Chapitre 5

Chapitre 5

Ce 3 mars 1985, le Sanctuaire reste ébranlé par la mort d’Inakis.
Sans être accablé par le décès de la compagne de Milo, c’est la fumée de l’incendie dans lequel le Saint d’or l’incinère qui ne passe guère inaperçue.
Si bien que les répétitions de la Journée Sainte sont interrompues alors qu’il reste encore quelques heures avant le coucher du soleil.


Un soleil déjà voilé à l’extrême nord de l’Europe.
Il a laissé place à la lune sous le hurlement d’une meute de loups regroupée au bord d’une falaise qui surplombe l’horizon.
Un homme sort de la forêt et débouche sur cette espace sans arbres nommé « la clairière de Loki ». Il s’avance au milieu du clan.
Le chef de meute, un loup au pelage gris bleu marqué au front par une cicatrice en forme de croissant de lune, nommé Ging l’accompagne.
Le meneur a une coiffure en forme de crinière blanche. Son haut rouge et son pantalon bleu marine, usés, s’accommodent au style de vie de Fenrir, le loup des steppes.
De ses pupilles, au reflet orangé, il observe l’amarrage d’un fantastique drakkar sorti des temps les plus reculés. Les icebergs présents dans son sillage viennent se fracasser contre sa coque.
Le bateau a ralenti son allure afin d’aborder les rives des terres scandinaves que foulent Fenrir et ses fidèles compagnons à quatre pattes.

Les animaux grognent, retroussent leurs babines et montrent les crocs sans raison apparente. Fenrir s’accroupit et prend Ging dans ses bras : « Allons mes amis, je sais que vous n’aimez pas l’arrivée d’étrangers sur nos terres d’Asgard, mais je ne comprends pas ce qui vous met dans cet état ? Il s’agit là d’un bateau du royaume d’Hilda de Polaris, fixe-t-il le navire. Je ne vois pas ce qui vous choque ainsi mes compagnons. »
Il ferme les yeux et cherche à se concentrer. De la façon dont ses paupières s’agitent, il est aisé de remarquer que le futur God Warrior d’Epsilon manifeste encore des difficultés à manipuler son cosmos. Toutefois à force d’insistance, il finit par ressentir le trouble qui perturbe l’instinct de ses bêtes : « Un homme… Un homme venu des terres du sud. J’éprouve un grand malaise à son égard. Un trouble bien plus grand que celui que je ressens auprès des humains en général. Je suis désolé de ne pas avoir compris aussi vite que toi mon fidèle compagnon, s’adresse-t-il à Ging. La voix du cosmos est quelque chose de difficile à manipuler. Heureusement que je peux compter sur tes sens pour m’aider dans ma quête et mon apprentissage. Il serait plus prudent de garder un ½il sur cet esprit malfaisant, rive-t-il à nouveau son regard vers la côte… »

 
Plus bas, au point d’arrimage de l’embarcation, attendent quelques soldats portant des torches.
Les gardes sont vêtus de casque à cornes acérées. Par-dessous leurs plastrons, certains portent des fourrures, d’autres, plus courageux, gardent leurs bras nus sous les protections métalliques recouvrant leurs avant-bras.
La troupe amoncelée se sépare à l’arrivée d’un géant parmi elle, lui cédant ainsi le passage. L’éclairant de leurs flammes dansantes sous les rafales côtières. Ses longs cheveux blancs tombent dans son dos. Un long maillot bordeaux descend jusqu’à ses cuisses vêtues d’un pantalon de la même couleur. Une boucle ceint sa taille. Ses bottes s’enfoncent dans la neige à mesure qu’il approche du rivage.
Ce paysan veille à la sécurité du royaume depuis que la prêtresse Hilda a épargné sa vie alors qu’il braconnait sur ses terres, payant ainsi sa dette envers celle qui se montra douce et généreuse avec lui. Il témoigne par ce geste, le respect qu’il lui voue depuis cette époque.

Un soldat qui vient de débarquer se presse de l’informer de la situation : « Seigneur Thor ! Nous avons trouvé un bateau ayant fait naufrage à quelques dizaines de kilomètres d’ici. D’après la forme, il s’agirait d’une galère grecque. 
_ Il est précisé, ajoute un second guerrier, dans les registres du palais, qu’un navire marchand parti du Port du Destin en Grèce devait faire escale dans notre royaume, sur demande de sa majesté Hilda de Polaris. Le navire était affrété pour ravitailler notre peuple de quelques marchandises, nous étant impossibles de cultiver par ce climat. La prêtresse avait réussi à négocier, à moindre frais, quelques cargaisons avec un voyageur ayant pris l’habitude de marchander avec les intendants du palais.
_ Hélas, je crois que ce voyage fût le dernier pour notre transporteur, déplore le premier. La coque de son navire s’est sûrement fracassée contre les blocs de glaces dérivant le long des courants. Il est difficile de parvenir jusqu’ici, que ce soit par la mer ou par les airs. Apparemment il avait accompli ce miracle plusieurs fois. Malheureusement ce voyage était celui de trop, le Kraken n’a pas été clément avec lui. Il ne restait à la surface que quelques débris ainsi qu’un homme inconscient agrippé à un épais morceau de la chaloupe. Aucun sac de denrée ni même quelques tonneaux de bon vin n’ont pu être récupérés. Voici l’unique survivant, fait-il venir par le marinier d’un geste de la main le corps du naufragé. A en juger sa tenue et les entailles qu’il porte sur son corps, il est facile de déduire qu’il n’est pas matelot. Il a plutôt l’air d’être un guerrier ! »
Comme l’ont été Fenrir et ses loups, Thor est saisi par l’émanation malsaine déployée par le rescapé pourtant évanoui.
Le naufragé porte une tunique violacée et une épaisse chevelure blonde.
Soutenu sous chaque bras par deux hommes, Thor le prend par le menton et lui lève la tête pour examiner ses traits : « Il ne peut s’agir d’un marchand du Sanctuaire. Le Sanctuaire d’Athéna est situé en Grèce, là où le soleil colore la peau. Cet homme a le teint blafard. Je ne respire pas la légère odeur de souffre qui s’insinue dans la peau des hommes vivant continuellement sous les rayons du soleil, hume-t-il le corps de l’homme assoupi. »
L’escorte de Thor est impressionnée par les talents du paysan.
Ce célèbre chasseur émeut par sa faculté à développer tous ses sens pour traquer ses proies. On dit de lui qu’il est le plus grand trappeur du bas peuple. Il serait même capable de rivaliser avec les plus nobles chasseurs du pays, y compris le réputé Syd de Mizar.
_ « Bien. Je ne sais par quel miracle il a survécu dans cet océan glacial qu’est l’Arctique mais il aura l’occasion de nous le dire lorsqu’il retrouvera ses esprits. Qu’on le conduise dans un cachot ! »


Plus haut, au temple du Walhalla, Hilda se tient sur le balcon de sa vaste chambre.
Dans sa longue robe ciel à manches gigot, elle observe la voûte céleste de ses magnifiques yeux lumineux abrités dans un écrin de longs cils d’un noir profond.
_ « La nuit s’annonce douce, commente-t-elle de sa voix harmonieuse ce qu’elle lit dans les étoiles. Odin veille sur nous. Le peuple appréciera ce calme. Si seulement il pouvait en être toujours ainsi… »
Quelques larmes s’écrasent sur le parterre de marbre qui habille le balcon.
Agenouillé jusqu’ici à ses côtés, un athlétique jeune homme se presse de prendre sa souveraine dans ses bras : « Allons majesté ! Votre peuple est heureux de subir ce dur climat si cela permet de garantir la survie de notre planète. Vos gens vous aiment et accepterons sans hésiter le sort que vous leur destinez, quel qu’il soit ! »
Ses mains chaudes saisissent chaleureusement les épaules d’Hilda. Il poursuit avec une voix affectueuse : « Et moi, je vous suivrai à chaque instant et peu importent les conséquences. Il n’y aura rien ni personne capable de braver l’énergie que je voue à votre existence. »
Elle se retourne puis le remercie en lui offrant une mine plus sereine.
Lorsque le regard d’Hilda vient croiser le sien, Siegfried est troublé.
Il se rabaisse aussitôt aux pieds de sa souveraine. Il incline la tête et prononce : « Ô Grande Prêtresse ! Vous êtes seule apte à guider mes pas et mon c½ur en ce monde. Je ne saurai accepter votre remerciement lorsqu’il est de mon devoir de vous honorez comme il se doit. »
Hilda est touchée par tant de paroles. Elle est habituée aux déclarations pleines d’honneur de Siegfried et devine l’intérêt personnel qu’il lui porte.
Pourtant elle n’arrive pas à manifester cet amour réciproque. Elle se sent profondément ridicule alors qu’elle incite sa s½ur cadette à se dévoiler auprès du valeureux Hagen de Merak.
Le c½ur de la prêtresse s’emballe lorsque Siegfried entame son annonce : « Majesté, pardonnez-moi si ma proposition est déplacée, que mon âme soit châtiée par Odin si tel venait à être le cas, j’aurais voulu… J’aurais voulu vous dire… »
Soudainement, un bruit sourd vient l’interrompre. Tout deux reconnaissent le souffle d’un instrument.
_ « Le cor d’alarme d’Asgard, se relève Siegfried d’un bon ! Il vient de se produire un évènement sur le domaine ! »
Il se hâte vers la porte de sortie. En chemin il agrafe une lanière de cuir, qu’il avait retiré pour se présenter face à Hilda, autour de son torse afin de cuirasser légèrement son épaule gauche et son c½ur. Hilda l’intercepte avant qu’il ne rejoigne les troupes déjà dehors : « Siegfried ! Qu’avais-tu de si important à me soumettre ?
_ Je… heu… je souhaitais simplement vous informer que je vous trouve très en beauté ce soir majesté, balbutie-t-il en rougissant. »
Puis il presse aussitôt le pas. Flattée, Hilda rougit.


Dans la cour du temple du Walhalla, une troupe composée de soldats se forme.
Piqués d’une curiosité amusée, certains aristocrates vivant au palais se précipitent à leur fenêtre et regardent le désordre prendre forme.
Du brouhaha qui émane de l’attroupement, on peut entendre quelques interrogations et sentir une certaine tension.
Adossé à une fenêtre du temple, un noble à la chevelure vert pale observe le débat.
Son habit prouve qu’il fait parti de la haute société. Le maillot vert qu’il porte par-dessus son pull noir a le col brodé avec de la soie dorée. Il se retourne en direction de ses parents qui ne semblent guère soucieux de la situation, tous deux étant assis sur une peau d’ours jetée devant la cheminée, le feu crépitant dans l’âtre. Le couple, en tête-à-tête, déguste un verre de vin sans éprouver le moindre intérêt au vacarme prenant vie hors de ses murs.
_ « Allons Syd, interpelle le père ! Ne t’inquiète donc pas, il doit encore s’agir d’un pauvre qui chasse sur les terres royales.
_ Je n’en suis pas certain… Père ! Mère ! Je pars immédiatement en compagnie de nos soldats voir ce qui se passe. »
Il enroule une cape autour de son cou et réalise un bond prodigieux.

Un des guerriers rassure les autres en s’exclamant : « Oh regardez ! Voici Syd de Mizar ! Nous sommes sauvés ! »
Imbu de sa personne, Syd est ravi d’un tel accueil : « Et bien que se passe-t-il ici ? Pourquoi le cor d’alarme résonne-t-il ? »
L’un s’avance en bousculant les autres. Il tombe épuisé face à Syd. Sa cuirasse est fissurée de toute part : « Le cor a été soufflé par Thor de Phecda. Nous étions chargés de conduire au cachot le rescapé d’une galère qui a sombré à des lieues d’ici pour l’interroger en compagnie de Thor de Phecda. En chemin, près de la clairière de Loki, le bougre a retrouvé ses esprits et s’est enfui en forêt après nous avoir défaits. Nous étions cinq à escorter le seigneur Thor. Le combat a été acharné. Deux d’entre nous ont péri tandis que nous autres, les survivants n’avons été que légèrement blessés… »
Légèrement blessés. Le mot est faible au regard des marques laissées sur son corps. Cela prouve bien le courage de ses hommes prêts à aller jusqu’au bout de leur peine pour la défense du royaume.
_ « … Il maîtrise aisément l’art du combat, poursuit le survivant. Il s’est enfoncé dans la forêt de Loki, au nord-ouest du domaine, non sans avoir été également atteint par nos assauts. Thor a demandé à ce que l’alerte soit donnée avant qu’il ne parte à sa recherche.
_ Bien. Nous allons nous séparer en équipes de dix soldats pour les répartir aux quatre coins du royaume, entreprend Syd. A l’heure qu’il est, notre fugitif s’est déjà engouffré dans la forêt qui borde les rivages ou encore, a peut-être quitté notre territoire pour rejoindre les terres glaciales du sud. Si tel est le cas, il ne pourra survivre car à moins d’atteindre la Sibérie, aucun autre royaume ne peuple les environs. De combien d’hommes disposons-nous actuellement ?
_ Nous avons pu regrouper une centaine d’hommes, répond un guerrier sortant des rangs. J’ai fait envoyer des messagers dans les villages pour avertir ceux qui ne le sont pas encore. J’ai demandé à ce que les postes frontières restent surveillés par les équipes déjà sur place.
_ Bien Utgarda de Garm, le félicite Syd. Je souhaite que deux équipes restent ici afin de veiller sur la Princesse Hilda. Je pars de ce pas sur les traces de ce fuyard. J’avancerai plus vite en partant seul. 
_ Attendez, complète une voix ! La Princesse Freya n’a pas été retrouvée à l’intérieur du château. Il est possible qu’elle soit en compagnie de Hagen. J’aimerais qu’une équipe parte à leur recherche pour les escorter jusqu’au Walhalla en toute sécurité. »
Lorsque la foule reconnaît le brave Siegfried de Dubhe, tous s’agenouillent, excepté Syd qui incline légèrement sa tête.
_ « Je reste ici pour diriger les troupes, lance un cor Siegfried à Syd. Préviens-nous par cet instrument dès que tu auras retrouvé la trace de notre prisonnier. Bonne chance mon ami. »
Syd courbe encore une fois la tête puis se lance à toute vitesse dans cette chasse à l’homme.


Au beau milieu du Mont Baldr, une chaîne montagneuse du centre est du royaume où Seiya et ses amis livreront de nombreux combats dans quelques mois, de la fumée monte d’une petite maisonnette.
A l’intérieur, un jeune homme dont quelques mèches blondes tombent sur les épaules fait les cents pas. Ses yeux, d’un bleu perçant et rongés par l’angoisse, restent rivés sur le corps étendu de sa charmante compagne restée entièrement dévoilée à son regard.
La belle demoiselle tient sa tête dans le creux de son bras droit et passe sa main gauche dans ses boucles blondes. Ses yeux émeraude sont nourris d’admiration pour son amant.
_ « Allons Hagen, il n’y a pas de raison de s’inquiéter. L’alarme a due être lancée après qu’un villageois ait volé dans les champs du palais. Pas de quoi s’affoler.
_ Vous avez tort Princesse Freya ! Au fil des années j’ai appris à manipuler l’énergie qui émane de mon âme. Cela me permet de ressentir celle d’autres personnes. Je ressens une étrange sensation de gêne depuis quelques heures.
_ Cela ne t’a pas empêché de m’enlever jusqu’ici mon beau prince charmant, se fait-elle railleuse face à son sérieux !
_ Vous ne devriez pas vous amuser de notre situation Princesse, demeure-t-il sage ! Imaginez que votre s½ur soit au courant de notre relation. Qu’elle sache que j’ai pris votre innocence royale, divine même ! Je pourrais être banni et ça n’en serait que justice. »
Freya se lève et marche gracieusement vers Hagen. Ravissante, elle se colle contre le torse du futur God Warrior qui ne porte que son pantalon azur.
_ « Ne sois pas sot ! Ma s½ur serait ravie de savoir que nous nous sommes échangés nos v½ux. C’est d’ailleurs elle qui m’y a encouragé.
_ Alors pourquoi continuer à nous cacher ?
_ Simplement par respect envers Hilda. Alors qu’elle me pousse à t’avouer mes sentiments, elle se retrouve incapable d’agir de même envers le seigneur de Dubhe.
_ Vous voulez dire que Hilda est éprise de mon ami Siegfried ?!
_ C’est évident ! Tout le monde le voit. Mais leur idylle est très spirituelle. C’est ce qui la rend encore plus belle. C’est romantique tu ne trouves pas ? »
Le fier, beau et brave Hagen est saisit. Il a toujours vécu son attirance envers Freya comme un affront envers Odin. Lui originaire du bas peuple, par sa détermination, est parvenu à se hisser à un des plus hauts rangs du royaume. Il brave chaque jour mille dangers pour développer son savoir. Maintenant que son rêve est réalisé, il craint d’avoir agi de façon abjecte, s’estimant trop inférieur pour profiter des sentiments de Freya. Comme si Odin avait choisi de récompenser ses efforts en ensorcelant Freya pour la soumettre à sa volonté.
Il est évident qu’il se trompe et grâce à sa déclaration, Freya le ramène à la raison.


Tout à l’ouest, dans la forêt de Loki, un jeune enfant tire sa petite s½ur sur une luge.
Tous deux s’amusent à se traîner dans la neige et semblent ne pas s’être souciés du retentissement de l’alarme bien que ces avertissements soient enseignés aux enfants de ce territoire dès leur plus jeune âge pour les informer du danger.
Le petit garçon remarque au loin une forme affalée contre un arbre.
Il reste d’abord interdit. Puis, il essaie de discerner de quoi il s’agit.
Il fait mine à sa s½ur de cesser de faire du bruit et avance vers ce qu’il reconnaît être un homme.
Celui-ci est blessé. Ses plaies sont fraîches. Sa tunique est complètement déchirée. Ses paupières sont closes tandis que ses cheveux jaunes sont souillés du sang jaillit de ses blessures à la tête.

Tapis dans l’ombre, plusieurs loups observent la scène…

Armé d’une branche d’arbre, le courageux garçon secoue le corps inerte : « Monsieur… Hé… Monsieur… »
Le malheureux enfant se retourne vers sa s½ur et fait la moue pour lui indiquer que le blessé ne se réveille pas.
Tout à coup, la petite fille commence à trembler.
Elle remarque la silhouette se relever derrière son frère.
Tétanisée, elle est incapable de crier à l’aide.
Le naufragé abat sa main sur l’innocent enfant…


Au temple du Walhalla, munie d’une chandelle, la princesse Hilda visite les nombreuses chambres de son palais.
La flamme vacillante, qu’elle dirige doucement au devant d’elle, éclaire son passage dans les ténèbres des couloirs, petite trace de chaleur renforçant le courage de la fière walkyrie.

Au bout d’un couloir, la voix perfide d’un jeune homme aux cheveux améthyste la fait frémir : « Vous ne devriez pas vous promener seule majesté. Il semblerait qu’un rôdeur mal intentionné soit dans les parages. »
Hilda surprise sur l’instant se ressaisit aussitôt : « Et qu’aurais-je à craindre dans mon propre palais entourée de mes fidèles protecteurs Alberich ?
_ Vous avez justement tout à craindre avec une armée comme celle-ci. Vos troupes sont mal organisées et la défense du pays est bien inquiétante. Si vous aviez accepté de me nommer intendant quand je vous en avais soum… »
Hilda remet les choses au clair en coupant la parole à l’ingénu et inquiétant bourgeois : « Nous avons déjà abordé ce point de trop nombreuses fois ! Pour la simple et bonne raison que nous ne sommes pas en temps de guerre, Asgard n’a pas besoin de lever une armée davantage conséquente à celle dont nous disposons déjà. La Terre est sous la protection d’Athéna depuis des millénaires et jamais nous n’avons eu à nous plaindre de ses actes. La seule chose à laquelle nous pourrions nous attendre, c’est qu’elle réclame un jour notre aide en cas de bataille contre un dieu maléfique. C’est à cela que Siegfried de Dubhe s’attache en compagnie de valeureux soldats comme Hagen de Merak, Syd de Mizar…
_ Pff… Siegfried ! A quoi bon vous présenter mes projets alors que vous n’avez d’yeux que pour lui. »
L’insolence d’Alberich prend très vite l’ascendant durant l’échange…

Alors qu’il effectue de multiples rondes dans l’enceinte du château, Siegfried surprend la conversation au ton irrespectueux, dirige ses pas sur les lieux de la discorde, intervient et ramène l’ordre de par sa présence: « J’ai cru vous entendre vous emporter ! Quelque chose ne va pas votre majesté ?
_ Ce n’est rien vaillant soldat de Dubhe, ironise Alberich ! J’étais simplement en chemin vers notre vaste bibliothèque afin d’étendre mon savoir et le mettre au profit du royaume. Sa Majesté Hilda se ravissait alors fort bien de pouvoir compter sur mon éminence grise. »
Alberich tourne aussitôt les talons et quitte le couloir, abandonnant ainsi sa souveraine irritée par son attitude bravache…


Dans la forêt de Loki, Thor titube.
Il se tient les côtes.
Sa pommette droite semble avoir été fendue par son assaillant lorsqu’il a pris la fuite quelques heures plus tôt.
Accroupit, il observe les branches de frondaisons cassées lors du passage de l’ennemi.
Il ne semble pas être le seul à suivre cette trace puisque le célèbre Syd le rejoint : « En effet. Il semble qu’il ait choisi de remonter en direction du palais ! »
Thor se retourne et salue Syd avec le respect qui lui est dû.
_ « Allons, s’en amuse Syd ! Tu ne vas pas me faire croire que Thor de Phecda, le célèbre paysan réputé pour se soulever contre les oppresseurs aime faire des courbettes auprès des nobles du domaine.
_ Bien, soupire Thor ! Si tu le prends ainsi… Je poursuis ma route !
_ Attends, reprend sérieusement Syd ! Tu es blessé. Même si ce n’est que légèrement, nous ferions mieux de ne pas prendre cet étranger à la légère. Nous ne serons pas trop de deux pour le retrouver. »

Les deux futurs alliés remontent la piste en examinant le moindre indice qui peut les aider à débusquer l’inconnu.
Les deux hommes ne se connaissent que de réputation et ne sont pas prêts à faire fi des à priori qu’ils ont l’un de l’autre. Leur association est contrainte, en témoigne le froid palpable entre eux.

A mesure qu’ils remontent les indices qu’ils débusquent, ils entendent les appels au secours de la petite fille qui était accompagnée de son frère quelques minutes plus tôt.
Les deux hommes se regardent et agitent la tête pour se décider à la rejoindre.
Syd surgit devant la pauvre gamine et l’assaille de questions : « Que se passe-t-il ? On cherche un homme ! L’as-tu vu ? »
Thor écarte Syd du bras : « Allons, il s’agit d’une enfant ! Ne la brusque pas. Laisse-moi faire ! »
Le géant s’accroupit devant la petite qui a les mains devant les yeux pour essuyer ses larmes. Il les lui attrape et brûle doucement son cosmos qu’il apprend à commander depuis quelques temps déjà.
Sa cosmo énergie est apaisante. Elle calme la paysanne.
_ « Calme toi. Reprend ton souffle et explique-moi pourquoi tu es dans cet état, l’interroge Thor d’un ton affectueux.
_ Mon frère… le mort a enlevé mon frère…
_ Le mort ?
_ Oui. Le monsieur allongé dans la neige avec les cheveux jaunes aux reflets verts. Ses habits étaient troués. Il ne bougeait plus jusqu’à… jusqu’à…
_ Jusqu’à quoi, s’impatiente Syd ?!
Thor s’agace de l’attitude de Syd. Il gronde :
_ Silence, s’agace Thor de l’attitude de Syd ! Prends ton temps, reprend-il un ton mielleux après avoir respiré un grand coup, tu n’as plus rien à craindre à présent.
_ Jusqu’à ce que ses yeux s’ouvrent et qu’il enlève mon frère. Il a dit qu’il ne lui ferait pas de mal tant que nous ne cherchions pas à contrecarrer ses plans. Ils sont partis vers le palais de la Princesse Hilda.
_ Ses plans, est intrigué Syd ? Je ne vois pas ce qu’un combattant seul projette de mener dans un lieu comme celui-ci ?
_ Moi non plus.
_ Mais au fait, pourquoi vous a-t-il attaqué, questionne Syd ?
_ Nos hommes ont repêché son corps en mer, semble embarrassé Thor. Il ne fait pas partie du Sanctuaire. Il arrive que le Sanctuaire envoie ses émissaires pour veiller sur la docilité de notre dieu. Mais là on voyait clairement qu’il n’était pas un prêtre d’Athéna. J’ai donc décidé qu’il fallait l’interroger. En chemin il a repris connaissance. Lorsque j’ai voulu lui poser quelques questions, il est resté silencieux. Il murmurait des choses comme « misérables pantins, comment osez-vous me traiter de la sorte » ou encore « dire qu’un peuple aussi barbare détient les écris les plus précieux de notre temps ». Il semblait très intéressé par nos reliures sacrées et a commencé à nous poser des questions auxquelles j’ai ordonné de ne pas répondre tant qu’il ne serait pas mis aux fers. C’est à cet instant qu’il s’est débattu en dégageant une énergie cosmique assez inquiétante. Il a mis hors de combat non sans mal nos hommes. J’ai cru être de taille sur l’instant. Mais plus les minutes passaient et plus il semblait lui-même surpris de l’énergie qu’il était capable de dégager malgré son état de santé amoindri. Sa force augmentait de minute en minute sans qu’il en connaisse lui-même la cause. Alors qu’il concentrait sa force dans son poing l’onde cosmique qui s’en dégagea prit la forme d’un dragon qui s’abattit sur mon visage et me fit cette blessure, indique-t-il du doigt sa pommette fendue… Je me suis réveillé quelques minutes plus tard. Les pas laissés dans la neige suggéraient qu’il se précipitait dans la forêt de Loki. J’ai saisi le cor d’alerte sur le corps d’un des soldats. La suite tu la connais…
_ C’est étrange. En s’engouffrant dans la forêt de Loki, il prend la direction du sud, celle qui est à l’opposé du Walhalla. J’imagine qu’il a choisit de se cacher en forêt et de regagner les bois au centre du domaine. Il arrivera alors dans la forêt d’Améthyste et n’aura qu’à remontrer tranquillement jusqu’à notre grande Prêtresse Hilda… Nous devons nous diriger au centre, dans la forêt d’Améthyste immédiatement, s’élance Syd ! Nous l’y retrouverons sûrement !
_ Et cette petite fille, le rattrape-t-il par le poignet ? Nous ne pouvons pas la laisser seule.
_ Tu n’as qu’à la conduire au village le plus proche. Les villageois feront atteler des chevaux pour la ramener auprès de ses parents. Je peux le retrouver seul.
_ Néanmoins ça ne serait pas prudent que tu partes sans moi. Tu l’as toi-même dit tout à l’heure, on n’est pas trop de deux. Elle va venir avec nous, la hisse-t-il dans ses bras ! »
Syd secoue la tête. Il est navré de la compassion qui se dégage de ce grand nigaud.
Toutefois, l’homme qu’il ne connaissait que de réputation jusque là commençait à lui plaire. Son sens du devoir et sa gentillesse font de lui un atout de poids au royaume.
Tous deux s’enfoncent dans la brume à la recherche de l’homme qui dans l’avenir sera un Juge des Enfers.


En effet, loin devant eux, Rhadamanthe qui a embarqué il y a quelques mois sur une galère pour rejoindre Asgard, traîne le frère qui braille.
_ « Tu as de la chance d’être mon ticket de sortie vulgaire humain, s’agace-t-il des cris du gamin. Sans quoi je t’écraserai comme ces gardes qui m’ont accueilli sur la côte. »
Il remarque qu’une horde de loups de plus en plus nombreuse suit ses pas.


Plus à l’ouest, Syd est obligé d’attendre Thor chaque fois qu’il essaie d’augmenter la cadence : « On perd trop de temps. Cette petite fille nous ralentit. Tu n’arrives pas à me suivre. Surtout… »
Il s’arrête brusquement de parler et fait un tour complet sur lui-même. Thor achève la phrase de son coéquipier : « Surtout que nous sommes pris en chasse. »
En effet des buissons, jaillit une meute de loups.
Les animaux aux crocs acérés se déploient autour des hommes. Les observent. Les encerclent.
Leurs sens sont à l’affût.
_ « Ces animaux sont doués, confesse Syd. Toi et moi sommes les trappeurs les plus reconnus du royaume. Alors même que nous étions dans une chasse à l’homme nous n’avons pas remarqué que nous étions devenus des proies. Tu crois que c’est notre homme qui dirige ces bêtes ?
_ Je ne pense pas non. Les loups de notre contrée ne s’attaquent pas aux hommes. Ils s’efforcent même de ne pas les rencontrer. On raconte que le meneur de la meute est un riche héritier des Terres d’Asgard. Autrement dit c’est lui qui nous les a envoyés. C’est clair maintenant non ? Lui qui refuse toute civilisation nous attaque alors que nous cherchons un ennemi. Il prouve clairement son hostilité envers nous… A moins…
_ A moins qu’il ait choisi d’affronter notre ennemi seul ! »


Au centre ouest, à la sortie de la forêt de Loki et à l’orée de la forêt d’Améthyste, Rhadamanthe arrête et rejette violemment l’enfant dont la course se termine contre un tronc d’arbre.
Le petit glisse le long de l’écorce et, groggy, s’affale dans la neige.
_ « Nous ne sommes pas seuls ! Je te conseille de te tenir à carreau pendant que je m’occupe des parasites qui nous suivent. »
Rhadamanthe ferme les yeux. Il ressent plusieurs présences : « Sortez de votre cachette. Je cesse d’être le gibier. Passons à l’action. »
Un homme surgit alors de derrière un bosquet. Le loup des steppes place ses doigts devant sa bouche et siffle une note en direction de la forêt afin d’appeler à lui les chasseurs mené par Ging.
_ « Je t’ai observé depuis ton arrivée à Asgard, sourit Fenrir. Tu sembles avoir quelque chose en tête qui représente un idéal suffisamment important à tes yeux pour menacer un enfant et tuer de sang froid des hommes.
_ Si tu souhaites sauver ce misérable mioche ne te gêne pas ! Je te le laisse ! La seule chose que je souhaite c’est me rendre au temple du Walhalla sans encombre. J’ai des choses à y apprendre.
_ Tu n’y es pas ! Je me moque éperdument de la vie des humains et encore plus de ce pleurnichard. Si je suis ici, c’est simplement pour connaître la cause du mal être qui me ronge depuis ton arrivée. Nous sommes pourtant semblables en tout point. Nous sommes deux tueurs et nous méprisons l’humanité. Je ne vois pas pourquoi mes loups se méfient de toi.
_ Je ne méprise pas l’humanité. J’ai justement un sens des valeurs trop important pour ne pas chercher à sauver ce monde qui pourrit, remet les choses au clair Rhadamanthe. Je suis en quête de savoir. J’ai besoin de trouver un idéal qui me permettra de me ranger aux côtés d’un dieu qui saura gouverner ce monde. Un dieu instaurant des règles qui donneront aux hommes plus de fierté mais aussi un plus grand respect pour la planète qu’ils peuplent. Athéna n’est pas capable de m’offrir ce genre de garantie et de principe. Pas plus que le dieu que vénère Asgard puisqu’il se plie à la volonté du Sanctuaire. Il doit bien exister une entité supérieure à ce pantin qui se nomme Odin ! Quant à tes animaux, ce sont de vulgaires chiens qui s’inquiètent d’être face à quelqu’un de bien plus sensé que leur maître !
_ Comment oses-tu ? Ging et sa meute sont les seules personnes en qui je crois. Ils ont sacrifié mainte fois leur vie pour me prouver leur fidélité. C’est Odin, lui-même, qui m’a prouvé que l’amour existait sur cette planète par l’intermédiaire de mes compagnons. Je ne te laisserai pas insulter un dieu qui a mis sur ma route les seuls êtres méritant ma confiance. Tu paieras pour ton insolence. Moi Fenrir d’Alioth, le loup des steppes, je te ferai ravaler ton arrogance. En garde !
_ Tu ne me facilites pas la tâche, se positionne-t-il. Moi, Rhadamanthe, par ma force et ma violence je vous enverrai toi et tes bâtards en enfer ! »
Les deux combattants s’observent alors que les diverses cohortes d’Asgard sont dispersées sur le territoire et que Thor et Syd sont pris au piège…
Last Edit: 15 September 2020 à 15h05 by Kodeni

Author Topic: Chapitre 5  (Read 14613 times)

0 Members and 1 Guest are viewing this topic.

Offline Kodeni

  • Modérateur
NEWS

Cette version du chapitre 5 est une version rééditée de la publication originale du 1er mai 2010.
Bonne relecture aux lecteurs les plus fidèles, et bonne découverte pour les nouveaux.