Chapitre 3

Chapitre 3
 
Dans le Sanctuaire enneigé, Aiolia entame la montée des marches des douze palais afin de regagner son temple.
Arrivé au seuil de la première maison, il remarque des traces de pas ancrées dans la poudreuse bien plus larges que celles des gardes. Ces mêmes pas stoppent devant la maison du Taureau où l’attend Aldebaran.
_ « Je ne savais pas que tu étais toi aussi en permission aujourd’hui… »
Le Brésilien a les cheveux trempés par la neige fondue. Il porte un long manteau pour cacher ses bras nus et son torse habillé d’une légère tunique pourpre. Il tient dans ses mains le gros panier en osier qui lui sert à se ravitailler au village.
_ « … si je l’avais su je t’aurais emmené avec moi dans un village du centre du Sanctuaire. Je connais un marchand qui fait venir par galère un vin français dont tu me diras des nouvelles. »
Toujours joyeux, Aldebaran s’étonne toutefois de ne pas voir Aiolia dans le même état d’esprit. Il lui dépose alors une lourde tape sur l’épaule et, tout en le serrant, soulève son sac pour avancer jusqu’à sa chambre.
 
Assis sur une des deux chaises que contient la chambrette, Aiolia, la mine abattue, remarque à quel point le décor et les objets mis à la disposition d’Aldebaran, sont semblables aux siens. Après tout il en est de même dans toutes les maisons du zodiaque.
Brusquement, le colosse sort Aiolia de ses pensées en claquant deux verres sur la table, puis les retournent pour y verser du vin.
_ « Tu ferais bien d’y goûter. Tous les habitants du domaine sacré se rendent dans ce village au moins une fois dans leur vie pour goûter à ce vin succulent. »
Aiolia tient son verre mais ne boit pas.
Inquiet, Aldebaran examine alors son ami et tente de découvrir ce qui tracasse le fauve.
_ « Il est rare que nous, les Saints d’or, ayons des permissions. En général on en profite pour remplir notre garde manger. Autrefois tu chargeais tes servants de faire les courses pour toi, c’est un fait. Pourtant aujourd’hui Galan et Lithos ne sont plus là et tu es revenu les mains vides ! J’imagine donc que cette descente auprès du peuple était destinée à rendre visite à quelqu’un en particulier. »
D’une traite, Aldebaran vide son verre et s’en resserre un aussitôt.
_ « Hum… Divin ! Absolument divin ! Les dieux eux-mêmes devraient nous punir pour goûter à un vin meilleur que le leur ! Ah… Ah… Ah…
_ Marin ! L’objet de mes descentes aux villages… c’est Marin, confesse Aiolia en souriant enfin devant la décontraction du Taureau.
_ Hum… Marin… Le Saint d’argent de l’Aigle ? Serait-ce avec elle que tu as fait équipe lors de la Guerre contre les Titans ? »
Aiolia hoche discrètement la tête en guise d’affirmation. Face à lui, le Taureau dans un éclat de rire dont il a le secret s’enthousiasme.
_ « J’en étais sûr ! Vous aviez l’air bien trop complice pour qu’il n’y ait rien derrière ! Ah… Ah… Ah…
_ Le souci c’est que lorsqu’un homme et une femme Saints s’aiment, la complicité n’arrange guère les choses. »
Reprenant son sérieux, Aldebaran lui rappelle alors une vieille loi qui lui a été apprise il y a des années.
_ « Le Sanctuaire a un code de l’honneur très strict envers les femmes Saints. Il en est de même pour les couples au sein de l’armée d’Athéna. Lorsqu’une femme Saint perd son masque lors d’un combat contre un homme, il ne lui reste plus que deux alternatives : soit l’aimer, soit le tuer. Dans le cas où elle choisirait la première solution, alors, si l’homme en question est un Saint, le couple doit être béni par Athéna ou son représentant direct, le Grand Pope. Mais pour cela, il faut qu’un des deux chevaliers renoncent à son statut car Athéna privilégie l’amour. Elle ne peut accepter de voir un couple participer à une guerre, pouvant laisser derrière eux de futurs orphelins. Pour avoir la bénédiction d’Athéna, il faut donc que l’un des deux Saints renoncent à son devoir et confie son rôle à un autre.
_ En clair, il est facile pour un Saint d’obtenir la bénédiction du Pope ou d’Athéna s’il aime un villageois. Par contre, dans le cas où les deux amants sont des Saints, la décision à prendre est sans équivoque, finit d’engloutir son verre Aiolia.
_ Si je comprends bien, ni Marin ni toi n’êtes prêts à abandonner votre titre de Saint.
_Nous attendons tous les deux beaucoup de notre statut. A tel point qu’il n’est pas concevable aujourd’hui, de nous en défaire.
_ Je sais que tourner la page ne sera pas chose aisée, remplit de nouveau le verre de son ami Aldebaran. Je ne sais pas comment t’y aider, mais si tu veux prendre tes distances, sache que l’occupation du Sanctuaire au Mont Kailasa dans l’Himalaya, en Inde requiert la présence de nombreux Saints. Le Dieu Shiva est retenu prisonnier dans son château pour avoir voulu attaquer notre domaine sacré.
_ Il est vrai que cette bataille n’a pas fait grand bruit. Le Pope a très vite réagi en passant à l’offensive.
_ Shiva a perdu les deux tiers de sa garde. Il est le seul dieu indien à se réincarner depuis des millénaires. Les autres dieux ont préféré confier la terre aux hommes en se retirant au Panthéon Indien, semblable à l’Olympe de Zeus. Toutefois, le Grand Pope souhaite maintenir la paix dans ce territoire en l’annexant au nom d’Athéna.
_ Mais enfin c’est insensé ! Que ce soit au Royaume d’Asgard, au Mont Kailasa ou auprès des domaines d’autres dieux mineurs, tous les peuples reconnaissent déjà l’autorité du Sanctuaire !
_ Malheureusement non puisque Shiva a justifié sa tentative de rébellion en prétendant que le Sanctuaire était corrompu par le mal.
_ Et pendant ce temps le peuple indien souffre de cette guerre. Je n’irai pas perpétuer la volonté du Pope si cela fait souffrir des innocents. Qu’il se trouve quelqu’un d’autre !
_ Je pense qu’il n’aura pas de mal à le faire. Le Grand Pope a fait envoyer un messager auprès de Shaka de la Vierge. Il est en pèlerinage en Inde, sur sa terre natale, en compagnie de ses disciples. Il a ordre de se rendre au Mont Kailasa pour aider nos hommes encore sur place à gérer la révolte initiée par Shiva…


Plus haut, après de longues heures passées à courir inutilement, la prêtresse victime de Saga trouve enfin la sortie du sous-sol de la maison du Cancer.
Elle regarde le plafond et distingue la lueur du jour à plus de cinq mètres de là.
Elle a deviné que rien ne lui permet de se hisser jusqu’au seul accès vers sa liberté.
Sans forces, les yeux mornes, le corps trop lourd à supporter, elle ne pense plus.
Son cerveau perçoit les sons transmis par son conduit auditif sans pour autant qu’elle ait envie de les analyser.
Les bruits, ceux de talonnettes en métal, semblent se rapprocher.
_ « L’indigente, s’amuse Aphrodite ! Elle a couru pendant des heures en poursuivant un doux rêve ! Elle ne sortira jamais d’ici. »
Passant aux choses sérieuses, Deathmask lui harponne le bras et la traîne sur plusieurs mètres et durant de longues minutes, le temps de traverser sa cave.
Apathique, elle se laisse faire.
Ses pieds et ses jambes frottent sur le sol.
Ils s’écorchent.
Saignent.

Derrière, Aphrodite les suit en tenant une rose devant son nez pour ne pas sentir l’odeur putride qui baigne les lieux à mesure qu’ils s’engouffrent dans les ténèbres.
Tous trois débouchent enfin sur une lourde porte métallique qui résiste tout d’abord à Deathmask, avant de s’entrouvrir en grinçant après qu’il force dessus.
 
De la pièce que la porte renferme, sort un homme décharné.
Il rampe sur le sol en se tirant à l’aide du seul bras qu’il lui reste.
L’intérieur de la porte est lardé de traces d’ongles que ce prisonnier n’a pu faire seul.
Cette dépouille ambulante a le visage et le corps rongés d’hématomes.
Il pousse un râle incessant.
Ses yeux et sa langue lui ont été ôtés.
Sur le sol, la nouvelle pensionnaire regarde le macabre spectacle sans même réagir, comme si elle accepte le destin que lui voue le Cancer.
_ « Voici des mois que je n’étais pas descendu en ces lieux, s’en amuse Deathmask ! Je l’avais presque oublié ! A en voir le châtiment que je lui ai réservé, il doit s’agir d’un Ksha du dieu Shiva.
_ Ce dieu indien a voulu attaquer le Sanctuaire en prétextant que notre ordre était corrompu ! La volonté du Pope a été celle du plus fort ! Nous avons écrasé ce peuple et depuis nous occupons le royaume de Shiva, approuve Aphrodite. La bataille fut de courte durée. Si je me souviens bien seuls Shura et toi furent appelés à conduire nos armées ?
_ C’est exact ! J’en ai donc profité pour ramener un souvenir de guerre. Je te présente Horyo, le Ksha le plus puissant de l’ordre de Shiva. »
Horyo meugle de douleur.
Celui qui faisait la fierté d’un peuple démuni et qui espérait rétablir la vérité au Sanctuaire en est réduit à se traîner nu, couvert de honte.
_ « Je ne te cache pas qu’il nous a donné du fil à retordre, poursuit Deathmask. Heureusement, Shura l’a affaibli en lui tranchant un bras et les jambes. J’ai gardé sa dépouille histoire de récolter un maximum d’informations sur Shiva. Mais ce fut vain. J’ai pu lui faire subir les pires sévices, il est resté muet comme une carpe ! »
Peu à peu Horyo arrive à hauteur d’Aphrodite et pose sa main sur la jambière des Poissons. Offusqué, Aphrodite lui assène un violent coup de pied : « Comment une telle laideur ose-t-elle me toucher et… »
Aphrodite est atterré.
Le pauvre Horyo ne se sent même pas uriner sur lui-même.
Le Suédois s’en irrite.
Pour punir le misérable, il lui fracasse le crâne en laissant tomber lourdement son pied droit. Un flot de sang vient éclabousser le nouveau jouet de Deathmask sans la perturber plus que cela.
Horyo décède sur le coup mais Aphrodite ne s’en préoccupe guère.
_ « Par Athéna ! Je me sens souillé, comme si cet homme avait entaché ma pureté, examine-t-il sa Cloth. »
Réalisant soudain la portée de ses paroles devant une jeune femme violée, Aphrodite part soudain d’un éclat de rire faussement dissimulé.
Sur ce, Deathmask jette sa proie dans le cachot, y renvoie le cadavre d’Horyo en le poussant du pied et entre à son tour.

A l’intérieur, de vieux ossements desséchés et des morts en putréfaction sont attachés aux murs par de lourdes chaînes.
Des rats rongent la chair des dépouilles tandis que des cafards et autres insectes semblent y avoir élu domicile.
En plus d’être très étroite, la pièce est très humide et il y fait froid.
_ « Cela n’a plus d’importance maintenant. Je ne sens plus rien, n’entends plus rien, songe la prêtresse. »
Aphrodite s’approche d’elle, à genoux, le visage penché en arrière, le teint livide et le regard perdu. Il lui recoiffe les cheveux pour y accrocher une rose.
_ « N’est-elle pas magnifique ainsi, demande-t-il à Deathmask ? Il ne manque plus qu’à lui trouver un nom. »
Croyant pouvoir trouver auprès du bel Aphrodite une once de bonté, la captive balbutie : « Je… Je m’appelle… »
Aphrodite pose alors sa main sur la bouche de l’innocente qui sent l’or froid lui clouer les lèvres.
_ « Non… Chut… Ne dis rien. Tu n’as pas le droit de parler tant qu’on ne t’en donne pas le droit… Lilith ! »
Dès cet instant, cette dernière en est persuadée, jamais elle ne sortira vivante de la maison de ces deux psychopathes.

_ « Lilith, retentit le nom dans l’esprit de Deathmask. »
L’annonce de ce nom le rend pensif au point qu’Aphrodite en perçoit le malaise.
_ « Ca ne te plait pas Deathmask ? Je trouve que cela va à merveille à notre chère amie. Lilith est le nom que porte la démone en chef des succubes dans la religion catholique. Elle vient la nuit avec ses compagnes pervertir les rêves des hommes… Oui, pervertir nos rêves, je suis convaincu que notre Lilith en est capable. Son corps doux et parfait m’appelle à assouvir mes envies les plus obscènes. »
Deathmask change totalement de mine en entendant cela.
_ « Quitte immédiatement cette maison Aphrodite ! 
_ Ne me dis pas que tu souhaites la garder pour toi seul, commence à faire courir sa langue Aphrodite dans le cou de Lilith ? Je n’ai jamais vu une fille aussi esthétiquement parfaite. Il est de mon devoir, à moi, Aphrodite Saint d’or des Poissons, de mêler mon corps divin au sien. »
Deathmask perd patience.
Le halot de lumière qui tournoie autour de son doigt vient soudain frapper la rose qu’Aphrodite avait placée dans les cheveux de Lilith.
Les pétales tombent délicatement sur le sol.
_ « Bien, bien ! Tu n’es pas dans ton assiette. Je te laisse avec « Lilith », se résout les Poissons. Prépare-la donc pour ma prochaine visite. »
 
Le Cancer attend que son complice s’éloigne, puis vient prendre le visage de Lilith entre ses mains : « Pff… Lilith ! Ca doit être le destin qui te remet sur mon chemin… »
Laissant planer le mystère, il revêt son armure puis quitte la geôle en refermant derrière lui la lourde muraille d’acier qui fait office de porte. La condamnant à l’angoissante obscurité…
 
 
La nuit tombe au Sanctuaire.
A Paesco, la bataille de boules de neige qui l’oppose aux enfants du village se solde par la victoire d’Apodis.
En rentrant chez lui, il trouve son petit garçon qui gazouille dans son berceau et se presse de le prendre à bras pour s’amuser à le faire rire.
Mujakis, la mère d’Apodis, a préparé le dîner pour son fils.
_ « J’ai besoin de prendre des forces pour ma garde de ce soir ! Un bon repas me fera le plus grand bien. »
 
Effectivement, la nuit est très fraîche. Les hommes réchauffent leurs doigts engourdis à la flamme de leurs torches.
Apodis a fait poster dix de ses hommes au niveau des remparts.
Lui patrouille accompagné de cinq autres dans les villages des environs, pour veiller à la tranquillité des villageois.
Si ce n’est le gel qui glace les lieux, cette veillée est semblable à toutes les autres.
En traversant son village, Apodis aperçoit Marin se tenant sur le pas de sa porte.
_ « Continuez votre route soldats. Je vous rattrape, ordonne le Grec à ses hommes. »
Les gardes s’exécutent pendant qu’Apodis avance jusqu’à la chaumière de Marin.
_ « Bonsoir Marin. Quelque chose t’importune-t-il ?
_ Rien ne m’alerte Apodis. Je ne trouve pas le sommeil voilà tout. »
Apodis peut sentir que la cosmo énergie de Marin est perturbée.
Il reprend après un bref silence.
_ « Tu sais, je pense souvent à elle.
_ Pardon ?
_ Netsuai, la mère de mon fils. Je pense souvent à Netsuai. Je l’aimais et je l’aime toujours malgré le fait qu’elle ne soit plus parmi nous. Aujourd’hui je le vis mieux. Je me suis fais une raison, tente-t-il de la réconforter en faisant allusion à la relation qu’elle entretient avec Aiolia.
_ Comment puis-je me faire une raison alors que l’homme que j’aime est toujours en vie lui ? Toi tu peux l’accepter parce que tu n’as pas d’autre choix. Celui que j’aime est proche de moi et le restera lui ! »
Le calme qui s’en suit fait rendre compte à Marin de la dureté de ses propos envers Apodis.
_ « Euh… Excuse-moi Apodis, je ne voulais pas…
_ Rassure-toi Marin. Après tout tu es ma supérieure. Mes propos étaient déplacés, fait mine d’accepter celui qui croyait être son ami. 
_ Non Apodis reviens, l’interpelle-t-elle tandis qu’il lui tourne le dos pour retrouver ses hommes… »
Après Aiolia, la Saint d’argent de l’Aigle sent un pincement au c½ur à l’idée de perdre un nouveau soutien.


La nuit a paru bien longue pour les gardiens.
La relève matinale leur semble bien méritée.
Ce sont Circinus Saint de bronze du Compas et ses hommes qui relèvent la garde d’Apodis. Circinus est un des chevaliers les plus vieux du Sanctuaire.
Très procédurier vis-à-vis des coutumes, il ne sort jamais sans sa Cloth.
Couleur étain, l’armure se compose de courtes jambières et de genouillères rondes. Une simple ceinture lui maintient la taille tandis que le torse et le dos sont entièrement protégés par une sorte de sphère marquée de dos comme de face des signes nord, sud, est et ouest. Chaque bras est couvert par un bouclier où les quatre points cardinaux sont également gravés. Les deux boucliers sont suffisamment larges pour couvrir les épaules du Saint, voilà pourquoi il ne porte pas d’épaulettes. Sa chevelure océan est couverte par un imposant heaume sur lequel est dessiné au niveau du crâne l’étoile exposant les points cardinaux.
_ « Il semblerait que je sois plus chanceux que toi, la neige a fini par cesser de tomber, tend sa main Circinus à Apodis.
_ Tu parles d’une chance ! Tu ne sais pas profiter des cadeaux des dieux lorsqu’ils se présentent à toi ! Cette neige, c’est Athéna qui nous l’a offerte pour purifier nos terres !
_ Braves paroles Apodis ! Au fait, le lieutenant Misty m’a chargé de te dire que ta garde serait tenue par mes hommes et moi-même durant la Journée Sainte. Le Grand Pope a demandé à ce que tu renforces la sécurité au centre du Sanctuaire durant le festival.
_ Nous ne sommes que trois Saints de bronze à tourner sur ce poste. J’imagine que Mensa Saint de bronze de la Table, et toi, Circinus Saint de bronze du Compas vous allez vous retrouver chamboulés. A votre âge ça risque d’être pénible de faire des heures supplémentaires, taquine Apodis son camarade.
_ Cesse de fanfaronner petit chanceux. Tu ne peux pas t’imaginer à quel point je suis déçu de ne pas pouvoir assister à ce festival. »
Apodis échange un sourire chaleureux avec son confrère avant de lui laisser la surveillance des remparts.

Plus loin, déjà, dans un champ de ruine l’entraînement matinal de Seiya est déjà bien entamé.
Marin est furieuse contre lui.
_ « Voici des années que tu t’entraînes et tu n’es toujours pas capable de tenir plus d’une minute face à moi. »
Seiya essuie le filet de sang qui sort de sa bouche et se relève péniblement.
Ses jambes tremblent, il retombe lourdement.
_ « Je te trouve très dure Marin ce matin !
_ Il est temps de passer à la vitesse supérieure Seiya. Tu as pris beaucoup de retard. Le Grand Pope a été averti que le nombre de prétendants à l’armure de Pégase était croissant depuis quelques années. Il ne tardera pas à élire le Saint qui sera digne de la porter. Je croyais que tu voulais à tout prix devenir chevalier ! »
En entendant ces mots, Seiya se ressaisit.
Il se lève d’un seul coup et adopte une pose de combat.
Marin se met en place elle aussi.
Au fond d’elle, elle s’en veut d’avoir été si dure envers Apodis. Elle vit mal sa rupture avec Aiolia, et Seiya et Apodis en font les frais.
Seiya a les yeux rivés sur les mouvements des mains de son mentor.
Sa tunique est marquée par plusieurs impacts de poings, semblables à des météores qui l’auraient transpercé de part en part.
_ « Ryu Sei Ken, se lance Marin ! »
Une série de météores s’abat alors sur lui.
Cette fois-ci il a compris. Tout en avançant, il évite chaque météore qui coïncide en réalité avec l’onde de choc produit par les coups de poings de son professeur.
Il arrive finalement à bonne distance d’elle qui vient de lancer le dernier météore. Il lui attrape le bras, dont la cosmo énergie s’est dissipée, et le passe par-dessus son épaule pour la projeter contre un rocher.
Ne lui laissant aucun répit Seiya court jusqu’au point d’impact.
Il fait bien puisque aussitôt remise, elle se jette le pied en avant pour frapper Seiya au visage. Celui-ci vacille, le maître est revenu en position de force.
Le voilà de nouveau contraint à parer les coups de poings de Marin jusqu’à ce qu’il en trouve la faille.
Il remarque que Marin reprend toujours sa garde par son flanc gauche, laissant la partie droite de son corps sans protection durant un laps de temps très court.
Seiya fléchit les genoux pour esquiver une gauche destinée à s’abattre sur lui et frappe immédiatement du tranchant de la main la hanche droite de Marin.
Elle recule en se pliant de douleur alors que Seiya reprend son souffle.
_ « Tu n’y es pas allée de main morte. Je suis exténué.
_ Je suis ravie que tu sois parvenu à déceler la faille que j’ai volontairement affichée. Tu as bien combattu pour aujourd’hui. Va donc chasser du gibier et profite de ta journée, je dois m’absenter. »
Sans donner plus d’explications, Marin disparaît.
_ « Chasser ! Pourquoi faire ? J’ai trouvé un meilleur moyen de me rassasier ! »
Tout en sautillant, Seiya prend alors la direction des villages du centre…
 

Justement, au centre est du Sanctuaire, Shaina quitte ses adversaires qu’elle a mis une fois encore en pièces.
En chemin, au camp d’entraînement des femmes chevaliers, elle reconnaît un lapin.
En la voyant l’animal se redresse sur ses pattes arrière et agite les oreilles. Shaina vérifie en tournant la tête que personne ne l’observe et se baisse pour prendre la bête dans les bras. Depuis le jour où Shaina l’a sauvé du sort que lui réservait Seiya, l’animal passe souvent réclamer les caresses de la jeune femme.
Shaina se remémore cet instant.

C’était il y a maintenant trois ans.
La chasse du lapin avait conduit un jeune Japonais jusqu’à ce centre, lieu interdit aux hommes. Même le Grand Pope ne peut y accéder.
Le Saint d’Ophiuchus malmenait quelques apprentis et les mettait rapidement hors combat. Souhaitant se rafraîchir dans l’eau du fleuve qui passe par le camp, elle tomba nez à nez avec l’animal en question, tétanisé par la froideur de son masque.
Ne dévoilant son c½ur qu’à ceux susceptibles de ne pas le rapporter, la jeune femme l’ôta alors et offrit au lapin un minois sublime et rassurant.
A l’affût, avait débarqué derrière elle le chasseur de trois ans son cadet. Aussitôt sur la défensive, Shaina s’était mise en garde.
N’ayant pas conscience de l’outrage qu’il commettait, l’enfant s’inquiéta d’une blessure au poignet de Shaina, séquelle d’un précédent combat.
Sans la dévisager, l’innocent garçon pansa alors sa blessure tandis que l’animal fuyait son agresseur.
A cet instant, le c½ur de la demoiselle s’était emballé. Il avait littéralement vrombit dans sa poitrine. Elle qui ne croyait pas en l’amour des hommes, les voyant comme des monstres incapables de tendresse à l’instar de ses frères d’armes qui lui avaient mené la vie dure avant qu’elle n’accède à son rang, elle fut prise d’un sentiment indescriptible qui la renversa.
Leur rencontre ne dura qu’une minute, pourtant elle se permit d’imaginer un avenir aux côtés du naïf garçon alors qu’il repartait déjà à la recherche d’un autre repas…
 
Elle ne l’a plus jamais revu depuis ce jour.
Elle a souhaité parcourir le Sanctuaire à sa recherche. Hélas les missions du Pope et l’entraînement du féroce Cassios la retiennent bloquée dans le centre du domaine sacré.
Elle y partage son temps entre les terres de son village et ce camp pour femmes où elle aimerait retrouver un jour son imprudent bienfaiteur. Si seulement elle connaissait son nom…
 _ « Je suis venue ici dans l’espoir de m’entraîner avec une vieille amie, je ne pensais pas la trouver aussi docile depuis notre dernière rencontre, la sort soudain de ses pensées une voix familière.
_ Marin, mon amie, reconnaît elle la Japonaise. Je ne m’attendais pas à ta visite, laisse-t-elle s’échapper l’animal. Voyons si tu as progressé, se met-elle en position ! »
Shaina déclenche alors les hostilités. Elle saute le pied en avant en direction de Marin qui esquive d’un pas sur le côté.
L’Aigle répond par un direct du droit mais Shaina s’accroupit pour éviter à son tour et colle un coup de poing en plein estomac à Marin.
Alors que celle-ci se tient le ventre de douleur, Shaina s’élève vers le ciel : « Thunder Claw ! »
De ses griffes, elle fait s’abattre la foudre en direction de son amie.
Lorsque Shaina inspecte le point d’impact, Marin n’est déjà plus là.
Elle lève alors les yeux au ciel et n’a pas le temps d’esquiver : « Ku Ken ! »
Marin rend coups pour coups à Shaina en lui collant un coup de pied dans l’abdomen.
Shaina tombe en arrière.
Marin s’approche doucement d’elle, se tenant l’épaule, griffée par la précédente attaque de l’Ophiuchus et lui tend la main.
Shaina acquiesce et se relève avec l’aide de sa camarade.
 
Une fois relevée mais encore endolories, elles s’avancent en se tenant par la main jusqu’à atteindre une source entourée d’une végétation luxuriante, bordée par un décor antique, datant de la création du Sanctuaire.
De petits temples aux colonnes doriques, agrémentés de statues de nymphes, offrent un cadre ayant su garder un certain charme à ces femmes qui ont fait don de leur féminité pour rentrer au sein de l’armée d’Athéna.
S’approchant du bord de l’eau, Marin défait ses bas et goutte l’agréable température de cette source pure.
_ « Allons, tu ne vas pas rester assise au bord de l’eau toute la journée. Viens donc te rafraîchir, l’interpelle l’Italienne déjà dans l’onde jusqu’à la taille ! »
Nue, elle a retiré son masque pour le déposer sur un rocher à côté du reste de ses vêtements. Marin observe son amie se prélasser sensuellement et se laisse finalement convaincre.
Elle retire son bustier, ses épaulettes et, enfin, ses légers vêtements pour rejoindre Shaina. Mais elle n’ose pas mouiller tout son corps dans ce bain froid qui la fait frémir.
Cela fait sourire Shaina.
Elle nage alors jusqu’à Marin qui se met sur la pointe des pieds pour éviter d’être éclaboussée. Arrivée à sa hauteur, Shaina, retire le masque de Marin : « Ici tu n’en as pas besoin. »
Marin rejoint alors la berge pour déposer son masque sur ses vêtements, à côté de ceux de Shaina.
La tentation étant trop forte pour l’Ophiuchus, elle finit par lancer quelques gouttes en direction de Marin.
Toutes deux s’amusent alors à s’inonder le visage en se rapprochant l’une de l’autre.
Face à face, Shaina immobilise Marin en la serrant contre elle : « Ca fait plaisir de te revoir Marin. »
Shaina comprend au regard complice de Marin que c’est réciproque et pose doucement ses lèvres contre les siennes.
Marin ferme les yeux et se laisse embrasser.
Elle trouve finalement ce qu’elle était venue chercher, un peu d’affection après cette rupture difficile avec Aiolia.


A  l’approche des marches des douze maisons, à Honkios, Seiya est noyé par la foule sur la place du marché.
Ville principale du domaine sacré, située au c½ur du Sanctuaire, Honkios est le centre des affaires du domaine sacré. Cette ville regroupe la majorité de la population. C’est également là que se déroulent les festivités du domaine, que se trouve le grand Colisée et le cimetière des Saints. 
Chaque jour les marchands entreposent sur la place les produits fraîchement débarqués du port.
Depuis quelques temps déjà, Seiya vient ici au lieu de chasser.
Il s’arrête devant un stand et cherche du coin de l’½il un visage familier.
Une enfant du même âge le reconnaît aussitôt et lui fait signe de la retrouver dans une petite rue parallèle.
Seiya se presse de l’y rejoindre et, en échange d’un baiser, récupère de la part de cette fille d’épicier, un sac de victuailles.
La demoiselle aux longs cheveux couleur prune coiffés en nattes est toute fière de montrer à ses amies l’apprenti chevalier qu’elle leur présente comme son petit ami.
Seiya, lui, n’a que faire de son attitude et une fois le simple baiser posé sur ses lèvres, il repart aussitôt avec son précieux butin.
 
Il se précipite à la sortie de la ville quand une ombre immense le stoppe net.
Levant les yeux vers le ciel, il reconnaît Cassios.
Le colosse s’empresse de lui subtiliser habilement son repas et le repousse d’un violent coup de pied.
_ « Ecarte toi microbe !
_ Voleur ! Rends-moi ça !
_ Ou sinon quoi ? La loi du Sanctuaire n’autorise pas que nous utilisions notre force, mais j’ai toutes les excuses du monde pour t’écraser puisque tu n’as rien à faire dans cette ville. Je n’aurai qu’à dire que tu es venu me provoquer ! »
Ce dernier lance alors sèchement un autre coup de pied à Seiya qui s’écrase contre de vieux tonneaux de bois.
Satisfait, et croyant en avoir terminé avec lui, Cassios commence à s’éloigner mais Seiya le retient : « Ne me tourne pas le dos espèce de brute ! »
Cassios n’en croit pas ses yeux. Seiya n’a pas une égratignure. Autrefois, il le laissait KO sans aucun mal.
_ « Je vois que tu t’es endurci. Cette fois-ci je ne retiendrai pas mes coups ! »
Seiya qui a conscience qu’il n’est plus le faible gamin qu’il était à son arrivée, se met en position. Comme lui a appris Marin, il concentre toute son énergie dans son poing et s’apprête à fracasser Cassios qui fonce déjà sur lui.
Quand tout à coup, un cratère se forme entre les deux opposants.
Surpris, ils cherchent le responsable.
_ « Ca suffit ! Je t’interdis de toucher à mon élève, scande Marin qui apparaît entre eux deux. »
Shaina qui accompagne Marin reconnaît immédiatement Seiya.
Elle retrouve enfin celui qu’elle cherchait tant.
Néanmoins, les mots que Marin vient de prononcer lui glacent le sang.
_ « Ton élève ? Tu veux dire que ce minus veut devenir Saint ?
_ En effet, je te présente Seiya, le futur Saint de Pégase ! »
En quelques secondes, la bonne humeur de Shaina s’évapore.
Elle n’en croit pas ses oreilles. Le seul homme auprès de qui elle ne s’est jamais sentie aussi bien est un concurrent direct de son disciple.
A l’instant même où elle apprend le nom de son prince charmant, son c½ur se fissure.
_ « Non seulement c’est un rival mais… Pire que ça ! Il ne semble même pas me reconnaître ! »
Son masque dissimule sa mine vexée et rageuse.
_ « Si tu tiens à la vie de ton disciple Marin, lance-t-elle prétentieusement, tu ferais mieux de l’encourager à devenir prêtre d’Athéna, car Cassios, mon élève, est né sous la constellation de Pégase, s’avance-t-elle jusqu’à lui en posant sa main sur les muscles qu’il se plaît tant à arborer. Et il est bien décidé à remporter l’armure.
_ Ce vermisseau espère gagner l’armure ! C’est une plaisanterie, rajoute Cassios ! On va régler ça immédiatement !
_ Ca suffit Cassios, arrête-t-elle son élève ! La mort de ce minable n’est pas nécessaire pour le moment. Je compte sur l’intelligence de Marin pour le retirer immédiatement de la course.
_ Ca commence à bien faire ! Vous allez voir, s’élance Seiya qui n’en peut plus d’être insulté de la sorte.
_ Si tu me connais si bien que ça Shaina, passe Marin devant lui pour lui barrer la route, tu dois te douter que jamais Seiya n’abandonnera. »
Marin connaît les intentions de Seiya. Devenir Saint pour retrouver sa s½ur. Cette cause est trop semblable à la sienne pour lui demander d’abandonner. De plus Seiya a travaillé très dur jusqu’ici et ses efforts commencent à payer. Si un combat devait avoir lieu aujourd’hui même contre Cassios, elle est convaincue du succès de Seiya. Shaina a beau être sa meilleure amie, la loi du Sanctuaire est sans équivoque.
Toujours cachée par son masque, Shaina est dépitée.
Elle est blessée dans son orgueil de savoir que Seiya ne la reconnaît pas, qu’il est un concurrent direct pour l’armure de bronze et qu’il s’accapare maintenant la cause de sa meilleure amie : « C’en est trop ! Je ne peux aimer cet homme qui a vu mon visage. Il doit donc mourir et quelle plus belle victoire que de voir Cassios être son bourreau, songe-t-elle. »
Shaina lui tourne alors le dos : « Ainsi, Marin tu as décidé de devenir ma rivale.
_ Si tu le prends ainsi alors oui ! Nous venons de mettre un terme à une belle amitié. »
Marin saisit alors Seiya par le col et le ramène avec elle au village de Paesco pendant que Shaina fustige Cassios du regard : « Repars t’entraîner immédiatement ! Je veux que tu l’humilies avant de lui donner la mort lors de votre prochaine rencontre ! »
Last Edit: 15 July 2020 à 17h03 by Kodeni

Author Topic: Chapitre 3  (Read 10271 times)

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Offline Kodeni

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NEWS

Cette version du troisième chapitre est une version rééditée de la publication originale du 19 avril 2010.
Bonne relecture aux lecteurs les plus fidèles, et bonne découverte pour les nouveaux.