C'était la semaine dernière: Kaori donne sa vision

 A paolo

Je suis stoïque devant cette page blanche, les yeux embués par mes larmes, les images se bousculent dans ma tête….que dire !!!

Ta perte se résume par une douleur,un mal être avec des flashes  de bonheur qui reviennent sans cesse.
Ma gorge est serrée et mes sanglots me secouent la poitrine.

Quelle vision d’horreur que j’ai eu de toi ce jeudi : de la mousse blanche sortant de ta bouche, du sang dans les naseaux, tes pupilles dilatées…bref, pas de temps à perdre pour vivre ces derniers instants avec toi.
J’ai couru pour chercher un thermomètre et une couverture :oui, tu étais bien en hypothermie !
Armée de mon stétho, ton rythme cardiaque était régulier.
Tu as beaucoup lutté pour nous attendre, je le sens.
Le véto t’as fait des injections pour rendre ta respiration plus facile, te calmer, te soulager.
Je t’ai demandé d’avancer, et pour me faire plaisir tu as avancé d’un pas désordonné.
Collée contre toi, je te sentais vaciller jusqu’à ce que tu te mettes à terre, couché en vache.
Tu as rassemblé toute l’énergie qui te restait pour te relever mais je t’ai demandé de te calmer et de rester à terre.
Je t’ai fait tes caresses préférées afin que tu te détendes.
Ton patron est parti et, dans cette intimité si lourde je t’ai demandé de rester avec moi.
Je t’ai parlé ……
Ton patron est revenu et nous t’avons veillé jusqu’au bout, te parlant, te remerciant d’avoir fait partie de notre vie.
Tu étais encore secoué par la douleur, tu « criais », tes yeux me cherchaient et ma main te caressait sans cesse.
Je sentais la vie s’échapper, aussi je t’ai demandé de partir…..
Puis, tout est allé très vite ; mais nous étions là, nos larmes coulaient sur toi et nous ne pouvions nous empêcher de te caresser dans le but de t’accompagner dans ce voyage ultime.

J’ai perdu plus qu’un animal, tu étais mon ami, mon confident.
Nous étions arrivés à une telle complicité que je n’avais pas besoin de parler pour me faire comprendre.
Lorsque j’avais des douleurs dans mon corps, tu prenais soin de les masser.
Lorsque tu me sentais triste, tu venais me réconforter, en te collant à moi et en me léchant.
Lorsque j’étais énervée, tu m’apaisais.
Bref, et tant d’autres choses que j'omets de dire et qui ne seront plus…
Tu as toujours été généreux avec moi, sans en attendre en retour.
Ce qui me fait dire que j’aurais préféré perdre un membre de ma famille plutôt que toi.

Lorsque je suis retournée dans le champ le matin de ta mort, j’ai pleuré et j’avais envie d’hurler.
J’ai été voir tes frères de pâture, je peux te dire qu’ils étaient tristes et qu’ils te veillaient.
D’ailleurs pendant ton départ, ils ne t’ont pas quitté des yeux, même le poulain.
Je ne pouvait m’empêcher de pleurer quand je les voyais et, ton pote de toujours est venu me voir, j’ai posé ma tête contre lui  et je l’ai vu pleurer…..
Depuis ton départ, il nous appelle dès qu’il nous voit, nous ne pouvons pas le manquer.
De nouveau, j’ai été pleurer avec lui et là, je me suis laissée porter par ses attentions, il m’a regardée intensément et est venu lécher les larmes qui roulaient sur ma joue. Ce qui a ajouté encore plus de peine mais qui m’a réconforté : il a raison ton frangin, il est là encore…
Aujourd’hui, huit jours après ton départ, je retourne dans le champ  pour câliner tes frangins mais je regarde au bout de la prairie dans l’espoir de te voir arriver, j’ai envie de t’appeler……

Je te promets de prendre soin de tes frères et de les protéger comme tu le faisais si fièrement alors maintenant va, allez va…..

Nb : ces quelques lignes ne sont que de brefs instants de notre couple cavalier-cheval, aussi, je vous laisse imaginer l’intensité qui nous reliaient.
Pour ceux qui se moqueraient ou qui ne comprendraient pas ces mots, je les invite à se découvrir à travers les animaux.
Pour les rebelles : j’emmerde la nature humaine !


Posted on 2 October 2009 à 14h35

Ca fait une semaine, et j'avais promis à Kaori que si elle souhaitait rédiger quelque chose, je le publierais.

Le texte que j'ai écrit ne pouvait représenter que ma vision. Et nous sommes deux à avoir perdu quelqu'un. La douleur est personnelle, même dans un couple. On ne peut rien faire pour l'autre.

Ainsi, je vous laisse juge. Il me semble normal que ma moitié ait le droit, tout comme moi, de dire sa souffrance. Ne serait-ce que pour rendre à Paolo, une dernière fois, hommage.
Last Edit: à 20h09 by Ryō

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Encore un très beau texte et bel hommage à Paolo.

Courage les amis ;)