Chapitre 4

Chapitre 4

Depuis l’annonce de la venue d’Hébé lors de la Journée Sainte, les mois ont défilé.
Les jours se sont succédés au rythme des répétitions et des préparatifs à l’événement.

Ce 3 mars 1985, Apodis et ses hommes reproduisent depuis la parade en compagnie de centaines d’autres soldats et Saints.
_ « Celle-ci démarrera des villages proches des remparts ouest où elle accueillera la déesse Hébé et son escorte, explique de nouveau en faisant de grands moulinets avec ses bras un prêtre à qui le Grand Pope a confié l’organisation. Elle remontera jusqu’au centre du Sanctuaire pour atteindre le village central d’Honkios. Le chemin emprunté par la fanfare a été totalement refait pour l’occasion et les routes se sont vues couvertes de pavés. Des cortèges de musiciens de chaque village traversé ont préparé leur accueil. Et les gardes, pour l’occasion, ont reçu de nouvelles armes et de nouvelles cuirasses. Tout a ainsi été mis en ½uvre pour faire bonne impression à Hébé. Les vétérans ainsi que les prêtres qui officieront lors des cérémonies en l’honneur d’Athéna, s’affairent à préparer les offrandes. Cela va de la simple corbeille de fruits pour le bourg le plus démuni à l’immense statue d’or pour la cité la plus riche. Les habitants n’ayant pas les moyens de se rendre au grand colisée pour le festival ont également tenu à marquer le coup en se fabriquant de petits lampions qu’ils feront scintiller en suivant le cortège. »
Masquant un sourire de nervosité, lui qui a entendu ça chaque jour depuis le début des préparatifs, Apodis se gratte la joue et baisse les yeux pour ne pas croiser les regards complices d’Aphrodite et Misty. En effet, ils seront chargés d’accueillir la déesse.
_ « Le colisée a été agrandi à l’occasion puisque des places ont été rajoutées au sein même de l’arène. Pouvant recevoir habituellement mille personnes, il peut exceptionnellement en accueillir trois milles cette année, poursuit le prêtre. Au pied des douze maisons, des dizaines d’enfants répètent la chorégraphie qu’ils joueront dans l’amphithéâtre. Plus loin des adolescents, des adultes et des anciens font de même. Les douze travaux d’Hercules seront mis à l’honneur et constitueront le thème central de la cérémonie. Tout cela en hommage à Hébé qui épousa ce dernier en des temps reculés. Bien entendu, la réincarnation d’Hébé n’a de nos jours aucun rapport avec le demi-dieu mais ce spectacle sera avant tout l’occasion de célébrer les temps anciens… »
_ « Nous sommes la veille de la Journée Sainte, souffle discrètement le Suédois resplendissant dans sa Cloth à Misty et Apodis, vous ne croyez pas qu’avec toute cette montée d’adrénaline il serait de bon ton que nous convions ce prêtre à nos sorties nocturnes. Ca lui ferait le plus grand bien de décompresser un peu. »
Pouffant le plus discrètement possible, les Saints, d’argent et de bronze, se gardent d’interrompre le religieux qui poursuit sans discontinuer.
_ « Dans le stade, les dresseurs s’assurent que la représentation qu’ils donneront en compagnie de leurs bêtes soit au point. Ils assureront l’avant dernière partie du spectacle, juste après les travaux d’Héraclès. L’ouverture se fera par un long récital dédié à la gloire d’Athéna et mené par divers poètes du domaine sacré. Enfin, le Pope a insisté pour que la clôture se fasse par la mise à mort de condamnés arrivés du dernier territoire conquis au nom d’Athéna, le Mont Kailasa en Inde… »


Depuis le balcon jouxtant sa salle d’audience, le Grand Pope observe à travers la tunique d’Arlès de loin tout son peuple s’affairer à réaliser la meilleure cérémonie qui soit.
_ « Demain sera le jour de vérité pour moi, songeait-il. Je devrai une fois de plus mentir à Hébé en prétextant qu’Athéna souhaite rester seule. »
Plus loin, dans ses appartements, les prêtres d’Athéna prépare sa tunique dans la salle d’à côté.
Pour duper la déesse il portera son casque d’or, ainsi qu’un foulard d’un bleu marin qu’il fera tomber sur ses épaules. Cet habit lui donnera un air plus calme, moins hostile, comme lorsqu’il se promène auprès du peuple en se faisant passer pour Shion.


Plus bas, à l’abri de toute cette agitation, dans la huitième maison du zodiaque, Milo est assis au bord de son lit.
Ses cheveux d’un bleu vif tombent sur son torse nu et s’accordent parfaitement avec son pantalon de même couleur.
Il tourne la tête pour observer une paysanne avec qui il vient de passer la nuit. Milo sourit en la regardant. Il la connaît depuis si longtemps se rappelle-t-il.
Il l’a rencontré le soir où le Pope l’a nommé Saint d’or en compagnie de Camus.
Ils étaient encore bien jeunes. Depuis, Milo, Camus, cette paysanne et quelques unes de leurs amies sont inséparables. Bien que le Saint du Verseau soit distant lorsqu’ils sont en bande durant leurs permissions, il n’en reste pas moins le camarade le plus fidèle du Scorpion.
Se remémorant leur passé commun, Milo bondit de son lit et saisit un rouleau de papyrus ficelé par une cordelette. Le document était maintenu fermé par un cachet de cire marqué du sceau du Verseau.
Le soldat fraîchement arrivé de Sibérie après des mois de voyage, lui a prestement remis ce courrier en mains propre hier matin.
Depuis qu’il a reçu des nouvelles, Milo ne cesse de lire et relire cette lettre.
A l’instant même, il s’adosse dehors, contre une colonne de son temple, oriente le papier pour l’illuminer avec la lumière du soleil, et lit le texte qu’il connaît déjà par c½ur.
« Mon ami,
Voici une nouvelle année qui commence.
J’ai eu vent des menaces qui pèsent en Inde. Je suis rassuré de savoir que la guerre a été vite remportée par nos armées et que tu n’as pas eu à mettre ta vie en péril.
De mon côté, je me ressource en Sibérie, en compagnie de mon disciple le Seigneur Crystal.
En ce moment le temps est agréable, la neige ressemble à un doux manteau de coton sur lequel Hyoga et Isaac, les élèves du Seigneur Crystal, se roulent en se chamaillant.
Ils me rappellent qu’à une époque nous aussi nous étions loin de nous imaginer que le destin du monde serait un jour entre nos mains.
Autrement, je suis navré de ne pas avoir retrouvé Lena Saint de bronze de la Boussole à mon arrivée en Russie. Bien qu’elle partage sa vie avec celle du Crystal Saint, j’en conserve malgré tout un agréable souvenir…
Une chaleur enfouie au plus profond de mon être.
Comme tu le sais, tout a changé pour moi après la mort de la s½ur de mon ami Surt à Asgard. Je m’étais alors juré que dans une seconde vie, je paierai ma dette envers Surt et ai choisi de garder pour moi mes sentiments afin qu’un tel incident ne se reproduise plus. 
Mais tu as su briser la glace qui protège mon c½ur et au fond, tu as découvert une chaleur que toi seul peux nourrir.
Quoi qu’il en soit, tu restes le seul à qui j’ai toujours livré mes secrets.
Je me remémore fréquemment mon arrivée au Sanctuaire. Mon maître avait annoncé au Grand Pope que j’étais digne de lui succéder.
A mon entrée dans la chambre du Pope tu étais là, venu toi aussi chercher sa bénédiction pour ton sacre. Nous fûmes adoubés ensemble.
Le soir même nous avions fêté cela dans une taverne d’un village reculé au Nord du Sanctuaire et la nuit s’était finie dans le foin d’une grange en compagnie de filles de paysans.
Enivrés par le succès nous nous lancions dans de grands projets : toujours satisfaire la volonté d’Athéna afin qu’elle nous accorde une retraite dorée.
Nous aurions sauvé de la tyrannie d’un autre dieu nos futures épouses puis nous aurions tous vécu heureux dans une campagne reculée du Sanctuaire avec nos enfants, eux aussi unis pour la vie.
Enfin, côte à côte, nous aurions relevé notre dernier défi et aurions péri ensemble en embrasant toute notre cosmo énergie.
Le temps des promesses me semble déjà si loin lorsque je vois la génération future prête à croquer le monde trop prématurément.
Ils sont encore trop concentrés sur leurs émotions pour se vider l’esprit et remporter un combat à mort.
Comme je les comprends pourtant ! Faire abstraction de notre amour sincère lorsque je mets ma vie à prix n’est pas chose facile.
Mon rouleau de papier est bien trop court pour que je puisse évoquer tout ce que je ressens et à quel point je suis confus de ne pas pouvoir assister en ta compagnie à la Journée Sainte.
Je viens seulement de retrouver Hyoga et Isaac, j’aimerais leur prodiguer quelques conseils avant mon départ.
Je suis certain que tu comprends.
Nous nous retrouverons très bientôt Milo du Scorpion, mon ami, mon frère, ma moitié.
Kohortec, Sibérie Orientale.
Le 5 janvier 1985.
Camus. »

Milo entend soudain sa compagne se lever. Il enroule la lettre et la serre en son poing.
La main de la paysanne glisse sur son dos râblé tandis qu’elle dépose sa tête contre l’épaule du fier chevalier.
Ses yeux couleur amande sont chargés d’amour. Sa longue chevelure vert olive est balayée par le vent. Elle porte le long de son corps dévêtu la cape que Milo attache habituellement à sa Cloth.
Le connaissant depuis l’enfance, Inakis, devine le trouble de Milo.
_ « Quelque chose ne va pas mon beau chevalier ?
_ Camus ne viendra pas à la Journée Sainte, se retourne-t-il visiblement abattu.
_ Ca veut dire que demain tu passes la journée avec moi, affiche-t-elle une mine friponne.
_ Toute une journée à deux, la prend-il dans ses bras ! Je ne sais pas ce qu’on va bien pouvoir faire ?
_ Moi j’ai une petite idée de la façon dont on peut occuper notre temps, déroule-t-elle la cape de Milo pour lui exposer sa tenue d’Eve. »

Soudain, un déclic cosmique avertit Milo.
Il se dépêche de replier la cape d’Inakis pour dissimuler ses formes.
Une personne arrive sur le champ latéral de la maison du Scorpion où les deux tourtereaux s’amusent.
_ « Pourquoi me caches-tu donc l’anatomie de ta petite camarade Milo, provoque Aphrodite qui remonte par le passage secret ?
_ Te revoici déjà venu des répétitions de la Journée Sainte, allonge froidement son ongle Milo pour en faire un aiguillon !
_ Allons Milo, range tes griffes. Tu sais bien que les paysannes ce n’est pas mon truc. Pas assez raffinées à mon goût ! Attends-toi juste à me revoir passer pour rendre visite à mon ami Deathmask. Il a un sens de l’hospitalité bien plus délicat que le tien. »
Malgré son ton hautain, Inakis est subjuguée par la beauté du Suédois.
_ « Alors passe ton chemin et vite, le remarque jaloux Milo !
_ Très bien très bien, pas la peine de sortir de ses gonds. »
Aphrodite prend le temps de traverser nonchalamment la surface et, un peu plus loin, se retourne et interpelle la paysanne : « Pardonnez-moi mademoiselle. Je ne voudrais pas vous paraître mal élevé mais je suis contraint de vous apprendre que Milo ne pourra rester auprès de vous demain. Le Pope a ordonné que Milo soit de garde dans son temple comme quelques autres Saints d’or au cas où des inconnus tenteraient de s’emparer du domaine en profitant de ce jour de fête. Il me semble qu’aujourd’hui soit son second jour de repos. Donc … profitez-en… »
Il arbore un sourire narquois tandis que de sa main jaillit une rose rouge qu’il lance en direction de la belle.
La fleur, avec la précision d’une flèche, vient se planter dans le pilier situé à quelques centimètres de la douce femme.
_ « … mais si le c½ur vous en dit, poursuit-il, demain, au lieu de vos basses besognes, humez donc le nectar de cette fleur. Son parfum vaut tous les plaisirs du monde, même ceux que peuvent procurer les soins de mon frère d’arme, je peux vous l’assurer… »
Milo sert les poings. Sa mâchoire se contracte afin de retenir sa colère.
_ « … toutefois, achève Aphrodite, prenez garde à ne pas vous laisser piquer, on ne sait jamais quel poison peut contenir la beauté. Au plaisir… »

La silhouette du provocateur mais ô combien irrésistible Saint s’efface à l’horizon.
Alors qu’elle tend la main pour détacher la rose de la colonne, Milo dirige son aiguille pour terrasser la fleur en lançant une onde cosmique rougeâtre. 
_ « Ne touche pas à ça, ordonne-t-il austère ! »
Inakis ne comprend pas.
Surprise, elle rentre dans le temple en tournant le dos au Scorpion.
_ « Où crois-tu aller, l’interpelle-t-il orgueilleusement ?! »
Il la suit et la retrouve entrain de remettre sa vieille robe rapiécée et sa coiffe en soie brodée.
_ « Mais enfin réponds-moi, la secoue-t-il par le bras furieux d’être ignoré !
_ Je ne suis pas ta poupée Milo, se débat-elle courageusement ! Ou devrais-je plutôt dire Seigneur Milo !
_ A quoi joues-tu là ?
_ Tu t’en prends toujours à ce Saint lorsqu’il passe pour ensuite m’en vouloir à moi.
_ Tu ne détaches pas ton regard de lui alors que tu viens de passer la nuit avec moi, confesse-t-il exaspéré. Tu n’avais qu’une envie c’était de lui sauter dessus ! N’importe qui aurait pu le voir dans tes yeux !
_ Ah j’ai compris, ramasse-t-elle ses affaires ! Depuis que nous sommes adolescents tu couches avec mes amies et moi-même sans avoir besoin de te justifier. Certainement que cela fait partie de vos attributions, à vous, les chevaliers ! Moi parce que je regarde un autre homme je devrais te rendre des comptes ? Quitte à être considérée comme une catin, autant que je sois celle d’autres hommes plutôt que la tienne uniquement !
_ Tu ne penses pas ce que tu dis, sourit-il charmé par l’esprit rebelle.
_  Bien sûr que si je le pense, recule-t-elle intimidée alors qu’il s’avance en la fixant d’une manière envoûtante. Cet homme à la rose est bien plus charmant, plus élégant que toi. Il n’y a pas que lui d’ailleurs. Je suis courtisée par plein de bels hommes dans mon village.
_ Alors pourquoi chaque fois que je suis en permission tu es toute disposée à me raccompagner, colle-t-il son torse contre son corps prêt à tomber à la renverse lorsqu’elle plaque ses jambes contre le lit à force de reculer ?
_ Parce que c’est excitant de faire ça dans la maison d’un Saint d’or, lui susurre-t-elle sensuellement à l’oreille pour l’inciter à davantage d’animosité… »
Rageur, Milo l’embrasse impudemment…

 
Plus bas, sur la place principale du Sanctuaire, dans la ville d’Honkios, Seiya court péniblement. A ses poignets et ses chevilles sont lestés de lourds poids.
Il traverse la citée prête à accueillir la déesse Hébé sans se soucier de la mise en place des décorations. Il s’inquiète plutôt des personnes qu’il pourrait rencontrer : « Marin m’a averti que si je venais à croiser Shaina ou Cassios, je devais absolument poursuivre mon chemin sans broncher. »
Il est également soucieux de son équilibre alimentaire car tant d’exercice nécessite un bon repas.
Il passe donc sur le marché pour rencontrer Filia, sa jeune amie qui devine sur l’instant qu’il vient lui offrir un baiser en échange de victuailles.
Ils se retrouvent à l’arrière de la petite boutique.
Seiya est bien pressé, beaucoup plus que ne l’est Filia.
_ « Est-ce que demain tu participeras au défilé, tortille-t-elle ses nattes brunes avec ses doigts ?
_ Ca va pas non, se hâte-t-il d’achever la conversation d’un ton insolent ! J’ai autre chose à faire que de dérouler le tapis rouge aux autres ! Bon, j’ai faim moi, tu le veux ton baiser ?
_ Dans ce cas je me demandais si tu serais disponible pour moi demain, écarquille-t-elle de joie ses grands yeux couleur prune ?
_ Marin m’a accordé la journée pour perfectionner seul ma technique. Donc je pense que je peux être disponible. Pourquoi, l’interroge-t-il crédule ?
La gamine rougie :
_ Et bien parce que nous ne prenons jamais le temps de nous voir longtemps, rougit-elle ! Comme mes parents seront également au colisée je me suis dis que…
_ Attends, recule-t-il d’un pas ! Ca ne fait pas partie du marché qu’on a fixé tous les deux. On s’en tient à notre baiser et c’est tout, lui arrache-t-il des mains le sac de nourriture ! C’est déjà assez répugnant comme ça.
_ Ah c’est comme ça ! Je te rappelle que c’est toi le pauvre entre nous deux ! Quand tu en auras assez de chasser et de mourir de faim alors nous pourrons revoir notre marché, le chasse-t-elle furieuse. »
Lui tournant le dos, elle rentre dans le commerce de son père pendant qu’il lui tire la langue : « Bientôt ce sera toi qui viendras pleurer à mes pieds parce que je serai un chevalier ! »
Seiya n’a que faire de ses simagrées. Il hausse les épaules et pioche dans son panier, prêt à se rassasier.

Alors qu’il s’éloigne du village, quelques paroles l’interpellent : « en voilà un qui n’est pas comme les autres ! »
Seiya se retourne brusquement, lâche son butin et se met en garde. Au milieu de la foule du marché, personne ne semble se soucier de lui.
Il tourne la tête de gauche à droite puis de droite à gauche sans remarquer personne. Il fait la moue et s’accroupit alors pour ramasser son repas.
Néanmoins, ce dernier a disparu.
Seiya pivote sur lui-même. Il cherche partout en balançant ses yeux, en dévisageant tous les passants.
_ « Quelqu’un se joue de moi, mais qui ? »
Sans qu’il en perçoive le cosmos, une main vient se poser sur son épaule.
Il fait un bond en avant et se met en position d’attaque.
Il découvre son opposant, le sac de denrées à la main.
Son visage est caché par un masque semblable à ceux de Marin et des autres femmes chevaliers.
Deux fines mèches de ses cheveux couleur feu retombent sur son masque d’un blanc éclatant. Quelques motifs noirs semblent ciselés dessus. Le reste de sa longue chevelures qui descend jusqu’à ses jambes est coiffé par un diadème orné d’un animal volant, semblable à celui de la Cloth d’argent de Marin.
Seiya essaie de découvrir ce que ces dessins peuvent bien représenter. Le noir et le blanc de son masque dominent largement l’armure du Saint.
Par-dessus son court bustier aux teintes crème, une toison blanche couvre sa poitrine et le haut de son abdomen, laissant son nombril à l’air. Des ornements noirs gravés sur le plastron représentent des ailes déployées.
Le haut de ses bras est couvert par des épaulettes aux nuances obscures, arrondies sur le dessus et aux pointes acérées sur leurs extrémités.
Ses avants bras, nus, sont recouverts par des parures d’un noir de geai qui s’enroulent de ses poignets jusqu’à ses coudes. Une culotte métallique cuirasse son entrejambe habillé d’un court short moulant. Elle entoure sa taille et descend jusqu’à ses cuisses sous la forme d’un plumage blanc, pur et scintillant à sa base, se dégradant jusqu’au noir. La chair de ses jambes n’est protégée qu’au niveau des tibias, laissant ses jolies cuisses découvertes.
Seiya est subjugué. Malgré le visage dissimulé de la jeune femme, il ne peut s’empêcher d’admirer le charisme qui émane d’elle.
De son corps irradie un voile cosmique blanc aux reflets noirs. En aucun cas il ne s’agit d’un noir ténébreux. Non, de cette femme, se dégage un certain calme, une sérénité. Son cosmos vient bientôt englober le jeune apprenti qui en reste stupéfait.
Les villageois observent la scène jusqu’à ce que le spectacle amène quelques gardes en faction à s’inquiéter. Ils écartent la foule. L’un d’eux se jette aux pieds du Saint : « Naïra, Saint de bronze de la Colombe, ce jeune opportun trouble-t-il les lieux ? »
A l’annonce du prénom, Seiya comprend enfin, quelques souvenirs ressurgissent alors de sa mémoire : l’orphelinat, la Fondation Graad…
_ « Ca ira soldats. Il n’y a aucune inquiétude à avoir. Je suis moi-même coupable d’avoir taquiné cet apprenti. »
Le soldat agenouillé se relève alors et frappe dans ses mains pour inciter à la foule à reprendre son activité : « Et bien, et bien ! Il n’y a rien à voir, retournez vaquer à vos occupations ! »
Les spectateurs se dissipent et les marchands crient à nouveau pour ameuter les clients.
Seiya est à genoux. Naïra lui tend la main.
_ « Naïra, rigole Seiya ! Je ne t’avais pas reconnu, la lui saisit-il ! Alors toi aussi tu es venue au Sanctuaire ! »


Dans les sous-sol de sa demeure, Deathmask arpente les fondations de la maison du Cancer.
Il porte un plateau sur lequel sont posés une gamelle d’eau, un morceau de pain dur, une bougie qui éclaircit les lieux et une dizaine de feuilles qui semblent avoir été arrachées d’un recueil.
Il atteint bientôt la geôle dans laquelle il retient prisonnière Lilith, l’ancienne prêtresse d’Athéna.
La lourde porte couine et s’ouvre lentement.
Tapie au fond de la pièce, assise sur le sol humide, les genoux rapprochés contre sa poitrine, Lilith est éblouie par la lueur de la bougie, trop habituée qu’elle est à l’obscurité.
Deathmask s’avance alors jusqu’à elle tandis qu’un énorme rat traverse devant lui. L’animal, attiré par l’odeur du pain, espère sans doute pouvoir profiter d’autre chose que des habituels lambeaux de chair morte qu’il arrache des cadavres.
Le Cancer abat avec une vitesse fulgurante son pied sur le rongeur.
_ « Veinarde, tu as même un peu de viande pour accompagner ton morceau de pain. »
Le sadisme de ses propos fait frémir la captive...
Deathmask qui souriait jusqu’ici est ennuyé tout à coup. C’est la première fois qu’il se préoccupe des réactions de Lilith.
Voici plus d’un mois et demi qu’elle est retenue ici. Chaque jour il lui dépose à manger et à boire. La chandelle apporte un semblant de lumière, mieux, d’espoir à Lilith.
Mais il la voit surtout comme un outil lui permettant de lire les pages qu’il lui apporte lors de ses visites. Il pose alors devant elle le plateau et ramasse celui de la veille. Il ne reste dessus que la gamelle vide, la cire fondue et les pages froissées après avoir été dûment examinées par la lectrice.
Avant de partir, Deathmask inspecte Lilith, toujours nue depuis son incarcération.
_ « Ton corps s’est bien remis du traitement que tu as reçu à ton arrivée. Tu ne portes plus aucune marque, se relève-t-il. Je suis ravi que tu ailles mieux, lâche-t-il difficilement en la renfermant. »
Aussitôt la porte close Lilith, immobile jusqu’ici, se jette sur le morceau de pain dur.

Dehors, Deathmask colle sa tête contre la porte en acier forgé. Il est tourmenté par la présence de la belle prisonnière.
Subitement, il s’adresse à un visiteur qu’il avait fait mine jusqu’ici de ne pas avoir ressenti.
_ « Elle n’est pas encore prête Aphrodite !
_ Tiens donc, arrache le visiteur de ses lèvres un pétale de rose ! C’est elle-même qui te l’a dit, la souffle-t-il à son ami ? Je te trouve bien magnanime avec elle. Cela ne te ressemble guère, suspecte-t-il. »
Il avance jusqu’à lui et lui baise la joue afin de détourner son intention.
Le temps que Deathmask recule la tête pour refuser l’échange, il remarque qu’Aphrodite a pris possession des précédentes pages qu’il avait laissées à Lilith et que celle-ci avait reposé sur le plateau de la veille.
_ « … Me voici donc revenu chez moi, en Sicile, sur ordre du Pope, lit Aphrodite à voix haute. Ce petit Japonais qui se nomme Mei veut devenir Saint et je suis chargé de le former. Il semble chétif et insignifiant. Je suis déjà agacé rien qu’à l’idée de perdre mon temps avec ce microbe qui ne tiendra pas deux jours après les exercices que je lui réserve. Je suis certain de perdre mon temps en ces lieux qui n’évoquent pour moi que de mauvais souvenirs. Moi, l’assassin, je ne peux fermer l’½il de la nuit lorsque je suis ici. Cette cabane, cette chaleur, ce lit et ces deux croix en haut de la colline où reposent leurs cadavres. Cà me hantent. J’ai le sentiment que les âmes de mes deux premières victimes me poursuivent à chaque fois que je reviens en ce lieu. Cancro et Lilith sont les seuls masques de mort qui n’ornent pas la quatrième maison du zodiaque. Il semblerait que dans leur goût de la perversion ils prennent plaisir à ce que leurs esprits torturés restent aux portes du puits de la mort… »
Aphrodite est interloqué.
_ « Cancro et Lilith ! Tu as connu une Lilith ?! »
Deathmask braque son regard sur les feuilles de papiers tenus par son ami. D’un clignement d'½il celles-ci s’enflamment.
_ « Il semblerait que ce soit là des traces d’un passé que tu voudrais oublier, lâche-t-il aussitôt les feuilles enflammées en se frottant les doigts. Je comprends maintenant pourquoi tu as une attention toute particulière envers cette femme depuis que je l’ai baptisé Lilith. J'en déduis donc que ta prisonnière ne nous servira pas de jouet comme cela aurait dû être le cas, se résout-il. Tu as d’autres projets pour elle n’est-ce pas ? »

Devant le silence de son complice, Aphrodite quitte la maison du Cancer.
_ « Bien, soupire-t-il, je vais profiter de ma journée de permission pour me trouver ma petite Lilith à moi dans un village du domaine sacré…
_ Demain le Grand Pope a tenu à ce que Shura, toi et moi soyons à ses côtés pour participer à la Journée Sainte. Nous connaissons la véritable personnalité du Pope. Quant à Shura il n’a d’yeux que pour lui à tel point qu’il ne se doute même pas de son imposture. Les autres Saints d’or doivent veiller sur leur temple par sécurité. Pourquoi crois-tu qu’il a réuni autour de lui ses deux tueurs et le Saint qui se dit le plus fidèle à Athéna ?
_ La déesse Hébé sera là demain, pose-t-il son doigt sur sa bouche. Elle voudra à tout prix rencontrer Athéna. Or, personne ne l’a jamais vu. Le Pope refuse que quiconque l’approche. Il risque donc d’y avoir des étincelles, conclut-il. »
Après cette annonce, Deathmask semble retrouver le sourire.
Aphrodite s’éloigne.
Avant de n’être plus qu’un point à l’horizon sa curiosité reprend le dessus.
_ « Ce Japonais que tu devais entraîner… Mei ! Au bout de combien de jours est-il mort ?
_ Il ne lui a fallu que deux ans pour devenir Saint. A l’époque, le Pope m’a appris qu’un apprenti venait de débarquer en Sicile. Puisque j’étais originaire de ce lieu, j’ai eu ordre de l’instruire et de le préparer à endosser son armure, la Cloth de la Chevelure de Bérénice ! Il était dit que cette armure était inclassable, qu’Athéna l’avait faite fabriquer dans des conditions autres que celles d’or, d’argent ou de bronze. Mais lorsque Mei est devenu Saint de la Chevelure de Bérénice, j’ai pu admirer cet habit. La réalité est tout autre que la légende. Il ne s’agissait en réalité que d’une vulgaire armure de bronze avec néanmoins des aptitudes particulières. Des aptitudes qui font aujourd’hui de Mei le gardien du mont Etna. Là où est gardé Typhon, le dieu des géants… 
_ Deathmask, reprend Aphrodite d’un ton éc½uré ! Ne parle plus jamais de cet enfant ! En prononçant son nom tu affiches un sourire niais qui te ferait presque passer pour un être faible et aimant ! »
En effet, l’espace d’une seconde, Deathmask a semblé humain.
Mais il se ressaisit aussitôt et regarde fièrement les Poissons quitter les lieux.


Dans sa maison, appelée par le cosmos de Milo, la Cloth du Scorpion vient recouvrir son corps. 
_ « C’est toujours impressionnant de vous voir porter cette armure, admire Inakis qui connaît pourtant très bien la scène.
_ Tu me dis ça à chaque fois et ce, depuis notre première rencontre, sourit-il.
_ Te rappelles-tu de la première nuit que nous avons passée tous ensemble, semble-t-elle mélancolique ?
_ Bien sûr. Camus et moi venions d’être nommés Saints d’or. Nous sommes montés jusqu’au nord dans votre village pour nous amuser dans une vieille taverne. Nous n’étions que de très jeunes enfants. Tes amies et toi vous nous invitiez à danser et chaque fois nous refusions votre offre…
_ C’est vrai que Camus et toi êtes très discrets…
_ … Au final nous vous avons raccompagné par sécurité après qu’une bagarre ait éclaté entre deux villageois. En chemin nous avons fait connaissance et nous avons passé la nuit à discuter puis nous nous sommes assoupis dans le foin d’une grange…
_ … Depuis nous ne nous sommes jamais quittés. Les années ont passées. Vous êtes tous deux devenus de beaux jeunes hommes…
_ … et vous de jolies demoiselles. Les nuits ont défilé et nous sommes devenus adultes dans les bras l’un de l’autre. Pour qu’au final…
_ … pour qu’au final nous nous retrouvions toujours à deux Milo ! »
Milo constate alors qu’Inakis et lui entretiennent plus qu’une simple amitié améliorée.
Alors qu’il a déjà profité des plaisirs de la chair en compagnie des camarades d’Inakis et que cette dernière a également offert son corps à Camus, cela ne les a jamais empêchés de se retrouver.
Milo sent son c½ur cogner dans sa poitrine. Inakis renchérit et dévoile ses sentiments.
_ « Je t’aime depuis toujours Milo. J’ai souffert de te voir t’amuser avec nos amies, j’ai regretté que tu me partages avec Camus que tu considères comme ton alter ego, mais je suis toujours là, espérant qu’un jour enfin tu me traites avec plus d’égards. Je ne veux plus être ta chose ! »
Inakis se tient allongée sur le côté, étendue de tout son long, le corps nu, gracieux, ravissant. Sa tête repose dans la paume de sa main accoudée sur l’épais matelas du Scorpion.
Milo la toise. Il ne peut décrocher aucun mot. Il est perdu, anéanti. Ce sentiment il ne l’a éprouvé jusqu’ici qu’envers Camus. Cette sensation agréable et inexplicable qui se nomme amour lui donne l’impression de tromper son compagnon.
Inakis se navre et attend une réaction qui ne vient pas.
Néanmoins, elle reste fière. Elle ne laisse s’échapper aucune marque de chagrin bien qu’elle sente son âme se déchirer peu à peu à mesure que le silence s’éternise.
Elle se redresse dignement et saisit ses vêtements qu’elle revêt aussitôt.
Sans un regard pour son amant, elle quitte la chambre…

Empruntant le passage secret, elle quitte le chemin des douze maisons.
Les autres Saints d’or qui veillent sur leur demeure ne se préoccupent guère de la femme qu’ils voient souvent monter avec Milo.
Tous la laissent quitter les lieux sans s’en inquiéter.
Tous.
Sauf Aphrodite.
Derrière l’une des colonnes du temple du Cancer, il observe la belle partir les larmes aux yeux…


Plus bas, à Honkios, Seiya et Naïra se sont écartés de la zone principale.
Ils sont posés dans les champs de ruines où s’entraînent les apprentis.
Lui, adossé les mains derrière la tête contre une roche qui le tient à l’ombre.
Elle, accroupie dos à lui, son masque déposé à côté d’elle, elle pioche dans le sac quelques aliments qu’elle s’empresse de dévorer.
_ « Je ne te savais pas si affamée !
_ Je suis restée en mer pendant des semaines. Je reviens d’une mission en Inde. Une résistance est menée contre les forces d’Athéna et il a fallu que nous renforcions nos lignes en envoyant de nouveaux hommes. J’ai donc mené quelques escadrons en espérant terminer ma mission à temps pour participer à la Journée Sainte de demain.
_ Je suis surpris de trouver un autre orphelin recueilli par la Fondation Graad au Sanctuaire ! Je pensais être le seul ici.
_ Tu serais surpris de savoir combien nous sommes d’enfants de la fondation à avoir été envoyés ici ! Mitsumasa Kido a envoyé cent orphelins aux quatre coins du monde. Toutefois il n’existe pas cent armures sacrées. Certains orphelins ont donc été regroupés dans les mêmes camps. Pour faciliter l’organisation des voyages, Kido a fait ordonner à ce que les enfants soient réunis par groupes de dix pour tirer leurs destinations.
Il s’était renseigné sur tous les centres d’entraînement connus et les avait réunis dans la boîte dans laquelle nous avons tiré au sort. Chaque fois qu’un groupe de dix enfants était passé, les boules étaient reversées dans l’urne, prête à être retirée en fonction de la constellation protectrice du futur apprenti… "
_ Tu veux donc dire que…
_ Oui ! Le destin, ou plutôt la volonté d’Athéna, a conduit chaque enfant dans un camp où l’armure correspondant à sa constellation protectrice se trouvait. Rien n’est dû au hasard ! Au total, finit-elle de déjeuner, nous sommes sept enfants a avoir été envoyés au Sanctuaire. Je suis arrivée ici quelques jours avant toi en compagnie de deux d’entre nous, cache-t-elle à nouveau son visage avant de lui faire face. Le Pope nous a reçu et a senti en nous quelle était notre constellation protectrice. Comme je suis une fille j’ai immédiatement été envoyée au centre d’entraînement des femmes. Le Grand Pope a ensuite confié un des deux garçons au Général Gigas. Tu l’as bien connu, tu te bagarrais souvent avec lui, Toki. Il a péri durant sa formation, l’autre fut envoyé auprès d’un chevalier qui garde un village de l’est du domaine. Actuellement il poursuit son apprentissage. Tu étais parmi les quatre enfants arrivés chacun avec un jour de décalage par rapport à l’autre juste après nous. Le premier est également né sous la constellation de Pégase et a été tué par un concurrent que tu connais déjà très bien, Cassios. Le second a vite abandonné et a préféré consacré sa vie à l’adoration d’Athéna. Il suit la voix des sages pour devenir prêtre d’Athéna. Le troisième n’a pas réussi à dépasser le stade de simple soldat. Il a intégré la garde. Tu es donc le quatrième, toujours apprenti toi aussi.
_ Je suis surpris que tu saches tout ça ! Déjà à la Fondation Graad tu étais toujours là pour veiller sur nous. C’est peut-être le fait que tu sois l’enfant la plus âgée du centre. Tu me rappelais souvent ma grande s½ur, Seika, sauf que tu as un an de plus qu’elle. D’ailleurs tu es forte comme elle ! Tu es vite devenue Saint !
_ Il ne m’a fallu qu’une année pour devenir Saint. Les leçons reçues dans un camp pour femmes sont très sévères. La concurrence est féroce. Mais Rebecca Saint de bronze de Cassiopée et Mayura Saint d’argent du Paon ont rapidement cru en moi. C’est dans ce camp que j’ai fais la rencontre de Marin. Lors de ses visites je prenais souvent de tes nouvelles. J’ai toujours gardé un ½il sur vous tous.
_ L’armure de la Colombe se trouvait cachée dans le centre des femmes chevaliers ?
_ Bien sûr que non. Nous effectuons sur ce terrain interdit aux hommes notre instruction puis, lorsque nous nous sentons prêtes et que le Général Gigas accepte notre requête, nous sommes confrontés aux autres aspirants à cette armure. Dans le quartier des femmes je concourrais seule pour la Cloth de la Colombe. Toutefois, chez les hommes, le nombre d’opposants restant s’étendait sur une dizaine. Le Général Gigas nous fit regroupés dans le colisée et organisa une lutte à mort entre tous les élèves. Il fit venir la Pandora Box de la Colombe pour nous l’exposer et justifier cette mise à mort. Je fus la seule survivante et la Pandora Box s’ouvrit aussitôt pour me reconnaître comme son maître.
_ Incroyable, est subjugué Seiya ! Maintenant que tu as gagné ton armure, change-t-il néanmoins de sujet, pourquoi ne rentres-tu pas au Japon comme on nous l’a demandé lorsque nous sommes partis ?
_ Tout simplement parce que rien ne me manque dans ce pays. Je suis Nord-Coréenne. Mes parents m’ont confié à Mitsumasa Kido pour m’éviter d’être massacrée avec eux par la milice. Toutefois Kido n’eut jamais autant d’amour pour moi que pour sa petite-fille, Saori. Il m’a toujours considéré comme… comme…
_ Comme une simple orpheline, comme nous.
_ Oui ! C’est d’ailleurs pour cette raison que je veillais sur vous, je me sentais au dessus des lois de Tatsumi et des autres valets grâce aux conditions de mon adoption. Je voulais vous apaiser. Maintenant, j’ai trouvé au Sanctuaire mon propre réconfort. Mes pouvoirs ne m’obligent plus à être dévouée à la Fondation Graad. Protéger cette terre de part mon statut de Saint m’oblige à me consacrer à une mission bien plus grande que la volonté de ce vieux monstre. Je pense d’ailleurs que dans les autres camps d’entraînements annexés par le Sanctuaire où ont été envoyés nos amis, parmi ceux qui auront survécu, peu retourneront au Japon. Il ne faut pas se leurrer. Nous étions cent orphelins pour 88 armures existantes. Et certaines avaient déjà un propriétaire.
_ Je me souviens des propos de Tatsumi. Il disait que seuls ceux qui reviendront avec une armure sacrée seront acceptés.
_ C’est pour cela que ceux qui sont devenus servants, soldats, prêtres ou même esclaves ne rentreront pas. Alors qu’est-ce qui te pousse à vouloir repartir là-bas ?
_ Ma s½ur ! Kido m’a promis de me laisser retrouver ma s½ur si je lui ramenais une armure sacrée.
_ Tout cela pour une femme ! Tu n’as pas changé ! Déjà petit tu étais entouré par les filles de la fondation. Il y en avait même une qui venait de ton orphelinat en cachette pour te voir. La petite Miho je crois. Et au Sanctuaire je te retrouve avec cette fille de marchand !
_ Je m’en fiche de cette fille du marchand, Filia, fait-il le sale garnement ! Quant à Miho elle ne faisait que pleurnicher ! Je veux juste retrouver ma s½ur.
_ Ah mon petit bonhomme, rigole son aînée de quatre ans ! Tu verras que tu regretteras de ne pas avoir accepté la proposition de cette petite Filia. Allons viens, passe-t-elle affectueusement sa main sur son épaule pour le serrer contre elle, je t’ai entendu dire que la Journée Sainte ne te passionne pas ! Je vais te faire visiter l’arène dans laquelle va se dérouler la fête, je suis certain que tu vas changer d’avis… »


Dans une basse cour d’un village du nord du Sanctuaire, Bifolco, Inakis la paysanne, lance du grains à ses poules.
D’une voix morne, toujours fâchée après Milo, elle observe les volatiles se jeter sur la nourriture : « Allons, allons, ne vous battez pas, il y en aura pour tout le monde. »
Soudain, lorsqu’elle tourne la tête, elle est éblouie par la lumière du soleil qui se reflète sur une armure.
Connaissant immédiatement une armure d’or, toute heureuse, elle court vers Milo.
_ « Je savais bien que tu profiterais de ta journée de permission pour te faire pardonner. Tu ne pouvais pas me laisser comme ça. 
_ Désolé de vous décevoir mademoiselle, la fait déchanter la voix des Poissons. Connaissant quelque peu le chevalier du Scorpion, je ne crois pas me tromper en avançant qu’il ne viendra pas vous trouver ici. Pourtant, la regarde-t-il stopper sa course abattue, je vous prie de bien vouloir croire que si c’était moi qui avais bénéficié de deux jours de permission auquel a eu droit mon frère d’arme, vous ne seriez pas en train de distribuer de la pitance à la volaille. A moins qu’après avoir passé une seule journée avec vous, Milo soit trop épuisé pour passer la seconde à vos côtés. »
Il avance gracieusement jusqu’à elle.
Arrivé à sa hauteur, il ouvre délicatement la paume de sa main pour laisser jaillir une superbe rose rouge.
Elle est subjuguée par ce Saint si bien qu’elle n’ose pas bouger.
Il en profite pour lui ôter sa coiffe blanche. Ses cheveux soyeux se démêlent et glissent sur ses épaules avant de retomber dans son dos.
_ « Mes propos étaient déplacés tout à l’heure, lui souffle-t-il à l’oreille en accrochant la fleur dans ses cheveux vert olive. Vous êtes certainement la femme de la campagne la plus sophistiquée qu’il m’ait été donné de rencontrer. »
Elle paraît totalement enivrée.
Il choisit donc cet instant pour approcher ses lèvres des siennes.
Elle laisse son instinct la guider.
Il l’embrasse alors langoureusement et commence à coller son torse recouvert d’or contre sa frêle poitrine. Il pose ses mains sur les hanches de la belle et les descend petit à petit pour saisir la robe qu’il remonte pli par pli jusqu’à ce qu’il puisse caresser son corps angélique.
Il interrompt tout à coup ce premier baiser pour s’admirer dans les yeux contemplatifs de sa future conquête.
C’est à cet instant qu’elle lui sourit.
Elle avance son visage vers l’oreille droite d’Aphrodite qu’elle mordille tout en l’embrassant.
_ « Oh Aphrodite, souffle-t-elle sensuellement… »
Le Suédois s’amourache de lui-même une fois qu’il a le sentiment qu’Inakis le vénère.
_ « Oui divine créature, dis-moi tout…
_ … crois-tu vraiment qu’après m’être faite avoir par Camus et Milo je vais tomber dans le piège d’un beau parleur tel que toi, écarquille-t-elle les yeux en prenant subitement un ton révolté ! »
Aphrodite en reste stupéfait : « Aucune femme ne m’a repoussé jusqu’ici. Et voilà qu’une campagnarde vivant dans la bouse rejette l’élégance à l’état pur, songe-t-il ! »
_ « A qui crois-tu avoir affaire ? Je ne suis pas un simple rustre comme Milo ou Camus moi ! Je suis une incarnation de la beauté. Mieux, je suis à la beauté ce qu’Athéna est à la sagesse.
_ Chevalier, avec tout le respect que je te dois, la beauté est celle qui en plus du corps honore l’âme. J’ai vu des estropiés de guerre ayant bien plus d’élégance que toi. Alors bien entendu que tu es bel homme et j’avoue d’ailleurs que tu es celui dont le physique est le plus flatteur. Pourtant, je ne ressens aucune chaleur humaine en toi. J’ai essayé de me convaincre de voir au-delà de mon ressenti, mais en t’embrassant j’ai perçu qu’aucune compassion si ce n’est pour toi-même ne pouvait vivre dans ce corps aussi parfait soit-il.
_ Bougre de paysanne, s’offense-t-il ! Comment une campagnarde comme toi ose me tutoyer et me traiter de la sorte ?
_ Voilà donc la véritable personnalité d’Aphrodite des Poissons. Sa nature tout à fait contraire à son physique. Un odieux animal dans un corps d’Apollon ! »
Aphrodite est saisit par les propos d’Inakis. Il en prend acte et décide de passer aux choses sérieuses de façon plus subtile.
_ « Bien, je vois que tu t’entêtes à te rebeller contre l’autorité de nos terres. Je t’avais dis de te méfier de mes roses, on ne sait pas ce que peuvent provoquer leurs épines. »
Après avoir prononcé ces paroles, la rose déposée dans les cheveux d’Inakis se décroche et tombe en lui éraflant le dos.
Une petite piqûre la démange aussitôt.
Aussitôt, l’étincelle de vie dans ses yeux se craquelle.
_ « Tu vas donc subir ma sentence et t’éteindre à petit feu, lance-t-il cruellement. Le poison de ma rose va contaminer ton sang. Une fois ton c½ur infecté, ton corps sera totalement soumis au venin mortel d’une simple épine et tu mourras non sans souffrances. »
La pauvre fille sent déjà ses membres se raidir.
_ « Dans mon immense bonté, hume-t-il une de ses roses, j’ai fais en sorte que le poison de cette fleur soit à effet tardif. Tu mourras à petit feu. Ne suis-je pas bon ? Tu vas pouvoir profiter plus longtemps de la vie, rit-il avec sarcasme. Pour moi la beauté ultime, souffle-t-il à l’oreille de la pauvre tétanisée, au-delà du physique et de la personne, c’est la victoire. Et, la saisit-il par la mâchoire avec un ton menaçant, jamais je ne laisserai quiconque me la voler. Surtout pas des pécores de ton genre. »
Il jette la pauvre au sol et, dans un tourbillon de roses disparaît.
La courageuse demoiselle puise au fond d’elle pour se hisser au pied d’une grange situer à une dizaine de mètres de la basse cour où elle s’est effondrée.

Le soleil commence à se coucher.
La belle Inakis sent ses forces la quitter.
Assise au pied de la grange, elle regarde le soleil se cacher derrière les montagnes.
Ses yeux sont pleins de rêves.
Elle semble se remémorer d’agréables moments.
Le vent se lève et balaie ses cheveux dénoués.
Le sang contaminé l’affaiblie considérablement.
Sa peau est glaciale.
De plus, le vent printanier ne l’aide pas à supporter la douleur.
Cependant, les souvenirs lui font oublier le mal.
Elle revoit Milo lui courir après avec les autres alors qu’ils n’étaient que des enfants tandis que Camus restait à l’écart à les regarder sans lâcher le moindre sourire.
Son esprit vagabonde et elle repense à cette nuit où après la bagarre à la taverne, ils s’étaient cachés dans cette grange où ils avaient passés tous ensemble leur première nuit.
Elle ferme les yeux et revit ce premier baiser que Milo lui avait offert un soir où il la raccompagnait au village.
Dépourvue de force, elle s’allonge dans le foin, le sourire aux lèvres.
Elle se remémore la première nuit d’amour qu’elle a vécu. Milo devait aller chercher Camus revenu d’une mission et elle l’avait accompagné. Une fois réunis les deux amis s’étaient pris dans les bras avant de la reconduire chez elle. Arrivé exactement à l’endroit où elle vient de s’étendre, Milo lui avait ôté sa robe tandis que Camus observait l’accolade qui devenait torride. Alors qu’Inakis était couchée sur le dos, les jambes entourant la taille de Milo, il lui offrait tout son amour. Les yeux de la belle, soudain un peu plus adultes, étaient braqués sur le Verseau qui observait inlassablement leurs ébats. Elle ressent encore à quel point le rapport entretenu à ce soir là avec Milo fut ardent, et aussi à quel point Camus l’intriguait. Une fois que le Scorpion avait eut fini de lui offrir ses soins, elle s’était levée, hésitante et curieuse, et s’était approchée nue du français. Elle avait posé sa main sur son visage. Il la lui avait aussitôt prise pour la baiser. Ses lèvres étaient froides et douces comme du cristal. Tandis que sa bouche remontait le long de son bras pour s’emparer de son cou, elle avait enroulé ses bras autour du Verseau qui s’était dévêtu. Il allongea à son tour la belle dans la paille pour lui offrir un long moment de douceur et de complicité en compagnie de Milo.
 
Les battements de c½ur de la pauvre commencent à ralentir.
Elle revoit très clairement les regards plein d’amour que s’échangeaient Camus et Milo lorsqu’ils étaient avec elle. Elle ressent encore le désir qui la parcourait lorsqu’ils plongeaient tous deux dans ses yeux …
_ « Inakis, murmurait Milo… »
Alors que tout disparaît autour d’elle, cette voix, celle de son amour de toujours, lui semble encore si réelle.
_ « Inakis, insiste-t-il ! »
De ce corps chaud qui cueille la main émane un trop grand cosmos pour que ce ne soit qu’un mirage.
Inakis peine à ouvrir les yeux. Sa vue est floue, pourtant elle distingue Milo qui la relève. C’est la première fois qu’elle lit la peur sur le visage du Scorpion.
_ « Que t’arrive-t-il Inakis ? Réponds-moi je t’en prie !
_ Ne t'ombrage pas mon héros, tremble-t-elle avec souffrance. Je m’en vais heureuse, heureuse de mourir dans tes bras, lui caresse-t-elle le visage.
_ Non ! Ne pars pas ! Pas comme ça ! Je venais… Je venais… »
Les paupières d’Inakis se referment lourdement.
_ « Je venais te dire que je t’aime aussi, achève-t-il sa phrase en laissant couler une larme sur sa joue. »
Inakis lâche un dernier soupir. Elle sert la main du Scorpion venu s’excuser pour leur dispute quelques heures plus tôt. Après une telle déclaration, elle part, le visage radieux. Son c½ur ne bat plus.
Milo la regarde en la maintenant de longues secondes, inerte, dans ses bras.
La larme qui a coulé commence à sécher. Il retient ses sanglots et reste debout durant de longues minutes sans penser à rien.
Il se redresse enfin en la gardant à bras.
Sa mâchoire est serrée, son regard est ferme, ses pas sont déterminés.
Il allonge le corps de la défunte au beau milieu de la vieille grange sur un manteau de foin qu’il a amassé.
Il écarte une mèche de cheveux de son beau visage apaisé avant d’y déposer un baiser.
Puis, reculant de quelques pas, il enflamme son cosmos tandis que son ongle s’allonge. Il en sort une radiation cosmique qui vient frapper le fourrage. Celui-ci prend aussitôt feu.

Une fois dehors il retire le casque de son armure et observe un brasier immense se développer rapidement.
Les flammes lèchent déjà les structures de bois qui menacent de rapidement s’écrouler sur l’autel de paille où le corps de la belle gît, la mine apaisée.
Il incline sa tête tout en restant digne.
_ « Inakis, toi la seule femme que j’ai aimée, sauras tu me pardonner de t’avoir laissée mourir de désespoir ? L’amour que je porte à mon fidèle compagnon a voilé les sentiments que j’éprouvais pour toi. Il aura fallu que je sente ta santé en déclin pour m’apercevoir que j’étais dans l’erreur. Je t’ai tuée sans même m’en apercevoir. C’est pourquoi je jure sur Athéna de t’aimer pour toujours et d’attendre que la mort vienne me cueillir pour te retrouver dans le royaume des morts. A compter d’aujourd’hui je ne crains pas la mort, puisque l’enfer sera notre paradis. Je t’aime Inakis. »
 
L’incendie ameute tous les villageois.
Depuis le centre du Sanctuaire, occupé à répéter la parade, Apodis peut apercevoir l’épaisse fumée envahir le ciel.
Milo, noble Saint d’or du Scorpion, se tient droit. Il ne pleure plus. Les poings serrés, il est simplement furieux envers lui-même. Furieux d’avoir laissé Inakis mourir d’amour, ignorant qui est le véritable responsable de ce décès.
Last Edit: 15 September 2020 à 15h06 by Kodeni

Author Topic: Chapitre 4  (Read 14687 times)

0 Members and 1 Guest are viewing this topic.

Offline Kodeni

  • Modérateur
NEWS

Cette version du chapitre 4 est une version rééditée de la publication originale du 19 avril 2010.
Bonne relecture aux lecteurs les plus fidèles, et bonne découverte pour les nouveaux.