »
A cette terrible annonce, Shun devient pensif.

Absorbé par sa conscience, ses nerfs se relâchent et sa mâchoire se desserre.
Dans sa mémoire défile en boucle l’image d’une petite fille aux cheveux sombres tenant dans ses bras un bébé.
Cette vision est semblable à celle hante chaque nuit Shun.

Reda approuve le comportement de Shun qui semble avoir abandonné tout espoir de lutte : « Bien ! Tu as compris ! »
Shun relève la tête et verse une larme en prononçant : « Dé… Désolé… »
Immédiatement, le sourire sournois de Reda disparait.
Son visage se pétrifie lorsqu’il remarque que cette larme ne coule pas des yeux de Shun.
Non, ses yeux verts sont troubles, ses pupilles sont embrumées, comme si quelqu’un d’autre que Shun exerce sa volonté à travers son corps : « Cette larme coule des yeux d’un autre homme, songe Reda. »
 
A des lieux d’ici désormais, sur le pont du navire, assis sur sa Pandora Box, Anikeï est pris d’une effroyable migraine. Il fixe la direction de l’île d’Andromède et murmure : « Cette intuition à propos de Shun… C’est le présage d’une catastrophe… »
 
Sur l’île, Reda recule à petits pas et défait la chaîne enroulée autour de son bras en balbutiant ces quelques paroles : « Ne fais pas de bêtises Shun… Tiens… Tiens-toi tranquille ! »
Shun, totalement nu, se redresse, le regard inexpressif.
Ses cheveux vogue grâce à un courant d’air crée par son cosmos.
Habituellement nimbé de rose, sa cosmo énergie adopte désormais des teintes pourpres.
Spica, stupéfait par la réaction de son ami, se redresse aussitôt, libérant June de son étreinte.
A mesure que Shun s’approche, Reda est comme comprimé de l’intérieur par la cosmo énergie sombre de son camarade.
Tétanisé, il reste figé lorsque Shun bondit jusque lui, poing en avant.
Reda encaisse le coup sans broncher et recule de quelques pas.
Shun attrape la chaîne embobinée autour de l’avant-bras de Reda et tire dessus pour ramener le corps de son adversaire face à lui.
Presque inanimé après le choc reçu, Reda arrive devant Shun qui le heurte d’un coup de genou dans l’abdomen et le fait s’effondrer au sol en le cognant avec le coude à la nuque.
Spica, abasourdi, attaque sans mot dire en lançant l’extrémité de sa chaîne acérée en direction du visage de Shun.
Le futur Saint de bronze, sans même voir l’arme venir dans sa direction, dresse son bras pour se protéger.
La chaine ennemie l’agrippe alors du poignet jusqu’au coude.
Toujours aussi inexpressif, Shun s’empare de la chaîne de Reda et riposte enfin contre Spica.
Le mouvement de Shun est si fluide que le complice de Reda n’a pas le temps d’esquisser la moindre réaction.
Le voilà pris par la gorge, manquant d’oxygène.
Shun le fixe agoniser, sans manifester le moindre sentiment avec ses yeux toujours aussi nébuleux.
 
Dans l’assemblée, c’est la confusion la plus totale.
D’abord craintifs vis-à-vis de Reda et Spica, voici leurs camarades horrifiés par la réaction de Shun.
L’ami de tous semble au-dessus du ressentiment humain, comme si personne ne pouvait stopper sa sentence ni même la juger.
Comme à son habitude, June débarque devant le Japonais.
Elle lui demande d’arrêter sans pour autant que Shun ne réagisse.
 
Au moment où Albior regagne la communauté, le futur Saint du Caméléon finit par gifler la réincarnation d’Hadès.
Les yeux brumeux de Shun virent au noir et toisent avec cruauté une fraction de seconde l’Ethiopienne avant de reprendre leur éclat vert remplis de compassion.
Son cosmos perd de sa variante sombre.
Il finit même par s’atténuer.

Albior marche lentement jusqu’à eux, il est saisi par ce qu’il vient de voir et par le cosmos dévoilé par Shun.
Ses jambes en tremblent encore.
Quand il pose sa main sur l’épaule de son élève, le disciple annonce timidement : « Je suis désolé. Je n’ai pas su la contrôler cette fois-ci. »
Puis, il part, la mine abattue, en direction de sa chaumière pour y arracher le rideau et s’en faire un pagne afin de couvrir sa nudité.
Suivi de June, il s’assied sur son lit, la tête entre les mains.
Albior observe Reda et Spica tous deux inconscients.
Quelques élèves leur ramènent de l’eau pour les réanimer.
Le Saint d’argent se remémore les propos d’Anikeï tout en laissant résonner dans son esprit la phrase de Shun : « Je n’ai pas su la contrôler cette fois-ci ».
_ « Il n’a pas su la contrôler. Parlait-il de sa colère ? De sa force ? Ou bien de sa réelle personnalité, s’interroge-t-il ? »
Toujours est-il qu’en un instant, Shun a prouvé aux yeux de tous que son âme charitable cache un réel chevalier.
Si seul Albior réalise dorénavant que Shun a la capacité d’étendre son cosmos au septième sens, les autres habitants de l’île comprennent que Shun est le futur Saint d’Andromède, nourrissant ainsi davantage le désir de vengeance de Reda et Spica.
 
 
En Grèce, au Sanctuaire, à proximité d’Honkios, sur la colline qui surplombe le Colisée, le soleil couchant n’illumine la colline que par quelques lueurs orangées.
Le cadran zodiacal ne brille plus que par les feux du Capricorne, du Verseau et du Poisson.
Seul un homme est en mesure de le remarquer au milieu des corps inanimés de Ptolémy, de Gigas, de Spartan, d’un soldat Hébéïen, de Deathmask et d’¼dipe.
Ce bel homme aux cheveux bleus, longs, aux reflets verts, au visage froid et fermé, entoure sa Cloth d’or avec sa cape.
Son bras droit est tendu vers le ciel et sa voix glaciale ne peut masquer plus longtemps son identité, Camus du Verseau est revenu de Sibérie.
Pressentant le danger de cet Alcide des Oiseaux du Lac Stymphale, il choisit la voix la plus sage pour se prémunir d’un tel adversaire en profitant que son âme soit séparée de son corps : « Freezing Coffin. »
 
L’esprit d’¼dipe a beau revenir du puits des âmes, le voici prisonnier du froid éternel de Camus.
Inflexible, Camus tourne aussitôt les talons, se souciant peu du devenir du Général Gigas ainsi que celui de ses frères d’armes.
Alors qu’il entame la descente de la butte, la voix d’¼dipe résonne dans le ciel et l’interpelle : « Voici donc le chevalier des glaces éternelles. J’ai senti trop tard ton arrivée sans quoi je serai revenu plus vite pour me présenter à toi. Il faut dire que je ne m’attendais pas une attitude aussi lâche de la part d’un si célèbre Saint. »
 
Le Français se retourne et constate qu’¼dipe vient d’ouvrir les yeux alors qu’il est enfermé dans son Cercueil de Glace : « J’imagine que tu juges mon attitude de la sorte parce que j’ai profité de ton combat contre Deathmask pour t’attaquer. Je ne vais pas m’excuser d’accorder un tel châtiment à un homme qui attaque le Sanctuaire d’Athéna et qui commande des meurtriers qui ont ignoblement assassinés des villageois innocents alors que ceux-ci les accueillent dans leur domaine. Ca c’est la définition exacte d’une attitude lâche. De plus, à ta place je ne me plaindrais pas, la mort que je t’offre est plus que complaisante à l’égard de votre attitude. Ton c½ur va s’arrêter de battre, ton corps sera tellement engourdi par le froid que tu ne sentiras rien et tu rendras l’âme sans douleur. Adieu… »
La voix résonnante d’¼dipe retentit à nouveau dans l’atmosphère : « Attends ! Tu as omis une chose, je ne sens déjà rien, mon corps est insensible, seul ma conscience peut distinguer l’immense puissance qui est tienne. Donc ce Cercueil de Glace est plus qu’inutile. Je vais m’en défaire si tu le veux bien. »
S’il savait sourire, Camus le ferait devant tant de naïveté : « Le Freezing Coffin est indes… »
Camus est stupéfait, il n’a pas constaté que depuis le début, un cube cosmique entoure le corps d’¼dipe et ce même à l’intérieur du Cercueil de Glace.
Le bloc de glace se fissure puis vol en milliers de cristaux, comparables à des diamants.
L’onde cosmique qui protège l’Alcide se dirige vers Camus : « Psycho Crusher ! »
A la vitesse de la lumière, Camus pointe son index en direction d’¼dipe.
L’herbage et les arbres gèlent aussitôt.
Le cube chargé d’ondes cosmiques et télékinésiques, jusqu’ici invisible à l’½il nu, prend la forme d’un cube de glace et se brise en retombant au sol sans avoir le temps d’heurter Camus.
Le Saint d’or pense détenir la clé de la victoire : « Tes pouvoirs télékinésiques passent par l’atmosphère, c’est essentiel pour guider ton cosmos et ton esprit. En gelant l’air, je coupe tous tes moyens de communication avec l’extérieur. Autant dire que tes attaques sont inefficaces contre moi. Si tu as pu te sortir du Freezing Coffin, c’est parce que tu as eu le temps de protéger ton corps avec le Psycho Crusher avant que j’attaque. Tu es rapidement revenu du royaume des morts en sentant ma présence. Désormais il n’y aura plus d’effet de surprise, tu es à ma merci. »
 
Une voix que Camus connait bien le met en garde, il s’agit de Deathmask, exténué après son combat psychique contre Hébé et son échange dans l’autre monde avec l’Alcide. Son esprit vient de réintégrer son enveloppe charnelle : « Je me doute bien que tu n’as que faire de mes conseils, toutefois tu dois savoir qu’il dispose d’une technique de combat physique. Bien qu’il ne l’ait utilisé que dans le monde des morts, cet homme est plein de surprises. »
Camus est indifférent : « Cette information m’importe peu. J’aurai très bien pu faire sans. »
Deathmask sert les poings et grince des dents : « Je ne me soucie guère de ta vie, si je te dis ça c’est parce qu’il est au moins aussi fort que les Titans de Cronos. Tous les adversaires que tu as rencontrés jusqu’ici ne sont rien vis-à-vis de ce déchet de la nature. »

L’Alcide met fin à l’échange entre les deux Saints d’or en tentant de frapper Camus du terrible arcane qui a valu à Spartan l’explosion de son rein droit et la perforation de son poumon gauche : « Mystic Smash ! »
Camus riposte immédiatement en faisant à nouveau chuter la température.
Le givre dessine dans l’atmosphère des racines, invisibles à l’½il nu, invoquées par la télékinésie d’¼dipe, fonçant tout droit sur le Verseau.
Le froid les stoppent ainsi à quelques centimètres de son corps.
Camus réplique instantanément : « Diamond Dust ! »
La Poussière de Diamant frappe en plein visage ¼dipe…
 
 
Sur l’île d’Andromède, par cette chaleur intenable, il est difficile de trouver un coin d’ombre où la température est inférieure à 50°C malgré le soleil couchant.

La peau suintante, en nage sous ses vêtements poussiéreux, le corps bruni par le soleil, Shun effectue des enchaînements, sous l’½il complice de June.
Il s’exerce à manipuler les chaînes dont sont armés chacun de ses bras tout en laissant son esprit revenir sur les incidents de cet après-midi : « Qu’est-ce qui m’a pris tout à l’heure ? J’étais comme absorbé par la soif de victoire. Seul le visage de June a pu me libérer de ce sentiment de puissance, qui s’insinue chaque jour davantage dans mon c½ur. Je ne peux lutter contre. Même si je le cache grâce à ma nature pacifiste, mon c½ur et mon âme, sont contaminés chaque nuit par ce cauchemar atroce. Je la vois, cette fille aux cheveux noirs, longs, me tenant, moi, nourrisson, à bras, me susurrant chaque nuit que le jour viendra où l’appel des ténèbres me fera naître tel que je suis réellement. Cette fille qui me couve et qui m’appelle petit-frère… »
 
La voix douce June sort Shun de ses pensées.
_ « Que t’arrive-t-il ? Depuis que le maître nous a annoncé le départ d’Anikeï, tu ne tiens plus en place.
_ Anikeï m’a beaucoup appris. S’il a quitté l’île pour mener sa mission de chevalier, alors je me dois de faire de même pour honorer notre ami.
_ Alors pourquoi veux-tu rentrer au Japon une fois ton apprentissage terminé ?
_ Le mois dernier, la Fondation Graad a fait venir par un chalutier de sa compagnie un émissaire afin de prendre de mes nouvelles. Il s’est entretenu avec maître Albior et lui a annoncé qu’il viendrait me chercher dans un peu plus d’un an, si je suis toujours en vie et que je suis devenu chevalier.
_ Mais tu ne leur dois rien.
_ Au contraire, sans eux je ne serais jamais venu ici, je n’aurais jamais rencontré notre maître, Anikeï, tous nos amis et toi. Depuis mon arrivée sur cette île, je suis devenu plus conscient du rôle que j’ai à jouer dans la vie, la force qu’on m’a appris à maîtriser doit permettre à l’humanité de vivre dans l’amour et la joie. Si je rentre au Japon, c’est pour y retrouver Ikki, mon frère. Je reviendrai ici, avec lui, je formerai d’autres chevaliers comme notre professeur et je ne te quitterai plus jamais. »
June se colle contre le torse de son camarade et le sert fort contre elle.
Shun rougit puis l’imite en toute amitié.
 
En haut, caché derrière un rocher, Reda et Spica jurent de se venger de l’affront qu’ils ont subi aujourd’hui.
Ils se ligueront pour que l’un d’eux devienne chevalier d’Andromède à la place de Shun…
Last Edit: 4 March 2021 à 15h53 by Kodeni

Author Topic: Chapitre 14  (Read 20744 times)

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Offline Kodeni

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Cette version du chapitre 14 est une version rééditée de la publication originale du 1er mai 2010.
Bonne relecture aux lecteurs les plus fidèles, et bonne découverte pour les nouveaux.